Fiche Documentaire n° 1967

Titre Ethnométhodologie et (re)connaissance des savoirs professionnels

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Auteur(s) BINET Michel
SOUSA Isabel
MONTEIRO David
 
     
Thème Analyse conversationnelle d’un corpus d’entretiens d’aide sociale au Portugal  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Ethnométhodologie et (re)connaissance des savoirs professionnels

L’approche ethnométhodologique (Garfinkel & Sacks, 1990) porte sur les savoirs incorporés à des pratiques inséparables des situations de travail qui les encadrent et qu’elles contribuent à redéfinir et réinventer. Situés, ces savoirs, procéduraux et méthodologiques (Heritage, 1991), sont à la fois maîtrisés par les professionnels et en grande part ignorés par eux en tant que tels. La recherche ethnométhodologique produit ainsi des effets de reconnaissance par les professionnels eux-mêmes des méthodes d’action concertée qui organisent les modalités concrètes de leur interagir communicationnel dans les situations liées à l’exercice de leur profession (Drew & Heritage, 1992).

Sur le plan de la méthodologie de la recherche, cette approche privilégie l’enquête de terrain ethnographique (Hughes, 2001). En effet, questionnaires et entretiens réalisés hors des situations de travail où s’organisent localement les pratiques professionnelles constituent des outils de recueil de données de portée limitée, en raison du caractère en grande partie pré-reflexif des savoirs locaux propres à chaque profession. Le détail des méthodes de l’entretien d’aide sociale des professionnels de l’intervention sociale ne s’énonce pas facilement dans des discours recueillis en situations d’entretien ou en réponse à des questionnaires : bien plutôt, il se donne à observer, décrire et analyser dans les pratiques elles-mêmes, qu’il importe pour ce faire d’enregistrer en contexte « naturel », non provoqué ou modifié à des fins de recherche.

Seule une recherche collaborative (Bartunek & Louis, 1996) permet d’obtenir les consentements nécessaires à l’ouverture de terrains d’observation en milieu professionnel et la construction des relations de confiance qui rendent possible la constitution de corpus d’enregistrements sonores ou audiovisuels « authentiques » des pratiques de travail (Baude, 2006). L’enquête de terrain habilite les chercheurs à délimiter les cadres d’interaction constitutifs de la profession (Granja, 2008), susceptibles, dans une seconde phase, d’observations détaillées et d’enregistrements (Mondada, 2006).

Mené en accord avec une méthodologie collaborative, le Projet ACASS (Analyse de la Conversation Appliquée au Service Social) est passé par toutes ces étapes, afin de recueillir, en étroite concertation avec une équipe de plus de 20 travailleurs sociaux, un corpus de 50 heures d’enregistrements sonores d’entretiens d’aide social, au sein de services sociaux de Sintra, région de l’aire métropolitaine de Lisbonne, au Portugal.

Notre communication poursuit un triple objectif : 1) présenter et discuter la méthode collaborative suivie sur le terrain dans le cadre de notre projet (Binet & Sousa, 2011) ; 2) exposer les savoirs d’action située que l’analyse de la conversation ethnométhodologique permet de décrire avec une grande densité de détails (Binet & Monteiro, 2012) ; et 3) considérer de près les apports réflexifs et les effets de reconnaissance des compétences professionnelles rendus possibles par une telle approche.

Au moyen de cette communication qui aborde la méthodologie suivie, les résultats obtenus et l’expérience accumulée dans le cadre du Projet ACASS, c’est des apports de l’ethnométhodologie et de l’analyse de la conversation dans le domaine de la recherche dans et sur l’intervention sociale que nous souhaitons traiter.

Bibliographie

Bartunek, J.M. & Louis, M.R., 1996. Insider/Outsider Team Research, Thousand Oaks: Sage.

Baude, O. ed., 2006. Corpus oraux: Guide de bonnes pratiques, Paris: CNRS / Presses Universitaires d’Orléans.

Binet, M. & Monteiro, D., 2012. Ordem da interação e corpora de gravações: a análise da conversação como paradigma teórico-metodológico. In VII Congresso Português de Sociologia (Sociedade, crise e reconfigurações | Universidade do Porto | 19-22 Junho 2012). Porto: Associação Portuguesa de Sociologia, pp. 5–15.

Binet, M. & Sousa (de), I., 2011. Coparticipação e novos desenhos investigativos em Serviço Social: Insider/Outsider Team Research. In II Congresso Internacional de Serviço Social « Compromisso para uma nova geração ». Lisboa: Instituto Superior de Serviço Social de Lisboa da Universidade Lusíada de Lisboa (ISSSL-ULL).

Drew, P. & Heritage, J. eds., 1992. Talk at work. Interaction in institutional settings, Cambridge: Cambridge University Press.

Garfinkel, H. & Sacks, H., 1990. On formal structures of practical actions (1967). In J. Coulter, ed. Ethnomethodological sociology. Aldershot UK: Edward Elgar, pp. 55–84.

Granja, B.P., 2008. Assistente social - Identidade e saber. Tese (dir. Telmo Caria ). Porto: Universidade do Porto.

Hall, C. et al. eds., 2003. Constructing Clienthood in Social Work and Human Services: Interaction, Identities and Practices, London: Jessica Kingsley Publishers.

Heritage, J., 1991. L’ethnométhodologie : une approche procédurale de l’action et de la communication. Réseaux, 9(50), pp.89–130.

Hughes, J., 2001. Of Ethnography, Ethnomethodology and Workplace Studies. Ethnographic Studies, 6, pp.7–16.

Mondada, L., 2006. Interactions en situations professionnelles et institutionnelles : de l’analyse détaillée aux retombées pratiques. Revue française de linguistique appliquée, XI(2), pp.5–16.

Montigny (de), G., 2007. Ethnomethodology for Social Work. Qualitative Social Work, 6(1), pp.95–120.

