Fiche Documentaire n° 1657

Titre Vers l'innovation pédagogique : du possible de la transmission des valeurs autour de l'Education nouvelle

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l'auteur principal

Auteur(s) SERINA-KARSKY Fabienne
HUGUES Marie-Geneviève
 
     
Thème Recherche-action-collaborative sur la formation professionnelle des enseignants  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Vers l'innovation pédagogique : du possible de la transmission des valeurs autour de l'Education nouvelle

Cette communication a pour objet l'évolution d'une recherche action collaborative sur la formation des enseignants, depuis ses prémices au sein d'une association regroupant les écoles nouvelles françaises, jusqu'à son aboutissement avec la création d'un centre de formation ayant pour thème transversal l'innovation pédagogique.

Notre première partie sera consacrée au moment de la mise en place de la RAC. Nous reviendrons tout d'abord sur la rencontre entre une doctorante en sciences de l'éducation et les membres de l'ANEN (Association nationale pour le développement de l'Éducation nouvelle), qui regroupe parents, animateurs et enseignants, et sur la constitution du groupe de travail chargé du pilotage de la recherche, que nous représentons ici. Nous nous intéresserons ensuite à la construction de l'objet de recherche, dont la problématique est la formation des enseignants primo-arrivants dans les écoles nouvelles. Les écoles nouvelles du XXIe siècle, au nombre d’une demi-douzaine pour celles affiliées à l’ANEN, dans la filiation d'écoles créées par le courant pédagogique dit de l’Education nouvelle, rencontrent aujourd'hui un problème de formation de leurs enseignants et de leur personnel éducatif. Faute d’une formation complémentaire spécifique, garante de leur action éducative et sa pérennisation, elles risquent de voir se dissoudre leur identité et leur originalité et n'être qu'une appellation autodécernée.

Nous aborderons dans la deuxième partie la démarche et le contenu de la recherche. La particularité des écoles nouvelles, du fait même de leur volonté d'ouverture et de partage, participe favorablement à établir la mise en place d'une recherche collaborative, réalisée avec et non sur des enseignants, en référence ici à Ducharme, Leblanc, Bourassa et Chevalier (2007). En effet, les écoles nouvelles sont des lieux d'expérimentation et de recherche qui revendiquent leur particularité d'écoles expérimentales depuis leur origine. Une autre particularité à souligner est le regard des enseignants sur leurs pratiques, le travail d'équipe contribuant à faire des enseignants en école nouvelle des praticiens réflexifs dont la posture nécessite d'être pensée et étayée au sein d'espaces réservés à cet effet, ainsi que nous le montrent les entretiens avec les enseignants et les questionnaires soumis aux écoles lors de notre recherche sur leurs besoins en formation.

Nous nous questionnerons dans la troisième partie sur les limites de la RAC telles que nous les avons vécues, et reviendrons sur la maturation nécessaire d'un processus qui nous a conduit, faute d'un consensus au sein de l'ANEN, à construire un espace neuf pour réaliser le fruit de nos recherches. La concrétisation d'une formation à l'Éducation nouvelle pour des enseignants primo-arrivants a été ici le déclencheur de questions touchant à la légitimité de la transmission des valeurs et des principes de l'Éducation nouvelle, dont l'effet a été de clôre l'espace de formation recherché.
Cela nous amène à penser que ce dernier temps de la recherche-action, celui de la transformation, demande probablement à être défini, ou, tout au moins, mieux pris en considération, en amont de la recherche.

Cette rupture a néammoins été pour nous un moment fondateur puisqu'il a permis de dépasser le cadre premier et de poursuivre notre action dans un nouvel espace associatif consacré à la formation des enseignants, « Enseigner aujourd'hui », où la question de la transmission des valeurs autour de l'Education nouvelle mises au jour lors de la RAC sont traitées en lien avec l'innovation pédagogique.

