Refamilialisation de l’aide apportée aux enfants en situation de handicap et renforcement des inégalités professionnelles à l’égard des mères
Année : 2023
Thème : Sans
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
FOURDRIGNIER Marc (France) – mafourdrig@aol.com – Chercheur
Résumé :
Cette communication prend pour objet les trajectoires professionnelles des mères qui ont un enfant concerné par une maladie rare et/ou un handicap rare (MR/HR) avec troubles du développement intellectuel (TDI). Nous proposons d’analyser l’impact de cette situation sur les carrières des mères, au croisement du travail et de l’emploi, de la conjugalité et des politiques sociales.
Du côté des politiques sociales, la loi sur le handicap de 2005 s’inscrit dans le référentiel de la politique des droits (Baudot & Revillard, 2015) faisant valoir des droits subjectifs reconnus à des publics particuliers, et déployant des dispositifs visant à rendre effectif l’accès à ces droits . Cette loi créée notamment un « droit à la compensation » du handicap, et fait valoir qu’une réponse personnalisée doit être apportée aux personnes par le biais des politiques sociales, selon leurs besoins spécifiques et en favorisant leur autonomie. Enfin, la loi met plus largement en avant la nécessité d’inclusion des personnes en situation de handicap dans l’ensemble des sphères de la vie sociale. Cette volonté d’inclusion s’inscrit dans le mouvement de désinstitutionnalisation du handicap enclenché en France depuis les années 1980 et qui promeut la fin du parcage des personnes handicapées en institutions spécialisées. Pour les enfants en situation de handicap, cela concerne notamment le droit à suivre une scolarité en milieu ordinaire. Ce mouvement pour une autonomisation des personnes et une inclusion en milieu ordinaire s’appuie notamment sur le développement de politiques d’aide aux aidants professionnels et informels, notamment du côté des proches-aidants (plusieurs dispositifs d’aide financière aux aidants ont ainsi vu le jour depuis 2005).
Le projet de recherche CASEPRA (2020-2023), sur lequel s’appuie cette communication, a pour objectif d’étudier les différentes configurations d’aide déployées dans ce type de situation (institutionnelle, informelle, etc.) et les conséquences en matière d’emploi et de santé pour les parents. Le recueil et l’analyse des données ont articulé les méthodes qualitatives (entretiens semi-directifs auprès d’une quarantaine de mères) et les méthodes quantitatives (passation d’un questionnaire auprès de 319 parents répondants, dont 90 % de mères).
Nous proposons de présenter les premiers résultats de notre recherche qui soulèvent à la fois la question du poids des dispositifs institutionnels dans l’articulation vie familiale/vie professionnelle pour ces parents (axe 2 de l’appel à communication), tout en articulant cette dimension avec la question de l’ordre du genre qui apparaît décuplé face à ces situations de handicap (axe 1). Cette communication s’inscrit ainsi dans la lignée des travaux invitant à considérer que le genre est profondément imbriqué dans toutes les sphères de la vie sociale (Clair, 2015), notamment dans le champ des politiques sociales (Dauphin & Perrier, 2022).
Nous montrerons d’abord que la complexité de la situation de santé de l’enfant et les réponses partielles ou lacunaires des pouvoirs publics (absence de places en institutions médico-éducatives, notamment) implique que les parents coordonnent une multitude d’interventions de spécialistes entre domicile et extérieur, qu’ils prennent en charge eux-mêmes certains soins, etc. Ces différentes activités relevant d’un travail de soin profane (Cresson, 1991) ou d’une charge mentale relative à la gestion d’un foyer (Haicault, 1984) mais décuplée par la gestion du handicap, sont en large majorité réalisées par les mères. Ce sont également elles qui font le plus état de différents types de modifications et de renoncements dans leur parcours professionnel (temps partiel ; télétravail ; congés ; renoncements d’avancée ; reconversion, etc.).
Nous compléterons ensuite ces premiers résultats principalement issus de l’enquête statistique par ceux d’une enquête qualitative en cours (février-avril) focalisée sur l’emploi des mères. Ces entretiens ont notamment pour but d’apporter davantage d’éléments au croisement des enjeux de classe et de genre, en faisant varier les situations sociales des mères interrogées, et de renseigner tout particulièrement le cas des mères qui se séparent du père de l’enfant.
Ces résultats contribuent ainsi à questionner le processus de « refamilialisation » de l’aide apportée aux proches en situation de dépendance : qu’il s’agisse des personnes âgées dépendantes ou des enfants handicapés, cette refamilialisation consiste à reporter une partie de la prise en charge de ces personnes sur la solidarité familiale, en proposant notamment d’aider les proches-aidants à y parvenir via des dispositifs de soutien financier. Les conséquences de ce processus sont néanmoins différenciées pour les femmes et pour les hommes en matière d’articulation des temps sociaux, reconfigurant bien souvent certaines inégalités à l’égard des femmes, qu’elles soient mères, sœurs ou filles de personnes aidées.
Mots clés :
Genre, Aidant; handicap rare;
← Retour à la liste des articles