Le travail social robotisé et automatisé, une crise annoncée ?
Année : 2023
Thème : Forum, GT, Carrefour
Type : Forum, GT, Carrefour
Auteur(s) :
DECAMP andré (FRANCE) – andre.decamp@umontreal.ca – Etudiant
Résumé :
Ces trente dernières années, la numérisation des activités n’a cessé de croître, si bien que, selon des auteurs.trices, nous entrons dans une gouvernementalité numérique . Après la pandémie de COVID-19, nous avons fait face à une autre organisation des activités via une augmentation inouïe de leur numérisation. Les relations humaines sont ainsi changées .
Le numérique et la digitalisation ont émergé comme la promesse d’une meilleure organisation du travail . Dans les métiers relationnels, ils sont synonymes d’une médiatisation et un nouveau support de nos transactions émotionnelles, surtout dans ceux où les émotions émergent . « L’émotion peut être considérée […] comme un indicateur de la qualité de la relation qui existe entre les individus et leur environnement que comme un moteur susceptible de faire évoluer cet environnement autant que les individus qui le composent » .
Or, le numérique et la digitalisation ne recouvrent pas les mêmes registres d’activités. Dans le premier cas, une pratique professionnelle très ancienne des services publics, est utilisée dès l’apparition des ordinateurs . Avec cette technologie, les informations routinières sont automatisées (analyse d’examens médicaux, de documents juridiques). La technologie de la digitalisation a quant à elle mûri entre 2008 et 2010 laissant émerger des systèmes de collaboration, de partage de savoirs avec l’ère de l’open-space (références). C’est avec cette dernière que sont surtout arrivée les technologies « créatrices » pouvant soutenir la réflexion dans de nombreux métiers (à l’aide de logiciels d’intelligence artificielle) .
Selon le législateur, la numérisation gagne en efficacité et en temps. Elle permet de standardiser les tâches bureaucratiques et évite les écarts démocratiques, éthiques, en offrant une garantie de discrétion numérique. Elle oblige aussi les street-level bureaucrats (agents du service public) à recomposer leur façon de travailler plus rapidement, en traitant un plus grand volume de dossier, sans face à face avec le public . (Lipsky, 2010 et Artois, 2012). Il semble donc que la nature même du travail social se modifie si les tâches routinières sont exécutées par des technologies de l'information et de la communication (TIC) . « Le point ici est que, pour que l'automatisation fonctionne, l'uniformité est nécessaire ce qui signifie que ni les évaluations ni les interventions ne sont adaptées au cas individuel » . Ce nouveau paradigme induit une évolution de la place de nos émotions dans le travail social, de nos rapports sociaux en général. « Les travailleurs sociaux deviendraient des “processeurs d’informations” attachés à la collecte, le partage et le suivi des informations, au détriment des dimensions relationnelles de leur travail » .
Dès lors, nous nous interrogeons sur les transactions émotionnelles excluant les humains, se jouant entre un algorithme et un professionnel : comment la disruption digitale par l’automatisation des processus robotiques (RPA) transforme-t-elle la pratique du travail social ? En quoi une transformation numérique fournirait des services de meilleure qualité au citoyen ? Un référentiel discrétionnaire numérique réduirait les inégalités sociales, économiques ? Quels sont les risques de la transformation numérique où les émotions des usagers et des professionnels, seraient effacées ? L’objectif de ce présent article est de poser les prémices d’un travail de recherche doctoral centré sur le réaménagement des émotions des travailleurs.euses sociaux.ales, dont la relation repose habituellement sur un rapport en face à face avec l’usager . Sommes-nous face à une transformation du métier du travail social qui modifiera radicalement son sens, allant peut-être même dans le sens contraire de son but initial ?
Mots clés :
Action publique, Numérique, Technologie
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