Fiche Documentaire n° 2033

Titre Augmenter la capacité d'agir des étudiants par une formation participative.

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Auteur(s) FABRY Philippe  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Augmenter la capacité d'agir des étudiants par une formation participative.

Formateur dans un IRTS, j'interviens principalement auprès d'éducateurs spécialisés.
Avec mes collègues et intervenants je constate chez de plus en plus d'étudiants des problèmes de niveau scolaire – notamment des problèmes importants d'orthographe, de syntaxe mais aussi une difficulté générale dans le passage à l'écrit, et, qui posent pus problème à l'institution, des problèmes d'absentéisme : retards, absences non justifiées.
La présence peut aussi se caractériser par une forme d'absentéisme: concentration très limitée, et pour une minorité envahissante, connexion permanente aux réseaux sociaux via le téléphone, addiction aux jeux des journaux gratuits et surtout sur conversations permanentes entre voisins.
Ces problèmes sont souvent associés au rajeunissement de l'âge moyen des étudiants mais ils concernent aussi aussi des professionnels en formation. En situation d'emploi, ils sont reconnus dans leurs équipes, et retourner à l'école n'est pas simple. Pour un certain nombre, la participation est désinvolte, comme si l'engagement professionnel était chose sérieuse et la formation un retour en arrière.

Donc le formateur se trouve pris dans une démarche contradictoire, il faut « déscolariser » une partie des étudiants, pour les professionnaliser, et scolariser une autre partie, pour qu'ils arrivent à associer travail de terrain, cours et formation personnelle (avec notamment une capacité minimum de lecture).
Après une dizaine d'année d'expérience, j'ai construit un certain nombre de cours qui ont du succès, dans le sens où ils intéressent les étudiants qui montrent alors une grande qualité d'écoute. D'où l'hypothèse, très logique, que lorsque mes cours n'ont pas cette qualité d'écoute c'est qu'ils sont moins bons.
C'est sans doute le cas, mais avec le recul une autre hypothèse apparaît. A chaque fin de module je demande aux étudiants ce qui leur a convenu, ce qu'il faudrait développer, et ce qu'il leur a manqué et qu'ils attendaient de ce cours.

La lecture de ces bilans m'a fait comprendre que certains de mes cours les plus réussis semblent laisser peu de traces et que les étudiants sont le plus satisfaits des dispositifs dans lesquels ils ont été actifs. Je note qu'ils l'ont été, non lorsque que cela leur était demandé, mais lorsque cette activité était induite par les dispositifs eux-mêmes qui, pour fonctionner, supposaient que les étudiants soient associés à leur conception, et co-responsables de leur réalisation.

Je présente dans mon texte des modules et des outils conçus pour augmenter la participation des étudiants : un module de 20 jours, conception et réalisation d’un voyage d’étude ; un module de quatre journées (sur un an) de recherche avec un historien, une approche socio- historique à travers plusieurs sources : la littérature, les archives (revues, tracts, journaux, films…) et les témoignages d’anciens professionnels.

Je présente enfin deux sites Internet créés pour enrichir la documentation des étudiants dans des recherches choisies par eux-mêmes, soit dans le cadre de recherches en sous groupes, soit pour les écrits qu’ils ont à produire (mémoires, textes divers de certification.

Avec le recul le bilan est très positif mais avec une limite : le meilleur usage de ces outils suppose une part importante de relations individualisées entre le formateur et les étudiants et entre les étudiants dans les sous groupes, ce qui suppose de limiter le nombre des étudiants concernés.

Bibliographie

"A Definition of Collaborative vs Cooperative Learning" Ted Panitz (1996)
"Le déclin de l'institution" François Dubet, éditions du Seuil, Pris 2002

Présentation des auteurs

Je suis formateur à l'IRTS Paris ile de France

Communication complète

Augmenter la capacité d'agir des étudiants par une formation participative.

Formateur dans un IRTS, j'interviens principalement auprès d'éducateurs spécialisés.
Avec mes collègues et intervenants je constate chez de plus en plus d'étudiants des problèmes de niveau scolaire – notamment des problèmes importants d'orthographe, de syntaxe mais aussi une difficulté générale dans le passage à l'écrit, et, qui posent plus problème à l'institution, des problèmes d'absentéisme : retards, absences non justifiées.
La présence peut aussi se caractériser par une forme d'absentéisme: concentration très limitée, et pour une minorité envahissante, connexion permanente aux réseaux sociaux via le téléphone, l'ordinateur, lecture des journaux gratuits, conversations permanentes entre voisins.

