Fiche Documentaire n° 2014

Titre Des organisations apprenantes au service de la formation des acteurs de l'intervention sociale.

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l'auteur principal

Auteur(s) BALDELLI Brigitte
PIOU ILIASSI Elsa
 
     
Thème Rendre les organisations apprenantes un enjeu d’avenir entre les écoles en travail social et les milieux professionnels?  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Des organisations apprenantes au service de la formation des acteurs de l'intervention sociale.

Dans cette communication nous souhaitons présenter une dynamique de production et de transmission des savoirs concomitante à la mise en œuvre de dispositifs formatifs d’un Institut Régional de Travail Social ( IRTS). Ces dispositifs dont les intentions premières étaient de proposer d’autres méthodes pédagogiques à des étudiants et des professionnels en intervention sociale se sont progressivement transformés en organisations apprenantes dont la finalité serait de produire des professionnels-acteurs.
En quelques années nous sommes passés d’une société éducative (Dummazier 1978), à une société pédagogique Beillerot (1984) et plus récemment à une société cognitive (PH Carré).
Le rapport à la production des savoirs à leur transmission et à leur appropriation a évolué. Les questionnements et les réflexions ciblés sur le contrôle ou l’émancipation de l’individu, vont, à partir des années 2000, concerner le développement des compétences, la formation expérientielle, les apprentissages informels et les curriculums cachés. L’organisation apprenante d’inspiration nord américaine ou le « Knowledge management » visent à faire émerger, visualiser, opérationnaliser des savoirs jusque là restés plus ou moins diffus.
C’est à partir d’exemples concrets dans un IRTS pour des étudiants en formation initiale et des professionnels tuteurs de stage (mais pas uniquement) que nous appréhenderons comment des dispositifs formatifs et pédagogiques évoluent vers la conception de l’organisation apprenante, entrainant au passage les étudiants et les professionnels à devenir et à s’affirmer en sujet social apprenant c'est-à-dire proactifs.
Le stage de méthodologie de projet, le projet individuel de formation, les sites qualifiants, le Pôle Ressources Développement Social (PRDS) sont chacun à leur manière des espaces organisés qui poursuivent des objectifs praxéologiques et de construction de postures réflexives. Dans le stage de méthodologie les groupes-projets pluridisciplinaires impliqués dans des questions de développement social local négocient leurs objets d’intervention au cours de transactions avec les directions ou les cadres. Ils sont amenés à expérimenter la réciprocité éducative, à entrer dans les échanges de savoirs avec des professionnels et des usagers. Pour les professionnels en place la rencontre avec ces groupes-projets demande qu’ils soient eux-mêmes en situation d’apprentissage tout étant référents ou tuteurs.
Au PRDS, les journées de professionnalisation prévues pour les professionnels cherchent à réguler certains écarts observés sur le territoire entre des professionnels formés avant et après la réforme des diplômes en travail social. Cette organisation (PRDS) a vocation à transférer l’innovation sociale qu’elle accompagne vers un panel plus large de professionnels. Notamment, les thématiques abordées lors de ces journées proposent des réflexions et des expériences concernant le changement de postures professionnelles, il y est souvent question de participation sociale, de pouvoir d’agir, d’initiatives et d’alternatives sociales.
Le projet individuel de formation, quant à lui, participe à réintroduire de la liberté pour l’étudiant en travaillant la curiosité intellectuelle, en poursuivant son désir d’apprendre et à lui ouvrir une voie pour l’autonomie. Cette instance vient conforter la mise en œuvre et l’efficience des organisations apprenantes, où l’autoformation joue un rôle essentiel.
Toutes ces instances s’entrecroisent pour « former » le travailleur social cognitif c'est-à-dire réflexif, proactif et acteur bien sur. Les mots d’ordre de ces nouvelles organisations apprenantes de l’intervention sociale, à tous les niveaux des relations sociales (professionnels, étudiants, usagers), sont la créativité, la participation, l’autonomie. Assiste t-on par ce biais à la transformation en profondeur de l’intervention sociale ?

Bibliographie

Bauduret J.-F. et Jaeger M., 2005, Rénover l’action sociale et médico-sociale : histoires d’une refondation, Paris, Dunod.
Carré Philippe ( 2005) L'Apprenance, vers un nouveau rapport au savoir (Dunod)
BLIN J.-F., 1997. Représentations, pratiques et identité professionnelle, Paris, Harmattan.
DUBAR J.-C., 2002. La Socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin.
illich Yvan ( 1972) Une société sans école. Seuil.
Articles
Marcel Jaeger « La formation des travailleurs sociaux : nouvelles configurations, nouveaux questionnements », Informations sociales 2/2009 (n° 152), p. 74-81.
URL : www.cairn.info/revue-informations-sociales-2009-2-page-74.htm.

