Promouvoir un accompagnement global des personnes exilées : émergence et institutionnalisation d’un dispositif atypique

Année : 2023

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

RANNOUX JULIE (France) – julie.rannoux@assurance-maladie.fr – Chercheur

Résumé :

Cette communication propose d’interroger les conditions d’émergence et de pérennisation de pratiques émergentes en travail social à partir du champ des migrations. La prise en charge des exilés offre un terrain d’analyse privilégié pour analyser les processus et acteurs à l’œuvre dans la constitution de pratiques émergentes et leur institutionnalisation.
La « crise migratoire » est de fait devenue une figure contemporaine incontournable. Les études migratoires ont souligné combien ces discours de crise constituent une ressource pour l’État et les acteurs de terrain, permettant de justifier des dispositifs dérogatoires et transformant en profondeur les relations entre les acteurs. Cette communication prolonge ces réflexions en les analysant du point de vue de leur articulation avec le travail social et les savoirs constitués en son sein.
On s’appuiera pour cela sur une enquête menée dans le cadre d’un doctorat en science politique auprès d’un réseau de professionnels intervenant dans l’assistance aux étrangers dans le sud de la France. Créé au début des années 1990, le Collectif Accès aux droits des étrangers assure des permanences à destination des étrangers au sein de structures socioculturelles de proximité. A partir de cet exemple, il s’agit de retracer les conditions de possibilité d’un dispositif d’accompagnement original transcendant les catégorisations administratives habituelles des politiques migratoires. Ces dernières sont construites autour de catégories administratives délimitées ouvrant sur des statuts plus ou moins protecteurs. L’intervention du monde associatif vient se nicher dans ces espaces en intervenant en direction de publics-cibles identifiés comme « vulnérables » (mineurs non accompagnés, victimes de la traite des êtres humains etc.) et à des moments précis de leurs parcours. A l’inverse, les permanences du Collectif se veulent des lieux d’accompagnement généralistes, proposant un « accompagnement global » indissociablement social et juridique, ouvert à toute demande liée à l’accès aux droits des non-nationaux (du séjour pour différents motifs à l’accès aux soins, l’ouverture et le maintien de droits sociaux divers).
Dans le cadre de cette communication nous reviendrons tout d’abord sur la genèse et la trajectoire d’institutionnalisation du Collectif et de ses activités. On montrera comment celles-ci émergent, dans un contexte de « crise locale » spécifique de par la confrontation de professionnels du social sur des territoires situés à des situations qui ne « cadrent » pas et « résistent » aux prises en charge existantes. Ces expériences se stabilisent progressivement dans un dispositif reconnu et financé par les pouvoirs publics depuis une vingtaine d’années.
Restituer cette trajectoire donne à voir l’élaboration tâtonnante de pratiques émergentes à l’échelle locale et la stabilisation de ces expériences dans des dispositifs publics. En ce sens, on montrera comment cette expérience s’inscrit dans un mode de relation spécifique entre l’Etat et les associations.
Au-delà de la situation singulière exposée, cette communication veut ouvrir la discussion sur les conditions actuelles de possibilité de telles pratiques émergentes. Depuis 2015, on a assisté à une transformation des modes de relation entre l’Etat et les associations dans le secteur des migrations et de ses modalités de financement. Comment ces transformations jouent sur les structures engagées dans la prise en charge des exilés et le profil de celles et ceux en 1ère ligne ? Dans ce contexte, quelles sont les marges de manœuvre dont peuvent se saisir les acteurs ? De quelles ressources (matérielles, organisationnelles mais aussi en termes de savoirs professionnels) disposent ces derniers pour déployer des pratiques d’accompagnement ? En particulier, on pourra s’interroger sur les rapports entretenus par ces derniers aux savoirs du travail social, dans un contexte de développement du recours à des formes de bénévolat.

Mots clés :

Etat social, Association locale, migrations

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