Fiche Documentaire n° 1933

Titre Professionnalisation et alternance(s) : tensions et injonctions paradoxales en formation initiale d’éducateur spécialisé.

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Auteur(s) FOMBELLE Sabine  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Professionnalisation et alternance(s) : tensions et injonctions paradoxales en formation initiale d’éducateur spécialisé.

La communication s’interrogera sur ce qui fonde historiquement la formation initiale d’éducateur spécialisé : l’alternance intégrative comme modalité de professionnalisation (Geay1998, Clénet 2002). Ce principe, soutenu par les acteurs de la formation et par les instances de régulation de l’Etat , reste complexe à mettre en œuvre. L’alternance intégrative, est–elle aujourd’hui et sous quelles conditions un moyen de favoriser la professionnalisation ?
Cette communication se propose de décrire et analyser les effets professionnalisants ou non du principe d’alternance intégrative, à travers les tensions qu’elle induit pour les 3 acteurs (sites qualifiants, centres de formation et étudiants).
L’accompagnement de l’alternance intégrative et l’engagement des acteurs seront mis en réflexion dans cette contribution.
Nous nous appuierons sur des questionnements de recherche dans le cadre d’un doctorat en cours et sur la démarche réflexive de notre propre pratique de formatrice.
Problématique
Si l’alternance intégrative s’entend comme la « potentialisation des contextes de formation » (Violet 1999), nous considérons qu’une des dimensions essentielles est qu’elle place l’étudiant comme central dans la production/construction de savoirs et compétences. La réflexion développée dans cette communication s’appuiera sur la conception de l’alternance intégrative en tant que « pédagogie du lien » (Violet 1999), et renvoyant à la capacité individuelle, singulière, pour l’étudiant de « mettre en reliance » (Morin 1999), devenant ainsi « auteur/acteur de son apprentissage » (Clénet, Demol,Beauvais, in Vanhulle 2007).
Des tensions, freins à la professionnalisation, semblent émerger.
Tout d’abord, la formation initiale d’éducateur spécialisé, comme le secteur social, connaît des bouleversements et des évolutions, tant au niveau organisationnel, politique, identitaire. En quoi ces transformations peuvent fragiliser ou pas le principe d’alternance intégrative et modifier le rôle des acteurs ?
Le mode de professionnalisation se modifie également depuis la réforme des études instaurant la logique de compétences et les terrains de stage comme sites qualifiants et certificateurs. Ces derniers se voient confrontés à des difficultés dans l’accompagnement des étudiants en stage: manque d’appropriation de la réforme, manque d’outils, manque de disponibilités, de coordination avec les centres de formation. Comment construire un partenariat s’appuyant sur une réflexion autour des modalités partagées d’accompagnement à la professionnalisation ? En centre de formation, même si des dispositifs sont construits, il ne s’agit pas de mettre en place des retours d’expérience ou des espaces où la pratique est analysée pour parler d’alternance intégrative. L’expérience peut ne pas être formative, la pratique réflexive peut ne pas produire de savoirs ou compétences. Comment favoriser la « capacité à mettre en reliance » ?
Enfin, la formation initiale confronte les étudiants à diverses injonctions : injonction au projet, à la réflexivité, à la professionnalisation, à l’autonomie. L’étudiant se trouve aussi confronté à des ruptures : dans les modes d’apprentissage et l’articulation des différents savoirs. Ces ruptures et injonctions peuvent amener les étudiants à s’approprier ou non le principe d’alternance intégrative.
L’analyse de ces tensions peut amener à se questionner sur le risque déprofessionnalisation (Wittorski, Roquet, 2011) et la posture d’accompagnant (Beauvais 2009).
Cadre méthodologique
La recherche dans le cadre d’un doctorat se construira sur des entretiens exploratoires auprès des 3 acteurs de la formation.
Une enquête par questionnaire auprès des sites qualifiants et étudiants en 2° année de formation est actuellement en cours et permettra d’enrichir l’argumentation.