Présentation des auteurs

Brigitte Baldelli est docteure en sociologie, chercheure associée à GEPCS PARIS V et au PREFIS, cadre pédagogique à IRTS-LR
Elsa Piou-Illassi est docteure en sciences politiques, chercheure associée au PREFIS, cadre responsable du PRDS à IRTS-LR.

Communication complète

Dans cette communication nous souhaitons discuter de la production et de la circulation des savoirs dans la formation professionnelle des travailleurs sociaux. Et, notamment pour tenter de mieux comprendre, depuis cet espace, le rapport au savoir des étudiants, par exemple lorsqu’ils priorisent en les hiérarchisent les savoirs pratiques sur les savoirs théoriques. Ce qui revient à se demander comment les organismes de formation assurent la transmission et la construction des savoirs, dans une société tour à tour qualifiée d’éducative (Dummazier 1978) de pédagogique (Beillerot 1984) et plus récemment de cognitive (Carré, 2000) ?



Ma formation de chercheure en sociologie et ma position de cadre pédagogique dans un IRTS me conduisent à observer les intentions et les finalités de cet institut dans son rôle de transmission-construction des savoirs, tout en étant impliquée dans cette dynamique. Comment, par exemple, la question de la transformation sociale peut-elle être (ou pas) une dynamique des curriculums de formation ? Quelles valeurs et quels savoirs sont véhiculés dans les curriculums cachés ? Autrement dit quels écarts entre le prescrit et le réel, notamment entre les intentions pédagogiques, les réalisations pratiques et les finalités visées ?

Ces questionnements participent de la réflexivité d’une organisation de travail, telle un centre de formation supérieure. Ils apparaissent dans un contexte de mutation du travail social et de son enseignement qui mobilise actuellement ce secteur.

Nous pouvons penser que nous sommes face à des questions inédites mais ce serait oublier qu’en matière d’éducation la dialectique prime sur l’épistémologie. E. Kant a fait remarquer qu’il fallait prendre en compte l’éducation de l’éducateur, qui éduque l’éducateur ?

Ce qui nous entraîne dans les organismes de formation à réfléchir à : qui éduque l’éducateur de l’éducateur ? Quels savoirs circulent et quels autres seraient confisqués ?

Cela nous renvoie à la fois aux débats actuels avec ses différentes positions et modèles de formation, à une vision systémique à plusieurs niveaux interdépendants que je me propose de clarifier au cours de ce propos.

Cette question met en tension toutes les réflexions actuelles autour de la formation professionnelle et mobilise différents modèles. Schématiquement, je propose de nommer ainsi ces trois modèles :

- le modèle de la transmission-reproduction où les pairs (le groupe professionnel de référence) ont une place prépondérante comme détenteurs et garants des savoirs,

- le modèle de la transmission-épistémologique dans l’optique du métissage des savoirs et des identités (pairs, enseignants-chercheurs) pour la création d’une discipline du travail social (inspiration Québécoise).

- le modèle de la transmission-construction expérientielle dans les milieux professionnels où les savoirs se transmettent essentiellement par la pratique, par l’apprentissage empirique (centre de formation des apprentis).

Parce qu’ils ont des frontières poreuses ces modèles ne sont pas complètement hermétiques. Les savoirs rencontrent aussi bien des douaniers, que des passeurs ou des traducteurs et leur transmission repose, en grande partie, sur les représentations qu’ont ces acteurs du professionnel idéal. De même leur appropriation-construction repose sur les représentations qu’ont les futurs professionnels de leur idéal professionnel.

Ceci apparait particulièrement dans un contexte de mutation du travail social où les savoirs professionnels sont interpellés par les cadres législatifs (lois de 2002-2, 2005, 2007…), où les réformes des diplômes imposent une structuration et une hiérarchisation des connaissances qui ne trouve pas toujours leur application pratique sur le terrain et où les compétences se déclinent désormais en ECTS c'est-à-dire en valeur d’échange ultra professionnel, permettant aux étudiants d’entrer dans une logique de formation supérieure et de formation continue.

Dans ce cadre, les centres de formation doivent renouveler les savoirs théoriques et les modes pédagogiques, alors même que les terrains professionnels ne parviennent pas toujours à intégrer les nouvelles notions du travail social. Je pense particulièrement aux savoirs sur la participation, sur l’éthique, sur l’acteur et le pouvoir d’agir. Par exemple, la formation des assistants de service social met en exergue le décalage qu’il peut y avoir entre des futurs professionnels formés aux méthodologies de projet et d’interventions collectives face à des pratiques et des routines en lien avec l’intervention individualisée. Cette situation peut créer des tensions sur les formes du travail social, sur la valorisation des différentes postures entre les milieux professionnels et les centres de formations et aussi entre les générations de professionnels. Tensions contre productives si elles donnent lieu au renforcement des cultures et des identités finies.

Comment faciliter les échanges, les flux et les transferts de savoirs tout en permettant des apprentissages pour tous ?

Quelles articulations trouver entre le renouvellement des savoirs, leur circulation et leur appropriation au niveau des pratiques professionnelles ?