Bibliographie

Blanchard-Laville C. (2001). Les enseignants entre plaisir et souffrance. Paris : Presses universitaires de France. 281p.
Chevalier J., Bourassa M. et Buckles D. J. (2011). Guide de la recherche-action, la planification et l’évaluation participatives en éducation. Gatineau, Canada: SAS2 Dialogue
Collet M., Lauze D. , Royer M., de Vals M. (1986). Copie non conforme : quinze ans à La Prairie, école nouvelle. Toulouse : Privat. 333p.
Ducharme D., Leblanc R., Bourassa M., Chevalier J., « La recherche collaborative en milieu scolaire : un travail d'acculturation », Education et francophonie, automne 2007, voL XXXV : 2
Duval N. (2009). L'école des Roches. Paris : Belin. 303p.
Houlon-Trémolières J., Cibois P., coll. (2007). La Source, école de la confiance. Paris : Fabert, 199p.
Hugon M.-A., Seibel C. (1988). Recherches impliquées, Recherches-action : le cas de l'éducation : synthèse des contributions et des débats du colloque / organisé par l'Institut national de recherche pédagogique, INRP, Paris les 22, 23 et 24 octobre 1986. Bruxelles : De Boeck Université ; Paris : Editions universitaires. 185p.
Reuter Y., dir. (2007). Une école Freinet. Fonctionnement et effets d'une pédagogie alternative en milieu populaire. Paris : l'Harmattan. 254p.
Rist M. et N. (1983). Une pédagogie de la confiance, l'école nouvelle d'Antony. Paris : Syros. 255p.
Savoye A., Ohayon A., Ottavi D. (2004). L'éducation nouvelle, histoire, présence et devenir. Berne : Peter Lang. 330p.
Serina-Karsky F. (2010). « L'Ecole Aujourd'hui-School for today ». L'école autrement. La lettre de l'enfance et de l'adolescence. Toulouse : Eres
Shankland R., (2009). Pédagogies nouvelles et compétences psychosociales : de l'apprentissage à l'école à l'entrée dans l'enseignement supérieur. Paris : L'Harmattan. 217p.
Viaud M-L. (2005). Des collèges et des lycées différents. Paris : PUF. 257p.
Les Etudes sociales. Histoires d'éducation nouvelle, n°145, 1er semestre 2007

Présentation des auteurs

Fabienne SERINA-KARSKY est doctorante en sciences de l'éducation, équipe d'accueil CIRCEFT, axe histoire et socio-histoire de l'éducation, Université Paris 8-Vincennes - Saint-Denis, sous la direction de Mr Antoine SAVOYE. Elle occupe actuellement un poste d'ATER au département « Carrières sociales », option animation socio-culturelle, IUT de Sénart-Fontainebleau, Université Paris-Est Créteil.
Marie-Geneviève HUGUES est enseignante en CM2 à l'école nouvelle d'Antony.
Noëlle STRADIOTTO est enseignante en petite section de maternelle et directrice de l'école nouvelle de la Rize à Lyon.

Communication complète

Cette communication a pour objet l'évolution d'une recherche action collaborative sur la formation des enseignants, depuis ses prémices au sein d'une association regroupant les écoles nouvelles françaises, jusqu'à son aboutissement avec la création d'un centre de formation, en dehors du cadre premier, ayant pour thème transversal l'innovation pédagogique.

