Fiche Documentaire n° 2148

Titre La pédagogie de l’alternance
en Centre de Formation des Apprentis Spécialisé (CFAS) :
vers une pédagogie de l’inclusion

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Auteur(s) MINASSIAN Hélène  
     
Thème Le CFAS : passerelle pédagogique à finalité inclusive
allant du milieu adapté ou spécialisé vers le milieu ordinaire de travail
pour des personnes en situation de déficience intellectuelle en contrat d’apprentissage adapté
 
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

La pédagogie de l’alternance
en Centre de Formation des Apprentis Spécialisé (CFAS) :
vers une pédagogie de l’inclusion

Cette communication vise à fournir un éclairage théorique sur le concept de l’inclusion des personnes en situation de handicap mental et à expliquer en quoi la pédagogie de l’alternance est pertinente pour l’intervention sociale.
Elle porte sur un dispositif de formation en alternance : l’apprentissage adapté en Centre de Formation des Apprentis Spécialisé pour des publics reconnus travailleurs handicapés. Je m’appuierai sur la réflexion menée dans le cadre de mon mémoire réalisé l’an dernier en master 2, intitulé «Contrat d’apprentissage et déficience intellectuelle légère : enjeux et spécificités», dans lequel j’ai traité de la question de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes en contrat d’apprentissage adapté avec une ouverture réflexive sur la dimension inclusive de l’accompagnement pédagogique au sens large. Cette communication propose d’amorcer une réflexion préalable à un éventuel travail de recherche plus élaboré. La problématique, à dominante psychosociale et éthique, est la suivante : l’apprentissage adapté en CFAS favorise-t-il l’inclusion de la personne déficiente intellectuelle ?

L’inclusion fait débat; soulève des enjeux individuels, collectifs et institutionnels. En effet, c’est à l’environnement d’adapter des moyens et non à la personne en situation de handicap de s’adapter à l’environnement. La loi de 2005 a notamment défini le handicap par une «limitation d’activité», mais n’a pas développé la question de l’environnement dans lequel la personne est en situation de handicap. Aujourd’hui, on agit plus de façon à insérer, intégrer, plus que de façon inclusive. Les aménagements prévus par la loi permettent de réduire les différences et d’établir l’équité, mais l’inclusion nécessite un changement des mentalités et une évolution des pratiques professionnelles.

Le CFAS est un outil de compensation au handicap permettant l’obtention du diplôme et l’accès à l’emploi. Mais il contribue aussi à développer l’inclusion grâce à sa pédagogie adaptée, différenciée, multiforme en plaçant l’apprenti au cœur du dispositif de formation, en lui reconnaissant des potentialités et besoins spécifiques. Il a non seulement pour mission d’accompagner l’apprenti, mais aussi l’environnement dans l’adaptation de ses moyens vis-à-vis de la déficience pour que le handicap n’existe plus. Mon hypothèse est la suivante : l’inclusion est rendue possible grâce à un travail sur la démystification du handicap, ainsi qu’à une coopération entre les divers acteurs de la formation entrant dans le cadre de l’alternance en CFAS.

L’acte pédagogique réalisé dans ce dispositif de formation adapté est inclusif. Cette approche inclusive est légitime de par la spécificité de ses apprenants, de ses caractéristiques en termes d’infrastructures, de personnels travailleurs sociaux, de son double accompagnement et des relations d’ouverture entretenues avec le milieu ordinaire en termes de sensibilisation au handicap, partenariat coopératif et création de modes d’accompagnements pédagogiques adaptés à l’apprenti

Cette communication à visée de recherche s’appuie principalement sur des données bibliographiques et sur une analyse de données qualitatives obtenues par le biais d’entretiens collectées durant mon année universitaire. Elle sera enrichie par des données bibliographies et un entretien non directif en 2013 auprès d’un professionnel de CFAS. C’est dans une démarche hypothético-déductive que je tenterai de vérifier mon hypothèse et répondrai à la problématique.

