Fiche Documentaire n° 1849

Titre Retour sur l’étude du Dispositif de Réussite Éducative en Picardie : un dispositif – public et de recherche – à géométrie variable

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) GALLEMAND Florence
BEGUE Sylvie
 
     
Thème Des agents doubles : acteurs d’une recherche-action collaborative  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

Retour sur l’étude du Dispositif de Réussite Éducative en Picardie : un dispositif – public et de recherche – à géométrie variable

Cette communication s’appuiera sur l’évaluation du dispositif de réussite éducative (DRE) en Picardie et cherchera à analyser la question des conditions de création et de fonctionnement d’un collectif de travail de recherche composé d’acteurs différents (par leurs statuts, leurs champs d’exercice, leurs professionnalités, leurs intérêts… ). Il s’agira d’observer la manière dont les acteurs peuvent se « décaler » (c’est à dire sortir de leur schéma traditionnel d’analyse et de pensée lié à leur habitus professionnel primaire) et faire des usages croisés de leurs ressources professionnelles (théorique, pratique, réflexive).

Dans cette étude, il s’agissait de mieux connaître le déroulement d’un parcours au sein du dispositif. Son apport et son originalité résident essentiellement dans les partis pris méthodologiques de départ : une recherche-action permettant ainsi de lier « recherche » : diagnostic, production et analyse de données, méthodologie, neutralité et « opérationnalité » : co-élaboration d’outils immédiatement appropriables et utilisables par les acteurs de terrain, échanges de pratiques entre professionnels et une démarche participative permettant, quant à elle, d’associer les acteurs au processus de recherche.
Dès les premiers temps de l’étude, il a été constaté une grande diversité des fonctionnements des plateformes et des parcours personnalisés, ainsi la question centrale qui a émergée était la suivante : cette variété est – elle un atout ou une faiblesse pour le dispositif et pour les bénéficiaires ? À partir de l’analyse des trajectoires et des parcours, il a été possible de mettre en évidence les pratiques professionnelles, les outils mobilisables, les difficultés rencontrées par les professionnels dans l’accompagnement des jeunes et des familles.
Cette recherche s’est appuyée sur des méthodologies d’enquête issues de la « boîte à outil des sciences sociales », la particularité des RAC résidant ici dans la place et le rôle des différents acteurs dans le processus de recherche et la mise en place de protocole d’étude axé sur le collectif.
En effet, on peut distinguer au moins 4 types d’acteurs ayant participés à cette RAC :
- les commanditaires de l’étude qui se révèlent difficilement indentifiables dans les faits (changement de personnes, d’institutions…) ;
- les usagers du dispositif (parents et/ou enfants) dont le rôle s’est essentiellement limité au statut d’enquêté ;
- les professionnels de la réussite éducative dont l’implication est davantage liée aux individus, à leur personnalité, à leur rapport avec la recherche plus qu’aux positionnements institutionnels ;
- et les chercheurs en science politique.
On a pu observer 2 types d’effets de la RAC : des effets sur le dispositif observé et des effets sur la méthodologie de la recherche et la construction et l’échange des savoirs.
- en termes d’opérationnalité : la RAC a permis de créer ou favoriser les échanges entre les acteurs et de mettre ainsi en évidence l’hétérogénéité du dispositif, de produire des outils co-construits (soit pour les besoins de la recherche, soit à la demande du terrain) et d’apporter un regard extérieur sur les pratiques professionnelles et les parcours des jeunes et des familles.
- en termes de construction et d’échanges de savoirs : les 2 types d’acteurs principaux de cette RAC (les professionnels de terrain et les chercheurs) se trouvent dans une posture d’agent double : les professionnels sont des « enquêtés participants » qui adoptent une posture réflexive sur les pratiques professionnelles et institutionnelles, quant aux chercheurs, ils font de « l’observation participante », ils sont des acteurs d’une commande publique et des scientifiques.

La richesse mais aussi les difficultés des RAC résident essentiellement dans cette alchimie et cet équilibre entre les différentes identités qui permettent de créer au moins le temps de la recherche un collectif de recherche collaborative.