Présentation des auteurs

Sociologue et anthropologue, Michel G. J. Binet, qui bénéficie actuellement d’une Bourse de Recherche doctorale de la FCT (Fundação para a Ciência e a Tecnologia), est membre de deux Unités de Recherche : le Centre Lusíada d’Investigation en Intervention Sociale et Service Social (CLISSIS) et le Centre de Linguistique de l’Université Nova de Lisbonne (CLUNL). Professeur à l’Institut Supérieur du Service Social de Lisbonne (aujourd’hui intégré à l’Université Lusíada de Lisbonne) depuis 1998, Michel Binet coordonne en partenariat avec Isabel de Sousa un Projet d’application de l’analyse de la conversation à l’étude d’un corpus d’enregistrements d’entretiens d’aide social au Portugal : le Projet ACASS (Análise da Conversação Aplicada ao Serviço Social).

Titulaire d’une Licence et d’un Master en Service Social, Isabel de Sousa, assistante sociale ayant à son actif plus de 30 ans d’expérience professionnelle, poursuit actuellement des études doctorales à l’ISCTE (Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa). Professeur à l’Institut Supérieur du Service Social de Lisbonne (aujourd’hui intégré à l’Université Lusíada de Lisbonne) depuis 2000, Isabel de Sousa, membre du Centre Lusíada d’Investigation en Intervention Sociale et Service Social (CLISSIS), coordonne en partenariat avec Michel Binet le Projet ACASS (Análise da Conversação Aplicada ao Serviço Social).

David Monteiro, titulaire d’une Licence et d’un Master en Sciences du Langage délivrés par la Faculté des Sciences Sociales et Humaines de l’Université Nova de Lisbonne, bénéficie d'une bourse de recherche du Centre de Linguistique de l’Université Nova de Lisbonne. David Monteiro est membre de l'équipe de recherche du Projet ACASS (Análise da Conversação Aplicada ao Serviço Social, coordonné par Michel Binet (CLUNL / CLISSIS) et Isabel de Sousa (CLISSIS).

Communication complète

Ethnométhodologie et (re)connaissance des savoirs professionnels: analyse conversationnelle d’un corpus d’entretiens d’aide sociale au Portugal

Michel G. J. Binet, Docteur en Anthropologie (GEACClissis)
Isabel de Sousa, Doctorante en Service Social (GEACClissis)
David Monteiro, Doctorant en Linguistique Interactionnelle (Université de Bâle / GEACClissis)

Website GEACClissis: http://geacclissis.wordpress.com/


Introduction

L’approche ethnométhodologique (Garfinkel & Sacks 1990) porte sur les savoirs incorporés à des pratiques inséparables des situations de travail qui les encadrent et qu’elles contribuent à redéfinir et réinventer. Situés, ces savoirs, procéduraux et méthodologiques (Heritage 1991), sont à la fois maîtrisés par les professionnels et en grande partie ignorés par eux en tant que tels. La recherche ethnométhodologique produit ainsi des effets de reconnaissance par les professionnels eux-mêmes des méthodes d’action concertée qui organisent les modalités concrètes de leur interagir communicationnel dans les situations liées à l’exercice de leur profession (Drew & Heritage 1992).
L’enquête de terrain habilite les chercheurs à délimiter les cadres d’interaction constitutifs de la profession (Granja 2008), susceptibles, dans une seconde phase, d’observations détaillées et d’enregistrements (Mondada 2006). Seule une recherche collaborative (Bartunek & Louis 1996) permet d’obtenir les consentements nécessaires à l’ouverture de terrains d’observation en milieu professionnel et la construction des relations de confiance qui rendent possible la constitution de corpus d’enregistrements sonores ou audiovisuels « authentiques » des pratiques de travail (Mondada & Mahmoudian 1998; Baude 2006).
Mené en accord avec une méthodologie collaborative, le Projet ACASS (Analyse de la Conversation Appliquée au Service Social) est passé par toutes ces étapes, afin de recueillir, en étroite concertation avec une équipe de plus de 20 travailleurs sociaux, un corpus de 50 heures d’enregistrements sonores d’entretiens d’aide social, au sein de services sociaux de Sintra, région de l’aire métropolitaine de Lisbonne, au Portugal.
Notre communication poursuit un triple objectif : 1) présenter et discuter la méthode collaborative suivie sur le terrain dans le cadre de notre projet (Binet & Sousa (de) 2012); 2) exposer les savoirs d’action située que l’analyse de la conversation ethnométhodologique permet de décrire avec une grande densité de détails (Binet & Monteiro 2012a); et 3) considérer de près les apports réflexifs et les effets de reconnaissance des compétences professionnelles rendus possibles par une telle approche.
Au moyen de cette communication qui aborde la méthodologie suivie, les résultats obtenus et l’expérience accumulée dans le cadre du Projet ACASS, c’est des apports de l’ethnométhodologie et de l’analyse de la conversation dans le domaine de la recherche dans et sur l’intervention sociale que nous souhaitons traiter.


1) La dynamisation d’une Équipe de Recherche collaborative : étapes et méthodes

Notre Projet de recherche a suivi une méthodologie collaborative, qui a rendu possible le recueil d’un corpus d’enregistrements d’entretiens d’aide sociale (Corpus ACASS). La méthodologie suivie par notre équipe recoupe en de nombreux points le modèle « Insider/Outsider Team Research » (I/O), proposé par Bartunek et Louis (1996; Binet & Sousa (de) 2012).

Constitution de l’Équipe de Recherche I/O : Qui choisit qui ?