Notre première partie sera consacrée au moment de la mise en place de la recherche action collaborative. Nous reviendrons tout d'abord sur la rencontre entre les membres de cette recherche au sein de l'ANEN (Association nationale pour le développement de l'Éducation nouvelle), qui regroupe parents, enseignants et animateurs, et sur la constitution du groupe de travail chargé du pilotage de la recherche, que nous représentons ici. Nous nous intéresserons ensuite à la construction de l'objet de recherche, dont la problématique est la formation des enseignants primo-arrivants dans les écoles nouvelles. Nous aborderons dans la deuxième partie la démarche et le contenu de la recherche. La particularité des écoles nouvelles, du fait même de leur volonté d'ouverture et de partage, participe favorablement à établir la mise en place d'une recherche collaborative, réalisée avec et non sur des enseignants. En effet, les écoles nouvelles sont des lieux d'expérimentation et de recherche qui revendiquent leur particularité d'écoles expérimentales depuis leur origine. Une autre particularité à souligner est le regard réflexif des enseignants sur leurs pratiques, le travail d'équipe contribuant à faire des enseignants en école nouvelle des praticiens réflexifs, dont la posture nécessite d'être pensée et étayée au sein d'espaces réservés à cet effet, ainsi que nous le montrent les entretiens avec les enseignants et les questionnaires soumis aux écoles lors de notre recherche sur leurs besoins en formation.
Nous nous questionnerons dans la troisième partie sur les limites de la RAC telles que nous les avons vécues, et reviendrons sur la maturation nécessaire d'un processus qui nous a conduit, faute d'un consensus au sein de l'ANEN, à construire un espace neuf pour réaliser le fruit de nos recherches. La concrétisation d'une formation à l'Éducation nouvelle pour des enseignants primo-arrivants a été ici le déclencheur de questions touchant à la légitimité de la transmission des valeurs et des principes de l'Éducation nouvelle, dont l'effet a été de clôre l'espace de formation recherché.
Cela nous amène à penser que ce dernier temps de la recherche-action, celui de la transformation, demande probablement à être défini, ou, tout au moins, mieux pris en considération, en amont de la recherche.
Problématique
Les écoles nouvelles du XXIe siècle, au nombre d’une demi-douzaine pour celles affiliées à l’ANEN, dans la filiation d'écoles créées par le courant pédagogique dit de l’Education nouvelle incarné en France dans des associations allant de l’Ecole nouvelle française de Cousinet au GFEN, en passant par les CEMEA ou l’ICEM des Freinet, rencontrent aujourd'hui un problème de formation de leurs enseignants et de leur personnel éducatif. Faute d’une formation complémentaire spécifique garante de leur action éducative et sa pérennisation, elles risquent de voir se dissoudre leur identité et leur originalité et n'être qu'une appellation autodécernée. Quelle doit être cette formation spécifique en termes de savoirs transmis et de modalités pédagogiques ? A quelles conditions institutionnelles est-elle possible ? Telles sont les questions centrales auxquelles la recherche mise en place souhaitait apporter des réponses, selon un processus collaboratif associant membres de l'ANEN, représentants des écoles nouvelles, et chercheurs en sciences de l'éducation.
Contexte scientifique
La recherche envisagée intervient dans un contexte de questionnement au niveau national sur la formation des enseignants et s'inscrit dans le courant de recherches portant sur les pratiques éducatrices innovantes. Nous pouvons citer les travaux de l'équipe de recherche Théodile, quant à l'analyse et l'évaluation de la pédagogie Freinet dans une école en milieu populaire, qui montrent les effets positifs, au-delà des milieux favorisés, de ce mode de travail, et pose la question de la difficulté d'une transférabilité globale et massive au vu notamment de la question de la formation des enseignants (Reuter, 2007).
Rebecca Shankland quant à elle, dans sa thèse de sur l'adaptation à l'enseignement supérieur des jeunes ayant suivi leur scolarité dans une école nouvelle, pose le problème d'une formation des enseignants ne permettant pas de « comprendre les mécanismes de l'apprentissage » de façon à « apprendre à l'enfant à acquérir lui-même un savoir » (2007, p.25).
Marie-Laure Viaud de son côté explore les collèges et lycées différents se référant aux pédagogies nouvelles, actives et coopératives, et montre en quoi ils pourraient être un modèle pour l'école de demain (Viaud, 2005).
Les praticiens des écoles nouvelles contribuent eux-mêmes à ce courant en rendant compte de leurs expériences (voir l'Ecole nouvelle d'Antony, Rist, 1983 ; l'école de la Prairie, Collet, Lauze , Royer et de Vals, 1986 ; l'Ecole en couleurs, Mahillon, 2003 ; l'école de La Source, Houlon-Trémolières, Cibois, 2007).
Parallèlement, les écoles nouvelles contemporaines sont l’objet d’une mise en perspective historique à travers une série de travaux relatifs à l’histoire de l’Education nouvelle (Serina-Karsky, 2011 ;Duval, 2009 ; Gutierrez, 2008 ; Savoye, 2004).