Bibliographie

Beauvais, M. 2009. « Penser l’accompagnement et la formation à l’accompagnement à la formation » pp221-238.In Accompagnement en éducation et formation : regards singuliers et pratiques plurielles. Revue Transformation, n°2, Université Lille1-CUEEP-TRIGONE-CIREL.
Bougès, LM. 2011. A l’école de l’expérience. Autonomie et alternance.Paris.L’Harmattan, 236p.
Boutinet, JP, Pineau G, Denoyel, N, Robin JY. 2007.Penser l’adulte en formation ruptures, transitions, rebonds, Paris.PUF, 368p.
Clénet,J.1998.Représentations, formations et alternance: se former, être formé.Paris. L’Harmattan, 249p.
Clénet, J.2002.Ingénierie des formations en alternance, pour comprendre c'est-à-dire pour faire, Paris.L’Harmattan, 303p.
Demol, JN. 2002. « L’accompagnement en alternance : de l’université au travail, du travail à l’université ».pp129-143.In L’accompagnement dans tous ses états-Revue Education Permanente n°153-2002-4.
Geay, A.1998. L’école de l’alternance, Paris, L’Harmattan, 193p.
Jaeger M. (2009), « La formation des travailleurs sociaux : nouvelles configurations,
nouveaux questionnements », Informations sociales, 2009/2, n°152, 74-81. http://
www.cairn.info/revue-informations-sociales.
Merhan F, Ronveaux C, Vanhulle S.2007. Alternances en formation, Bruxelles, Deboeck, 266p.
Morin E, 1990. La méthode .Tome 2. La vie de la vie. Paris.Seuil, 478p.
Rapport du Conseil Supérieur du Travail Social, 2011, Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale, Orientations pour les formations sociales 2011-2013, 24p.
Violet, D.1999. Formations d’enseignant et alternances, Paris, L’Harmattan, 184p.
Wittorski, R.2008.«Professionnaliser la formation : enjeux, modalités, difficultés.» pp110-116-In Regards croisés sur les relations formation-emploi- Revue Formation Emploi n°101-2008/1-Paris.Edition CEREQ.
Wittorski, R, Roquet P, Demazière D, 2012.La professionnalisation mise en objet. Paris. L’Harmattan, 282p.

Présentation des auteurs

Fombelle Sabine
Formatrice,cadre pédagogique
Doctorante en 1° année, Sciences de l’Education et de la Formation d’Adultes
Cirel-Trigone-Université de Lille1, France

Communication complète

Fombelle Sabine
Formatrice
Doctorante en 1° année, Sciences de l’Education et de la Formation d’Adultes
Cirel-Trigone-Université de Lille1, France
Résumé

