Apports et limites des politiques intégrées dans le champ de la réinsertion sociale: une étude de cas suisse
Année : 2011
Thème : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Type : Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...
Auteur(s) :
BONVIN Jean-Michel (Suisse)
ROSENSTEIN Emilie (Suisse)
Résumé :
La littérature a abondamment documenté la montée en force de l’État social actif et la double tendance à l’individualisation et la territorialisation de l’intervention sociale qui l’accompagne. À travers ce phénomène, on tente de mettre toutes les ressources d’un territoire donné (ressources publiques, mais aussi ressources privées et associatives) au service des besoins des individus envisagés sous l’angle de leur activation, c’est-à-dire de leur réinsertion professionnelle. Dans le champ des politiques sociales, cette transformation a été accompagnée par l’introduction de nouveaux outils de gestion inspirés de la Nouvelle Gestion Publique (management by objectives, indicateurs de performance, etc.). Cependant, on remarque que ces nouvelles techniques de gestion peinent à juguler la question de la fragmentation des politiques sociales. Bien au contraire, plusieurs auteurs ont montré que la territorialisation des politiques sociales se présente comme une source de fragmentation supplémentaire du système de protection sociale du fait de la diversification des pratiques au niveau local. De plus, il apparaît que les outils de la NGP tendent à renforcer le cloisonnement sectoriel en plaçant les différents services de l’État social dans une forme de concurrence horizontale.
De par son système de sécurité sociale composé de dix branches d’assurance sociale complétées par l’aide sociale, la Suisse est particulièrement exposée au risque de fragmentation. Pour surmonter cette difficulté, différentes stratégies visant la coordination de l’action sociale ont été développées depuis une dizaine d’années, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal. Parmi celles-ci, le projet pilote national CII-MAMAC (2006-2010) représente un des exemples les plus aboutis en matière d’intégration des politiques sociales. Ce projet vise à lutter contre le risque d’effets « carrousel » entre l’assurance-chômage (AC), l’assurance invalidité (AI) et l’aide sociale (AS). Il s’agit de limiter les risques que des dossiers soient constamment renvoyés d’un service à l’autre. Basée sur les principes du case management, la CII-MAMAC prévoit la mise en place de procédures et d’objectifs communs entre l’AC, l’AI et l’AS et se propose d’offrir un suivi conjoint et plus adapté aux besoins des bénéficiaires. On tente ainsi de favoriser la synergie des ressources et leur focalisation sur un objectif commun, celui de l’activation des personnes à travers une meilleure coordination de l’action sociale.
Dans le cadre de notre contribution, nous nous proposons de discuter les enjeux soulevés par cette nouvelle orientation des politiques sociales, à partir du cas de la CII-MAMAC. Nous nous attacherons à montrer les apports et les limites de cette nouvelle approche de l’intervention sociale, tant du point de vue des agents de terrain en charge de mettre en œuvre ces nouveaux dispositifs que de celui des bénéficiaires. Pour cela, notre contribution insistera principalement sur les trois questionnements suivants : 1) Quelles sont les ressources mobilisées par la CII-MAMAC et sont-elles suffisantes pour mettre en place un suivi personnalisé ? 2) Quelle est la marge de manœuvre des agents de terrain en matière d’innovation ? 3) Quelle est la place réelle accordée aux bénéficiaires dans ce processus et comment leurs besoins sont-ils définis ?
Les analyses présentées dans ce papier se fondent sur une étude documentaire des textes de loi et autres directives officielles ainsi que sur des entretiens approfondis menés auprès de responsables, d’agents locaux et de bénéficiaires de la CII-MAMAC. Ces données ont été récoltées dans le cadre des recherches suivantes : Capright (2007-10), projet intégré du 6ème programme-cadre de l’Union européenne ; Lutter contre la fragmentation des politiques sociales : Analyse des pratiques CII-MAMAC dans 3 cantons romands (2009-2010), projet soutenu par le REA S2 de la HES-SO.
Mots clés :
Intervention sociale et travail social, Intégration, Action publique
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