Tactiques de subsistance et mémoires de l'État : précarité, droits et citoyenneté chez les migrants latino-américains vivant au Chili

Année : 2023

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

STANG ALVA Fernanda (CHILI) – fstang@ucsh.cl – Chercheur

Résumé :

Le Chili a connu une croissance significative de la population migrante internationale depuis le milieu des années 1990, en particulier au cours des deux dernières décennies (INE et DEM, 2021), et est devenu une destination migratoire importante au sein de la région Amérique latine et Caraïbes, au point qu'en 2019, il était déjà, selon les données des Nations unies, le deuxième pays d'Amérique du Sud avec la deuxième plus grande proportion de population migrante, avec 8,4% (OIM, 2019). Ces dernières années ont également été marquées par une plus grande précarité de certains groupes de cette population migrante internationale, un processus associé à la pandémie provoquée par le Covid 19 et à la crise économique qui lui est liée, au contexte critique particulier de la migration vénézuélienne - qui a même été qualifiée d'exode -, aux réglementations migratoires de plus en plus restrictives, qui poussent les migrants à l'irrégularité et à l'emploi et au logement informels, entre autres conséquences.
Face à cette situation de plus grande précarité, les migrants tentent et déploient diverses tactiques de subsistance (De Certeau, 2000) qui, dans certaines circonstances, conduisent à des stratégies de lutte avec différents niveaux d'organisation, que ce soit sous la forme d'expériences réticulaires de solidarité (Stang, 2021) ou d'autres types d'expériences organisationnelles qui s'inscrivent dans le concept de luttes des migrants (De Genova, Mezzadra et Pickles, 2014 ; Varela Huerta, 2015 et 2021 ; Domenech et Boito, 2019). Dans ce déploiement, en tant qu'étrangers - c'est-à-dire non-citoyens au sens juridique - ils transforment par le bas et par l'intérieur la manière conventionnelle de comprendre et d'exercer la citoyenneté (Mezzadra, 2012 ; Mezzadra et Neilson, 2016), en particulier en ce qui concerne son lien avec les droits sociaux et économiques, qui intéressent spécifiquement la recherche dont cet article cherche à rendre compte, intitulée " Migration, précarité et citoyenneté : Des tactiques de subsistance aux stratégies de lutte " (Fondecyt N° 3190674).
Dans ce scénario, et en partant de l'idée du double éloignement qu'implique la condition de migrant dans la relation avec l'État (mémoire d'une forme de relation construite avec l'État auquel on " appartient ", mais dans lequel on ne réside plus, et apprentissage d'une nouvelle forme de relation avec l'État dans lequel on réside, mais qui ne nous reconnaît pas juridiquement comme lui appartenant) (Stang, 2019), nous proposons dans cette communication de montrer quelles sont ces tactiques de subsistance déployées et comment l'interlocution avec l'État de résidence varie dans la revendication de droits sociaux et économiques en fonction des spécificités de la relation construite avec l'État d'origine, en interaction avec le temps passé au Chili, en tant qu'État de destination de ces trajectoires migratoires. Ainsi, par exemple, alors que dans le cas des migrants d'origine haïtienne, qui ont le souvenir d'une relation avec un " État failli " à l'origine, les tactiques de subsistance qu'ils déploient ignorent l'État comme interlocuteur et s'établissent davantage avec des institutions ecclésiastiques (principalement évangéliques), dans le cas des Vénézuéliens, en revanche, l'État apparaît comme une référence fondamentale pour la revendication de droits sociaux et économiques. De leur part, les migrants d'origine péruvienne, qui sont les plus anciens du flux récent de migrants vers le Chili, ont appris la logique du lien avec un État néolibéral et subsidiaire comme l'État chilien, et ont trouvé des moyens d'accéder à ces droits qu'ils valorisent par rapport à la mémoire de leur expérience avec l'État péruvien.
Sur la base de cette description et de cette caractérisation, cette communication vise également à rendre compte des transformations dans les manières de concevoir et de pratiquer la citoyenneté que ce double éloignement a impliqué, et dans son lien avec les expériences d'organisation de la revendication des droits.

Mots clés :

Etat social, Vivre ensemble

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