Le travail social de rue entre maraude et aller vers : réflexions sur la libre adhésion et zones d’ombre partagées

Année : 2022

Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...

Auteur(s) :

PICHERY coraline (France) – coraline.pichery@gmail.com

Résumé :

Coraline Pichery Congrès AIFRIS
Présentation biographique : Coraline Pichery, éducatrice spécialisée en accompagnement pyscho-éducatif, Sauvegarde du Nord, Pro’pause, Lille, France.
Titre : Le travail social de rue entre maraude et aller vers : réflexions sur la libre adhésion et zones d’ombre partagées
Cette contribution vise à rendre compte d’une expérience d’accompagnement auprès de personnes à la rue et d’en dégager les réflexions qui font écho aux formes d’invisibilité. Elles concernent les pratiques d’accompagnement fondées sur le principe de libre adhésion, les représentations des personnes à la rue ainsi que les zones d’ombre du contexte de travail des éducateurs.
Mon travail s’inscrit dans un dispositif issu d’un Appel à Manifestation d’Intérêt, dans le but d’aider les personnes qualifiées de « grands marginaux ».
Dans le travail social, « l’aller-vers » (Bouchereau, 2017 ; Adloff, 2018) est un principe essentiel à la création d’une relation, permettant de poser les fondations sur lesquelles l’accompagnement se construit. L’aller-vers permet de mettre en lumière des personnes demandeuses d’aide, ou qui ne formulent aucune demande pour différentes raisons. Le principe de libre adhésion (C. Adloff, 2018) implique une avancée au rythme de la personne, en fonction de ses demandes, on ne va en aucun cas la pousser et si on doit attendre on attend. Le travail débute quand la personne a un déclic et formule une demande.
Notre travail commence par des maraudes, nous allons vers les personnes et par le dialogue, elles éclairent des pans de leur vécu. C’est à partir de ces histoires de vie que nous travaillons. Si la personne est à la rue, nous lui proposons de nous rencontrer à notre bureau mobile, un petit camion. Cette permanence permet de proposer une aide administrative et de créer du lien social. Nous proposons également notre lieu de répit qui permet d’accueillir dix personnes pour une durée maximum de 15 jours. Ensuite, une « carence » s’applique, identique à la durée du séjour. Si le séjour se passe bien, la personne peut refaire un séjour après la carence. Cet aller-retour hébergement - rue, est pensé à la fois pour engendrer un déclic chez les personnes et pour permettre à un maximum de sans-abri de bénéficier de l’hébergement. Cet aller-retour « ombre-lumière », peut être problématique du fait de la variabilité des modalités d’accompagnement, même si nous restons vigilants à rester disponibles pour les personnes. Vivre et travailler au sein du « lieu de répit » bouleverse les repères : beaucoup d’usagers ont côtoyé des institutions avec des codes établis, et arriver dans un lieu où les seules règles concernent le respect des autres, et du lieu, peut être déstabilisant. Il faut trouver l’équilibre entre la limite du cadre institutionnel et le « chez soi » temporaire, qui est le cœur de notre dispositif.
Que faut-il entendre par « grand marginal » ? Professionnels, personnes concernées : chacun en a une représentation différente. Ceci pose la question de la catégorisation et de la désignation des usagers. Qu’en pensent les professionnels ? Qu’en pensent les usagers ? Comment se définissent-ils, se désignent-ils, eux-mêmes ? Cette question est importante, car c’est l’identification du « grand marginal » qui initie notre travail. Nous réfléchissons en équipe : quelles personnes accompagner, sans pour autant s’arrêter sur cette catégorisation.
En ce qui concerne les zones d’ombres du contexte de travail, certains contrats de travail proposés sont très précaires (CDD de 3 mois, contrats de renforts d’urgence, etc.). S’y ajoute un sentiment d’impuissance, l’impression de ne pas faire assez du fait du nombre limité de places d’hébergement, de la spécificité des problématiques rencontrées ou du manque de moyens. Un nombre insuffisant de places d’hébergement engendre une relégation dans l’ombre des personnes sans-abri. Il existe pourtant une diversité intéressante de dispositifs conçus pour essayer de répondre aux différents profils des personnes, mais il n’est pas facile de s’y repérer et les collaborations sont à renforcer pour contribuer ensemble à l’amélioration de l’accompagnement des personnes de la rue(A.Fontaine ; Bouchereau).

Bibliographie
-Document cadre dispositif expérimental (appel à manifestation d’intérêt) : financé par l’Etat, Appel à manifestation d'intérêt : « accompagnement de personnes en situation de grande marginalité dans le cadre dans un lieu de vie innovant à dimension collective » novembre 2020
-Adloff, C. (2018). « Aller vers » pour lier avec les personnes à la marge. VST - Vie sociale et traitements, 139, 5-12. https://doi.org/10.3917/vst.139.0005
-Annie Fontaine, Bouchereau, Traces de rue (collectif travailleurs de rue international comme Dynamo)

Mots clés :


← Retour à la liste des articles