Notre projet d’application de l’analyse conversationnelle à la recherche sur/dans le travail social a correspondu dans sa première phase à une initiative d’un enseignant-chercheur appartenant au milieu académique : Michel Binet, co-auteur de la présente communication, professeur de l’Institut Supérieur du Service Social de Lisbonne de l’Université Lusíada de Lisbonne (ISSSL-ULL). Chercheur extérieur (outsider) aux organisations et services liés au travail social, ses premières tentatives de négociation de l’ouverture de terrains d’observation et d’enregistrement n’ont pas abouti. Il s’agit sans aucun doute d’une difficulté majeure qui conditionne le développement des recherches se revendiquant du paradigme scientifique de l’analyse conversationnelle (Binet & Monteiro 2012a). La constitution de corpus d‘enregistrements des pratiques professionnelles implique nécessairement le consentement informé des professionnels, lors de l’ouverture négociée des terrains d’observation. L’obtention de ce consentement n’est pas immédiatement garanti mais bien plutôt le résultat (incertain) des relations nouées entre chercheurs (outsiders) et professionnels (insiders). Le chercheur n’a pas le pouvoir de choisir unilatéralement les professionnels à intégrer au sein de son équipe de recherche. Les corpus sont souvent «opportunistiques», ce qui en soi ne constitue pas un biais scientifique, du point de vue de la méthodologie qualitative.
La constitution de l’équipe est le résultat de choix mutuels qui ont pour base une dynamique collaborative. L’existence d’alliés introducteurs (insiders) est un facteur décisif, dans le cas d’une recherche qui a pour point de départ une initiative de chercheurs extérieurs (outsiders) aux organisations et services à enquêter. Il appartint à Isabel de Sousa, co-auteure de la présente communication, d’assumer ce rôle-clé. Professeure de l’ISSSL-ULL, Isabel de Sousa est membre du réseau de relations professionnelles et personnelles du chercheur à l’initiative du projet. Assistante sociale à la Mairie de Sintra, Isabel de Sousa est un acteur-clé du Réseau inter-institutionnel (Rede Social) qui organise et coordonne le développement social intégré et participatif au sein de la région administrative de Sintra. La position qu’elle occupe au point de croisement de ces deux réseaux sociaux a facilité la « traduction » sociotechnique du projet de recherche, d’un réseau de relations à l’autre (Latour 2005). Isabel de Sousa a été la porte-parole du projet de recherche auprès des professionnels (Akrich et al. 2002): son capital de relations de confiance, accumulé dans le cadre de l’exercice de ses responsabilités professionnelles à la tête du Réseau inter-institutionnel du territoire administratif de Sintra, a rendu possible l’obtention des consentements informés autorisant l’ouverture de terrains d’observation et d’enregistrement en contextes institutionnels. Les Appels à collaboration et les demandes de consentement ont été formulés lors d’un Workshop organisé à cette fin le 02 mai 2007, à l’abri du programme d’activités du Réseau. Plus de 20 professionnels qui assistèrent à la Conférence répondirent positivement à l’Appel à collaboration, permettant ainsi la constitution d’une équipe I/O et l’ouverture de terrains institutionnels.

Relations de travail

La dynamique collaborative et mutuellement inclusive permet l’hybridation des identités et l’entrecroisement des catégories d’appartenance, jusqu’alors définies par référence aux frontières institutionnelles qui prétendent séparer membres et non membres des organisations (Poutignat & Streiff-Fenart 1995).
La recherche collaborative implique une communication définissable comme interculturelle en de nombreux aspects: la recherche sur le terrain multiplie les situations de contact entre chercheurs et professionnels parlant des technolectes distincts. Les difficultés de communication ne sont pas l’exception mais bien plutôt la norme (Sperber & Wilson 2001, p.87). Sa gestion conduit chacun à mieux comprendre le regard de l’autre sur ses actions et les définitions qui les constituent, ce qui induit une distanciation objectivante à l’égard des modèles qui guident les actions, invisibles à force d’être évidents à nos propres yeux (Carroll 1987).
L’ouverture du terrain est une négociation qui accompagne tout le déroulement de la recherche. La collaboration implique une écoute active. Ainsi, les demandes de consentement informé à soumettre aux usagers des services et le respect des garanties qui leur sont données en matière d’anonymisation des données constituèrent des préoccupations fortes des professionnels, que les chercheurs de l’équipe ont été tenus de prendre en charge.

Formulation des questions orientant la recherche

Cette étape ou dimension de la collaboration correspond à un problème sensible, du point de vue de la méthodologie de la recherche : le paradoxe de l’observateur (Labov 1976, pp.116–117 & 289–290). La logique de la recherche sur le terrain obéit à un idéal d’observation naturaliste, qui consiste à éliminer ou, tout au moins, à minimiser les effets des dispositifs et opérations de la recherche sur le normal déroulement des activités qui constituent ses objets d’étude. Mais, par ailleurs, la collaboration tend à intensifier les interactions entre le chercheur et son terrain. Il s’agit donc d’une injonction paradoxale, impossible à résoudre une fois pour toute.
Il faut bien comprendre que cette injonction paradoxale est omniprésente, dans tous les champs de la recherche en sciences sociales et humaines, ce qui incite non pas à ignorer ou cacher le problème mais bien plutôt à le considérer comme faisant partie des données à recueillir et à analyser avec soin (Moerman 1992, p.26).
Motiver la collaboration des professionnels par l’explicitation des objectifs visés par la recherche est à la fois un devoir éthique, une norme de collaboration et la source d’un biais épistémologique: la formulation des questions de recherche peut altérer les conduites de travail observables sur le terrain.
Le problème existe, sans toutefois invalider la méthodologie de la recherche: le modus operandi, les savoirs d’(inter)action des professionnels fonctionnent largement sur un plan préreflexif (Binet 2002), qui, la plupart du temps, échappe à la conscience et à la vigilance des professionnels. La simple définition d’objectifs de recherche ne permettrait pas à elle seule d’opérer un retour réflexif sur les pratiques de travail.

Plan de recueil des données

La planification des données à recueillir a été effectuée en collaboration étroite avec chaque professionnel, en fonction des spécificités propres à chacun des services participant à l’enquête.
Chaque professionnel est capable de caractériser le profil de la population des usagers qui sur une longue période recourt au service dont il a la charge, sans toutefois pouvoir planifier à l’avance avec précision les caractéristiques des usagers qui seront effectivement reçus durant une journée ou une semaine donnée. Recueilli dans ces conditions d’imprévisibilité, un corpus d’enregistrements n’est pas un échantillon statistiquement représentatif : c’est un recueil de cas multiples qui documentent avec authenticité des interactions qui correspondent à des activités professionnelles, définies comme telles par ceux-là même qui y participent (perspective emic). Un enregistrement est un document de grande valeur scientifique, du point de vue qui est celui de la méthodologie qualitative : il rend accessible à l’observation quasi directe un événement interactionnel émiquement défini, qu’il est dès lors possible de réécouter de multiples fois, à des fins de transcription et d’observation détaillée.
Cette observation quasi directe des pratiques professionnelles, enregistrées in situ, est scientifiquement plus solide que le recueil par entretiens ou par questionnaires de discours sur une pratique, échappant à toute observation directe (Binet 2011).
Le corpus d’enregistrements a été complété par le recueil d’autres types de données, triangulation des approches (Wieder 1999; Nelson 1994) qui permet l’articulation de différentes échelles d’analyse. La photographie documentaire permet de trianguler des données qui articulent la micro-analyse des interactions et une méso-analyse des cadres interactionnels et des contextes institutionnels où elles se déroulent. L’ethnographie visuelle des services d’action sociale facilite la restitution écrite des observations effectuées par enquêtes de terrain. La photographie fonctionne également comme technique auxiliaire des entretiens de recherche (Clark-Ibáñez 2004). Le recueil de documents primaires se rapportant aux cas enregistrés permet pour sa part l’étude des interfaces entre l’oralité et l’écrit dans les pratiques des travailleurs sociaux (Zimmerman 1969; Boutet et al. 1993).