Enfin, et pour aller plus loin, il serait intéressant de se questionner sur les termes «dé institutionnaliser» ou «ré institutionnaliser». En effet, aménager le CFAS dans le CFA, imaginer des va-et-vient facilitateurs, garants d’un accompagnement adapté, sur-mesure, développer de nouvelles pratiques professionnelles coopératives qui s’adaptent aux «particularités» de l’apprenti, nécessitent de réinterroger les pratiques professionnelles et institutionnelles au profit de l’inclusion

Bibliographie

OUVRAGES
COYER X, RAMARE A (coord), DELALANDE F, COURCELLE P, DEQUIVRE N (2007) Quelles trajectoires d’insertion pour les personnes handicapées ? Rennes. Ed. ENSP. Coll. Echanges Santé Social. 158p
HUET O, PUIG J, STIKER J (2009) Handicap et accompagnement. Nouvelles attentes, nouvelles pratiques. Paris. Ed. Dunod. 172p
PAUL M (2004) L’accompagnement : posture professionnelle spécifique. Paris, Ed. Harmattan, 352p
STIKER HJ (2000) Pour le débat démocratique. La question du handicap. Paris, Ed. CTNERHI, 149p

REVUES
ALBINI D, ROQUET P (2010) L’alternance à l’épreuve de l’institutionnalisation (p167-181) Pédagogies alternatives. Quelles définitions, quels enjeux, quelles réalités ? Spirale. Revue recherches en éducation, n° 45

BREDOUX D (dir) (02/2010) Apprentissage adapté et orientation. Réadaptation. p7-15

CROUZIER MF, GARDOU C (06/2005) Education inclusive : du prêt-à-porter éducatif à la culture du sur-mesure. Nouvelle revue de l'AIS, n°30

GILLIG JM (01/2007) L'illusion inclusive ou le paradigme artificiel. Nouvelle revue de l'AIS, n°36

GILLIG JM (07/2010) Exercer une fonction d’accompagnement et de médiation pour réussir le PPS Nouvelle revue de l'AIS, n° 50

BENOIT H, PLAISANCE E (07/2009) L'éducation inclusive en France et dans le monde. Nouvelle revue de l'AIS, Hors-série n° 5 – Articles 1 à 3 et 9 à 13

PLAISANCE E, BELMONT E, VERILLON A, SCHNEIDER C (2007) Intégration ou inclusion ? Nouvelle revue de l'AIS, n° 37

COLLOQUES
BOUTINET JP. Actes de la journée d’étude de l’UDAPEI Les Papillons Blancs du Nord. L’accompagnement aujourd’hui : posture à imaginer ensemble -Roubaix (03/12/10). Posture de l’accompagnateur, quelle déontologie pour le projet d’accompagnement – p. 28 - 41
COURBOIS Y. Actes du 03/12/10 de l’UDAPEI. Les chemins de l’autodétermination. p. 56-67
LOUBAT JR. Actes du colloque de Mode H-Tours (18/10/10). Personne en situation de handicap : de l’intégration vers l’inclusion. p. 6-21

Présentation des auteurs

Hélène MINASSIAN,
Coordinatrice en centre de formation du secteur médico-social, diplômée :
- d’un MASTER 2 Formation de Formateurs – Option travail éducatif et social (Lille 3), dont 300H de stage réalisées à la Cellule Handicap du Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale du Nord

Communication complète

Attention : cette communication ne prend pas en compte les références de bas de page en référence aux auteur. La communication complète est disponible en format PDF dans l'onglet "dépôt d'article en Français".

