Dans le cadre de ce colloque, notre communication présentera le Laboratoire lyonnais de Praxéologie. Instance du Collège Coopératif Rhône-Alpes, il est un lieu singulier de production et reproduction de connaissances des praticiens-chercheurs en intervention sociale. Il est également un lieu où se développe avec l'ensemble de ses membres, une réflexion épistémologique relative à la recherche sociale que nous identifions sous le concept de praxéologie.
D'une part, afin de contextualiser notre propos, nous présenterons le Laboratoire d'après les motifs de sa création, les objectifs qu'il se donne, sa composante et son organisation.
D'autre part, nous déclinerons les trois modes de production qui sont à l'œuvre ce jour, à partir desquels nous analyserons l'effet du Laboratoire sur les objets produits, les auteurs/acteurs et les actions.
Enfin, nous questionnerons à partir de l'expérience de ce lieu, la pratique de la recherche-action dans son positionnement collaboratif et/ou coopératif.
• Création d’un lieu singulier : le Laboratoire lyonnais de Praxéologie
A l'issue des formations et de l'obtention d’un DHEPS , d'un DSTS ou du DEIS , d’un Master ou d’une Thèse, de nombreux travailleurs sociaux étaient en demande de poursuivre collectivement leur démarche réflexive à partir de la recherche qu'ils venaient d'effectuer. En 1998, fort de cette demande réitérée, le Collège Coopératif Rhône Alpes prend l'initiative de créer le Laboratoire lyonnais de Praxéologie (renommé depuis LaboPraxéo). Deux objectifs sont dès l'origine retenus. L'un vise à soutenir, dans un esprit coopératif, la réécriture en vue de publication –sous différentes formes- des productions de recherche-action réalisées par les membres adhérents dans le cadre de leur formation antérieure. C'est selon cet objectif que l'on postule au Laboratoire. Un deuxième objectif est celui d’engager ensemble une réflexion épistémologique relative aux travaux de recherche accomplis par différents acteurs des domaines du travail social.
L’objectif premier (publication de ses travaux de recherche) étant accompli (en général après deux ans de travail) la personne se détache de sa participation active au LaboPraxéo. Le deuxième objectif est quant à lui permanent ; la réflexion est continuellement enrichie par le groupe.
Dans la durée, deux autres objectifs ont été fixés, à savoir : une participation active autant que faire ce peut, à l'action recherche de la Plate-Forme de Recherche en Action Sociale (PFRAS) de la région Rhône -Alpes , et une journée de créativité intellectuelle autour d’un concept choisi collégialement, traité par chacun de façon singulière dans un écrit de deux pages et soumis à une critique commune et plurielle avant d’être réuni dans un recueil collectif nommé Rhapsodies.
Les membres du Laboratoire de Praxéologie sont pour le plus grand nombre des travailleurs sociaux. Ils sont intervenants sociaux, le plus souvent cadres dans les établissements et services, mais aussi formateurs, enseignants-chercheurs, chercheurs. Ils sont salariés d'établissements de formation aux professions sociales, d'établissements ou services d'action sociale, de l'université ou retraités d'une des fonctions précédentes. Tous exercent une activité au sein du Labo à titre personnel et bénévole. Nous préciserons au cours de notre communication les motifs qui fondent la création de ce Labo, les raisons qui nous ont fait retenir son titre de praxéologie, mais aussi son mode d’organisation et de fonctionnement.
• Trois types de production : quels effets sur l’auteur et action de l’acteur ?
Parmi les activités du Labo, nous proposerons une réflexion à partir de trois types de production:
- Des communications, des articles, des projets de Master ou de Thèse, des ouvrages ont été produits par les membres du LaboPraxéo. L'écriture ou la réécriture singulière de ces productions a été soumise à lecture critique des membres du Labo. Ainsi sont croisés les objets et les champs de recherche, les méthodologies et les méthodes, les connaissances et les axiologies. Il s’agit d’un travail collectif auquel s’ajoute une dimension coopérative dans la mesure où sur le travail de chacun, la critique de tous vient questionner, dévoiler et permettre l’émergence du sens des pratiques et des actions problématisées par l’auteur. C'est dans cet esprit que le travail singulier et solitaire de chacun devient un travail coopératif de construction du sens des pratiques, dont les effets sur l'auteur/acteur et l'action seront développés. Nous appréhenderons comment ce croisement d’élaboration théorique et d’expériences singulières favorise la production et la formalisation de nouveaux savoirs.
- Ce labo a également contribué, en tant qu’adhérent au PREFAS Rhône-Alpes, aux deux travaux de recherche mis en œuvre dans le cadre des financements de recherche octroyés par la Région Rhône-Alpes via le Cluster 12 . Il s'agissait dans ce cas d'une contribution de type collaborative qui assemblait une vingtaine de personnes venant des établissements de formation aux professions sociales de la région. Objet et méthode étaient de définition commune. Le détour par le terrain s’effectuait selon un partage du travail d’investigation individuel avant un retour au collectif. Nous expliquerons en quoi les effets sur les auteurs sont dans ce cas en plus grande extériorité vis-à-vis des pratiques.
- Par ailleurs, l'ensemble des membres est engagé dans un programme coopératif visant à enchâsser la praxéologie en tant que concept pouvant rendre compte du processus qui s’opère dans ces recherches que nous classons sous l'appellation de recherche-action. Cette dimension épistémologique s’attache à valoriser la démarche qui permet de révéler les composantes des praxis, définies comme l’articulation, dans une relation dialectique, du rapport pratique/théorie, ou du rapport action/connaissance, afin d’amener le sens des pratiques sociales à une intelligibilité partagée, à une connaissance critique et à une confrontation axiologique. Cette démarche fait l'objet d'un écrit en commun. Ce travail formalise et développe une réflexion qui chemine entre l’action concrète des professionnels que nous reconnaissons être une praxis, la connaissance mobilisée dans leurs travaux de recherche et le sens dévoilé des praxis. Ainsi, pour ce groupe de travail, la démarche réflexive relative à la praxis dans le champ de l’intervention sociale se veut un parcours de recherche scientifique visant la production de connaissances jusqu’à l’émergence rationnelle du sens des praxis. Des critères s'y attachent. Ils constituent une singularité dans la posture, la méthodologie et la production de connaissances, que nous exposerons. Nous donnerons à comprendre que l'enjeu épistémologique n’est pas dans le classement disciplinaire mais dans le processus de production par lequel se construit une connaissance scientifiquement acceptable à partir d’une connaissance d’expérience. Le LaboPraxéo par sa production dans ce domaine tente de réactualiser cette posture épistémologique qui trace dans la recherche scientifique un chemin singulier de production de connaissances, fondé sur une critique de l’action, ne venant pas de l’extérieur mais par ceux qui l’exercent, d’où son aspect démocratique et émancipatoire.
• De la recherche-action collaborative et/ou coopérative
Prenant appui sur les pratiques de production du LaboPraxéo, notre conclusion portera sur une redéfinition des pratiques de recherche en termes de contextualisation, de posture, de méthodologie et d'effet sur les auteurs/acteurs et les actions. Une distinction en découlera et sera développée entre une recherche-action collaborative et une recherche-action coopérative que nous rattacherons aux deux courants actuels de la recherche-action.
Ainsi, ce témoignage devrait contribuer au débat sur le sens et la singularité des recherches collaboratives et/ou coopératives, leurs effets sur les savoirs, leurs enjeux sur les identités et les transformations des acteurs/auteurs et le développement des actions.
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