Recueils des données

La planification collaborative des donnés à recueillir a ouvert la voie à des recueils effectués de façon très autonome par les professionnels eux-mêmes (insiders). Cette autonomie conférée aux professionnels leur garantit un contrôle total et direct sur le recueil des données se rapportant à leurs propres pratiques, ce qui est voulu contrebalancer le caractère invasif des enregistrements. Les professionnels pouvaient en toute liberté s’abstenir d’enregistrer un entretien donné ou effacer ultérieurement son enregistrement.
Ce mode de collaboration élimine la présence physique du chercheur sur le terrain (Baude 2006, pp.59 & 68), ce qui limite les effets liés à la recherche sur le déroulement des interactions étudiées.

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Corpus ACASS | Entretiens d’aide sociale
(durée totale des enregistrements: 54:25:46)

ENREGISTREMENTS analogiques | Durée totale: 33:03:42
(Données d’accès restreint)


Mairie de ----
• Division de l’Habitation et du Logement (17 entretiens)
• Division de la Santé et de l’Action sociale (6 entretiens)

Centre de Santé de ----
• Santé infantile (20 entretiens)
• Santé Maternelle (5 entretiens)
• Service Social (6 entretiens)

Mairie d’Arrondissement A
• Action sociale (8 entretiens)

Mairie d’Arrondissement B
• Action Psychosociale (13 entretiens)

Mairie d’Arrondissement C
• Aide Sociale et Psychologique (10 entretiens)

Association
• Aide aux Immigrés (2 entretiens)


ENREGISTREMENTS digitaux | Durée totale: 21:21:46
(Données d’accès restreint)

Mairie de ----
• Division de l’Habitation et du Logement (6 entretiens)
• Division de la Santé et de l’Action sociale (7 entretiens)

Centre de Santé de ----
• Santé Maternelle (1 entretien)
• Service Social (5 entretiens)

Mairie d’Arrondissement A
• Action sociale (4 entretiens)

Mairie d’Arrondissement B
• Action Psychosociale (6 entretiens)

Mairie d’Arrondissement C
• Aide Sociale et Psychologique (3 entretiens)

AUTRES DONNÉES

Documents primaires (dossiers des usagers des services) | (Accès restreint)

Notes d’observations de terrain

Photographies de services et de locaux d’entretien d’aide sociale

Entretiens de recherche

Focus Group / Workshops avec les travailleurs sociaux collaborant au Projet

Sessions de groupe d’analyse de données enregistrées et transcrites (Data Sessions)

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Analyse et interprétation des données

Un corpus d’enregistrements rend possible une division du travail de recherche, qui met en place une séparation temporelle et spatiale des activités de recueil et des activités d’analyse. Les enregistrements étaient remis aux chercheurs responsables pour le double travail de transcription et d’analyse, lequel était réalisé en des lieux distants des institutions et services ayant collaboré à leur recueil. Transcripteurs et analystes travaillèrent en divers sites : Michel Binet, en charge de la coordination de l’Atelier de Transcription, travailla essentiellement à son domicile ; David Monteiro, autre co-auteur de la présente communication, au sein du Laboratoire de langues du Centre de Linguistique de l’Université Nova de Lisbonne (CLUNL) (Binet & Monteiro 2012c). L’adaptation à la langue portugaise des conventions de transcriptions de Gail Jefferson (2004) fût l’objet de discussions de travail dans le cadre des réunions du Groupe d’Investigations sur les Interactions Discursives, présidées par Adriano Duarte Rodrigues (CLUNL). Plusieurs sessions de groupe d’analyse de données transcrites furent également réalisées.
Cette dynamique collaborative concerna surtout la sous-équipe de chercheurs du CLUNL et du CLISSIS, au détriment de la collaboration I/O. Cette orientation, contraire à la logique de la recherche collaborative, est imputable au caractère très technique du double travail de transcription et d’analyse. Nous retrouvons ici la barrière à la communication I/O induite par l’existence d’un technolecte très spécialisé.
La vie utile et multiple d’un corpus d’enregistrements s’étend sur une longue durée, aspect qu’il est très important d’expliquer aux professionnels, pour le bien de la dynamique collaborative du projet de recherche.

Rapports de recherche et Présentation de résultats

Le projet de recherche, mené à bien sans financement externe, n’a pas donné matière à l’élaboration d’un Rapport de Recherche. Certains des résultats obtenus ont été néanmoins présentés sous la forme de conférences et de workshops organisés à l’abri du programme d’activités du Réseau Inter-institutionnel, moments qui constituèrent un important cadre de maintien de la collaboration I/O.

«Rétroactions» et applications

Cette étape fera l’objet de considérations finales, en conclusion de la présente communication. Limitons-nous ici à signaler à l’attention du lecteur qu’il s’agit d’un des points forts de la recherche collaborative en général, et d’une des questions actuellement centrales de l’analyse conversationnelle, sur le plan de la recherche appliquée.

