Pourquoi est-il nécessaire d’articuler participation et évaluation dans les institutions sociales et médico-sociales ?

Année : 2023

Thème : Un nouveau paradigme qui permet de décloisonner les approches et créer différents modèles d’évaluation participative.

Type : Forum, GT, Carrefour

Auteur(s) :

HIRLET Philippe (France) – philhirlet@orange.fr – Enseignant ou formateur
BALZANI Bernard (France) – bernard.balzani@univ-lorraine.fr
LIBOIS Joëlle (Suisse) – joelle.libois@hesge.ch
ROUZEAU Marc (France) – marcrouzeau7@gmail.com

Résumé :

Les politiques sociales font apparaitre, depuis maintenant plusieurs décennies, la participation des personnes concernées comme un enjeu central d’inclusion, d’émancipation et d’autodétermination.
Le développement des pratiques évaluatives et de participation des usagers dans les organisations sociales révèlent souvent des inégalités assez profondes. Nous observons régulièrement des établissements ou services qui ne parviennent pas à faire collaborer les différents professionnels et les personnes premières concernées et qui se trouvent, de ce fait, impuissants à fédérer les énergies et les compétences des professionnels ainsi que les savoirs d’usage ou d’expérience. Dès lors, il devient délicat d’enclencher un véritable travail évaluatif qui permettrait pourtant d’asseoir et légitimer la promotion de la qualité globale du service rendu aux publics accueillis.
Décloisonner demande à faire avancer la réflexion sur la nécessité de penser une intrication, un emboîtement des logiques évaluatives et participatives.
Au fond, est-il possible d’évaluer (donc de porter un jugement sur une action, une activité, un métier, une compétence, une employabilité) sans faire participer les salariés dont on est censés évaluer l’activité, le travail, les actes de métiers ou encore, de façon parfois conflictuelle : la « performance ». Inversement, peut-on faire participer des usagers à l’évaluation de l’activité sans partager une vision claire des référentiels et indicateurs d’évaluation qui vont s’imposer, et surtout, où en est-on de leur degré de participation effective à ce processus qui les concerne directement et qui peut avoir un impact sur les organisations de travail, les différentes professionnalités et la mesure des effets de l’action conduite d’un point de vue clinique ou institutionnel.
Nos recherches (Balzani, Hirlet 2021) explicitent l’idée qu’il faille s’atteler à imaginer une co-construction constante et actualisée des critères et modes participatifs et évaluatifs. Pour ce faire, nous affirmons qu’il n’est absolument plus souhaitable que ces normes soient pensées de l’extérieur par des technocrates ou des experts déconnectés de la clinique, souvent considérés comme hors-sol, et qu’elles s’imposent sans arbitrages, ni bricolages
possibles aux professionnels et usagers des institutions sanitaires ou sociales. Nous relèverons des exemples de secteurs d’activité qui ont été totalement phagocytés par la phobie évaluative, ayant comme centralité de leur méthodologie l’atteinte des résultats, du chiffre et de la rentabilité. La tarification
à l’acte n’a fait finalement qu’affaiblir les logiques professionnelles au profit des logiques « productives », le système hospitalier et ses acteurs se sont essoufflés, s’en est suivi des démissions en cascade et une perte d’attractivité et des compétences collectives. Pour autant, la Haute autorité de santé a produit récemment le dernier référentiel d’évaluation des ESSMS (Salmon 2022) sur la base de la certification sanitaire sans procéder à aucune
évaluation des politiques publiques depuis la promulgation de la loi 2002/2, on parle désormais « d’usager traceur », à l’image du « patient expert ». Ce référentiel va probablement établir une concurrence entre les ESMS en instaurant une notation, qui sera rendue publique sous la forme d’un
« palmarès », des meilleurs établissements. La crise Covid vient de nous alerter sur la survie du système hospitalier ; pourtant le secteur social suit le
même chemin : ubérisation des emplois, tarification spécifique (SERAPHIN-PH), perte d’attractivité et attaque des métiers de TS, affaiblissement constant de l’autonomie professionnelle, novlangue instillée au secteur social (Hirlet, Benoit 2021) contexte qui n’a guère permis de poser sereinement les bases
du déploiement de l’évaluation et de la participation.
Faire participer pour évaluer, évaluer en participant. Ces deux notions ne peuvent plus être pensées séparément, elles deviennent au-delà du débat porté par une poignée d’intellectuels un enjeu majeur de survie du secteur, d’attractivité et de reconnaissance des valeurs portées dans des espaces de
solidarité et de défense des plus démunis et précaires. Évaluer en étant associé, donc invité à participer, pour mettre en œuvre les actions correctives et engager une nouvelle réflexion sur la construction d’indicateurs évaluatifs revisités qui tiennent compte de ce nouveau paradigme : l’articulation. Il ne s’agit plus seulement d’évaluer la participation ou la participation à l’évaluation, il s’agit d’emboiter les deux en permanence, répondant ainsi à un enjeu majeur celui de leur bouclage. L’idée est bien en filigrane de réhabiliter la pensée et la connaissance optimisée par le développement de la recherche action dont l’élaboration des problématiques se fait d’abord avec les personnes concernées et en voisinant à leur côté. C’était déjà le sens des travaux menés par Gaëlle Baron et Eric Monnier (2003), Joëlle Libois (2015) qui nous incitaient déjà à parler « d’approche pluraliste et participative : (de) coproduire l’évaluation avec la société civile » et à invoquer des formes « d’évaluation participatives, voire émancipatrices ».

Mots clés :

Participation, Evaluation, Autonomie, émancipation, personnes concernées

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