Titre : Professionnalisation et alternance(s) : tensions et injonctions paradoxales en formation initiale d’éducateur spécialisé.
La communication s’interrogera sur ce qui fonde historiquement la formation initiale d’éducateur spécialisé : l’alternance intégrative comme modalité de professionnalisation (Geay1998, Clénet 2002). Ce principe, soutenu par les acteurs de la formation et par les instances de régulation de l’Etat , reste complexe à mettre en œuvre. L’alternance intégrative, est–elle aujourd’hui et sous quelles conditions un moyen de favoriser la professionnalisation ?
Cette communication se propose de décrire et analyser les effets professionnalisants ou non du principe d’alternance intégrative, à travers les tensions qu’elle induit pour les 3 acteurs (sites qualifiants, centres de formation et étudiants).
L’accompagnement de l’alternance intégrative et l’engagement des acteurs seront mis en réflexion dans cette contribution.
Nous nous appuierons sur des questionnements de recherche dans le cadre d’un doctorat en cours et sur la démarche réflexive de notre propre pratique de formatrice.
Problématique
Si l’alternance intégrative s’entend comme la « potentialisation des contextes de formation » (Violet 1999), nous considérons qu’une des dimensions essentielles est qu’elle place l’étudiant comme central dans la production/construction de savoirs et compétences. La réflexion développée dans cette communication s’appuiera sur la conception de l’alternance intégrative en tant que « pédagogie du lien » (Violet 1999), et renvoyant à la capacité individuelle, singulière, pour l’étudiant de « mettre en reliance » (Morin 1999), devenant ainsi « auteur/acteur de son apprentissage » (Clénet, Demol,Beauvais, in Vanhulle 2007).
Des tensions, freins à la professionnalisation, semblent émerger.
Tout d’abord, la formation initiale d’éducateur spécialisé, comme le secteur social, connaît des bouleversements et des évolutions, tant au niveau organisationnel, politique, identitaire. En quoi ces transformations peuvent fragiliser ou pas le principe d’alternance intégrative et modifier le rôle des acteurs ?
Le mode de professionnalisation se modifie également depuis la réforme des études instaurant la logique de compétences et les terrains de stage comme sites qualifiants et certificateurs. Ces derniers se voient confrontés à des difficultés dans l’accompagnement des étudiants en stage: manque d’appropriation de la réforme, manque d’outils, manque de disponibilités, de coordination avec les centres de formation. Comment construire un partenariat s’appuyant sur une réflexion autour des modalités partagées d’accompagnement à la professionnalisation ? En centre de formation, même si des dispositifs sont construits, il ne s’agit pas de mettre en place des retours d’expérience ou des espaces où la pratique est analysée pour parler d’alternance intégrative. L’expérience peut ne pas être formative, la pratique réflexive peut ne pas produire de savoirs ou compétences. Comment favoriser la « capacité à mettre en reliance » ?
Enfin, la formation initiale confronte les étudiants à diverses injonctions : injonction au projet, à la réflexivité, à la professionnalisation, à l’autonomie. L’étudiant se trouve aussi confronté à des ruptures : dans les modes d’apprentissage et l’articulation des différents savoirs. Ces ruptures et injonctions peuvent amener les étudiants à s’approprier ou non le principe d’alternance intégrative.
L’analyse de ces tensions peut amener à se questionner sur le risque déprofessionnalisation (Wittorski, Roquet, 2011) et la posture d’accompagnant (Beauvais 2009).
Cadre méthodologique
La recherche dans le cadre d’un doctorat se construira sur des entretiens exploratoires auprès des 3 acteurs de la formation.
Une enquête par questionnaire auprès des sites qualifiants et étudiants en 2° année de formation est actuellement en cours et permettra d’enrichir l’argumentation.

Bibliographie
Beauvais, M. 2009. « Penser l’accompagnement et la formation à l’accompagnement à la formation » pp221-238.In Accompagnement en éducation et formation : regards singuliers et pratiques plurielles. Revue Transformation, n°2, Université Lille1-CUEEP-TRIGONE-CIREL.
Bougès, LM. 2011. A l’école de l’expérience. Autonomie et alternance.Paris.L’Harmattan, 236p.
Boutinet, JP, Pineau G, Denoyel, N, Robin JY. 2007.Penser l’adulte en formation ruptures, transitions, rebonds, Paris.PUF, 368p.
Clénet,J.1998.Représentations, formations et alternance: se former, être formé.Paris. L’Harmattan, 249p.
Clénet, J.2002.Ingénierie des formations en alternance, pour comprendre c'est-à-dire pour faire, Paris.L’Harmattan, 303p.
Demol, JN. 2002. « L’accompagnement en alternance : de l’université au travail, du travail à l’université ».pp129-143.In L’accompagnement dans tous ses états-Revue Education Permanente n°153-2002-4.
Geay, A.1998. L’école de l’alternance, Paris, L’Harmattan, 193p.
Jaeger M. (2009), « La formation des travailleurs sociaux : nouvelles configurations,
nouveaux questionnements », Informations sociales, 2009/2, n°152, 74-81. http://
www.cairn.info/revue-informations-sociales.
Merhan F, Ronveaux C, Vanhulle S.2007. Alternances en formation, Bruxelles, Deboeck, 266p.
Morin E, 1990. La méthode .Tome 2. La vie de la vie. Paris.Seuil, 478p.
Rapport du Conseil Supérieur du Travail Social, 2011, Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale, Orientations pour les formations sociales 2011-2013, 24p.
Violet, D.1999. Formations d’enseignant et alternances, Paris, L’Harmattan, 184p.
Wittorski, R.2008.«Professionnaliser la formation : enjeux, modalités, difficultés.» pp110-116-In Regards croisés sur les relations formation-emploi- Revue Formation Emploi n°101-2008/1-Paris.Edition CEREQ.
Wittorski, R, Roquet P, Demazière D, 2012.La professionnalisation mise en objet. Paris. L’Harmattan, 282p.