Production académique

Le projet a d’ores et déjà donné matière à l’élaboration et soutenance d’une thèse de doctorat en anthropologie (Binet 2013), d’une thèse de master en linguistique (Monteiro 2011) et d’un travail final d’un cursus de doctorat en linguistique (Almeida (de) 2010). Isabel de Sousa élabore actuellement une seconde thèse de doctorat, inscrite dans le domaine scientifico-professionnel du Serviço Social, ayant en partie pour base empirique le corpus ACASS. La production scientifique issue du Projet ACASS, qui s’étend aujourd’hui à trois articles et cinq communications, est loin d’arriver à sa fin.
Plusieurs de ces articles et communications ont été produits en régime de collaboration I/O, point très important à nos yeux. Nous tenons à souligner à ce titre que la méthodologie I/O autorise et valorise des publications qui associent comme co-auteurs des professionnels (et des usagers) dépourvus de capital académique.

Dissémination

Le projet ACASS est aujourd’hui rétrospectivement défini comme un projet pilote susceptible d’être répliqué et complété, en divers secteurs d’intervention sociale et éducative. Les perspectives ainsi ouvertes sont à l’origine de la constitution du GEACC, Groupe d’Ethnométhodologie et d’Analyse Conversationnelle da la Clusivité sociale, au sein du Centre Lusíada d’Investigation en Service Social et Intervention Sociale (CLISSIS).


2) Les savoirs d’(inter)actions logés au cœur des pratiques professionnelles

Il s’agit pour nous maintenant d’aborder la valeur heuristique d’un corpus d’enregistrements d’entretiens d’aide sociale. Les pratiques professionnelles rendues ainsi observables ont trait à un des principaux cadres interactionnels inhérent au travail social, tant sur le plan de son exercice que sur celui de son autodéfinition professionnelle.
Un enregistrement permet des réécoutes multiples, ce qui consolide le travail d’analyse et sa validation entre pairs. L’exactitude de notes écrites d’observation de terrain échappe à tout contrôle direct de la communauté scientifique en charge de la validation des résultats scientifiques issus de l’analyse de telles données. Les analystes de la conversation produisent quant à eux des travaux qui assurent par voie de transcription un accès quasi direct aux données qui fondent et orientent leurs analyses. Les corpus d’enregistrements sont parfois, sous réserve d’anonymisation préalable, accessibles on line.
La transcription est un document jugé secondaire, en comparaison avec l’enregistrement, document primaire, plus proche de l’événement interactionnel originel. Les chercheurs travaillent toujours sur une double donnée : l’enregistrement et sa transcription. Le va-et-vient entre enregistrement et transcription est une constante du travail de recherche. Un analyste de la conversation ne délègue pas le travail de transcription : il le réalise lui-même. La transcription est une activité de recherche à part entière. L’écoute attentive d’un enregistrement, sa transcription et son analyse constituent trois modules d’activité en étroite interaction.
L’analyse conversationnelle est une ramification du programme scientifique de l’ethnométhodologie. La vie sociale et professionnelle s’organise à plusieurs niveaux : le plus fondamental d’entre eux est le niveau situationnel (Schegloff 2006; Ostermann 2012, p.33). L’organisation méthodique des actions humaines liées à la vie sociale et professionnelle est, pour une part importante, assurée localement (in situ) par les interactants eux-mêmes. Les méthodes d’organisation concertée des actions situées constituent les ethnométhodes propres aux membres d’une culture donnée, générée, par exemple, au sein d’une communauté professionnelle. Ces ethnométhodes sont, pour une part essentielle, liés à l’exercice de la parole-en-interaction (talk-in-interaction). Il existe une méthodologie interactionnelle et conversationnelle riche et détaillée, activement maîtrisés par les interactants, pour le co-pilotage de leurs (inter)actions, dans une grande diversité de cadres interactionnels propres à la vie quotidienne ou à la vie professionnelle. La construction théorique et l’approche méthodologique de cet objet de recherche empirique reposent sur des études de corpus qui rendent possibles des transcriptions et des observations de grande granularité descriptive. En effet, les méthodes d’organisation et les savoirs procéduraux engagés dans le co-pilotage conversationnel des actions situées sont observables à une échelle micro-analytique: l’analyse conversationnelle est «la plus micro des microsociologies» (Boden 1990, p.248).
C’est dans les détails voire les micro-détails des interactions de travail que se donne à voir et à analyser dans sa spécificité les cultures et savoirs d’(inter)actions d’une profession.
Les interactions sont en tout premier lieu organisées séquentiellement (Schegloff 2007). Cette organisation séquentielle, cogérée du dedans par les interactants (endo-organisation), se structure elle-même à un double niveau, global et local.

L’organisation séquentielle globale des entretiens d’aide sociale: ouverture, corps principal et clôture de l’interaction

