BERNIS claire (Belgique) – clairebernis@hotmail.com

Par quoi les frontières d’une institution sont-elles définies ? Par ses murs ? Par ses publics ? Par d’autres lignes moins tangibles ? Comment définir le dedans et le dehors lorsque les repères physiques s’estompent, lorsque la prise en charge des usager·ère·s passe de l’hébergement à l’accompagnement ?
L’équipe des professionnel·le·s du Service de logements Supervisés « Mon projet » (SLS), qui fait partie de l’Institut de Schaltin, est confrontée à une double évolution : évolution de la nature de ses activités, évolution de ses publics.
Les pratiques des professionnel·le·s sont impactées par cette double évolution et l’équipe a entamé un travail de réflexion autour de ce qu’iels appellent leur « pédagogie du risque » : partant du constat posé par Donzelot (1994) que « Tout individu est pris en compte dans une institution qui le domine par ses buts : décisions qui iront dans le sens de l’institution donc à l’encontre de la souveraineté individuelle », l’équipe du SLS souhaite redonner à ses usager·ère·s leur part de souveraineté dans la prise en charge, en réinventant les frontières de l’institution.
Cependant, bien que cette « pédagogie du risque » soit claire pour les travailleur·euse·s du SLS, celleux-ci rencontrent des difficultés à la faire comprendre, à se faire comprendre de leurs collègues des autres services.

La recherche collaborative en cours a donc pour objet de précisément décrire et faire comprendre cette évolution des pratiques. L’équipe et la chercheuse se sont penchées sur l’histoire du service, ses évolutions, sa philosophie au cours des ans, afin de dégager les lignes de force de cette « pédagogie du risque » élaborée par les travailleur·euse·s.
En tentant de répondre à la question « d’où venons-nous », il s’agit de mieux comprendre « où nous sommes » et ainsi mieux définir « où nous allons ». Il s’agit également de saisir les contraintes mais aussi les opportunités que rencontrent les éducateur·rice·s dans leur pratique quotidienne de ce risque ; de se mettre d’accord sur les fondamentaux du service, afin de comprendre comment ces fondamentaux peuvent « survivre » aux contraintes : qu’est-ce qu’il en coûte aux travailleur·euse·s
d’affirmer ces fondamentaux ? Qu’est-ce que ça leur apporte ? Quelle est la place des usager·ère·s dans cette réflexion ?

Il s’agit, enfin, de sortir de la « résistance » (se vivre comme « à part » de l’institution) pour ouvrir de nouvelles perspectives de collaboration : Que veut-on absolument que les « autres » (l’institution, les collègues, les services avec lesquels nous collaborons) sachent de nous ? Comment pouvons-nous nous faire mieux comprendre de ces « autres » afin de mieux travailler avec eux ?
Ce processus, mené par un groupe pluriel de volontaires parmi le personnel du SLS, avec l’appui de la chercheuse, permet de mettre en lumière les différents points de vue et conceptions du travail. En s’appuyant sur les compétences et expériences de chacun·e, nous cherchons, non pas le consensus mais la diversité : prendre en compte la position, les logiques, les spécificités, les enjeux de chacun·e. La mettre en débat pour non seulement comprendre les conceptions et pratiques mais aussi les faire bouger.

Cette communication interrogera également la place particulière de la chercheuse dans ce processus collaboratif, à la lisière entre recherche, supervision, accompagnement. Comment garantir la rigueur attendue de tout processus de recherche ? Comment garantir la prise de distance nécessaire à cette rigueur, lorsque le processus s’ancre dans la durée, lorsque la chercheuse apprend à connaître l’équipe et ses travailleurs, lorsque la thématique de la recherche entre en résonnance avec sa propre pratique de terrain ?

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