La noblesse du travail d’accompagnement réside dans
la subtilité du recours au biais, à la ruse et à l’oblique.
Mais n’est-ce pas là faire appel à notre créativité.
JP. BOUTINET

Cette communication vise à démontrer en quoi l’intervention sociale contribue à l’inclusion au moyen de la pédagogie de l’alternance. La dynamique de l’inclusion est largement mise en œuvre dans les pays anglo-saxons, mais qu’en est-il en France ? Plus qu’une notion, mais encore difficilement perceptible, comment se manifeste-t-elle ? Au centre du débat démocratique , elle soulève des enjeux individuels, collectifs et institutionnels et génère de nouveaux liens sociaux. Peu formulée sur le terrain professionnel et dans la Cité, elle s’inscrit néanmoins dans un processus en cours qui se réalise dans toutes les sphères de l’environnement.

J’ai ciblé ma réflexion sur un dispositif de formation en alternance de droit commun spécifique au Nord de la France : l’apprentissage adapté en Centre de Formation des Apprentis Spécialisé (CFAS) pour des publics reconnus travailleurs handicapés. Outil de compensation au handicap et d’accessibilité, le CFAS a non seulement pour mission d’accompagner l’apprenti, mais aussi l’environnement, dans l’adaptation de ses moyens vis-à-vis de la déficience pour que le handicap n’existe plus.
Cette communication s’appuie sur le travail mené dans le cadre de mon mémoire réalisé l’an dernier en master 2, intitulé : « Contrat d’apprentissage et déficience intellectuelle légère : enjeux et spécificités », axé sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes en contrat d’apprentissage adapté. Elle a pour objectif d’amorcer une réflexion préalable à un éventuel travail de recherche plus élaboré sur la dimension inclusive de cet accompagnement pédagogique. La problématique, à dominante psychosociale et éthique, est la suivante : l’apprentissage adapté en CFAS favorise-t-il l’inclusion de la personne déficiente intellectuelle ? Mon hypothèse est que l’inclusion est rendue possible grâce à un travail sur la démystification du handicap, ainsi qu’à une coopération entre les divers acteurs de la formation entrant dans le cadre de l’alternance en CFAS.

Afin de vérifier comment s’opère ce processus d’inclusion, je propose :
- Un temps de conceptualisation où sera abordée la place du handicap dans notre société par un rappel des termes assimilation, insertion, intégration et exclusion –par opposition à inclusion– pour définir ce qu’on entend par inclusion et par un détour juridique et éthique axé sur les principes de non-discrimination, d’égalité des droits, des chances, et de l’impact de l’environnement sur la participation sociale.
- Et un temps d’analyse de terrain où je présenterai le CFAS, ses enjeux et spécificités et montrerai en quoi il est une passerelle pédagogique à finalité inclusive vers le milieu ordinaire du travail.

C’est dans une démarche hypothético-déductive, que je vérifierai mon hypothèse et répondrai à la problématique. Ce travail s’appuie sur des données bibliographiques et une analyse de données qualitatives obtenues par le biais d’une dizaine d’entretiens collectés depuis mon année universitaire auprès de professionnels et d’apprentis en situation de handicap.

VERS L’INCLUSION : UN NECESSAIRE CHANGEMENT DES MENTALITES

Avant de définir l’inclusion, il est nécessaire, dans cette première partie et dans un premier temps, de rappeler brièvement ce que sont les concepts d’assimilation, insertion, intégration. L’insertion, terme des années 70, est utilisé dans l’action politique et sociale pour parler de l’immigration en remplacement de l’assimilation jugé incorrect car assimiler, c’est imposer les normes de la culture dominante. Il s’agit du processus qui conduit un individu à trouver sa place au sein d’une sphère particulière. Tandis que l’intégration, apparue dans les années 1990 en sociologie, renvoie davantage à l’état du lien social d’une société et de ses membres. Ces trois processus, utilisés successivement dans le discours politique, consistent, pour un individu ou un groupe n’ayant pas la même culture que la culture dominante, à s’adapter au cadre sociétal en place.

