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BERTRAND-DESCHENES antoine (Canada) – antoine.bertrand-deschenes@umontreal.ca – Etudiant

L’intervention par les pairs, soit ceux qui utilisent leur expérience passée ou présente d’utilisation de drogues pour informer leur pratique, est de plus en plus développée au sein d’organismes communautaires québécois dans le contexte de la crise des surdoses de drogues (MSSS, 2022). Il leur est officiellement reconnu un rôle de premier plan dans la réponse aux défis majeurs et complexes liés aux surdoses, de par leur expérience personnelle et leur proximité à leurs pairs (Faulkner-Gurstein, 2017; MSSS, 2022). Ils occupent plusieurs rôles comme formateurs à l’administration de la naloxone (antidote aux surdoses d’opioïdes), intervenants dans les sites d’injections et de consommations supervisés et participants dans le développement de programmes et politiques (Parent et Bertrand-Deschênes, 2023; Ti et al., 2012). Malgré les bienfaits de l’intervention pour les pairs eux-mêmes tel l’accès à des identités et des rôles sociaux gratifiants, ils rencontrent plusieurs défis tant sur le plan psychosocial que par la précarité de leurs conditions de vie (Wagner et al., 2014; Mamdani et al., 2021; Kolla et Strike, 2019). Ceux-ci luttent malgré tout au quotidien pour atténuer les impacts des inégalités et de l’exclusion sociale, pour le maintien d’un filet social et pour favoriser la résilience des personnes utilisatrices de drogues.

Utilisant une approche qualitative interprétative, ce projet de recherche doctoral entend mettre en lumière les rôles complexes pratiqués par les pairs dans le cadre d’une crise sans précédent des surdoses (ASPC, 2022). Recourant aux théories de la reconnaissance développées principalement par Axel Honneth (2008) et Judith Butler (2016), les objectifs sont 1) d’analyser les rôles exercés par les pairs dans le contexte des surdoses et 2) comprendre les processus qui fragilisent les pairs ou qui favorisent leur résilience à travers leurs rôles. Des périodes d'observation dans des groupes communautaires, des entretiens individuels avec des intervenants pairs (n=15) et des groupes de discussion focalisés (n=3) seront réalisés. Une analyse thématique du matériel sera effectuée afin de répondre aux objectifs de la recherche.

Si l’intervention par les pairs est considérée comme une pratique prometteuse dans plusieurs champs (Ti et al., 2012), cette recherche entend démontrer sa centralité dans le développement de pratiques émergentes pour faire face à la crise des surdoses. Malgré les bienfaits reconnus de cette pratique pour prévenir les surdoses et les décès, nous entrevoyons que la reconnaissance de celle-ci, notamment institutionnelle, ne rend pas suffisamment justice aux pairs dus à des normes qui invisibilisent plusieurs dimensions de leur expérience. Nous pensons que cela contribue à la précarisation de leur situation en rendant inintelligibles les liens existants entre leur rôle de pair et les défis qu’ils rencontrent comme l’instabilité résidentielle, la pauvreté, les multiples deuils vécus dus aux surdoses, etc. Toutefois, leurs forces, pouvoirs d’agir, ainsi que leurs vulnérabilités et leurs résistances déployées au quotidien contestent justement ces normes et pointent les défis et les paradoxes vécus.

En concordance avec l’Axe 1, « Les pratiques émergentes en contexte de crise : les processus à l’œuvre et ses acteurs ? », nous illustrerons comment les intervenants pairs contribuent aux pratiques émergentes dans le contexte de la crise des surdoses. Leurs actions et leurs rôles s’effectuent toutefois sur fond de tensions paradoxales, entre un besoin de soutiens institutionnels et parallèlement un besoin d’affranchissement des normes excluantes sur lesquelles peut reposer la reconnaissance institutionnelle elle-même.

Crise des surdoses,intervention par les pairs, pratiques émergentes