Bibliographie

- G. BARON, Évaluation, participation, apprentissage dans l’action publique – Étude de l’évaluation d’un programme européen, L’Harmattan, Logiques politiques, 2000.
- B. BOUQUET, Histoire des métiers du social en France, Éditions ASH, 2005.
- Cabinet ARES, rapport d’enquête sur la place des familles dans le dispositif de réussite éducative, ACSé, 2011.
- S. DESGAGÉ, Le concept de recherche collaborative : l’idée d’un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants, Revue des sciences de l’éducation, Vol 23, n°2, 1997.
- G. LEFEUVRE, l’expérimentation sociale : une innovation de politique sociale en réponse à la « crise » dans le champ de l’éducation, communication au colloque de AECSE, Crise et/en éducation – épreuves, controverses et enjeux nouveaux, Université de Nanterre, Octobre 2011.
- M. LIU, Fondement et pratique de la recherche action, L’Harmattan, logiques sociales, 1997.
- TERRITORI/ACSé, Analyse des parcours de Réussite éducative, 2010.

Présentation des auteurs

Florence Gallemand, Ingénieure d’études en science politique, CURAPP UMR 7319 du CNRS, Université de Picardie Jules Verne, coordonne entre autres de nombreuses recherches actions dans le domaine des politiques sociales (Dispositif de réussite éducation, Contrat Urbain de Cohésion Sociale, Sédentarisation des gens du voyage, La loi de 2002-2 à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, la participation dans les CHRS, le Plan Département d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées…).

Sylvie Bègue, Éducatrice spécialisée, coordonatrice du dispositif de réussite éducative d’Amiens sud-est.

Communication complète

En s’appuyant sur l’évaluation du dispositif de réussite éducative (DRE) en Picardie, on cherchera à analyser la question des conditions de création et de fonctionnement d’un collectif de travail de recherche composé d’acteurs différents (par leurs statuts, leurs champs d’exercice, leurs professionnalités, leurs intérêts… ). Il s’agira d’observer la manière dont les acteurs peuvent se « décaler » (c’est à dire sortir de leur schéma traditionnel d’analyse et de pensée lié à leur habitus professionnel primaire) et faire des usages croisés de leurs ressources professionnelles (théorique, pratique, réflexive).
Cette recherche-action a été impulsée par le Sous-Préfet à la ville de la Somme, le cahier des charges a été élaboré en lien direct avec l’inspection académique et la contractualisation s’est concrétisée avec la DRJSCS de Picardie. On peut souligner l’absence dans ce circuit institutionnel des collectivités locales pourtant en charge de mettre en œuvre le dispositif. La genèse de cette commande a eu des effets tout au long du processus de recherche-action de la définition du projet à sa restitution aux acteurs
Dans cette étude, il s’agissait de mieux connaître le déroulement d’un parcours de jeune et de famille au sein du dispositif. Dès les premiers temps de l’étude, il a été constaté une grande diversité des fonctionnements des plateformes et des parcours personnalisés, ainsi la question centrale qui a émergée était la suivante : cette variété est – elle un atout ou une faiblesse pour le dispositif et pour les bénéficiaires ? Cette diversité s’observe aux niveaux des équipes en charge du DRE (leur composition, le profil des professionnels…), des problématiques qu’elles abordent (accompagnement, accès au soin, parentalité…) ou encore de l’approche du public (prise en compte des familles, durée des parcours, actions individuelles et ou collectives…). On observe néanmoins de fortes récurrences en terme de difficultés des plateformes face à la précarité du dispositif et du statut des personnes qui l’animent, du fait que le dispositif pallie aux carences du droit commun et qu’il doit faire face à des situations sociales au-delà de la fragilité. À partir de l’analyse des trajectoires et des parcours, il a été possible de mettre en évidence les pratiques professionnelles, les outils mobilisables, les difficultés rencontrées par les professionnels dans l’accompagnement des jeunes et des familles.