Au niveau global, toutes les interactions s’organisent, en première approximation, en trois macro-séquences: l’ouverture, le corps principal et la clôture de l’interaction.
L’ouverture d’un entretien d’aide sociale correspond à un processus très ritualisé d’entrée graduelle dans le cadre interactionnel. Avant l’activation de cette séquence ritualisée, l’état de la relation de co-présence tend à être régit par une règle d’évitement de l’engagement dans l’interaction: les futurs partenaires d’interactions évitent de se diriger la parole et d’interagir conversationnellement, dans toutes les situations de contact et de co-présence qui précèdent l’ouverture de leur interaction.
Cet état de non-relation ou d’évitement de l’engagement interactionnel se modifie au moyen d’un acte de convocation lié à un travail préliminaire de confirmation de l’identité de l’usager à qui « c’est le tour d’être reçu », droit fixé comme tel par le mode de gestion institutionnel des prises de rendez-vous et des rendez-vous eux-mêmes. Le bon fonctionnement des systèmes de gestion des prises (ou des confirmations) de rendez-vous et des temps d’attente est un facteur qui est susceptible d’interférer sur la dynamique de la relation entre professionnels et usagers (A. Kadushin & G. Kadushin 1997, p.72).
L’enquête de terrain permet de mettre en évidence les modalités d’accès aux services qui forment une écologie institutionnelle locale de l’entrée en contact des professionnels et des usagers. Nous attirons l’attention du lecteur sur l’importance des balcons d’accueil qui filtrent les demandes de rendez-vous: les usagers sont souvent amenés à motiver leur demande de rendez-vous, au moyen d’une première exposition de leurs problèmes, effectuée à l’intention de professionnels sans formation toujours adéquate, dans des conditions qui ne leur garantissent pas leur droit à la confidentialité (A. S. Hall 1974).
La demande de confirmation du nom, qui vise à établir le droit de l’usager à être reçu (avant les autres usagers éventuellement présents), constitue une préouverture: cette courte interaction tend en effet à précéder l’échange de salutations. Cette action projette une définition des asymétries statutaires qui séparent professionnels et usagers. La position dominante du professionnel associé à son statut de membre de l’organisation se réalise (devient emiquement réelle) par un acte de pouvoir territorial, celui d’autoriser ou non l’entrée et la circulation de personnes, corrélativement définies par cet acte comme non membres (outsiders). L’importance de ces détails comportementaux peut être mise en évidence par une analyse contrastive des séquences d’ouverture des entretiens au domicile: le travail rituel repose alors sur une distribution partiellement inversée des rôles. L’emprise sur le territoire de l’interaction constitue bien une des bases d’organisation des comportements dans la relation d’entretien.
Réalisé en ouverture de l’interaction, la question « Comment allez-vous ? » est émiquement traitée comme participant d’un échange de courtoisie qui prolonge l’échange de salutations: la réponse donnée à cette question en cette position séquentielle n’est pas dotée d’une valeur de vérité mais bien plutôt d’une valeur rituelle (Sacks 1975; Binet & Freitas 2010). Un usager ayant alors répondu que tout va bien, peut par la suite, comme c’est très souvent le cas, exposer de graves problèmes, sans que cela soit considéré et dénoncé comme un démenti de la « réponse » donnée en ouverture de l’interaction. Le contrat de véracité des informations échangées n’est pas considéré avoir été rompu.
En ouverture de l’interaction, cette question peut être rétribuée ou recevoir en guise de réponse un remerciement. Elle peut même être produite en premier acte par l’usager.

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Transcription 1

016 U notre pe[tite?]

017 T [ bon] nous pouvons entrer

018 U notre petite?

019 T ça va

020 U ça [va:?]

021 T [ ça] va très bien merci

022 U très bien?

023 T très bien madame Xxxx[x ]

024 U [dieu] merci

Convention: (T)ravailleur social - (U)sager / Source: Corpus ACASS (Transcript 3.2.(03))

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Dans le corps principal de l’interaction, une telle question est une action réalisable par le professionnel et lui seul, et n’est jamais rétribuée par l’usager. De même, une fois l’entretien d’aide sociale ouvert, cette question n’obtient pas de remerciements, en guise de réponse. La minimisation du travail rituel d’ouverture de l’interaction par le professionnel projette une définition susceptible d’interférer sur la dynamique de la relation d’aide. La transition de la séquence d’ouverture au corps principal de l’entretien est une opération négociée avec tact. Certains mots discursifs (Ducrot 1980; Mondada & Traverso 2005) jouent un rôle très important dans ce travail endogène de transition d’une séquence à l’autre : «pronto» [ok], «então» [alors / bon], etc.
La séquence de clôture de l’interaction (Ostermann 2002) est elle-même ritualisée: des échanges de courtoisie ont alors très fréquemment lieu. La sortie du cadre interactionnel, elle-même graduelle, repose également sur un travail rituel, dont l’observation minutieuse permet de répondre à la question suivante: comment procèdent les interactants pour clore l’entretien sans qu’une telle action soit ressentie par aucune des deux parties en interaction comme une interruption d’un entretien en cours ou comme une sortie injustifiée du cadre interactionnel ? Une interaction en phase de préclôture peut être réouverte par l’une des deux parties, ce qui a pour effet de prolonger l’entretien (Sacks & Schegloff 1973). L’opération de clôture est elle aussi délicate et négociée.
Le corps principal de l’entretien d’aide sociale est lui-même organisé en trois macroséquences: l’enquête, le problème (identification, exposition et plan de résolution) et la planification des suites à donner au dossier. Les opérations réalisées tout au long de ce script émergent sont fort nombreuses et complexes. Nous nous contenterons d’en donner ici quelques aperçus, afin d’aider le lecteur à évaluer l’intérêt de cette approche micro-analytique des pratiques professionnelles.

L’organisation locale et préférentielle

Nous venons de donner une vue d’ensemble du script de l’interaction et des diverses macroséquences qui le composent. Il convient maintenant de préciser que l’interaction est organisée localement, pas à pas, par les interactants. Cette organisation méthodique repose sur un système d’alternance réglée de tours de parole (Sacks et al. 1974), qui minimisent les silences ainsi que les chevauchements de parole, et un système de signalement et de correction de problèmes (Sacks et al. 1977). Les tours de parole sont fondamentalement organisés en paires adjacentes: un acte initiatif (PPP – Première Partie de la Pair adjacente) projette un slot, un microespace de prise de parole, dans le cadre duquel l’interlocuteur est convoqué à réaliser un acte réactif (SPP – Seconde Partie de la Pair adjacente), doublement conditionné sur le plan actionnel et en terme de relevance. Une question (PPP) est préférentiellement suivie d’une réponse (SPP), dont la relevance est définie par la question posée. Le caractère fortement contraignant de cette organisation locale et préférentielle en paires adjacentes permet de situer l’analyse des interactions conversationnelles dans le champ de la sociologie durkheimienne: la parole est exercée sous la contrainte extérieure des actions d’autrui, et, réciproquement, nous exerçons une contrainte sur la parole d’autrui.
Le champ des actes initiatifs possibles n’est pas le même selon la place occupée dans la relation asymétrique propre au cadre interactionnel de l’entretien d’aide sociale. Seul le professionnel peut par exemple poser des questions invasives quant aux territoires du moi de l’usager. Autre exemple: les professionnels ont le quasi monopole des demandes de justification d’une action d’autrui mentionnée en cours d’entretien. Les actes directifs, limitant par exemple le champ des actions possibles d’autrui, sont de même un quasi monopole des professionnels.
Le pouvoir d’introduction d’un nouveau thème de conversation n’est pas symétrique: toutes choses étant égales par ailleurs, le professionnel jouit d’un plus grand pouvoir de validation ou d’invalidation de la relevance des thèmes introduits dans le cadre de l’entretien. Lorsqu’il est en position d’écoute, le professionnel émet des signaux en retour (backchannels) qui incitent l’usager à poursuivre et à approfondir un thème ou, au contraire, à l’abandonner (Almeida (de) 2009).