Ces problèmes sont souvent associés au rajeunissement de l'âge moyen des étudiants mais ils concernent aussi des professionnels en formation. En situation d'emploi, ils sont reconnus dans leurs équipes, et retourner à l'école n'est pas simple. Pour un certain nombre, la participation est désinvolte, comme si l'engagement professionnel était chose sérieuse et la formation un retour en arrière.

Mais ces étudiants qui nous gênent par leur absentéisme et/ou leur présentéisme, montrent aussi un grand dynamisme ; La vie étudiante est animée par de nombreux projets, humanitaires, artistiques, festifs…
Il me semble que beaucoup d’entre eux ont eu trop de cours, ont trop été mis en position d’écoute passive et se sont adaptés avec des modes de résistance passive.

Malgré ces difficultés, après une dizaine d'année d'expérience, j'ai construit un certain nombre de cours qui ont du succès, dans le sens où ils intéressent les étudiants qui montrent alors une grande qualité d'écoute. D'où l'hypothèse, très logique, que lorsque mes cours n'ont pas cette qualité d'écoute c'est qu'ils sont moins bons.
C'est sans doute le cas, mais avec le recul une autre hypothèse apparaît. A chaque fin de module je demande aux étudiants ce qui leur a convenu, ce qu'il faudrait développer, et ce qu'il leur a manqué et qu'ils attendaient de ce cours.

La lecture de ces bilans m'a fait comprendre que certains de mes cours les plus réussis semblent laisser peu de traces et que les étudiants sont le plus satisfaits des dispositifs dans lesquels ils ont été actifs. Je note qu'ils l'ont été, non lorsque que cela leur était demandé, mais lorsque cette activité était induite par les dispositifs eux-mêmes qui, pour fonctionner, supposaient qu’ils soient associés à leur conception, et co-responsables de leur réalisation.

Cela m’a conduit à construire de nouveaux modules avec beaucoup moins de cours, plus d'ateliers et plus de travail en groupe et en sous groupes.

Ces modules, sans que cela ait été conçu ainsi au départ, s'inscrivent dans deux grandes directions : la première consiste à réaliser des projets avec les étudiants ; la seconde relève de l'auto-formation accompagnée : il s'agit d'aider les étudiants dans des démarches qu'ils ont à faire pour leur formation, sans que cela relève de cours : trouver des stages, se documenter sur des sujets de recherche.

Quelques exemples de projets
La réforme du diplôme d’éducateur spécialisé a mis la notion de projet au centre de la formation. Notre choix a été de mettre l’accent sur la conception et la réalisation de projets plutôt que de faire des cours sur la notion de projet. Dans ce cadre plusieurs modules permettent aux étudiants de réaliser des projets, les uns choisis par eux, les autres par nous.
Il s’agit par exemple, sur un territoire que les étudiants choisissent, de rechercher des projets de travail en réseau tels que la loi de 1998 contre l’exclusion les définit : « Un réseau est un ensemble organisé de plusieurs personnes physiques ou morales, dites acteurs du réseau, dispersées dans une zone territoriale donnée, de compétences différentes et complémentaires qui agissent pour un objectif commun, selon des normes et des valeurs partagées, sur la base d'une coopération volontaire pour améliorer la prise en charge d'une communauté » (article 156).
Dans cet exercice des groupes ont découvert un grand nombre de structures ; à commencer par celles qui sont voisines de l’IRTS, dans un arrondissement (Paris 10°) qui a un très riche tissu associatif. Cela permis aussi de percevoir combien nous étions jusque là auto-centrés, comme sur une île.
Autre exemple un voyage d’étude consistant à apprendre par comparaison : en sous groupes thématiques dix jours sont consacrés à visiter des établissements, services, associations en France, avant de visiter des établissements services associations dans le pays visités.
Je remarque que des étudiants peu scolaires, inégalement impliqués dans les cours, montrent de grandes compétences et mettent beaucoup d’intérêt et d’énergie dans ces projets. Cela se traduit par un gros travail de documentation, beaucoup de rencontres et des restitutions montrant la dimension réflexive de ces découvertes. Si l’on peut faire comme ceci ici comme cela ailleurs, ce qui se pratique sur le terrain professionnel ou de stage des étudiants perd son caractère d’évidence.
Inversement certains étudiants à l’aise dans le modèle du cours le sont moins dans les démarches de recherche, de prise de contact, de construction des thématiques à aborder dans les rencontres.

