LENOIR Annick (Canada) – Annick.Lenoir@USherbrooke.ca – Chercheur

Actuellement, il existe un mouvement social demandant d’accepter la coexistence de principes, valeurs, balises différentes (reconnaissance de la spécificité de groupes minoritaires ou marginalisés), mais qui souhaite un vivre ensemble s’appuyant sur des normes, règles et principes partagés. Cette revendication fait écho à l’émergence de sociétés plus soucieuses du respect des droits individuels. Les principes Équité, Diversité, Inclusion [EDI] et ses ressources normatives qui tentent de baliser ce vivre ensemble, visent à guider ce mouvement dans le meilleur intérêt de la société (CRSNG, 2022; Eaton, 2022). Les transformations à l’œuvre appellent fortement les interventions psychosociales à effectuer une mise à jour, mais celles-ci cherchent aussi à maintenir leur mission universaliste pour une société plus juste. Toutefois, les principes EDI et leurs ressources normatives, s’ils insistent sur la présence de biais influençant les actions, peuvent aussi rendre invisibles les milieux, les cultures, les situations singulières pas toujours colorés par des dimensions souvent marginalisées (le genre, la religion, l’origine, etc.) qui teignent pourtant les valeurs devant être considérées pour étayer la dimension éthique des comportements; ce qui, peut mettre à mal le projet universaliste du vivre ensemble. Or, en s’appuyant sur diverses ressources normatives pour réaliser son travail, le travail social est pourtant traversé depuis longtemps par des enjeux éthiques concernant sa pratique (OTSTCFQ, 2022).). Il se trouve néanmoins régulièrement confronté à des morales qui ne priorisent pas de la même manière les valeurs tenues pour universelles (Aiguier et Loute, 2016; Massé, 2016). De plus, les changements des cadres de pratique, théorique et méthodologique dans le domaine de la santé et du service social ont un important effet sur les dimensions interactives et relationnelles parce que cela implique d’intégrer des logiques, des mandats, des cadres de références divers quant à ce qui apparaît comme étant approprié, efficient, pertinent, rentable, équitable, etc. selon les divers partenariats, parfois imposés (Grenier et Chénard, 2013). Les TS sont ainsi amenés à gérer des logiques paradoxales ou qui, une fois superposées, les enferment dans des dilemmes difficilement solubles (Ibid.). Outre ces difficultés, il appert que les TS peuvent avoir intégré, dans le cadre de leur formation ou dans la pratique, des logiques normatives stigmatisant des populations déjà discriminées, pour ne rien dire de la variabilité de ces normes et celle de la priorisation des valeurs qui peuvent aussi être oblitérée (Massé, 2016). Cette communication a donc pour objet de présenter quelques enjeux éthiques en travail social au Québec, qui découlent à la fois de la collaboration interprofessionnelle et des principes EDI. Nos propos seront étayés par des exemples concrets extraits d’entretiens réalisés auprès de cadre/gestionnaires, formateurs et intervenant.es psychosociales. Nous mettrons aussi en avant quelques stratégies qui se déploient sur le terrain pour atteindre cette nouvelle mission complexe, soit celle de reconnaître la diversité tout en œuvrant selon une perspective universaliste.

Vivre ensemble, Secteur social, Analyse de discours, EDI