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Le Projet IT4anxiety et les racines de crise écologique. Lecture Batesonnienne des crises.

Année : 2023

Thème : Lecture Batesonnienne des crises.

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

FOND-HARMANT, PHD-HDR laurence (FRANCE) – fond.harmant@gmail.com – Chercheur
ABSIL gaëtan (BELGIQUE) – g.absil@helmo.be

Résumé :

Dans l’Union européenne, le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie est en crise. La prévalence des troubles et des maladies est en accroissement, ainsi que leurs comorbidités. Cette augmentation concerne plus particulièrement le stress et les troubles anxieux. Les crises économiques tendent à augmenter la prévalence des troubles par l’appauvrissement et la précarité. Les crises écologiques favorisent le développement de l’éco anxiété. La dégradation des écosystèmes, l’exposition à différentes formes de pollutions participent à cette augmentation. En prise avec des enjeux économiques, la couverture des besoins n’est pas suffisante pour répondre efficacement à cette augmentation, d’autant plus que l’utilisation de services de santé mentale reste fortement stigmatisante. Bateson proposait une modélisation des crises écologiques et une identification de leurs fondements. Les crises sont liées à un système complexe et dynamique qui oscille entre l’augmentation de la population, le progrès technologique et ‘l’hubris’ (la maîtrise de la nature). Ce système génèrerait des famines, la pollution, la guerre et l’anxiété (Bateson, G, 1977.p294).
Depuis une dizaine d’années, les technologies numériques se développent dans les pratiques de soins et d'accompagnement social en santé mentale. Cette diffusion est maintenant désignée comme l’e-santé mentale, ou e-psychiatrie en référence à un mouvement plus vaste de digitalisation des soins (e-santé) et de la société.
Le projet IT4anxiety, co-financé par le programme européen Interreg Nord-Ouest, rassemble 24 partenaires belges, français, allemands, britanniques et luxembourgeois. Ces partenaires de cultures professionnelles et nationales différentes proposent une utilisation critique des nouvelles technologies pour soutenir les personnes souffrantes de troubles anxieux. Ce projet agit dans ce contexte de crise où se tisent des situations sociotechniques complexes avec des enjeux économiques, sociaux et anthropologiques. Dans ce projet, les réponses technologiques à l’anxiété passent par l’identification, le recrutement et le soutien de start-ups développant des dispositifs numériques. Cette réponse technologique à la situation de crise permettrait d’améliorer le suivi des usagers et patients, l’accessibilité des soins et de prévenir l’anxiété. En prospective, elle s’inscrit dans une volonté politique de préparer les professionnels et les usagers à travailler avec, et non pour, les technologies.
Pour contrer cette crise écologique, Bateson proposait d’instituer des commissions qui orienteraient les technologies dans des directions raisonnables. Le Projet IT4anxiety pourrait-il être un exemple d’organisation qui assumerait cette fonction de commission dans le système en crise ? Aurait-il une capacité d’agir et d’orienter les technologies dans le champ de la santé mentale ?
Cette communication a pour objectif d’analyser les processus par lesquels l’organisation d’un projet à l’échelle européenne, et impliquant des professionnels de juridictions différentes issus des secteurs de la santé et du social, parvient à tracer une voie coconstruite qui ne cède ni au somnambulisme technologique, ni au rejet sans procès des technologies numériques. Les données recueillies proviennent d’une évaluation participative et négociée appuyée par une ethnographie du projet. Le paradoxe du projet IT4anxiety pourrait d’être à la fois en prise avec l’« hubris technologique » qui tenterait de maîtriser les troubles en les naturalisant par l’usage des technologies numériques et des neurosciences ; et à la fois un écheveau d’interactions qui préparent les acteurs à co-construire une nouvelle culture "hybride" qui serait effective pour orienter les technologies et leurs usages. L’hybridation, figure du cyborg, tient à la capacité du projet à amalgamer les enjeux et les acteurs, mais aussi à constituer une écologie où les porteurs de projets peuvent développer des technologies numériques « vertueuses » pour le monde de la santé mentale et à l’abri de la prédation des GAFAM.

Mots clés :

Changement, Numérique, Evaluation, Europe, santé mentale

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