La contribution à la réflexion commune engagée par le colloque réside essentiellement dans les partis pris méthodologiques de l’étude : mener une recherche-action permet ainsi de lier « recherche » (diagnostic, production et analyse de données, méthodologie, neutralité) et « opérationnalité » (co-élaboration d’outils immédiatement appropriables et utilisables par les acteurs de terrain, échanges de pratiques entre professionnels) et met en œuvre une démarche participative permettant, quant à elle, d’associer les acteurs au processus de recherche.
Afin de revenir sur les différentes étapes de la création d’un collectif de travail de recherche dans le cadre d’une RAC et d’essayer d’en restituer les principaux effets, on s’attachera à présenter le protocole méthodologique mis en œuvre, les différents types d’acteurs en présence et leurs relations, pour finir par analyser les effets de la RAC en terme d’opérationnalité mais aussi de construction et d’échange de savoirs.
1/ Quand la méthode est déjà un résultat
Cette recherche-action s’est appuyée sur des méthodologies d’enquête issues de la « boîte à outil des sciences sociales », la particularité de la RAC réside ici dans la place et le rôle des différents acteurs dans le processus de recherche et la mise en place de protocole d’étude axé sur le collectif.
Une large palette de méthode d’enquête a été mobilisée :
- une analyse de données quantitatives extraites de SCONET (logiciel établissements – IA) sur le parcours scolaire des collégiens pour un établissement en ZEP ;
- un questionnaire auprès des 18 plateformes de la région ;
- des entretiens ( une trentaine) auprès d’acteurs institutionnels du champ : éducation nationale (inspection d’académie, établissement, assistante sociale, secrétaire RAR…), politique de la ville (délégué du préfet, chef de projet…), collectivités territoriales (élu, technicien…), DRE (coordonateur, référent famille, intervenant…) ;
- des entretiens avec les familles (36 parcours) : parents et parfois jeunes ;
- des observations d’actions collectives (classe passerelle, atelier parentalité, accompagnement à des activités culturelles… ).
Au delà de ces outils classiques, le protocole reposait principalement sur la mise en place de groupes de travail thématiques départementaux ad hoc. Ces ateliers étaient composés : des coordonateurs, des référents familles, des délégués du préfet, des représentants de l’inspection académique, des DDCS, des structures gestionnaires de DRE (CCAS, caisse des écoles de la mairie…). L’objectif affiché étant d’échanger sur les pratiques professionnelles entre les différentes plateformes autour des thématiques : parentalité et accès aux soins. Ces ateliers ont rempli plusieurs rôles à la fois. Ils ont largement contribué à la dimension participative et collaborative du projet, en permettant de mettre du lien entre les acteurs de terrain et avec l’équipe de recherche. Ces espaces ont permis aussi d’observer les interactions institutionnelles et personnelles, et de recueillir des matériaux précieux. La présence régulière sur le terrain (au cours de cette recherche-action, mais aussi au cours de la précédente sur les contrats urbains de cohésion sociale en Picardie) a également facilité le contact, le dialogue. Les entretiens institutionnels préalables avaient également permis de limiter les effets de position. L’orientation des échanges autour des pratiques concrètes des professionnels et de leurs difficultés au quotidien ont été le point d’ancrage de la RAC.
2/ Les acteurs de la RAC : des agents doubles
La particularité des RAC en sciences sociales réside principalement dans la place et le rôle des différents acteurs dans le processus de recherche et la mise en place de protocole d’étude axé sur le collectif.
En effet, on peut distinguer au moins 4 types d’acteurs ayant participé à cette RAC :
- les commanditaires de l’étude qui se révèlent difficilement indentifiables dans les faits (changement de personnes, d’institutions…) ;
- les usagers du dispositif (parents et/ou enfants) dont le rôle s’est essentiellement limité au statut d’enquêtés ;
- les professionnels de la réussite éducative dont l’implication est davantage liée aux individus, à leur personnalité, à leur rapport avec la recherche plus qu’aux positionnements institutionnels ;
- et les chercheurs en science politique.
La richesse mais aussi la difficulté des RAC tiennent au fait que les acteurs, ici les professionnels de la réussite éducative et les chercheurs, ont une double posture : les professionnels sont des « enquêtés participants » qui adoptent une posture réflexive sur les pratiques professionnelles et institutionnelles et qui participent à la co-construction des outils d’analyse, quant aux chercheurs, ils sont à la fois des scientifiques, des participants à l’action et des prestataires d’une commande publique. Ces différents rôles joués par les acteurs permettent à chacun de sortir de sa sphère professionnelle d’origine, de ses codes et facilitent le brassage et le décloisonnement des cultures professionnelles.
3/ Les effets de la RAC :
On peut observer 2 types d’effets de la RAC : des effets sur le dispositif observé et des effets sur la méthodologie de la recherche et la construction et l’échange des savoirs.
- En terme d’opérationnalité : la RAC a permis de créer ou favoriser les échanges entre les acteurs et de mettre ainsi en évidence l’hétérogénéité du dispositif, de produire des outils co-construits (soit pour les besoins de la recherche, soit à la demande du terrain) et d’apporter un regard extérieur sur les pratiques professionnelles et les parcours des jeunes et des familles. Elle a permis également de voir comment et à quelles conditions des outils scientifiques au départ construit pour l’analyse des pratiques professionnelles peuvent devenir des outils professionnels.
Par exemple, pour les besoins de l’analyse des parcours au sein du DRE à partir des entretiens famille et professionnels, une « fiche trajectoire » avait été co-construite avec une plateforme et retravaillée avec les autres en fonction de leurs besoins. Elle est maintenant utilisée de manière ponctuelle par certains DRE pour rendre compte aux partenaires ou institutionnels de leurs actions auprès des enfants et des familles. Dans la lignée de ce premier outil, un dispositif a exprimé la demande d’un accompagnement méthodologique pour l’élaboration d’un outil de suivi des parcours individualisés : une petite base de données a été crée de manière à faciliter des extractions quantitatives.
Les groupes de travail ad hoc ont permis des échanges de pratiques, et de créer du lien entre les professionnels dans un univers territorialisé avec un turn-over très important.
- En terme d’échange et de construction des savoirs : la RAC permet dans bien des cas un accès au terrain et la mise en place de protocole participatif facilités par la commande institutionnelle (même si ce point peut être à double tranchant). Elle amène également les différents acteurs à faire un travail pour construire et parler un langage commun : les chercheurs mettent à jour « leurs cuisines de la recherche », explicitent leurs démarches, et évitent le jargon, quant aux professionnels eux aussi mettent à jour leurs pratiques, acceptent un regard extérieur sur leurs activités et entreprennent une démarche réflexive. Le croisement de différents regards (théorique, pratique, institutionnel, réflexif…) sur un même objet est un autre atout des RAC, il permet de « saturer le terrain » et d’enrichir l’analyse.

