CARON Roxane (Canada) – roxane.caron.2@umontreal.ca – Chercheur
BEN YAHMED sonya (TUNISIE) – sonia.ben.yahmed@umontreal.ca
MALAKET MIREILLE (Canada) – malaket_m@hotmail.com

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de nombreux pays ont restreint et sécurisé davantage leurs frontières nationales renforçant ainsi les contours des frontières réelles tout autant que symboliques en matière de libertés individuelles, de droits humains et de solidarités (trans)nationales. Dans un tel contexte, des communautés – déjà largement touchées, et de façon disproportionnée, par les inégalités socio-économiques et raciales – se sont retrouvées encore plus vulnérables (Cleveland et al., 2020); tel est le cas de femmes migrantes (Abu Habib 2020; Cleveland et al., 2020). Or, des voix ont exprimé « haut et fort » l’urgence de documenter les réalités des femmes migrantes dans le contexte certes de pandémie mais plus encore « en temps de crises concomitantes » (UNWOMEN, 2020). Cet appel à la documentation des voix des femmes migrantes est jugé nécessaire afin d’identifier des pratiques prometteuses soutenant le développement d'initiatives communes entre femmes migrantes mais aussi, chercheur.e.s, activistes, organisations publiques et de la société civile.

Cette communication présente une recherche-action participative féministe transnationale et décoloniale (RAPF-TD) (Alcoff, 2017) initiée en 2020 et réunissant divers acteur.trice.s (du monde académique et de la société civile) préoccupé.e.s par les réalités des femmes migrantes en situations de précarités au Québec et au Liban. Au Liban, la pandémie et la double explosion du port de Beyrouth en août 2020 sont venues exacerber les difficultés vécues par de nombreuses femmes migrantes alors que depuis 2019, le pays connait la pire crise sociale, économique et financière de son histoire (Meier, 2022). En effet, cet état de « crises multiples » a plongé plus des trois-quarts de la population du pays dans la pauvreté, affectant durement certains groupes déjà vulnérabilisés dont des femmes migrantes en situations de précarités (ONU, 2021). Au Québec, les femmes, notamment des migrantes, ont été touchées de plein fouet par la pandémie. Un sondage réalisé par la Table de concertation au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI, 2020) révélait des conditions de vie et de travail délétères notamment pour les demandeur.se.s d’asile œuvrant dans les services essentiels, dont plusieurs sont des femmes, notamment lesbiennes, bisexuelles, queer et trans. De plus, l’inflation que connait plusieurs pays actuellement, a des conséquences sur la population générale et n’a fait qu’empirer davantage les choses pour de nombreuses femmes migrantes (Boucher et Noiseux, 2018 ; Brotman, Simard, Hanley, Raymond et Delgado, 2022 ; Mérentier, 2022).

Devant un tel état des lieux, notre RAPF-TD Canada (Québec)-Liban s’est proposée d’examiner de manière critique les dynamiques de pouvoir au cœur des migrations entre des pays du « Nord » (dans notre cas, le Canada) et du « Sud » (dans notre cas, le Liban) mais aussi, au sein de chaque État, et cela, dans le but de mieux comprendre comment ces dynamiques intra et trans-nationales façonnent les expériences des femmes migrantes. Notre RAPF-TD s’inscrit tout autant dans la promotion du changement social que dans la démocratisation des pratiques de recherche et d’intervention socialement engagées et démocratiques (Brydon-Miller et Damons, 2019). Pour se faire, nous avons réuni chercheur.e.s, étudiant.e.s, intervenant.e.s, militant.e.s et femmes migrantes vivant des situations de précarité pour réfléchir, développer puis renforcer un réseau de solidarités au-delà des frontières nationales de chacun de nos contextes.

Notre communication se divisera en trois temps. Après une brève genèse de notre initiative en explorant sa création, nous visiterons deux thèmes : 1 ) en quoi la recherche et les pratiques d'intervention sociale dans le domaine de la migration gagnent à être menées au-delà des frontières de l'État-nation et à créer des solidarités transnationales ?; 2) comment un projet de recherche peut à la fois explorer les spécificités des enjeux et des réalités selon chaque contexte (ici, le Liban et le Québec) tout en identifiant des défis transversaux et communs se situant « à la croisée de la précarité des conditions de vie des femmes migrantes et du déni du droit d'avoir des droits » (McClaren, 2017; Oliver, 2017)? Cette présentation invitera donc les participant.e.s à réfléchir au sens de la « solidarité transnationale en temps de crises » et à explorer ensemble certaines limites, opportunités et remises en question que fait émerger cette RAPF-TD toujours en cours.

Recherche-action, Crise économique, Féministes, Transnationale et décoloniale