La présence à distance
Année : 2023
Thème : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Type : Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...
Auteur(s) :
GREBERT Jacqueline (France) – j.grebert@imf.asso.fr – Enseignant ou formateur
Résumé :
Une crise impacte les formations en travail social, elles sont devenues multimodales en accéléré, entrainant des inquiétudes sur les formations réalisées à distance.
La formation à distance en France existe depuis 1939, l’évolution de la technologie numérique, l’a transformée en profondeur, avec une amélioration de la qualité d’image et de son. Depuis 1990, dans l’enseignement supérieur les expériences se multiplient avec de nombreux programmes européens. Les cours réalisés à distance ont été massivement développés pendant la pandémie et ils persistent aujourd’hui. Le distanciel, « dérange, exacerbe, bouleverse », selon Geneviève Jacquinot-Delaunay (2010). Les formateurs et les étudiants, ont souvent des réactions négatives sur cette expérience. Les apprenants occupent une place différente, plus auteurs qu'acteurs de leurs parcours. Ils sont confrontés à un problème d’acculturation et de gestion des freins aux changements. J'entends souvent dans le cadre de mes fonctions de coordinatrice de formation : « les cours à distance sont moins bien que le face à face ».
Dans le cadre d’un mémoire de master 2, pendant trois ans, j’ai interrogé des étudiants en formation Assistant de Service Social sur leur vécu des cours à distance. Les retours se cristallisaient autour du sentiment de manque de présence. Les différents acteurs opposent la présence physique et à la distance géographique.
Il y a souvent une dichotomie concernant les cours en distanciel : l’humain, d’un côté et la machine de l’autre. Néanmoins selon Choplin (2009), le média a des « propriétés sémio cognitives propres qui ont un impact en tant que système de représentations sur les processus d’apprentissages ». Il y a ici, quelque chose à explorer sur « l'enjambement » (Latour), qui évoque des changements de « modes opératoires », entre le présentiel et le distanciel. Il apparait une présence idéale et une distance connotée négativement dans les représentations communes.
J-L Weissberg (2000) précise « entre la présence en face à face et l’absence, se construisent…des graduations … qui incitent à repenser nos conceptions héritées, relatives au partage du commun de l’ici et maintenant ». Les notions n'apparaissent pas de façon opposée mais plutôt imbriquées l’une à l’autre avec différents niveaux.
Il semble donc nécessaire de s’approprier les différentes présences identifiées qui ont toutes pour objectifs d’initier un « sentiment de présence » central en formation à distance selon G Jacquinot, afin « d’apprivoiser » cette distance lorsque les cours ne sont pas réalisés en face à face.
D.Paquelin (2011) précise : « la présence dans la distance apparaît de plus en plus comme l’une des composantes de l'efficience des dispositifs ». Obtenir un sentiment de présence par l’ensemble des acteurs est souligné comme un axe majeur de la réussite des cours en distanciel Mais « L’apprentissage ne peut se réaliser sans lien social » (Piaget et Vygotski). Tout l’enjeu est donc de restituer de la présence, pour permettre des liens sociaux à distance.
Dans le cadre de la formation, se déroulent des interactions entre les apprenants, les formateurs et entre pairs. Elles vont aider à la création d’un « lien de participation organique » (Paugam 2022). Ce lien se tisse entre les acteurs et les apprenants qui vont pouvoir « compter sur » les formateurs et leurs collègues. Mais aussi « compter pour être un membre actif et reconnu de cette communauté d’apprentissage » (Jacob et Rivens Mompean 2020). Effectivement si l’apprenant est en distanciel, sans interaction, il ne peut construire ces liens, ni compter pour ou sur quiconque. La mise en place de différents niveaux de présence semble pouvoir, au moins partiellement, combler ce manque.
En conclusion, la maitrise des outils numériques est un prérequis indispensable pour les formateurs, mais cela doit être complété par des connaissances afin de pouvoir recréer de la présence à distance, pour rendre cette pratique efficiente.
Mots clés :
Formation à distance, Lien social, Compétence, Présence
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