Construction, transformation et transmission de savoirs
Congres AIFRIS - Lille Juillet 2013
Proposition de communication, Axe 3
Sabine Fombelle
Formatrice, Centre de Formation AFERTES Arras
Doctorante en 1° année, Sciences de l’Education et de la Formation d’Adultes
Cirel-Trigone-Université de Lille1, CUEEP, France

Professionnalisation et alternance(s) : tensions et injonctions paradoxales en formation initiale d’éducateur spécialisé.
Formatrice auprès d’éducateurs spécialisés en formation initiale, j’ai moi-même exercé cette fonction pendant 16 ans. Je m’intéresse aujourd’hui, dans ma recherche doctorale, au principe d’alternance intégrative comme outil de professionnalisation.
Les formations en travail social se fondent historiquement sur le principe de l’alternance intégrative. Or, mon expérience me confronte à 2 constats:
-la complexité de mise en œuvre d’une alternance réellement intégrative
-la difficile appropriation de ce principe par les étudiants.
Définir l’alternance intégrative comme une simple articulation théorie/pratique me semble réducteur. J’avancerais l’hypothèse que la construction de l’alternance serait davantage juxtapositive voire associative (au sens de Geay 1998). En effet, il ne suffit pas d’aller en stage, d’alterner pratique et cours théoriques pour parler d’une alternance réellement intégrative. L’expérience peut ne pas être formative, ni professionnalisante. De plus, la mise en place d’espaces réflexifs, tels que les groupes d’analyse de pratiques ne suffisent pas à garantir la qualité de l’alternance.
La communication propose une réflexion sur les effets professionnalisants ou non de l’alternance intégrative en formation initiale d’éducateur spécialisé
A travers cette communication, je propose de partager mes réflexions menées dans le cadre de cette 1° année de doctorat. Mes questionnements de recherche ont émergé d’un retour réflexif sur ma pratique. Afin de les étayer, j’ai procédé à une pré- enquête de terrain constituée de 20 questionnaires, d’analyse de corpus de documents (écrits réflexifs d’étudiants en fin de formation, soient 28 bilans) et complétés par des entretiens (auprès de professionnels et d’étudiants).
Cette communication se décompose en 2 temps. Tout d’abord, un cadrage conceptuel me paraît nécessaire pour saisir les enjeux de l’alternance intégrative. Puis je procèderais à l’analyse des tensions en formation initiale produite par le principe d’alternance intégrative. Et je centrerais mon propos sur une réflexion autour de l’accompagnement en formation.

