REGNIER CLAIRE (France) – claire.regnier@irts-fc.fr – Chercheur

Aujourd’hui, la référence au développement social apparaît comme un enjeu central dans la restructuration et la reconfiguration de notre modèle de solidarité. Elle s’incarne comme une « nouvelle réponse publique » (Dagbert, 2015).
Pour autant, le développement social n’est pas une ambition nouvelle (Avenel, 2017) mais l’héritage des différents mouvements de développement (développement local, développement territorial, développement social local…). Il aspire à redonner au travail social son rôle de prévention et de transformation sociale (dans une logique ascendante). Stratégiquement, faire entrer le travail social dans une démarche de développement social, c’est faire pleinement reconnaître les effets de son action sur les territoires.
Mais la nature des problématiques sociales implique une redéfinition de la « question sociale » à l’aune de ce qu’on peut appeler « la vulnérabilité territoriale ». Nous soutenons ici, que les situations sociales de grande fragilité et de vulnérabilité des personnes et des groupes sont renforcées par les caractéristiques des territoires. Il s’agit de reconsidérer la vulnérabilité territoriale, en considérant ce qu’elle implique comme fragilisation supplémentaire des situations sociales, et par rétroaction comme fragilisation des mêmes territoires conduisant à des mécanismes vicieux. Ainsi, la nouvelle formulation de la question sociale suppose, à l’intersection de ces fragilités, de (re)penser le territoire en travail social.
Le territoire doit être repensé voire constitué, non plus comme un simple réceptacle des multiples actions quotidiennes des uns et des autres, mais comme un ensemble organisé résultant à la fois des actions de ceux qui aménagent et gèrent mais également des actions de ceux qui utilisent ses ressources (Moine & Sorita, 2015). Loin de se présenter comme un décor dans lequel ont lieu les actions, le territoire doit en effet être assimilé à un système complexe (Moine, 2006). En effet, repenser l’inclusion dans les territoires implique de les appréhender de manière multidimensionnelle, comme réalité déterminée par les actions autant que comme réalité déterminante pour elles. La compréhension du territoire par les acteurs doit se fonder sur des clés de lecture communes garantissant l’adéquation des actions à la réalité sociale telle qu’elle est donnée mais aussi telle qu’elle est modifiée par eux.
Au niveau des professionnels et de la structure, la prise en compte du territoire doit permettre aux équipes d’enrichir leurs analyses et de renouveler leurs modalités d’intervention avec l’appui de nouvelles méthodes et pratiques, de décloisonner les services d'intervention et de co-construire des parcours avec les acteurs pour une meilleure cohérence de la prise en charge des situations complexes. Au niveau du secteur, il s’agit de faire évoluer les réponses ancrées sur les territoires pour contribuer à leur décloisonnement. L’objectif est ainsi de redonner de l’expertise spatiale aux travailleurs sociaux et d’ancrer l’approche territoriale dans les pratiques. Il s’agit de s’appuyer sur le territoire, pour développer la participation des personnes et la coopération institutionnelle afin de co-produire un diagnostic négocié et des réponses globales ajustées.
Il s’agit ainsi d’appréhender le territoire dans sa singularité et dans sa globalité, afin d’agir à la fois sur l’environnement des individus et sur l’individu avec son environnement. En effet, n’agir que sur l’individu, loin de lui permettre de s’ajuster au système de rétroactions formant le territoire, risquerait de l’enfermer dans ses problématiques individuelles.
Cette communication permettra de montrer en quoi le travail social peut apporter une contribution décisive à cette dynamique et devenir « fer de lance » (Avenel, 2017) du développement social.

Développement local, Développement social, territoire, vulnérabilité territoriale