Le travail social support de l'individualisme ?
Année : 2011
Thème : Recherche de sens entre travail social et politique
Type : Autre
Auteur(s) :
SCHNEIDER HAUSSER Lydia (Suisse)
Résumé :
La révolution industrielle a donné naissance, dans les sociétés occidentales, au système de sécurité sociale couvrant les risques liés au travail. L'essor de l'industrie nécessitait la mise à disposition de salariés en bonne santé, motivé et responsables dans leur activité. Cette évolution a apporté la naissance de la citoyenneté protégée par des droits et des règles reconnues par tous. Ce désir de protection et de valorisation du rôle démocratique de chacun était exacerbé par l'existence du monde socialiste à l'Est de l'Europe.
Durant les 30 glorieuses, une grande majorité de la population a profité de la sécurité ainsi instaurée au travers du travail et des couvertures des assurances sociales. Les marginaux relevaient de l'assistance publique et des travailleurs sociaux. Le champ d'action du travail social était limité à une portion congrue de la société et couvrait des champs d'action déterminés (cas sociaux, dépendants, malades psychiques). La singularité des interventions valorisait le travail social et donnait un attrait à la profession (particularité des personnes exclues).
L'effondrement du bloc socialiste a supprimé toutes les barrières limitant les excès du libéralisme donnant ainsi toute puissance aux lois du marché. Le profit est devenu le pilote principal de toute action. Petit à petit la suprématie de la valeur travail a été remplacée par la course à la richesse individuelle, but suprême de notre époque. Dans les années 1980, le revenu du travail représentait deux tiers des revenus totaux alors qu'en 2010 il ne représente plus qu'un tiers.
Précédemment, un patron avait un positionnement social important dans une région, dans un domaine et face à ses employés. Aujourd'hui le statut de chef d'entreprise est valorisé pour autant que ce rôle lui permette d'être dans la course à la thésaurisation extrême (M. Bertarelli, M.Vasella).
Dans un monde globalisé où l'échelle d’humain ne représente plus grand chose, avoir un travail n'est plus suffisant dans la course à l'individualisme et à la richesse; le travail salarié est quasi considéré comme un repli freinant la réussite. La traditionnelle classe moyenne est écartelée entre rechercher plus de richesse ou prendre le risque d'un appauvrissement. Le pendant des richesses d'un petit nombre d'individus est la pauvreté d'un grand nombre de citoyens.
Le travail social est passé du contrôle des marginaux des sociétés industrialisées à un contrôle des mécanismes permettant à un grand nombre de personnes de survivre sans se révolter. Pour mener à bien ce nouveau type de contrôle, le social couvre des groupes de populations diversifiés, des problématiques plus larges. Serais-ce le signe que cet envol individualiste et ce rêve de richesses n'existent que grâce à un équilibrage apporté par le travail social (lien, vivre ensemble, solidarité).
Pour qu'une personne puisse vivre dans une société démocratique, elle a besoin que la collectivité lui reconnaisse une valeur et des droits. Si cette place est liée au fait que la personne obtienne de la richesse, «devienne millionnaire», il y aura de plus en plus de personnes non seulement pauvres mais également déqualifiées de leur droit citoyen.
Le travail social souvent décrié, dévalorisé, normé ne devrait-il pas se réveiller, démontrer qu'il est le garant de valeurs (égalité des chances, partage, solidarité, créativité) permettant l'évolution sociétale et le cadre démocratique. À ce titre, il est clair qu'il sera présent, dans le futur dans tous les domaines de l'organisation de la société. Il est temps que le travail social prenne une place moins subsidiaire et plutôt avoir de l'initiative dans des domaines tels que l''aide sociale, les entreprises sociales, la lutte syndicale, la politique voire l'économie, le commerce équitable Sud-Nord.
Être travailleur social c'est penser qu'il existe des solutions collectives qui permettent à chacun d'avoir une vie digne, diversifiée et citoyenne.
Mots clés :
Vivre ensemble, Solidarité, Utilité sociale
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