Le concept d’organisation apprenante (Senge, 1990) est une hypothèse de départ, puisqu’il s’agit de favoriser par le travail collectif, une vision systémique de l’organisation et une participation à la construction de ses propres savoirs.

Cette hypothèse s’appuie donc sur une seconde qui est de favoriser le professionnel-apprenant, de lui permettre d’avoir les espaces nécessaires pour la conscientisation des apprentissages informels.

Enfin, le but des organisations apprenantes étant de transférer des contenus et de modifier des comportements il faut favoriser les lieux de cognition et d’expérimentation (Mack, 1999) à destination des apprenants-étudiants, des apprenants-professionnels de terrain, des apprenants-formateurs.

Puisque dans l’idée de l’organisation apprenante, tout un chacun est considéré comme apprenant, dans le cas du travail social celui-ci en s’effectuant sur un territoire dépasse la structure de base (institutions, organismes, établissements).

Comment au-delà de l’organisation (centre de formation) rendre tout un territoire d’intervention apprenant ? Ou pour les professionnels et les étudiants comment favoriser l’auto-éco-hétéro-formation ? (E.Morin, 1999).



Les centres de formations en tant qu’organisation apprenante ont à optimiser celle-ci à travers trois axes : celui de la production des savoirs scientifiques, celui de l’ingénierie, celui du transfert.

Ces axes vont permettre l’ouverture du système de formation vers la prise en compte des sites qualifiants, des espaces de recherche-action, des pôles de ressources comme acteurs coopérants à la production de savoirs.

Depuis quatre ans sur un même territoire nous expérimentons l’articulation des trois modèles proposés plus en avant à savoir : un travail sur la construction d’une épistémologie de l’intervention sociale (Labo), la formation par les pairs (Analyse de la pratique, sites qualifiants), la formation en alternance.

C’est l’ensemble de ces trois rapports au savoir qui nous permet d’aller vers l’organisation apprenante, avec un travail particulier sur la composition des groupes, sur les métissages des compétences et des qualités humaines.

D’une part, la création d’un espace de cognition pour faire émerger des connaissances individuelles et collectives au travers de la mise en œuvre d’un séminaire de laboratoire. Ce groupe recherche est composé d’enseignants-chercheurs, de chercheurs, de professionnels du travail social, d’étudiants en master et permet la capitalisation des connaissances sur l’intervention sociale (Gilbert, Bardelle, 2011).

D’autre part, cet espace de recherche ne peut vivre isolé et sa composition prévoit son articulation aux pôles ressources en développement social et handicap. Ces pôles qui sont des unités de transfert de l’innovation proposent des actions de formations continues, des journées d’étude, leurs coordinatrices sont des membres du laboratoire de recherche. Elles facilitent la transmission des problématiques de terrain.

Enfin, l’immersion dans les institutions sociales et médico-sociales des étudiants de formation initiale en travail social pour une pédagogie de projet et d’étudiants de formation continue une pédagogie de l’intervention réflexive contribue à renforcer les voies de passages des savoirs théoriques et pratiques.

Toutefois cette organisation de l’organisation à vocation apprenante se heurte souvent à des résistances car elle impose de reconnaitre le savoir de l’autre (chercheurs, professionnels, étudiants), de se défaire de vieux réflexes (l’authenticité de la recherche) de veiller à la pacification des espaces, de vieillir aux ressources, de faciliter le franchissement des frontières disciplinaires et professionnelles. Enfin, de demeurer vigilent sur l’appropriation des rôles dans ces espaces. Et, je ne connais pas meilleure posture que celle de Socrate lorsqu’il nous invite à l’humilité des savoirs.



En conclusion

Penser l’organisation apprenante c’est penser aussi à des acteurs hybrides en capacités de pouvoir jouer les interfaces de plusieurs pôles d’intérêt. C’est aussi travailler sur l’approche réticulaire des savoirs, en facilitant la coopération, la coordination, enfin tous les termes en co qui favorisent le groupe dans une société de plus en plus individualiste. C’est certainement aussi le sens de la vie collective, par le partage de sentiment de conquête sur soi, de réussite collective, d’émulation intellectuelle. Toutefois ce genre d’organisation a aussi besoin de reconnaissance extérieure et le flou des frontières n’inspire pas toujours la confiance des regards extérieurs qui doivent faire un effort supplémentaire pour saisir les rôles et les places souvent changeant car basés sur la réciprocité éducative.





BIBLIOGRAPHIE



BENDURA A. (1965) L’apprentissage social. Bruxelles : Mardaga.

CARRE P. MOISAN A, POISON D. (1997) L’autoformation. Psychopédagogie, ingénierie, sociologie, Paris, PUF.

HEREROS G. Pour sociologie d’intervention. Paris, PUF.

MORIN E. (1999). Relier les connaissances. Seuil, Paris.

MOIGNE (Le) A. (1990) La Modélisation des systèmes complexes, Duodi, Paris.

Résumé en Anglais


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