Des savoirs en crise ? Légitimité des savoirs et enjeux démocratiques associés, en période de turbulences politiques et sociales...

Année : 2023

Thème : pas de sous-titre

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

GONIN Audrey (Canada) – gonin.audrey@uqam.ca – Chercheur

Résumé :

La question de la légitimité des savoirs est actuellement doublement interpellée. En premier lieu, la survenue de la pandémie de COVID-19 a mis en lumière le phénomène de la désinformation - qui n’est pas nouveau, mais qui a pris une place sociale particulière dans ce contexte (Das et Ahmed, 2022). Certains des impacts sociaux, sanitaires et politiques de la désinformation, dans cette période pandémique, ont été examinés (Rocha et al., 2021) : on note, en particulier, un affaiblissement de la confiance dans le discours scientifique qui est à la fois cause et conséquence de la circulation d’informations erronées (Ferreira Caceres, 2022 ; Gerbina, 2022). En second lieu, les critiques formulées selon l’angle des injustices épistémiques (Fricker, 2007) viennent également interroger la légitimité de discours scientifiques, en ce que ces derniers sont marqués par les conditions de leur production. Sous cet angle, certaines connaissances peuvent avoir des angles morts, en raison des injustices testimoniales qui empêchent de tenir compte de réalités vécues par un groupe social, mais aussi en raison des injustices herméneutiques conduisant à ce que la compréhension ou l’explication de ces réalités soit inadéquate, ou du moins colorée par la position sociale de la personne qui en rend compte (Haraway, 1988 ; Hall et Tendon, 2017 ; Godrie et al., 2022).

Ces deux sources d’ébranlement du discours scientifique sont distinctes, tant par les acteurs qui les portent que par leurs visées et contenus. Toutefois, comme l’affirme Fuller (2016), un monde de post-vérité n'est-il pas le résultat inévitable d’une démarche plus démocratique au plan épistémique? Ceci ne signifie pas que la démocratisation épistémique implique nécessairement l’annihilation des repères guidant les démarches scientifiques (Sismondo, 2017), mais lance une invitation à repenser la question du savoir. Le travail social cherche de plus en plus à prendre en compte les savoirs d’expérience (Plante, 2019 ; Morin et al., 2022), pour orienter la compréhension des problèmes sociaux, ainsi que l’action, mais qu'en est-il de leur statut épistémique et de leurs rapports avec d’autres formes de savoirs ? En quoi les expériences subjectives peuvent-elles être une source de savoirs et comment ces savoirs expérientiels peuvent-ils guider l’action ?

Une des réponses pouvant être données à cette question passera par l’enjeu de l’éthique de la vérité, telle que développée dans les derniers cours au Collège de France de Foucault (2009, 2012). Comme le souligne Dyrberg (2016), cette perspective permet de rendre compte des enjeux démocratiques de la vie politique qui s’articulent à la question de la vérité et de la confiance sociale. Dans le même ordre d’idées, Mbembe affirme que “la vie de la démocratie participe d’une opération – sans cesse à reprendre – de figuration du social, alors on peut affirmer que « se faire entendre », « se connaître soi-même », « se faire connaître », « parler de soi » constituent des aspects centraux de toute pratique démocratique” (2010, p. 215). Ces pistes de réflexion seront développées, afin de soutenir une perspective de complémentarité de différentes formes de savoirs pouvant être mobilisées dans le champ du travail social.

Mots clés :

Épistémologie, Éthique et déontologie

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