|
Problématique
Que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, les services sociaux doivent répondre à de nouvelles exigences et démontrer que leurs interventions sont efficaces et appuyées par des données probantes (IRSS, 2010). Au Québec, ceci se traduit par l’assujettissement des services sociaux à un virage qualité qui a pris plusieurs formes, dont celle de la nouvelle gestion publique (Larivière, 2005). Toutefois, ce type de gestion et d’organisation des services s’est intéressé à la mesure de la performance du processus d’intervention plutôt qu’aux effets que l’intervention sociale produit dans la vie des gens (Dickinson, 2008; Miller, 2010; Salais, 2010). Ainsi, les indicateurs actuels ne permettent pas de capter l’atteinte de certains objectifs de l’intervention sociale, comme ceux, du rétablissement ou de l’intégration sociale (Aubé et St-Onge, 2007). C’est au regard de ces limites, que l’approche centrée sur des indicateurs d’effets dans le domaine de l’intervention sociale a été développée au Royaume-Uni (Ellis, 2009). Cette approche vise à ce que les pratiques d’intervention soient réfléchies et jugées comme un processus co-élaboré par les intervenants, la personne et son réseau afin d’en arriver à des effets positifs dans la vie de la personne et de ses proches (Garber, 2011; Slade, 2006; Miller, 2011). Selon cette approche, la co-élaboration de l’intervention se centre sur la prédétermination des effets à atteindre et des indicateurs pour en mesurer la progression, qui servira à planifier et à organiser les ressources (les intrants), les méthodes (le processus) et les activités d’intervention (les extrants) (Ellis, 2009).
Méthodologie
Financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ce projet de recherche a deux objectifs : 1. réaliser une analyse critique des approches ayant développé des indicateurs d’effets centrés sur la personne et ses proches dans le domaine des services sociaux au moyen d’une revue de littérature systématique (Machi et McEvoy, 2009); 2. élaborer un modèle générique utilisant l’approche centrée sur les indicateurs d’effets, adapté au contexte des services sociaux québécois. L’élaboration de ce modèle est le fruit d’un processus de co-construction partenariale impliquant des chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Institute for Research and Innovation in Social Services, des personnels cadres et professionnels provenant du Centre de santé et de services sociaux – Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke et d’organisations communautaires ainsi que des usagers. Nous avons planifié six rencontres partenariales servant de moteur à la co-construction du modèle dans lesquelles sont abordés les enjeux théoriques et pratiques et trois séminaires qui traitent de sujets plus spécifiques. Nous utilisons le modèle logique pour établir les objectifs du modèle et planifier les activités ainsi que les processus à mettre en place pour y parvenir (Miller, 2011).
Résultats
En phase de développement, nous considérons l’approche centrée sur les indicateurs d’effets comme novatrice et originale pouvant contribuer à la transformation des services sociaux, tant sur les plans de l’organisation des services, de l’intervention sociale, de la formation que de la recherche. C’est une nouvelle façon d’appréhender les services sociaux qui peut permettre de les rendre plus efficaces, efficients et durables (Boyle et Harris, 2009). Toutefois, en considérant la personne comme co-élaboratrice des effets et des indicateurs, les pratiques de services sociaux exigent des méthodes (d’intervention, d’évaluation, etc.) plus flexibles et inventives (Miller, 2010). Ceci nécessite donc un changement important de cultures aux niveaux politique, organisationnelle et professionnelle pour parvenir à mieux adapter le processus d’intervention au contexte de la personne. Donc, pour ce faire, nous avons investi ces trois niveaux pour réaliser nos travaux de co-construction du modèle générique. 1. Le niveau politique dans lequel nous avons établi des liens avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et avec l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. 2. Le niveau organisationnel dans lequel nous avons établi une collaboration avec la direction du Centre de santé et de services sociaux-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. Cet établissement a d’ailleurs identifié l’approche centrée sur les indicateurs d’effets comme étant un chantier de recherche prioritaire 3. Le niveau clinique dans lequel nous travaillons étroitement avec des intervenants pour réfléchir et élaborer le modèle. Enfin, si ce travail de co-construction est nécessaire à l’élaboration d’un modèle adapté au contexte québécois, il pose des enjeux importants entre les partenaires en matière d’intervention sociale notamment quant à la construction des savoirs, aux modalités d’intervention, aux outils d’intervention, aux indicateurs d’effets, à l’attribution des ressources humaines et financières, etc.
|