La personne handicapée fait partie d’une minorité à défendre des droits en tant que groupe social. Tantôt dans « une situation sociale nommée de « liminale » par Robert Murphy » , tantôt « dans une inclusion sauvage qui n’est pas le contraire de l’exclusion, mais son double » , elle a une « identité sociale flottante » . Elle veut parler en son nom propre, être reconnue comme citoyen à part entière, participer socialement à la vie de la Cité. Elle lutte pour une société inclusive, qui s’adapte à tous ses citoyens, non soumise à une norme, qui donne la possibilité d’exister, d’être reconnue dans ses potentiels et dans ses projets , de développer son autodétermination (Cf Vehmeyer), composée notamment de l’autonomie et de l’empowerment (traduit en français par l’expression « développement du pouvoir d’agir » : faire ses propres choix et prendre ses propres décisions). Elle est apparue, aux Etats-Unis en 1992, par opposition à l’intégration, faisant référence aux notions de ségrégation, stigmatisation et étiquetage et en France, début 2000, par opposition à l’exclusion. La grande différence avec l’intégration, c’est que dans un contexte d’inclusion, c’est à l’environnement qu’il revient d’adapter des moyens et non à la personne en situation de handicap de s’y adapter.

Dans un second temps, je propose ce détour juridique et éthique pour évoquer la loi 2005-102 du 11 février 2005 qui prône l’égalité des chances et met en place des aménagements matériels, financiers et humains permettant de réduire les différences et d’établir l’équité. Elle renforce le dispositif législatif, introduit la compensation et l’accessibilité généralisée de la Cité et est basée sur les principes de non-discrimination et libre choix . Elle a notamment défini le handicap par une limitation d’activité, mais n’a pas développé la question de l’environnement dans lequel la personne est en situation de handicap. Or, les facteurs environnementaux peuvent être un obstacle à la participation sociale des personnes . Pour rappel, le handicap est la conséquence d’une déficience. Le handicap, c’est ce qui reste quand le milieu n’est pas adapté à la déficience. Il a fallu attendre 1980 pour que soit pris en compte de la question de l’environnement dans la définition du handicap par l’OMS. Le handicap y est défini comme désavantage social (préjudice) résultant des déficiences et incapacités présentées par une personne. La question sociale du handicap est posée . En 2001, cette définition du handicap sera reprécisée comme la rencontre d’une déficience avec une situation de la vie quotidienne . Une autre approche du handicap, proposée par P. Fougeyrollas, en 1998, dans la classification québécoise du Processus de Production du Handicap, explique que ce sont les différents facilitateurs ou obstacles rencontrés dans le contexte de vie qui, en interaction avec les incapacités de la personne, pourront perturber ses habitudes de vie et la placer en situation de participation sociale ou de handicap.

LE CFAS : PASSERELLE PEDAGOGIQUE A FINALITE INCLUSIVE

Dans cette seconde partie, il est question de définir les spécificités et enjeux du CFAS pour vérifier ensuite comment s’opère ce processus d’inclusion. J’illustrerai mes propos par des courts extraits d’entretiens réalisés sur le terrain et quelques références bibliographiques.