1-l’alternance intégrative comme outil de professionnalisation
1-1 la réflexion sur l’expérience au cœur de l’apprentissage
Issus principalement des travaux de Dewey (learning by doing), Kolb (1984), les nombreux travaux sur l’alternance intégrative comme modalité de professionnalisation concernent des champs disciplinaires variés : didactique professionnelle, analyse de l’activité, champ de la formation, réflexivité. Ils permettent d’en saisir les enjeux et spécificités en matière de développement de compétences et modalités pédagogiques.
Dans ma recherche je m’appuie sur les travaux de Wittorski (2011), Roquet (2011) dans la conception de la professionnalisation.
Selon ces auteurs, se professionnaliser par la formation implique, de façon générale, l’acquisition/mobilisation/production de savoirs et compétences, cela suppose la transférabilité de ces savoirs et compétences. La dimension identitaire est également à l’œuvre.
Se professionnaliser par la modalité d’alternance intégrative place l’expérience au cœur du processus d’apprentissage. Cela implique la reconnaissance des différents types de savoirs et la valorisation des savoirs issus du « terrain » (savoirs d’actions, d’expérience, savoirs incorporés, savoirs tacites).La professionnalisation par la modalité d’alternance intégrative se situe dans une logique de formation par production de savoirs. L’expérience, le travail de l’expérience (Barbier 2013), à l’œuvre dans la formation, se comprend à la fois comme ressource et comme produit dans le développement de compétences.
Mais la confrontation à l’expérience n’est pas suffisante pour se professionnaliser. Wittorski a identifié 6 voies de la professionnalisation et je peux déduire que l’alternance intégrative met en jeu principalement l’analyse rétrospective et anticipatrice de l’action. Il s’agit de passer de l’expérience vécue à l’expérience réfléchie (Roquet 2010).Selon Vanhulle (2007), la professionnalisation par alternance intégrative renvoie à la problématique de l’apprentissage orienté vers l’agir versus l’analyse de cet agir .Pour Clénet (2002), il s’agit de l’activité cognitive couplée avec le faire » (faire pour comprendre et comprendre pour faire »). Ce qui nécessite aussi la réappropriation en situation et permet la transformation de l’expérience en connaissances. Je partage l’idée soutenue par Roquet ( 2010) que la pédagogie de l’alternance doit être « centrée sur les savoirs d’action » et que la professionnalisation implique l’accompagnement de la formalisation de l’expérience. Il s’agit de la mise en questionnement de son expérience (susciter le questionnement plutôt que l’apport de réponses Bougès 2011). Pour l’étudiant, cela nécessite l’engagement dans un mode d’apprentissage non transmissif et de faire rupture avec la formation perçue comme uniquement l’apport de contenus disciplinaires ou une accumulation de savoirs et d’expériences. Cela implique, pour l’étudiant, de s’interroger sur ce qu’il vit : pourquoi c’est arrivé, comment j’ai réagi, ce que cela m’apprend sur moi, sur l’autre, sur l’institution, quels effets, comment anticiper, quelle compréhension des situations vécues ? Or, tous savoirs sont difficiles à formalisés. Il y a des choses qu’on apprend sans savoir qu’on les apprend (laisser place à intuitif).
Dans ma pratique je peux identifier des choix de modalités pédagogiques, d’espaces réflexifs favorisant la production et formalisation de savoirs et la confrontation de différents types de savoirs :par exemple, des séminaires thématiques (mettant en jeu un travail en sous- groupe, la déconstruction des savoirs, confrontation et construction de nouveaux savoirs), les groupes d’analyse de pratiques ou de réflexion sur la fonction éducative (ils peuvent produire des savoirs, mais il est difficile d’expliciter comment ce qu’ils produisent est réinvesti en stage) .Des dispositifs, en groupe restreints animés par le formateur référent ou de suivi permettent, tel que je le conçois et l’anime, l’expression et la réflexion sur le processus de formation, l’accompagnement de ce qui est à l’œuvre et la construction de l’identité professionnelle (dispositifs « groupe de professionnalisation »et« identité professionnelle »).Ces dispositifs favorisent aussi l’approche transversale de la formation et la réflexivité (prise de conscience des acquis de stages, mise en lien des expériences, ..).Les productions écrites telles que le mémoire constituent une formalisation des savoirs à condition qu’il émerge d’une démarche réflexive et compréhensive et non une réponse à une prescription.
Il me paraît maintenant utile d’affiner la conception de l’alternance intégrative sur laquelle je m’appuie dans ma recherche.

