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Le positionnement des professionnel·le·s de l’insertion vis-à-vis du numérique dans un contexte de crise socio-sanitaire : proposition d’une typologie

Année : 2023

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

JACOT cédric (SUISSE) – cedric.jacot@hefr.ch – Chercheur
DIF-PRADALIER maël (SUISSE) – mael.difpradalier@gmail.com
JAMMET Thomas (SUISSE) – thomas.jammet@hefr.ch

Résumé :

La transition numérique et la dématérialisation des démarches administratives, en cours depuis une vingtaine d’années, a été accélérée par la crise socio-sanitaire liée à la COVID-19. Cette place croissante du numérique, observable dans les différents domaines d’activité du travail social, l’est notamment dans celui de l’insertion socio-professionnelle : outre l’utilisation généralisée de logiciels administratifs de suivi des bénéficiaires, de nombreuses démarches pour accéder à des prestations ou des droits se réalisent en ligne, y compris en substitution aux procédures « papier » ou physiques. Cette évolution soulève de nombreux enjeux, tant pour les professionnel·le·s que pour les bénéficiaires, qui se voient imposer une « obligation de maîtrise » des dispositifs numériques (Mazet, 2017, p. 45), s’ajoutant à une obligation d’équipement. Malgré l’actualité de la thématique et l’importance des problématiques en jeu, rares sont les études empiriques consacrées à ce sujet, particulièrement en Suisse. Notre recherche exploratoire vise à combler ces lacunes en matière de compréhension des effets du numérique dans le domaine de l’insertion socio-professionnelle. En s’appuyant sur une méthodologie mixte, combinant un questionnaire en ligne adressé à tou·te·s les professionnel·le·s de l’insertion en Suisse au début de l’année 2022 (514 questionnaires intégralement complétés), et deux entretiens collectifs (focus groups) avec des professionnel·le·s de « 1ère ligne » (en contact direct et régulier avec les bénéficiaires) et des cadres (quel que soit leur niveau hiérarchique), notre enquête a permis de recueillir des informations sur différents aspects de la numérisation.
Notre proposition s’inscrit dans les axes 4 et 2, en traitant notamment des représentations et pratiques émergentes liées au numérique et des tensions qu’elles génèrent, pour les professionnel·le·s, entre morale et éthique (Ricoeur, 1999). Pour éclairer ces enjeux, nous présentons dans un premier temps une typologie qui articule, pour les deux catégories de professionnel·le·s susmentionnées, représentations du numérique, motivations à travailler dans le domaine de l’insertion et conceptions de ce dernier. Cette typologie, élaborée de façon empirique à partir d’une analyse en clusters effectuée sur plusieurs échelles synthétiques, se distingue des typologies existantes par la mise en relation de la thématique du numérique avec celles de la sociologie des professions. Elle se distingue donc à la fois des typologies du rapport au numérique des professionnel·le·s de l’accompagnement – notamment celle de Molina et Sorin (2019) – par la prise en compte de la motivation professionnelle et des représentations du travail dans leur articulation avec le numérique, et des typologies classiques des professionnel·le·s du travail social – notamment celles de Bertaux & Hirlet (2009) et de Gaspar (2012) – par la prise en compte du numérique. Notre typologie a enfin pu être affinée suite aux remarques des professionnel·le·s de l’insertion lors des deux focus groups.
Sur la base de cette typologie, nous proposons dans un second temps une cartographie et une lecture des pratiques émergentes de médiation numérique. En effet, de plus en plus de professionnel·le·s de l’insertion sont amenés à offrir une forme de soutien numérique aux bénéficiaires, dans un cadre professionnel et selon un ensemble de règles et de normes encore peu définis. L’absence de reconnaissance institutionnelle de ces pratiques peut générer une tension entre éthique et morale chez ces professionnel·le·s, entre « ce qui est estimé bon » pour les bénéficiaires et « ce qui s’impose comme obligatoire » (Svandra, 2016, p. 21) en matière de règles à suivre au sein de son organisation. Nos analyses cherchent notamment à déterminer dans quelle mesure et selon quelle intensité les différents types de travailleurs et travailleuses sociales définis par notre typologie sont concernés par cette problématique.

Mots clés :

Éthique et déontologie, Insertion, Numérique, Typologie

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