Méthodologie
Cet ensemble constitue un étayage conséquent à notre propre recherche qui présente la double originalité d’être centrée sur la formation des enseignants et du personnel éducatif comme clé des écoles nouvelles et de procéder selon une logique de RAC, qui nous semble correspondre à la logique du travail en école nouvelle en ce qu'elle donne la parole aux acteurs, de façon à répondre à leurs besoins spécifiques, ici la formation des enseignants primo-arrivants. Le recours à la recherche-action, en ce qu'elle vise la production de connaissances, la conscientisation des acteurs, et l'instauration d'une action transformatrice, participe à mettre ici en avant une reconnaissance de l'apport indispensable des praticiens dans la conception d'une formation faisant office également de transmission des principes propres au paradigme de l'Education nouvelle. Sa mise en place s'est faite dans un premier temps dans le cadre des CA de l'ANEN, par la constitution d'un comité de pilotage dont la mission était d'organiser le calendrier et les modalités de la recherche. Faute de volontaires pour mener la recherche sur le terrain, le comité s'est mué en groupe de travail chargé de préparer les questionnaires et les grilles d'entretien, d'aller à la rencontre des écoles et de leurs équipes, d'analyser les données, d'en faire le compte-rendu, et enfin d'organiser, sur ces bases, une formation susceptible de répondre aux besoins recensés sur le terrain.
Nous avons fait le choix de proposer un texte à trois voix, de façon à rendre compte de l'apport spécifique de chacune d'entre nous depuis la place qui est la sienne. Marie-Geneviève, enseignante en école nouvelle et membre de l'ANEN, nous présentera les fondements de la recherche, Noëlle, enseignante et directrice d'une école nouvelle, nous parlera de la spécificité du travail enseignant, et Fabienne, doctorante en sciences de l'éducation, proposera une analyse des limites de cette recherche.

Une formation à l'Education nouvelle
Enseignante depuis plus de 20 ans à l’école nouvelle d’Antony et membre du conseil d’administration de l’ANEN, j’ai proposé de relancer le centre de formation au CA de septembre 2009 puis à nouveau à l’AG de janvier 2010. Presque inexistant depuis quelques années, le centre de formation était très performant dans les années 1980, avec des variations toutefois en fonction de la demande des écoles et des membres composant les CA. L’ANEN regroupe des parents anciens et actuels, des animateurs, des enseignants, des éducateurs et tout le personnel travaillant avec la petite enfance dans nos écoles. Chaque école est représentée au CA.
Il est essentiel de permettre à tous les enseignants de ces écoles d’accéder aux formations spécifiques à ce courant pédagogique surtout au sein d’une association qui milite pour le développement de l’Education nouvelle. Elles sont garantes dans leurs spécificités de la pérennisation des valeurs de l’Education nouvelle et de ses pratiques éducatives. Sous la forme de formation initiale, elles concernaient essentiellement les primo-arrivants et elles étaient obligatoires jusque dans les années 1980. Tous les nouveaux enseignants étaient regroupés ensemble pour y participer. Aujourd’hui réduites à de simples échanges de pratique, il est plus que nécessaire de les réorganiser.
Parallèlement, il semble important de les proposer aussi à d’autres écoles en dehors de notre réseau, dites plus traditionnelles. Ce qui permet d’étendre toujours plus l’ouverture de l’Education nouvelle vers l’extérieur.
Pour cela, je propose la constitution d'un groupe de travail-comité de pilotage lors de ce CA. Il est composé de Fabienne, de moi-même et ensuite de Noëlle qui nous rejoint dès le CA suivant. Nous réfléchissons alors à la répartition du travail. Nous choisissons de commencer par faire des recherches remontant jusqu’à la création de l’ANEN et de son centre de formation appelé CFEN (Centre de Formation à l'Education Nouvelle), afin d'essayer de mieux comprendre les raisons pour lesquelles il ne fonctionnait plus.
Depuis 1945, le mouvement « L’Ecole Nouvelle Française », sous la direction de Roger Cousinet chargé de cours à la Sorbonne et de François Chatelain professeur à l’Institut Catholique de Paris, propose des stages de formation, qui sont organisés par ses adhérents. A partir de 1962, « les Rencontres Pédagogiques » prennent le relais. Un groupe d’écoles engagées décident alors de se donner une structure intégrant enseignants et parents, c’est la création de l’ANEN en janvier 1970. Parmi ses nombreux objectifs : poursuivre les recherches, favoriser la création d’écoles nouvelles et travailler à la formation des enseignants.
Ces recherches historiques ont pu donner à notre groupe de travail les fondements nécessaires à poursuivre notre réflexion dans son contexte et de ce fait de pouvoir continuer notre analyse en toute légitimité.
Nos séances de travail s'orientent autour de trois axes principaux : définition des valeurs de l'Education nouvelle communes aux différentes écoles de l'ANEN, recension des souhaits de formation exposés par chaque école, examen de la formation actuelle à l'Education nouvelle.
Nos recherches nous conduisent ainsi sur le terrain des écoles nouvelles afin de rencontrer les équipes pédagogiques, mais aussi sur le terrain de la formation des enseignants, auprès d'un centre de formation pédagogique privé laïque, Eurécole, dont l'un des axes de formation est précisément la formation des enseignants aux pédagogies différentes.
Nous répartissons les rendez-vous avec les écoles en fonction de nos lieux de résidence : Noëlle rencontre les écoles de Lyon et de Toulouse, Fabienne et moi celles de la région parisienne. Comme base de travail nous élaborons un questionnaire commun à toutes les écoles. Nous souhaitons définir ainsi leurs besoins en formation : initiale ou continue, individuelle ou collective, un ou plusieurs jours, suivi ou non, spécifique ou générale, sur le temps scolaire ou en dehors, les tarifs… Le tour des écoles nous a permis de faire un premier état des lieux et de lister les demandes précises de chaque école concernant la formation de ses enseignants. Un compte-rendu de l’avancement de l’activité du groupe de travail est présenté à chaque CA puis un bilan à l’AG en fin d’année.