1-2 l’alternance comme conception du sujet auteur
En tant que l’alternance se situe dans une logique de productions de savoirs, elle met aussi en lien différents types de savoirs et place l’étudiant dans une démarche autonome de production de savoirs et de mise en sens de ces savoirs ( Clénet C 2009)
 l’alternance comme mise en reliance
La conception de l’alternance intégrative sur laquelle je m’appuie est celle de la pédagogie du lien (Violet 1999), de la reliance selon J Clénet (2002), impliquant la mise en récursivité des savoirs et de l’expérience. Il s’agit d’un maillage, une conjonction des 2 moments de formation, parfois contradictoires. Meirieu parle d’alternance réflexive, Morandi d’alternance cognitive. Le principe d’alternance intégrative renvoie donc à la capacité individuelle, singulière de « mettre en reliance » (Morin 1999), et à la manière dont chaque étudiant se construit son alternance (Clénet 2002).
L’étudiant est alors amené à s’approprier la construction de son expérience, « son pouvoir de formation » (C Clenet 2009) dans le sens de se donner sa propre forme, en décidant sur les sources de formation possibles (C Clenet 2009). Il se positionne comme auteur de son apprentissage (Beauvais, Clénet, Demol in Vanhulle 2007) et, selon moi, se confronterait alors à une forme d’injonction à l’autonomie.
Il appartient à l’étudiant de faire du lien et produire du sens sur la construction de son expérience, le plaçant ainsi face à un paradoxe. L’alternance intégrative crée des ruptures et oblige à des relations (Gimonet 2008). Elle donne une large place au sujet dans l’appropriation de ses savoirs et compétences. Le sujet alternant « produit son savoir en transformant son expérience en prise de conscience » (Geay 1998)
Après avoir posé le cadre conceptuel, je m’interroge sur les freins à la professionnalisation. En effet, ma pratique et les résultats de la pré- enquête ont permis de faire émerger quelques tensions et injonctions démontrant de la difficulté à s’approprier le principe d’alternance intégrative, par les étudiants.
2-Tensions et injonctions en formation initiale : freins à la professionnalisation ?
2-1 ruptures et injonctions
La formation par alternance intégrative met l’étudiant face à de multiples injonctions : au projet, à la réflexivité, à la professionnalisation, à la production de savoirs, à l’autonomie (être auteur de ses apprentissages, de la construction de son expérience), à être acteur de sa formation. Elle confronte aussi les étudiants à des ruptures de différents niveaux :
-des lieux de formation : les stages, le centre de formation vécus comme des espaces juxtaposés (difficulté à mettre en lien les 2 espaces, le centre de formation est perçu comme le lieu de la théorie).
-discontinuité de rythmes : le rythme des semaines en centre de formation sont ressentis comme faisant entrave à leur investissement en stage.
-temporalités : celle de la certification, celle du centre de formation, leur propre temporalité (la mise en sens ne s’effectue pas au même moment pour chacun,) celle de la pratique (ils sont investis dans des situations professionnelles auxquelles ils doivent s’adapter)
-diversité de pratiques : en stage, ils sont impliqués dans des cultures professionnelles différentes, une variété de situations et de façon de concevoir la fonction éducative.
-diversité de savoirs et leur mode de transmission (savoirs théoriques, savoirs d’actions, savoirs d’expériences, rupture avec le mode transmissif des savoirs..). Faire le lien entre les différents savoirs peut être difficile.
-savoirs et connaissances plurielles : en formation initiale, l’étudiant est face à des connaissances plurielles (contenus disciplinaires, savoirs « mouvants » des Sciences Humaines) sans cesse revisitées, qu’il est amené à confronter à la pratique.
-les étudiants sont face à des attentes différentes : se professionnaliser (parfois surresponsabilisés en stage), construire des compétences, attentes de certification.
-rupture identitaire : la formation se définissant comme mise en forme, elle est rupture dans leur trajectoire et produit de la transformation.
Ainsi, s’appuyant sur un projet professionnel, il est attendu que les étudiants fassent du lien entre ces différentes ruptures et tensions, alors que la formation peut être vécue, construite de manière « clivée ».Elle peut être perçue comme une accumulation de savoirs, le stage comme une application de théories. Les étudiants sont en recherche de savoirs, d’outils ayant une portée immédiate. Le centre de formation reste le lieu de la théorie et le stage est identifié comme le lieu de la professionnalisation compris comme lieu de socialisation professionnelle. L’expérience est peu formalisée et c’est davantage le regard d’autrui qui les rend professionnels (« on me fait confiance, je me sens professionnel »). L’analyse des écrits réflexifs d’étudiants révèlent que ces derniers accordent une large place aux stages dans le processus de professionnalisation.
