Ethnographier une pratique déviante, transgressive et dangereuse : enjeux méthodologiques et éthiques d’une enquête de terrain « hors-piste » conduite en pistant les circulations translocales/transnationales d’un collectif d’adeptes du graff clandest

Année : 2023

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

TADORIAN marc (SUISSE) – marc.tadorian@hefr.ch – Chercheur

Résumé :

Cette contribution s’intéresse aux enjeux ethnographiques d’une étude sur les activités illicites et risquées des adeptes de la pratique du graff sur trains (graffiti trainwriting).
Les études portant sur des pratiques déviantes, transgressives et dangereuses telles celles dont il est question dans cette proposition ne sont ni récentes ni exceptionnelles en sciences sociales. Ce domaine d’étude s’est fait connaître, en tout cas, dès les années 1920, à travers les travaux pionniers développés au sein de l’École de Chicago. D’un point de vue méthodologique, les auteur·e·s de travaux s’inscrivant dans la lignée de cette école sociologique de tradition interactionniste se caractérisent par leur volonté de comprendre le point de vue des personnes impliquées dans les activités déviantes sur lesquelles ils et elles se sont penché·e·s. Leur approche méthodologique se démarque par leurs efforts fournis pour s’affranchir des normes établies par ce que Becker (1985 [1963]) appelle les « entrepreneurs de morale ». Ces études se caractérisent aussi par leur préférence pour le travail de terrain et le recours à des techniques de recherche associées à l’observation participante. Si les contributions scientifiques des enquêtes de terrain du genre de celles affiliées à l’École de Chicago sont indéniables sur le plan empirique (Ferrell et Hamm, 1998 ; Lee-Treweek et Linkogle, 2000 ; Polsky, 1967 ; Yates, 2004), elles n’en demeureront pas moins une épreuve pour l’ethnographe d’un point de vue autant méthodologique qu’éthique.
Fondée sur les résultats d’une enquête de terrain ethnographique multisite (Marcus, 1998) dans son itinérance portant sur la spatialité des circulations translocale/transnationale d’un collectif d’adeptes du graff clandestin sur trains « basés » en Suisse, mais réseautés bien au-delà des frontières de leur pays de résidence, cette communication vise à mettre en perspective les crises méthodologiques et éthiques rencontrées rencontrés au cours de la réalisation de ma recherche. Le choix d’observer des activités déviantes, transgressives et dangereuses de personnes qui s’adonnent régulièrement à des actions strictement interdites par la loi, et, de suivre au plus près de leurs expériences d’initiés en cherchant à les accompagner, in situ, sur les chemins « hors-pistes » (Tadorian, 2021) des sites qu’ils transgressent, tout en s’efforçant d’observer, in vivo, leurs « conduites à risques » (Le Breton 2013 [2002]), s’est révélé être un défi majeur.
Non seulement cette communication tâchera de rendre compte des mesures de protection émergentes qu’il a fallu développer pour préserver ma recherche, mes partenaires de terrain et moi-même des divers types de dangers identifiés à un moment ou un autre du déroulement de mon terrain. Plus fondamentalement et compte tenu du « contexte actuel d’institutionnalisation des questions d’éthiques professionnelles », les considérations méthodologiques et éthiques prises en compte dans cette communication cherchent à ouvrir des pistes de réflexions sur les conditions de mise en œuvre de la pratique ethnographique et plus particulièrement de « terrain sensible » de nos jours.

Mots clés :


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