L’organisation modulaire

Cette organisation locale et préférentielle intègre et compose des macroséquences dotées d’une organisation modulaire qui leur sont propres, qui est le cadre d’activités et de tâches qui leurs sont spécifiques. Deux exemples.
Une de nos hypothèses de travail (Binet 2009; Monteiro 2011; Binet & Monteiro 2012b) consiste à vérifier par analyse empirique dans quelle mesure le corps principal des entretiens d’aide social aurait pour base d’organisation la macroséquence centrée sur un problème, modélisée par Gail Jefferson et John Lee (Jefferson 1980; Jefferson & Lee 1992).

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Modèle des Macroséquences centrées sur un problème (Jefferson 1988)

A. Approcher le problème

1. Ouverture et activation de la Macroséquence centrée sur un problème

a. Enquête / Questionnement

b. Faire remarquer / Interpeler

2. Pré monitorisation du problème

a. Acte réactif : réponse minimisatrice

b. Déclarer l’état problématique en voie de rétablissement / résolution

c. Suites à donner au problème / Induire et conduire à…

3. Réaction à la pré-monitorisation du problème (élevé au statut de nouvelle digne d’être rapportée) : accepter d’enchaîner la conversation sur le problème


B. Focalisation de l’attention sur le problème

1. Annonce

2. Réaction à l’annonce


C. Échange et partage du problème (co-exposition)

1. Exposition (descriptions de symptômes, d’évènements, etc.)

2. Se solidariser (avec plus ou moins d’intensité)

3. Réaction à la manifestation de solidarité


D. Accommodation (diagnostics, pronostics, partage d’autres expériences similaires, suggestions, conseils, etc.) : Encadrement et gestion du problème / « Socialisation » du problème / Mise en perspective / Catégorisation et étiquetage / Typification / Banalisation / Rattachement du problème au monde environnant


E. Pré-clôture de la Macroséquence

1. Projection/prévision optimiste

2. Invocation de l’état des choses (affaires à régler, au sein du monde extérieur à la conversation. Ex. : «Je dois aller chercher mon fils à la sortie de l’école»)

3. Dédramatisation et minimisation du problème (plaisanteries, histoires drôles, etc.)


F. Clôture et sortie du cadre macroséquentiel

1. Délimitation et franchissement d’un seuil

a. Clôture conversationnelle

b. Réouverture conversationnelle

c. Introduction d’une référence à la vie de l’interlocuteur, extérieure à la conversation (ex. : une activité suspendue qui doit être terminé - «Tu vas faire les courses maintenant ?»

d. Référence à une prochaine rencontre

2. Changer de sujet de conversation

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Une autre hypothèse, qui a émergé du travail analytique, concerne les macroséquences narratives (Jefferson 1978; Fisher 1987; Mandelbaum 1989; Ochs et al. 1992; C. Hall 1997; Loseke 2001; Lambrou 2003), centrales dans les entretiens d’aide sociale, particulièrement dans la phase d’exposition du problème (Monteiro 2011; Binet 2012). Le modèle de William Labov et de Joshua Waletzky (1966) s’est révélé d’une grande heuristicité.

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Modèle des Macroséquences narratives centrées sur un problème (Adapt. Labov 1972)

1. Synopsis
2. Approche du problème / Construction référentielle d’une unité narrativo-actantielle
3. Problème
4. Évaluation du problème
5. Résultat / Résolution du problème
6. Coda (formule verbalisant la réaction émotionnelle et le jugement moral du narrateur face au dénouement du problème)

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L’activité narrative de l’usager est en partie guidée par le professionnel, qui, par exemple, peut l’encourager à verbaliser les états émotionnels qui furent les siens à l’occasion des situations rapportées. La narration de situations de grande douleur émotionnelle ou de conflit sont des moment-clés, sur le plan de la construction conversationnelle de la relation d’aide: au cours de telles narrations, le professionnel est invité par l’usager à se solidariser avec lui. Ces invitations à manifester sa solidarité sont effectuées notamment par des moyens intonatifs. Les réponses des professionnels à ces invitations des usagers dictent le cours de l’entretien d’aide.
Les récits de conflits mettent au premier plan des désaccords ayant porté sur la validité des raisons ayant motivé certaines paroles ou présidé à certains actes de l’usager dans des situations passées. Ces conflits conversationnels passés, qui peuvent avoir eu pour cadres des relations asymétriques entre usagers et administrations, ont pour enjeux, très sensibles, l’inclusion ou l’exclusion de l’usager au sein d’une seule et même communauté de “bonnes raisons” de penser et d’agir. L’entretien d’aide sociale fonctionne parfois comme un cadre de réhabilitation de l’usager et de ses raisons d’agir, mises en cause lors d’un conflit passé. La gestion en situation d’entretien de ces récits de conflits passés engage des savoirs (d’inter)action des professionnels, qui sont mis en position d’opérer une réinclusion micro/macrosociale : exposer ses raisons d’agir et obtenir sa validation dans le cadre microsocial de l’entretien d’aide sociale signifie pour l’usager s’engager dans un processus de réinsertion au sein d’un ensemble social plus vaste. Les parcours d’exclusion sociale des sujets sont jalonnés d’épisodes conflictuels qui mettent en péril l’auto-identification de soi comme membre à part entière d’une communauté de raisons d’agir. La souffrance provoquée par ces processus de micro-exclusion se donne à entendre dans les entretiens d’aide sociale, qui sont, en certains moments, de véritables cliniques psychosociales.
Il y a une double inscription ou indexation de la relation d’aide dans l’ici et maintenant de l’échange interactionnel et dans des systèmes de valeurs, d’arguments, de raisons, de justifications (Boltanski & Thévenot 1991), qui dépassent le cadre purement local de l’interaction en cours. Mais attention : cette invocation de raisons, justifiant ses actions aux yeux d’instances sociales extérieures à la situation, est opérée, négociée et validée dans le cadre de l’interaction conversationnelle locale, qui, à la lumière de cette approche, constitue, du point de vue du chercheur, un micro-observatoire des phénomènes d’exclusion sociale, considérés ici dans leur dimension cognitive (conflits de raisons) et, du point de vue des interactants, une arène de validation identitaire de leurs raisons d’agir.

