POULIOT Eve (Canada) – eve_pouliot@uqac.ca – Chercheur
MALTAIS Danielle (Canada) – danielle_maltais@uqac.ca

Longtemps perçus comme une population vulnérable devant être protégée, les enfants ont traditionnellement été peu impliqués dans les études portant sur des sujets qui les touchent, leur réalité étant le plus souvent abordée dans la perspective des adultes qui les entourent, principalement leurs parents (Carter, 2009 ; Halse et Honey, 2007). Ce constat est d’autant plus vrai lorsque l’objet de la recherche est hautement sensible, les enfants étant alors jugés encore plus vulnérables, faisant en sorte que leur point de vue demeure peu documenté (Carter, 2009). C’est le cas en contexte de catastrophe, où les préoccupations éthiques généralement associées aux recherches impliquant des jeunes, notamment liées aux notions de consentement et d’assentiment, à la protection contre d’éventuels risques et à la confidentialité des données recueillies, doivent se combiner à d’autres enjeux (Bell, 2008 ; Flewitt, 2005 ; Goredema-Braid, 2010; Kirk, 2007 ; Mishna et al., 2004; Powell et al., 2012). Ces enjeux éthiques et méthodologiques, spécifiques aux recherches menées à la suite d’une catastrophe, concernent, entre autres, le sentiment d’urgence lié à la collecte des données et les dangers en présence, le degré de dévastation des communautés exposées à la catastrophe et leurs spécificités culturelles, le risque d’exploitation des sinistrés, ainsi que la difficulté pour les participants à bien distinguer l’aide offerte par les services d’urgence et le processus de recherche (Ausbrooks et al., 2009; Collogan et al., 2004; Mezinska et al., 2016 ; O’Mathuna, 2010).
En raison des enjeux éthiques et méthodologiques entourant les recherches menées auprès des jeunes à la suite d’une catastrophe, peu d’écrits scientifiques permettent à ce jour de documenter leur vécu. Les études menées sur la question dressent généralement un portrait quantitatif des conséquences psychologiques de la catastrophe sur les jeunes, en se centrant surtout sur la présence de manifestations du trouble de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété ou de problèmes de comportement (Becker‐Blease et al., 2010; Bonanno et al., 2010; Furr et al., 2010). Afin de poser un regard différent sur le vécu des jeunes à la suite d’une catastrophe tout en faisant émerger leur voix, cette proposition vise à démontrer la pertinence de l’approche qualitative afin d’appréhender le parcours des jeunes dans leur globalité, sans limiter leur discours à un diagnostic, un événement difficile ou un traumatisme tel qu’une catastrophe. Cette vision concorde avec le changement de paradigme, observé depuis plusieurs années, qui souligne l’intérêt de la participation des jeunes dans le processus de recherche (Carter, 2009; Graham et al., 2015).
Pour ce faire, après avoir soulevé les enjeux éthiques et méthodologiques liés à la participation des jeunes dans le processus de recherche à la suite d’une crise, des exemples concrets tirés de nos recherches menées à la suite de catastrophes variées (déraillement de train, tornades, inondations, pandémie) seront présentés. Plus spécifiquement, deux méthodes participatives utilisées avec des enfants et des adolescents seront présentées, soit l’entrevue de groupe et le Digital Storytelling. Finalement, une analyse rétrospective de ces démarches de recherche permettra de réfléchir aux retombées de ces méthodes pour les jeunes participants, notamment en ce qui concerne leurs bénéfices sur le pouvoir d’agir, la valorisation personnelle et l’acquisition de compétences en communication (Meadows, 2003; Miller, 2019). Dans un contexte où les catastrophes ont un caractère imprévisible et incontrôlable, susceptible de diminuer le sentiment de contrôle des jeunes, ces méthodes semblent particulièrement pertinentes afin de mettre à contribution les forces des jeunes, tout en leur donnant une voix et un rôle actif dans le processus de recherche.

Catastrophe naturelle, Éthique et déontologie, Méthodologie, Jeunes