LONGBOTTOM suzanne (FRANCE) – s.longbottom@aurore.asso.fr – Professionnel

Les pratiques émergentes font-elles apparaître de nouveaux acteurs de l’action sociale ?<br />Entraînent-elles une redéfinition des liens, des rôles, des missions et des zones de pouvoir<br />respectives ?<br /><br />Les crises sont des moments opportuns pour faire émerger des pratiques professionnelles innovantes et pour remettre en question des normes ou des pratiques qui étaient auparavant considérées comme acquises. Les flux migratoires, les difficultés d’accès à un logement ou à défaut un hébergement, la hausse de la précarité, la multiplication des campements temporaires, la consommation de produits stupéfiants (notamment la hausse des scènes ouvertes de consommation de crack), sont autant de problématiques sociétales actuelles qui méritent des interventions sociales innovantes et efficaces.<br />Selon le dernier rapport de l’Observatoire Européen des Drogues et de la Toxicomanie, si le cannabis reste de loin la substance illicite la plus consommée, on observe une tendance historiquement haute de la consommation de cocaïne. Une analyse des eaux municipales de 13 villes européennes en 2021 a révélé la présence de cocaïne dans toutes les villes étudiées. <br />L’association Aurore est un acteur qui lutte contre toutes formes de précarité, et se positionne notamment sur l’accompagnement et la prévention des personnes en situation d’addiction. Au vu de ce contexte énoncé, l’association s’inscrit dans une dynamique de réflexion vis-à-vis de ces pratiques et tient à enrichir l’offre d’accompagnement proposée aux usagers et bénéficiaires. <br />Nous sommes convaincus que c’est un parcours qu’il faut construire, afin d’avoir une réponse humaine et adaptée aux personnes, selon leur situation de vie, leurs comorbidités et leurs capacités. Ce parcours démarre en sortant les gens de la rue pour combattre la précarité : rien qu’en hébergeant des consommateurs de crack, 84% réduisent leur consommation dont 19% qui l’arrêtent.<br />Ainsi, notre démarche vise à s’adapter aux usagers en proposant : un accompagnement à la réduction des risques, voire un sevrage et une fenêtre d’abstinence pour ceux qui le peuvent et le veulent. Quelles que soient les modalités d’accompagnement, l’approche est globale et vise la prise en charge de toutes les difficultés découlant de la conduite addictive. <br />Dans nos structures, Aurore a multiplié les propositions de prévention, de soin et d’accompagnement, notamment au sein d’une communauté thérapeutique selon le modèle Minnesota. <br />Nous avons notamment développé la pratique de la pair-aidance, méthode qui s’appuie sur le savoir expérientiel d’anciens consommateurs pour développer une approche de proximité. Les expériences d’anciens usagers et leur résilience face à des difficultés faisant échos aux personnes accueillies, sont des témoignages riches et des approches qui aident au rétablissement. <br />En réponse à la crise du crack, depuis trois ans, nous avons intégré des travailleurs pairs dans nos services de réduction des risques. Cette démarche permet de faire évoluer l’accompagnement des bénéficiaires des services médico-sociaux. La mutualisation des pratiques et savoirs entre professionnels du secteur, et pair-aidants augmente la connaissance des phénomènes d’addiction et leurs usages et entraine un sentiment de confiance de la part des bénéficiaires. <br />Après de nombreuses années d’expérience avec la professionnalisation du savoir expérientiel, Aurore a conceptualisé et théorisé ce savoir pour qu'il puisse à terme être transmis à d'autres travailleurs pairs et également mis au bénéfice des travailleurs sociaux. La pair-aidance pouvant en effet se déployer au-delà des problématiques d’addiction. <br />Cette pratique émergente pose plusieurs questions en lien avec le parcours de formation des travailleurs sociaux. Intégrer cette pratique au sein des compétences professionnelles des équipes questionne sur la transmission de ces savoirs et la valorisation des travailleurs pairs au sein des équipes. <br />La pair-aidance questionne également les pratiques classiques du travail social : celles relatives à la distance et la posture traditionnelle des travailleurs sociaux. La relation entre travailleurs pairs et usagers est une relation de proximité avec une tension inhérente en lien avec des résonnances personnelles qui nourrissent l’accompagnement et en font un outil de travail. L'établissement d'une relation de confiance et de proximité peut favoriser l'expression des besoins et des attentes des personnes accompagnées et favoriser l’investissement des usagers sur leurs parcours de soin. <br />Cependant, il est important de souligner que l'établissement d'une relation de proximité entre travailleurs pairs et personnes accompagnées ne doit pas se faire au détriment de la sécurité et du bien-être de ces dernières. Les travailleurs pairs doivent être formés à adopter une posture professionnelle et à respecter les limites nécessaires pour garantir une prise en charge de qualité. La question de la professionnalisation de ce savoir est également importante. En effet, il est essentiel que les travailleurs pairs soient reconnus et valorisés pour leur expertise, afin qu'ils puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions et avec un statut professionnel clair. <br />Aurore propose une communication qui présentera les modalités d’action de la pair-aidance en explorant les questionnements et problématiques associées à cette pratique novatrice dans le domaine des addictions. <br />

Acteur de développement, Politique sociale, pratiques émergentes