L’alternance dans le cadre du CFAS : un levier au pouvoir stimulant

Les CFAS, créés en 1990, gérés par le centre de formation des Papillons Blancs AGAP (Association pour la Gestion et l’Aide à la Promotion), sont des Centres de Formation Spécialisés, pourvus d’un équipement et d’un encadrement adaptés pour les jeunes déficients intellectuels légers, ayant la RQTH (reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), qui ne peuvent être intégrés dans un CFA classique. Implantés dans les IMPro (Institut Médico-professionnel), ils ont leur propre identité. Les professionnels sont des travailleurs sociaux professionnels de l’IMPro (Educateurs spécialisés, Conseillers en économie sociale et familiale, Educateurs techniques spécialisés) ou enseignants spécialisés détachés de l’Education Nationale, qui connaissent le handicap mental.
Le CFAS se définit comme un outil de compensation au handicap et d’accessibilité au milieu ordinaire de travail, qui ne cherche pas à adapter le jeune à la structure, mais la structure au jeune . Il entend participer au processus d’inclusion en réduisant les obstacles environnementaux grâce aux actes pédagogiques réalisés dans le cadre de l’alternance.
Ce qui fait ainsi la spécificité du CFAS, c’est qu’il permet un accompagnement social global. Il peut s’agir d’un soutien en termes de démarches administratives, de la recherche d’un logement, d’un suivi médical ou d’un soutien pédagogique « Cela peut être une reprise des notions de maths » (Extrait professionnel 1 – L39 à 47). Les apprentis viennent d’horizons différents (milieu ordinaire, ordinaire adapté ou protégé) par orientation de la MDPH (Maison Départementale de la Personne Handicapée. Le nombre restreint d’apprentis permet des relations privilégiées facilitant les apprentissages par une pédagogie personnalisée, qui répond aux difficultés d’apprentissage liées à la fatigabilité, à des problèmes de concentration, de compréhension, de mémorisation, de lecture et d’écriture. La formation est faite sur mesure en fonction du degré de handicap. Elle prend en compte les particularités de l’apprenti, plutôt que sa vulnérabilité au moyen de la compensation matérielle, financière et humaine (durée de formation rallongée d’un an, 1/3 temps supplémentaire à l’examen, secrétaire…). Une autre spécificité, et non des moindres, c’est celle axée sur les relations d’ouverture qu’il entretient avec le milieu ordinaire de travail grâce à l’alternance : « les partenaires ce sont les entreprises extérieures » (Extrait professionnel 7 – L153 à 156).

Véritable enjeu, l’alternance apporte des avantages à l’employeur (avantages fiscaux, obligations légales d’emploi de travailleurs handicapés, salariés motivés, opérationnels, formés aux métiers de l’entreprise, Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) et à l’apprenti, qui par son statut de salarié devient responsable et acquiert une autonomie permettant une participation plus grande aux décisions et aux actions communes . Cet environnement permet de stimuler ses capacités, favorise l’acquisition de compétences professionnelle, développe l’expérience professionnelle, prouve son employabilité et permet l’accès au diplôme par la formation. Aujourd’hui, l’alternance a pour objet de répondre à trois fonctions : apprentissage, intégration socio professionnelle et qualification .

Le CFAS est un dispositif venant béquiller la loi. Il permet de rendre accessible le milieu ordinaire de travail grâce à la sensibilisation au handicap et au développement d’un partenariat coopératif débouchant sur la création de modes d’accompagnements pédagogiques adaptés et personnalisés pour l’apprenti. Il est une passerelle à l’inclusion. En effet, le processus de l’inclusion ne peut pas se faire par la seule compensation. L’accessibilité doit être de mise pour développer l’inclusion. Dans accessibilité, j’entends changement des représentations et transformation des pratiques institutionnelles et professionnelles.