En guise de conclusion, on peut dire que la richesse mais aussi les difficultés des RAC résident essentiellement dans cette alchimie et cet équilibre entre les différentes identités qui permettent de créer au moins le temps de la recherche un collectif de recherche collaborative. On a pu constater que, dans bien des cas, la dynamique créer par la recherche avait tendance à s’éteindre après le départ des chercheurs (sauf relais institutionnel), les professionnels par manque de temps et d’espace se retrouvaient de nouveau pris par le quotidien de leur action.

Bibliographie :
- G. BARON, Évaluation, participation, apprentissage dans l’action publique – Étude de l’évaluation d’un programme européen, L’Harmattan, Logiques politiques, 2000.
- B. BOUQUET, Histoire des métiers du social en France, Éditions ASH, 2005.
- Cabinet ARES, rapport d’enquête sur la place des familles dans le dispositif de réussite éducative, ACSé, 2011.
- S. DESGAGÉ, Le concept de recherche collaborative : l’idée d’un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants, Revue des sciences de l’éducation, Vol 23, n°2, 1997.
- G. LEFEUVRE, l’expérimentation sociale : une innovation de politique sociale en réponse à la « crise » dans le champ de l’éducation, communication au colloque de AECSE, Crise et/en éducation – épreuves, controverses et enjeux nouveaux, Université de Nanterre, Octobre 2011.
- M. LIU, Fondement et pratique de la recherche action, L’Harmattan, logiques sociales, 1997.
- TERRITORI/ACSé, Analyse des parcours de Réussite éducative, 2010.

Résumé en Anglais


Non disponible