Ces ruptures ou injonctions peuvent donc amener les étudiants à s’approprier ou non le principe d’alternance intégrative (difficulté à effectuer la mise en reliance et produire ses savoirs).L’injonction à l’autonomie peut alors représenter un levier (être source de créativité) ou un frein à la professionnalisation.
2-2 les écueils de l’injonction à l’autonomie
Dans ma recherche, je m’intéresse au vécu singulier de l’alternance, aux effets produits par l’injonction à l’autonomie, et à son accompagnement. Celle-ci est souvent confondue avec « laisser faire » ou « laisser libre de ses actes », au nom de la mise en projet ou d’être acteur de sa formation.
Les étudiants peuvent avoir le sentiment d’être livrés à eux même et être amenés à désinvestir la formation théorique, ou parfois l’accompagnement en centre de formation. Ils peuvent alors multiplier le « recours » à des personnes ressources, perçues comme « expertes ». Mais cela les renvoie à un sentiment de dispersion et ils peuvent alors être dans l’évitement de leur propre production de savoirs.
Les étudiants peuvent aussi développer des logiques de qualification plutôt que de réelle professionnalisation : ils se situent alors dans une stratégie de réponses à une commande de certification, ou une prescription plutôt que de s’approprier la démarche réflexive sur leur processus de formation et professionnalisation.
J’ai pu alors observer qu’ils s’autorisent peu à être auteur.
L’injonction à l’autonomie peut créer de l’insécurité ou des stratégies d’engagement en formation orientées davantage vers une logique d’autoformation, ou de co-formation (coopération entre pairs), « avec le risque qu’un pôle de la formation soit plus investi que l’autre, non investi ou que l’un absorberait l’autre» (Lerbet-Séréni 1999). En stage, ils peuvent également développer une logique de qualification/certification plutôt qu’une logique de professionnalisation (les sites qualifiants peuvent observer que les stagiaires « viennent valider des compétences, plutôt que se professionnaliser, fermant ainsi la porte à des objets de réflexion et d’expérimentation ») .
L’injonction à l’autonomie pourrait conduire à un désengagement du désir d’apprendre (Clénet 2011), une atteinte de l’image du soi professionnel.
A ce stade de de la réflexion, j’émets l’hypothèse que l’injonction à l’autonomie peut mener au risque de déprofessionnalisation.
Je reprends à mon compte le concept de déprofessionnalisation, dans le sens de processus ne favorisant pas les apprentissages, par la perte de sens, de repères induit par le vécu de formation.
On voit alors toute l’importance de l’accompagnement puisqu’il est, selon moi, le garant de la qualité de l’alternance intégrative. Une étudiante me déclarait « être acteur de sa formation ça s’accompagne ».
4-L’accompagnement de l’autonomie et le « partage du pouvoir de former ».
La professionnalisation par le principe d’alternance intégrative implique 3 acteurs : les centres de formation (formateurs), les étudiants (sujets alternants Clénet 2002) et les acteurs de terrains (sites qualifiants). Les 2 acteurs institutionnels partagent alors le pouvoir de former. Je vais dans un 1° temps poser des réflexions concernant la posture d’accompagnement pour les formateurs puis dans un second temps, aborder des axes de réflexion sur la place des sites qualifiants dans l’accompagnement.
 La posture du formateur
La pratique dominante de l’accompagnement en formation, peut être le « suivi » voire le contrôle (être garant de la cohérence du projet de formation, des écrits de certification). Elle peut s’orienter vers un aspect prescriptif, vers le laisser- faire, ou la posture d’expert.
Ma pratique de formatrice me permet de dire qu’accompagner à la professionnalisation implique aussi l’accompagnement des bouleversements qui « traversent » les étudiants : désillusion du métier, déconstructions (des représentations, des savoirs..), crainte d’échouer, de réussir, bouleversements émotionnels liés aux situations vécues en stage, les moments de doute, l’appréhension face à la fin de la formation et le fait de prendre son envol..
L’accompagnement à la professionnalisation, en formation initiale, implique, selon moi, avant tout, l’accompagnement de l’expérience de formation, c’est-à-dire amener à prendre conscience du sens que prend la formation. Il s’agira aussi d’amener à prendre conscience de ses logiques d’apprentissage. Accompagner peut alors renvoyer dans un premier temps à apprendre à se former. L’accompagnement de l’expérience de formation implique, selon moi, de prendre en compte ces éléments : l’éprouvé de l’expérience, (selon Wittorski, aide à mettre du sens sur les apprentissages), la temporalité de l’étudiant dans son processus de formation (un cours, une expérience ne va pas « faire sens » pour chacun au même moment), la capacité de l’étudiant à prendre conscience de ses acquis de stages (savoirs et compétences acquis, produits, et mobilisés) et à effectuer la « transversalité » (des savoirs et compétences, mise en lien des pratiques vécues et analysées).
