Prévention spécialisée et libre adhésion : la parole des personnes concernées à l'origine de l'intervention
Année : 2022
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
DEPAUX-VILLOTA Damien (France) – damiendepaux@gmail.com
Résumé :
Le travail social n’a cessé d’évoluer au fil des transformations opérées dans les populations et n’a pas fini de se réinventer face aux phénomènes sociaux émergents. Des problématiques nouvelles apparaissent, rencontrées en premier lieu par les publics, auxquelles les travailleurs sociaux sont confrontés et sur lesquelles les chercheurs se penchent afin d’en théoriser mécaniques et rouages. Le recueil et le croisement des données concernant ces évolutions permettent de légiférer de nouveaux cadres réglementaires et/ou d’en modifier certains, déjà existants, mais estimés en voie d’obsolescence, avec pour volonté d’apporter une réponse aux inadaptations.
Plusieurs lois sont apparues successivement, venant règlementer l’intervention sociale avec pour ambition de renforcer ce pouvoir d’agir, loi du 2 Janvier 2002 dite « Loi cadre » en tête. Ces cadres juridico-légaux et leurs outils, censés apporter une amplitude dans les décisions à prendre, offrir à la personne accompagnée davantage d’emprise sur son sort, donnent parfois l’impression de s’enfermer dans un processus restreint et contraint.
Le temps institutionnel n’est pas toujours le même que le temps de la personne, l’un visant à produire du résultat, l’autre recherchant efficacité et adaptation. Le délai peut amener à créer de l’urgence lorsque ces deux durées viennent se heurter, télescopant les envies et les besoins, lissant les aspirations, pour une finalité partiellement satisfaisante pour la personne accompagnée comme pour le professionnel ou l’institution.
La Prévention Spécialisée, semble échapper un peu plus que d’autres à ce « carcan » juridico-administratif et semble plus propice à placer la personne concernée en situation de s’impliquer dans la transformation sociale, de lui donner du sens et d’en être un acteur. Une des forces de ce champ d’intervention réside dans le principe de libre adhésion, permettant de respecter le rythme des personnes, de travailler sur le long terme, favorisant le sentiment de prise en compte et de considération inconditionnelle. Nous nous trouvons dans un cas où non seulement le recueil de la parole, mais également l’analyse de l’identité d’un public sont des composantes fondamentales de la phase d’élaboration des formes d’intervention.
L’action d’un travailleur social en prévention spécialisée s’articule principalement autour de trois axes : le travail de rue, les projets collectifs et l’accompagnement personnalisé. A différents niveaux, dans chacun de ces trois axes, la personne concernée est au centre de l’action. Nous allons maintenant voir, en détaillant ces trois composantes, à quel point le jeune accompagné est le principal acteur, en quelle mesure la place du public est essentielle : en prévention spécialisée, si la personne n’est pas l’élément moteur, il n’y pas d’intervention sociale.
Selon la nature de la demande, l’éducateur de rue pourra inviter les personnes à remonter d’elles-mêmes l’expression de leurs envies ou besoins par une aide à l’identification des partenaires associatifs et institutionnels compétents et par une orientation vers l’interlocuteur concerné. S’il est question de revendications par exemple, il peut en rediriger les porteurs vers les conseils citoyens. Il peut aussi se faire lui-même messager auprès de la municipalité en relayant une proposition d’activité aux services Jeunesse ou Culture, fort de sa bonne connaissance et de son étroite collaboration avec certains pôles de la Ville. Dans d’autres situations, il peut soutenir un groupe de personnes, servir d’étai à leur projet, sans jamais le porter à part entière ou de manière définitive. C’est ainsi que les professionnels de exerçant en présence sociale peuvent encourager la création d’associations de quartier, par exemple.
Parfois, des initiatives peuvent naître de besoins repérés par les professionnels de l’intervention sociale et des projets sont alors élaborés avec pour ambition que la population s’en empare. C’est le cas par exemple de « La Maison D’La Bécane » à Hérouville Saint-Clair, tiers-lieu créé à la base suite à un grand nombre d’infractions constaté concernant les deux-roues motorisés : véhicules non-homologués, défaut d’assurance, non-respect du code de la route. De la philosophie non-répressive de la prévention spécialisée et de l’approche humaniste, sociologique et analytique qui la caractérise est venue cette idée d’ouvrir un lieu ressource contribuant à réduire la problématique observée. Ainsi naquit ce tiers-lieu dédié à l’aide à la réparation, à l’information autour des démarches administratives, basé sur des principes d’entraide, d’échange de savoirs, de mise en commun de compétences.
Mots clés :
Action collective, Quartier, Consultation et concertation
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