Détresse bio-psycho-spirit-sociale chez les Autochtones : entre porte-tournante institutionnelle, (dé)judiciarisation et équipes mixtes d’intervention<br />

Année : 2023

Thème : -

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

Croteau Karine (Canada) – kcroteau@uottawa.ca – Chercheur

Résumé :

Cette communication présente les résultats d’une synthèse rapide de connaissances (phase I d’une étude en cours) réalisée à partir de données médiatiques et scientifiques qui apportent un éclairage sur la santé bio-psycho-spirit-sociale des Nations autochtones vivant au Québec et la création, en mars 2022, d’équipes mixtes d’intervention regroupant des intervenants policiers et communautaires (EMIPIC).
Les études démontrent qu’environ 80 % des appels aux policiers au Québec concernent de l’assistance en matière de détresse psychologique. On constate qu’en général, un ratio de 15 % à 20 % de ces appels est récurrent et provient des mêmes endroits. Selon l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées [ENFFADA] (2019, p. 36), « les Métis, les Inuits et les Premières Nations sont […] plus susceptibles de connaitre des problèmes de santé mentale que la population non autochtone ». Ceci peut s’expliquer, sans s’y restreindre, par de nombreux traumatismes historiques non résolus (McQuaid, Schwartz, Blackstock et al. 2022).
Malgré le bien fondé d’offrir des services adaptés qui correspondent aux besoins des membres de communautés autochtones, plusieurs policiers se disent insuffisamment formés en intervention de crise en contexte de détresse psychologique (Gendron, Admo, Plourde et al., 2020 ; Koziarski, O’Connor et Frederick, 2021). Les Appels à l’action 27-39 de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (CERP, 2019) concernent exclusivement les policiers, leurs formations et la prestation de services. Le rapport pointe les failles du système sociojudiciaire, les lacunes de certaines interventions inefficaces et contre-productives, ainsi que l’importance de former des équipes de crise spécialisées en santé mentale (Kirmayer, Tait et Simpson, 2009) afin d’améliorer les relations de confiance entre la police et les Autochtones. Ces données font poindre l’urgence de réfléchir à des méthodes d’intervention plus appropriées, plus utiles et plus sécuritaires (Gaulin, 2021).
Si bien, les résultats de la CERP (2019), de l’ENFFADA (2019) et de la Commission de vérité et réconciliation du Canada [CVRC] (2015) convergent vers la nécessité de développer des alternatives aux interventions actuelles afin de miser davantage sur l’écoute et l’empathie en œuvrant dans un environnement non coercitif, non menaçant, non institutionnel et non judiciarisé. À la lumière de ce constat, et pour répondre aux recommandations du Groupe d'action contre le racisme ainsi qu’aux Appels à l’action 37 et 95 de la CERP (2019), des initiatives pilotes ont vu jour. De nouvelles équipes mixtes d'intervenants policiers et communautaires (liés à des corps policiers autochtones, des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) ou des centres d’amitié autochtones) sont en service depuis le printemps 2022. Alors que certains semblent convaincus que ces pratiques innovantes (EMIPIC) ont fait leurs preuves au Québec, d’autres sont d’avis qu’ils posent des enjeux éthiques en matière de déontologie de la pratique ou de sécurisation culturelle dans les services de première ligne aux Autochtones (Tujague et Ryan, 2021).
La synthèse rapide de connaissance réalisée démontre que la recherche en connait encore bien peu sur les enjeux traités. Cette communication vise en ce sens à éclairer ces zones ombragées. En cinq grandes catégories, l’auteure expose les résultats de l’analyse sommaire de données : (1) santé mentale et populations autochtones ; (2) policiers et interventions ; (3) intervenants communautaires-psychosociaux et interventions ; (4) équipes mixtes et protocoles d’entente ; (5) pratiques prometteuses, recommandations et pistes à suivre.

Mots clés :

Santé mentale, population autochtone, policiers et intervenants sociaux, intervention de crise, pratiques innovantes

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