La normativité familiale dans l’aide sociale publique

Année : 2010

Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...

Auteur(s) :

KELLER Véréna (Suisse) – verena.keller@eesp.ch

Résumé :

L’objectif visé par cette étude est de dégager les référentiels normatifs qui entrent dans les modèles familiaux produits en creux dans l’intervention des assistants et assistantes sociales (AS) de l’aide sociale publique, ce que nous nommons la « normativité familiale ». Les AS de l’aide sociale accordent des prestations financières ainsi que diverses mesures visant l’indépendance économique et l’intégration des destinataires. Ces destinataires sont considéré·e·s en tant que membres d’un groupe familial liés par des obligations mutuelles de soutien, ce qui signifie que les prestations de l’aide sociale sont nécessairement assorties de normes définissant la « bonne » famille ou la famille « normale ». Les AS, pour accorder les prestations et les mesures, sont confronté·e·s aux questions suivantes : qu’est-ce qu’une famille ; qui en fait partie ; quelles sont les obligations mutuelles de ses membres ; à qui revient telle ou telle tâche ; quelle personne aidée se voit offrir la possibilité, ou l’obligation, d’accéder à l’autonomie économique ? Ces questions ont trait à la fonction économique de la famille, donc à la division sexuelle du travail.
Dans cette étude, nous avons étudié la question de savoir si la normativité varie selon les caractéristiques sociodémographique de l’AS (parcours professionnel, sexe, formation, etc.) et selon le contexte organisationnel. Nous avons ainsi dégagé les facteurs qui influent la conception de la division sexuelle du travail qui guide les AS lorsque, dans un cadre légal pourtant contraignant, elles et ils doivent interpréter les règlements en fonction de la situation qui leur est soumise, ce qui ouvre des espaces d’incertitude dans le choix des valeurs et des normes qui fondent leur intervention.
Dans sa partie empirique, l’étude comporte, au préalable, une analyse du cadre légal et réglementaire de l’aide sociale afin de dégager les modèles familiaux sous-entendus par ces textes. Elle consiste ensuite, et surtout, en une étude de terrain sur la base d’une méthode dite des « scénarios-problèmes ». Cette méthode place les AS devant des situations fictives, courantes dans leur pratique, et les a mis en condition de décrire les cheminements et les logiques d’action qu’ils et elles mobiliseraient dans leur intervention. L’enquête de terrain a été conduite auprès d’un échantillon représentatif des AS de l’aide sociale publique travaillant en Suisse romande (146 entretiens), ce qui nous a permis de dégager différents modèles de normativité et les déterminants sociaux à l’œuvre dans la construction de cette normativité, tout en dépassant les visions moralisatrices courantes de la normativité des travailleurs et travailleuses sociales auxquelles conduisent bien des études.

La recherche a été menée à la Haute école de travail social et de la santé Vaud, EESP Lausanne par Véréna Keller (requérante principale), Françoise Messant Laurent, Marianne Modak et Myriam Girardin.

Mots clés :

Action publique, Genre, Norme

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