Spécificité du travail en école nouvelle
À l'heure où les orientations nous mènent toujours davantage sur des apprentissages systématiques voire mécaniques si bien que l'on en oublierait presque de chercher, on peut se rappeler que les écoles nouvelles n'ont eu de cesse d'aller toujours plus loin dans la globalité des apprentissages et dans la mise en place d'une cohérence pédagogique entre l'école et la vie scolaire.
Mais l'Education nouvelle se caractérise aussi par la place qu'elle donne à l'auto-socio-construction du savoir. Du côté des enfants à travers la démarche expérimentale, pour qu'ils soient questionnés sans cesse, seuls, en groupe, et afin que soient élaborées et vérifiées ces hypothèses qui construisent leurs savoirs. Du côté des enseignants, confrontés à des résistances de tous ordres aux apprentissages, qui cherchent alors de nouveaux outils, de nouvelles stratégies, seuls, en équipe, et avec d'autres.
Parallèlement à cette réflexion autour du rôle de l'enfant dans la construction de ses propres savoirs, s'élabore par voie de conséquence le rôle de l'enseignant dans ce système, non plus seulement comme un praticien mais aussi comme un théoricien.
Divers lieux doivent être mis à disposition des enseignants afin que se verbalisent leurs observations, s'identifient leurs problématiques, s'expérimentent des outils, et s'élaborent leurs pensées. Ce sont les équipes éducatives elles-même, qui doivent définir leurs lieux, dans un espace et dans une temporalité qui leur conviennent. La mise en place effective doit avoir lieu avec le soutien de chacun des membres de l'équipe, la collaboration, les connaissances et compétences de chacun reconnues comme ressources pour les autres.
L'action de formation prend alors toute autre dimension. En effet, elle doit, dans un premier temps, remobiliser les enseignants, les rassurer dans leurs compétences et les confronter à un devoir de transmission. Dans un second temps, elle doit les aider à mettre en place les espaces de parole nécessaire à l'élaboration d'un questionnement.
Tout au long de ce processus, l'action de formation suit les équipes et leur apporte aux différentes étapes de recherche les connaissances dont elle pourraient avoir besoin. A l'issue de la réflexion, une aide sur la rédaction écrite du projet peut être apportée.
Notre action se situe donc davantage en une compréhension de l'organisation et de l'énergie déjà existant dans les écoles, afin de proposer une action ciblée et personnalisée à chaque équipe.