Parler d’accompagnement, c’est inévitablement butter sur le caractère paradoxal inhérent à la perspective d’accompagner l’autonomie de l’autre » (Bougès 2011)
Dans ma recherche, je m’appuie sur les travaux de Martine Beauvais (2004, 2009) dans la conception de l’accompagnement .Pour moi, elle présente un intérêt car elle permet une réflexion sur les paradoxes de l’accompagnement et en fait émerger la dimension éthique.
Si accompagner est une démarche qui vise à aider une personne à cheminer, à se construire, à atteindre ses buts,( Beauvais 2004) c’est avant tout« poser les conditions de la construction de l’autonomie et la responsabilisation de l’autre dans sa mise en projet » (Beauvais 2004).
Le Bouëdec (2001)définit l’accompagnement comme le fait de « participer avec lui au dévoilement du sens de ce qu’il vit et de ce qu’il recherche. »
Cela implique la reconnaissance de l’altérité (éviter le risque d’enfermer l’autre dans son projet) mais aussi une posture facilitante, aidante, favorisant la mise en projet et la position d’auteur pour l’accompagné. Accompagner c’est « appréhender l’autre en tant que personne singulière, se construisant et agissant dans un environnement donné, surlequel et par lequel ses choix et actes prennent sens » (Beauvais 2004 ).
Selon Galvani (1999), il s’agit d’une posture, pour le formateur, qui n’est jamais « assurée d’être juste au sens ajustée à l’autre ».
 La place des sites qualifiants dans l’accompagnement
L’alternance intégrative nécessite le partage du pouvoir de former et la reconnaissance des compétences de chacun des lieux de formation. La réforme de 2007 instaure les stages comme sites qualifiants et organisation apprenante, aussi certificateurs mais ces derniers estiment manquer d’outils, d’informations.
Les questionnaires et entretiens que j’ai mené auprès de sites qualifiants permettent de faire émerger la conception de l’accompagnement à la professionnalisation comme une « expérimentation , (le stagiaire doit expérimenter le plus possible) une confrontation à la réalité de terrains. Le centre de formation est perçu comme le lieu de la théorie et le stage représente un espace d’expérimentation. L’accompagnement à la réflexivité semble également prépondérant (réfléchir sur les situations vécues, s’adapter, procéder par essais erreurs puis revenir sur la situation.).Les sites qualifiants sont sensibles à la notion de « projet de stage» perçu comme première démarche, vérifiant la conformité d’une demande.
Ils attendent des stagiaires qu’ils questionnent, prennent des initiatives, des responsabilités, qu’ils se confrontent.
Le besoin de s’articuler avec les centres de formation, est exprimé ainsi que le fait d’être « accompagnés dans l’accompagnement » de stagiaires et dans l’évaluation des compétences Les référentiels ont amené un bouleversement dans la modalité d’accompagnement en stage (évaluation et validation de compétences).
Malgré la complexité du partenariat (car assuré essentiellement par une contractualisation), la volonté est forte de trouver une articulation qui doit s’appuyer sur un projet commun porteur de sens, des objets et espaces communs, une mise en réflexion de la définition de l’alternance et de la professionnalisation. Afin de répondre aux exigences d’une alternance réellement intégrative, la reconnaissance d’une co -responsabilité de formation me paraît primordiale.
3-En guise d’ouverture : l’ alternance intégrative, un principe fragilisé ?
Dans ma recherche, je m’intéresse au vécu singulier de l’alternance, aux effets produits par l’injonction à l’autonomie, et à son accompagnement. Selon moi, il n’existe pas une alternance mais des alternances, celle construite par le sujet, qui va se faire auteur de sa production de savoirs. Dans la poursuite de ma recherche, je vais m’interroger sur les stratégies d’engagement des acteurs et ce qui construit ou pas la professionnalisation en tenant compte des 2 lieux de formation. La recherche présente également l’intérêt de se construire en parallèle de la transformation des formations du social actuellement en cours: entrée dans l’enseignement supérieur, contexte d’harmonisation européenne, construction d’un nouveau modèle de formation (Hepass), décloisonnement des formations, coopération avec les universités. Ces modifications en cours de construction amèneront un changement dans le mode de professionnalisation, dans la fonction du formateur et interrogera le principe de l’alternance intégrative. Quelle place accordée aux savoirs expérientiels, à la formation expérientielle ? Quelle place donnée aux sites qualifiants ? Quel partenariat construire ?


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Résumé en Anglais


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