L’acte pédagogique en CFAS : un acte inclusif multiforme

L’outil « formation » participe à la sensibilisation au handicap et apporte de nouveaux supports techniques (ex : la formation des maîtres d’apprentissage, les stages en extérieur, la préformation à l’alternance, l’alternance). Cette sensibilisation, lorsqu’elle se distille, produit un effet « boule de neige ». Il y a comme un effet de diffusion, de propagation d’une personne à une autre : « par rapport aux professionnels avec qui on a réussi et après, ça fait boule de neige et donc on continue » (Extrait professionnel 7 – L157 à 162). Progressivement, la connaissance du handicap gagne du terrain. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui permettra de faire évoluer les mœurs de la société et faire que la société soit inclusive. Cette mission de sensibilisation se met en place de l’amont de la formation. Le professionnel du CFAS va négocier l’aménagement, la durée, sensibiliser le maître d’apprentissage au handicap, « aller le voir pour lui expliquer ce qu’est une déficience intellectuelle » (Extrait professionnel 7 – L260 à 262).
Le professionnel du CFAS vient en appui, en soutien pédagogique, en relais, en complément. Il accompagne le maître d’apprentissage dans sa façon de transmettre. Il est aidant tant pour ce dernier, que pour l’apprenti. La connaissance du handicap permet un accompagnement pédagogique sur-mesure . Le maître d’apprentissage doit adapter sa pédagogie selon les difficultés rencontrées par les personnes à l’aide du formateur coordinateur en CFAS et trouver des solutions alternatives à la compréhension des tâches, des consignes à l’aide de fiches, de schémas, « d’outils mnémotechniques avec les couleurs, la forme… On travaille par couleur et là du coup, elle est en train de travailler seule, en autonomie. Elle sait travailler toute seule mais à son rythme. Cela la responsabilise (Extrait professionnel 6 – l262 à 271). La relation d’accompagnement est un produit « artisanal ». Prendre le temps, répéter, reformuler pour s’assurer de la compréhension, découper les tâches, planifier, s’exprimer avec des mots simples et des phrases courtes, partir du concret… sont des moyens de prendre en compte des difficultés de mémorisation, de compréhension, de fatigabilité : « Au départ, elle montre. Après, elle demande de lui faire montrer. Si c'est pas ça, elle remontre et elle me refait refaire jusqu'à temps que j'y arrive. Et le lendemain, elle essaie de me reprendre. Là elle me laisse faire et elle corrige » (Extrait apprenti 2 – ll76 à 17).
Les contenus sont adaptés aux jeunes : « nous ne suivons pas le programme de l’Education Nationale. Nous donnons du sens à la formation, dans les enseignements. Nous travaillons sur ce que le jeune a intégré. Nous utilisons la pratique au quotidien dans notre pédagogie » (extrait d’entretien exploratoire). Le professionnel accompagne le jeune dans sa globalité. Cette pédagogie spécialisée part du concret, de la pratique : « pour les maths on va plus s’appuyer sur leur fiche de paie. On voit comment ça marche, il y a les pourcentages, les prestations sociales ; pour que ce soit utile et plus facile » (Extrait professionnel 1 – L208 à 213), « en technique, on a développé tout le référentiel APR et MHL. On essaie de regarder tout ce qui est fait au travail, et tout ce qui n’est pas fait au travail. On a pour mission au niveau du CFAS d’apporter à l’apprenti, tout ce qui n’a pas été fait en entreprise » (Extrait professionnel 1 – L545 à 550). L’acquisition des compétences professionnelles est privilégiée. La partie théorique du CAP est moins adaptée au public de déficients. Le diplôme n’est pas adapté aux personnes handicapées. Le frein réside dans les apports théoriques de la formation.

La posture de l’accompagnement a dès lors plusieurs fonctions : organisatrice, médiatrice , facilitatrice. L’accompagnant est un maillon qui relie, qui fait du lien entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé ou adapté. L’accompagnateur est un médiateur qui aide à la structuration de l’activité et de la prise de décision. Il ne fait pas « à la place de ». Il guide , permet de développer l’empowerment . Le professionnel adopte une posture bientraitante favorisant l’autonomie et la responsabilité de la personne accompagnée : « quand on est en milieu professionnel enfin en cuisine, on la responsabilise beaucoup. Par contre, quand on va à l’extérieur, on la protège » (Extrait professionnel 6 – l282 à 285)

On parle de bonne distance à travers la proximité. La « juste distance » est associée la distance ajustée, la justesse, la justice : ni psychologisme, ni manque de considération. La nature de l’accompagnement est asymétrique, temporaire et co-mobilisatrice : elle sollicite un cheminement commun . Sur ce chemin, trois postures sont caractéristiques de l’accompagnement : le suivi (marcher derrière), le conseil (marcher à côté) et le guidage (marcher devant la personne fragilisée, vulnérable avec son accord )