Le module Jeux d’histoire
Ce séminaire d'histoire a été créé avec l'historien Mathias Gardet, à partir du constat que peu d'étudiants utilisaient l'histoire en tant que science humaine. Pour un public de non historiens, que peut apporter l'histoire dans leur questionnement ?
Non pas donner des leçons d'histoire mais transmettre des méthodes, construire, avec les méthodes de l'histoire, des reflexions sur notre secteur professionel.
Au travers d'archives, de revues, de films, de témoignages, il s'agit deprendre à bras le corps l'histoire de l'action sociale, du médico-social, des professions.
Prendre des matériaux produits par des alter ego du passé, des professionnels qui se sont positionnés, par rapport au public, au contexte social, politique.
En privilégiant ces matériaux produits par des acteurs du social, nous cherchons à réfléchir au métier, au positionnement professionnel.
Par exemple, lire des rapports écrits il a quarante ans par des éducateurs spécialisés interroge la façon dont nous écrivons aujourd'hui, avec quels mots, quelles idées, quelles théories.

L’auto-formation accompagnée.
Le paysage de l’éducation spécialisée se complexifie avec un nombre croisant d’établissements et services (12 000 en 1975 ; presque 40 000 en 2013). Se repérer dans la forêt de sigles est complexe, même pour els professionnels expérimentés. Par ailleurs le niveau d’exigence des terrains pour un stage est plus élevé que celui que l’on me demandait pour un CDI quand j’ai débuté.
J’ai créé des outils, deux sites Internet que je vais présenter, mais aussi conçu, avec l’équipe et le centre de ressources documentaires, des dispositifs d’accompagnement : jeux de découverte des ressources documentaires, propositions de travail à partir de guides (par exemple celui de Marcel Jaeger) ; permanences « ça bloque » en bibliothèque…
Les sites.
Un premier site www.educationspecialisee.fr est une boite à outil pour rechercher des stages. Les étudiants jeunes et peu expérimentés sont face à une contradiction : on leur demande de l’expérience pour débuter ! L’idée de ce site est qu’un moyen de sortir de cette contradiction est de bien se documenter sur les terrains : quels sont les sites, les revues, les livres incontournables qui font référence dans ce secteur ? Où trouve t’on la parole des usagers, des professionnels ?
Le lien vers des revues et une revue de presse hebdomadaire permet aussi de proposer aux étudiants de faire eux-mêmes leur propre revue de presse. Pour des étudiants ayant du mal à lire, les revues sont un excellent support.

Le deuxième site : www.philippefabry.eu est un outil pour aider les étudiants à se documenter sur les thématiques qui les intéressent et à accéder à des ressources de formation ;
Ces ressources accumulées permettent, après plusieurs années, de destiner des textes (j’envoie les liens par mail) aux étudiants en fonction de leurs terrains de stage et de leurs recherches ; Cela permet de travailler une étape importante : les aider à comprendre que ce qu’ils ressentent comme des obstacles (les idées confuses, des réalités emmêlées, « les lenteurs et les troubles ») est ce qu’il y a de plus intéressant dans la formation.
« Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas deconsidérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C'est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c'est là que nous décèlerons des causes d'inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres.(...) En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation." Gaston Bachelard

Beaucoup d’étudiants sont perdus devant la complexité de la réalité à laquelle ils sont confrontés, la masse d’informations disponibles via Internet, et le manque d’appui sur un travail de lecture antérieur, de fabriques de fiches de lectures... Le site est donc un outil de travail pour les aider à se documenter, en complément d’un accompagnement les aidant à mieux définir de qui et de quoi ils parlent. Par exemple pour un étudiant faisant un stage avec des mineurs isolés je vais conseiller de s’appuyer sur le site infoMIE (http://infomie.net/) et sur les catégories proposées par Angelina Etiemble . Un grand nombre de textes, de conférences, de livres, de témoignages, permettent de chercher des auteurs sur lesquels s’appuyer, et des concepts pour éclairer autrement la réalité qu’ils vivent, déconstruire des évidences faisant écran.

Les limites de ce fonctionnement
Ce travail qui associe cours, accompagnement et recherche documentaire fonctionne bien ; il est stimulant, mais avec une limite (que j’ai atteint et que je dépasse désormais) : il ne peut concerner qu’un nombre limité d’étudiants. Il suppose de connaître les étudiants et déjà, tout simplement, de se rappeler leur nom. Or la baisse très (trop) importante du nombre des formateurs permanents dans mon établissement fait que trop d’étudiants étant demandeurs de cet accompagnement, je suis de moins en moins disponible ;
Or, avec l’évolution du profil des étudiants (plus jeunes, moins expérimentés, moins lecteurs de livres) il me semble que l’accompagnement pédagogique individualisé et les ateliers doivent devenir aussi importants que les cours.

Résumé en Anglais


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