Des résultats controversés
C'est sur cette base de réflexion, alimentée par les entretiens avec les équipes enseignantes des écoles, que nous proposons nos résultats assortis d'un projet de formation pour la rentrée scolaire 2010. Les réponses aux questionnaires ainsi que l'analyse des entretiens ont clairement laissé apparaître les point névralgiques de la transmission de l'Education nouvelle telle qu'elle est pratiquée dans les écoles, ce qui nous permet de proposer une formation reposant sur trois volets : la conception de l'enfant, le rôle de l'enseignant, les outils utilisés dans les classes. Les modalités retenues sont un temps de formation de deux journées, regroupant sur un même lieu les enseignants et les animateurs des différentes écoles n'ayant pas eu l'occasion de travailler conjointement pratique et théorie de l'Education nouvelle depuis leur prise de fonction. Nous sommes toutes les trois présentes, Marie-Geneviève en tant qu'observatrice non-participante, Noëlle en tant qu'observatrice participante, et moi-même en tant que formatrice, rôle pour lequel je suis accompagnée par Anne-Marie, ancienne enseignante d'école nouvelle ayant participé aux formations proposées dans les années 1980. Après accord des participants, la formation est filmée, ce qui nous permettra ensuite d'en analyser les séquences.
Cette première expérience de formation nous permet de proposer lors de l'AG de l'ANEN en janvier 2011 un modèle de formation que nous jugeons susceptible de répondre aux besoins que nous avons recensés. Cette formation repose sur la transmission des savoirs, savoirs-faire, savoirs-être, ce qui à nos yeux nécessite de faire intervenir les praticiens des écoles : professeurs des écoles, éducateurs de jeunes enfants, animateurs. Cet « aller de soi » se heurte aux résistances de plusieurs des membres de l' ANEN, pour lesquels la transmission des valeurs de l'Education nouvelle ne peut se faire par les professionnels en exercice dans les écoles, mais par des formateurs « assermentés » Education nouvelle.
Il nous faut ici revenir sur la place particulière qu'occupent les parents dans les écoles nouvelles, de façon à éclairer ces résistances, qui viennent de parents actuels ou anciens des écoles de l'ANEN.
Sur les six écoles faisant partie de l'ANEN, deux sont dès l'origine portées et mises en place avec l'aide des parents, qui de ce fait ont une place particulière au sein de l'école. Les écoles nouvelles proposent toutes une triade éducative à laquelle participent les parents, dont la présence est plus ou moins actée selon la place que leur accordent les statuts des écoles. Cette présence des parents se retrouve au sein de l'ANEN, composée à part à peu près égale de membres des équipes enseignantes et de parents. Le bureau est composé de parents, la directrice est une ancienne parent d'élève.
Cet état de fait permet de mieux comprendre la légitimité de la parole des parents membres de l'ANEN, et d'entendre leur souhait d'une formation dispensée par des professionnels de la formation, et non par les praticiens des écoles. Nous nous trouvons confrontés d'une part à la question de la difficulté de transmettre sur l'école nouvelle, elle-même en perpétuelle construction, et d'autre part à la question, sous-entendue, de l'illégitimité des praticiens à transmettre les valeurs de l'Education nouvelle. La question du pouvoir, de l'équilibre entre théorie et pratique, du positionnement du théoricien qui doit transmettre, et non du praticien qui peut transmettre, sont bien ici au coeur de la spécificité de la formation des écoles nouvelles. En donnant aux équipes des écoles le pouvoir de transmettre les principes et les valeurs de l'Education nouvelle, nous les retirons de fait aux parents, les excluant par là même de la légitimité à transmettre une Education nouvelle pour laquelle ils militent et qui constitue le fondement même de leur présence à l'ANEN.
C'est cet impensé de la question de la légitimité de la transmission de l'Education nouvelle au sein de la RAC qui va nous conduire à envisager un autre espace de formation que celui au sein duquel la recherche avait été mise en place. Le manque de reconnaissance de la part de certains des membres de l'ANEN, qui de ce fait rend notre action illégitime, nous fait envisager une scission, puis une reconversion de notre travail au sein d'une nouvelle association, que nous créons afin de répondre à la demande soulevée par la RAC que nous avions entreprise dix-huit mois plus tôt.
Cela nous a permis de transformer cette rupture en un moment fondateur, de dépasser le cadre premier et de poursuivre notre action dans un nouvel espace associatif consacré à la formation des enseignants, « Enseigner aujourd'hui », où la question de la transmission des valeurs autour de l'Education nouvelle mises au jour lors de la RAC sont traitées en lien avec l'innovation pédagogique.
Conclusion
En conclusion, nous dirons que ce travail de recherche nous a permis de confronter nos univers professionnels et d'allier nos compétences, en vue d'organiser un dispositif, rendu possible par le recours à la recherche-action, capable de produire des connaissances permettant de satisfaire le désir de transformation (Berthon, 2000). Le fait que les résultats de la RAC n'aient pas correspondu au souhait de la structure associative pour laquelle la recherche avait été engagée met au jour les risques sous-jacents du recours à la recherche, qui ne peut en aucun cas anticiper les résultats. La barrière entre les chercheurs et les acteurs, que toute recherche-action cherche à affranchir, refait surface ici dans toute sa force, et pose la question de la confrontation du terrain à la recherche : en effet, s'il est admis que le chercheur doit prendre en compte la dimension de la pratique, qu'en est-il de la préparation de l'acteur face à la dimension de la recherche ?

Résumé en Anglais


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