Cet accompagnement personnalisé va de pair avec une coopération partenariale ajustée aux « particularités » de l’apprenti. Créer un accompagnement singulier qui convienne à tous : la plus-value de l’inclusion réside dans ce rapport gagnant / gagnant, égal à égal entre les parties prenantes. Ce changement dans les rapports influe sur les enjeux individuels, collectifs et institutionnels. Il questionne les pratiques professionnelles et modifie les organisations. Il faut apprendre à travailler ensemble ; ce qui est relativement nouveau, expérimental. Un véritable travail de coopération exige que l’on soit d’accord à la fois sur les buts à atteindre, sur les moyens et sur les valeurs sous-jacentes. La nécessaire multiplicité des acteurs induit de la complexité, d’où l’importance d’un partenariat concerté et l’importance de la fonction de coordination du professionnel de CFAS. C’est surtout leur combinaison cohérente et harmonieuse qui crée le bon accompagnement et assure son efficacité . Elle permet à la personne de prendre confiance en elle, de se dépasser, d’évoluer, de devenir de plus en plus autonome et de plus en plus responsable. Cette complexité place l’accompagnant dans une posture innovante, créatrice de méthodes pédagogiques facilitatrices, fédératrices par le biais de la personnalisation et crée un nouveau lien social.

VERS UNE TRANSFORMATION DES MODES D’ACCUEILS ADAPTES AUX BESOINS DU MOMENT DE LA PERSONNE EN SITUATION DE HANDICAP ?

Pour conclure, l’inclusion est donc un processus qui prend du temps, implique un changement sociétal. Elle est un défi qui demande la clarification des moyens d’action en vue de transformer les écoles et changer les regards sur les différences . Elle est un processus en marche, dans lequel s’inscrit l’intervention sociale, comme le montre le cas du CFAS, outil de compensation, mais aussi outil facilitant l’accès à un environnement adapté, en cours de transformation. Les personnes déficientes intellectuelles ont leur place au sein de l’entreprise ; elles sont acceptées et reconnues par leurs collègues. Elles font partie de l’équipe : elle a confiance en moi parce que j’ai les clés du restaurant et j’ai le code » (Extrait apprenti 4 – l227 à 230). La formation aboutit à des contrats d’embauche en CDD, CDI. Ce processus d’inclusion développe la prise en compte de l’enrichissement mutuel entre la société et la personne déficiente intellectuelle. « Dé institutionnaliser » ou « ré institutionnaliser », insérer le CFAS au sein des CFA, imaginer des va-et-vient facilitateurs, des modes d’accueils ajustés, nécessitent de réinterroger les pratiques professionnelles et institutionnelles au profit de l’inclusion car l’accompagnement proposé peut l’être de façon permanente, temporaire ou selon un mode séquentiel. Cela permettrait de respecter le droit à la scolarisation en milieu ordinaire, mais pas sous n’importe quelle condition car comme l’a formulé Aristote, il n'est pas de pire injustice que de traiter également des choses inégales. Le CFAS est une alternative au CFA classique, qui rencontre des difficultés liées à un déficit de pédagogie personnalisée et à une approche peu sensibilisée au handicap. Cela renforce l’intérêt de la présence du CFAS en tant que dispositif de compensation et d’accessibilité dans le secteur de la formation qualifiante. Le développer, à titre expérimental, dans une optique d’accueils modulés adaptés en fonction des besoins du moment de l’apprenti, représente certes un coût, mais sa contribution efficace au processus d’inclusion, justifie sa présence. Ne serait-il pas rentable de privilégier ce choix et d’en évaluer à terme sa pertinence ?

Résumé en Anglais

This communication aims to show how social work contributes to inclusion of people with intellectual disabilities thanks to the alternative pedagogy in France.
The CFAS (ordinary law education of apprenticeship measure), instrument of compensation for disability and accessibility, allows not only to support apprentices engaged in vocational training with an appropriate apprenticeship, but also the adaptation of their environment in order to erase the handicap.
It participates in the inclusion process by reducing environmental barriers through pedagogical acts based on raising disability awareness and on a cooperative partnership which develops creative ways of personalised and adapted pedagogical supports.