L’ethnométhodologie conversationnelle : un programme de recherche ouvert, riche en (re)découvertes

Il est impossible, dans l’espace restreint d’une seule communication, de rendre compte de la richesse des découvertes générées par le programme de la recherche ethnométhodologique portant sur un corpus d’enregistrements d’entretiens d’aide sociale. Notre objectif a consisté pour l’essentiel à donner un bref aperçu de quelques observations et analyses rendues possibles par une telle approche, que nous souhaitons contribuer ainsi à faire connaitre, dans le champ de la recherche dans/sur le travail social.
Chaque découverte est associée à des analyses très fines de microdétails observables dans des données enregistrées et transcrites avec minutie. La production scientifique des chercheurs en analyse conversationnelle revêt préférentiellement la forme d’articles portant sur des questions très précises. Les résultats de recherche relatifs à chacune de ces questions sont accompagnés de données de transcription qui permettent au lecteur de répéter et de vérifier pour son propre compte les analyses empiriques dont ils sont issus.
Notre présente communication au 5ème Congrès International de l’AIFRIS a ainsi essentiellement une valeur d’introduction, à de futurs articles ou communications de notre équipe de recherche.


En guise de conclusion : La réappropriation des résultats de la recherche par les professionnels eux-mêmes

Comme nous l’avons déjà signalé à l’attention du lecteur, en première partie du présent texte, il s’agit d’un problème-clé de la Recherche collaborative : comment favoriser des applications des acquis de la recherche sur la pratique professionnelle elle-même, objet de l’étude ?
Les rétroactions de la recherche sur l’agir professionnel, indissociable de sa dimension réflexive (Granja 2011), est un défi qu’il appartient aux professionnels eux-mêmes de relever, en collaboration avec les chercheurs. L’approche ethnométhodologique révèle, au moyen d’une description détaillée des pratiques de travail observées in situ, combien les professionnels sont des sujets actifs de leurs interactions avec les usagers (Gardella et al. 2006). Ils sont également les sujets actifs d’une éventuelle incorporation des résultats de la recherche dans leurs pratiques professionnels. Cette réappropriation active de la recherche est à opérer de manière autonome et souveraine par chacun des professionnels, dans les cadres interactionnels locaux où il exerce sa profession. Le premier mot et le dernier mot d’une telle recherche collaborative appartient aux acteurs du terrain professionnel.
Les chercheurs facilitent et guident chacun des processus de réappropriation locale. Chaque fois, ce sont la profession et la recherche qui se réarticulent dans le cadre d’une (inter)action située, copilotée par le professionnel et l’usager. Cette double réarticulation est riche en effets de reconnaissance de ses propres savoirs d’(inter)actions et en (ré)inventions locales et quotidiennes de la profession (Certeau (de) 1990).
Mais, en raison même du caractère local de ces processus interactionnels, qui les rend invisibles à tout regard extérieur (Pithouse 1987, p.2; Cefaï & Gardella 2011, p.26), cette richesse court le risque d’être largement sous-valorisée et ignorée. Nous retrouvons ici une préoccupation centrale des ethnométhodologues, qui les conduit à défendre l’enquête ethnographique de terrain, qui seule permet l’observation directe de l’agir situé des professionnels. Ce retour aux objectifs initiaux de la recherche indique une voie à suivre : la mise en place sur un territoire donné d’un cycle alterné d’actions et de recherches qui permettrait sur une longue durée l’émergence et la consolidation d’une double culture professionnelle et scientifique unissant professionnels et chercheurs.
Les workshops d’interformation que nous avons réalisés avec les professionnels qui collaborèrent au recueil du corpus sont à ce titre très intéressants et prometteurs. Pour nous, chercheurs, ces workshops furent planifiés en vue d’organiser des sessions collaboratives d’analyse de données de transcription (Data Sessions), issues du corpus d’enregistrements d’entretiens d’aide sociale, réalisés par les professionnels eux-mêmes participant au Workshop. La session d’analyse était réservée aux seuls collaborateurs du Projet.
Les données de transcription étaient anonymisées, de manière à rendre difficile l’identification directe du professionnel et de l’usager ayant participé à chacun des entretiens d’aide sociale sélectionnés en vue du workshop (Almeida (de) 2011). La vingtaine de professionnels présents avaient pour consigne de collaborer au travail d’anonymisation, évitant de s’identifier ou d’identifier un collègue publiquement, au cours de la session.
Dans ce contexte de travail, régulé par un principe de préservation de l’anonymat, les données de transcription présentées donnèrent matière à des échanges très riches, du double point de vue des chercheurs et des professionnels. Les passages transcrits, rendus accessibles par un minicorpus de transcriptions imprimées, remis à chacun des participants, et par un rétroprojecteur, fonctionnèrent comme une technique d’élicitation et de dynamisation d’un Focus Group centré sur les pratiques des professionnels, observées dans un de leurs principaux cadres interactionnels d’exercice professionnel (Clot 2000).
Du point de vue des professionnels, ces workshops constituèrent des sessions de supervision au sein d’un groupe élargi. Le recours aux données de transcription permet de décrire de façon détaillée des aspects très concrets du travail. Dans de telles conditions, le discours sur la pratique ne commet pas l’erreur de la décontextualiser e de la superficialiser: les donnés transcrites assurent une granularité descriptive qui ancre le discours dans une pratique reconstituée et recontextualisée à une échelle situationnelle. C’est précisément à cette échelle que la relation d’entretien et d’aide sociale est organisée pas à pas par les professionnels, en étroite concertation avec les usagers.
La valorisation de données de transcription des pratiques professionnelles à des fins de formation est doté d’un grand potentiel de développement, sous réserve de s’inscrire dans une dynamique collaborative. Il s’agit d’une des principales questions aujourd’hui travaillées par notre équipe.

Michel G. J. Binet (GEACClissis)
Isabel de Sousa (GEACClissis)
David Monteiro (Université de Bâle / GEACClissis)


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