Fiche Documentaire n° 2234

Titre La formation des travailleurs sociaux : une histoire d'école !

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Auteur(s) COENEN Marie-Thérèse  
     
Thème Etude comparative des écoles créées par les organisations ouvrières en Beligique  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

La formation des travailleurs sociaux : une histoire d'école !

Fin du dix-neuvième siècle, la question ouvrière s’impose aux acteurs politiques, économiques et sociaux. Pour maintenir la paix sociale, facteur de croissance économique et de prospérité, l’Etat intervient pour encadrer et canaliser la revendication croissante des populations ouvrières en agissant sur le plan législatif et institutionnel, en accordant des subsides aux organisations ouvrières ou en développant des initiatives visant à encadrer la classe ouvrière et plus largement le monde populaire.
En Belgique, c’est après la première guerre mondiale, en 1918, que la formation d’ « auxiliaires sociales » s’impose. Le modèle vient d’Angleterre et de France. L’État a un urgent besoin de cadres intermédiaires dans le domaine de la protection de l’enfance, dans l’assistance, dans les régimes d’assurances sociales et pour soutenir les plans nationaux d’éducation, de moralisation et d’hygiène du monde du travail.
Entre 1919 et 1922, pas moins de huit écoles sociales ouvrent leurs portes et obtiennent une reconnaissance légale. Elles sont des instruments au service de ces nouvelles politiques sociale, judiciaire et familiale. Plusieurs naissent dans le giron du mouvement ouvrier, socialiste ou chrétien. A ces dernières, est dévolue la mission de former les cadres de ces organisations.
L’évolution qu’elles vont connaître, sera fortement corrélée avec le milieu qui les a vu naître. Chaque école va donc « formater » son enseignement, ses pratiques, son organisation spécifique des cours, choisir les équipes pédagogiques en fonction de ses finalités propres, en lien étroit avec le contenu idéologique du mouvement dont elle est issue. Le contenu de la formation varie aussi selon que le public est féminin ou masculin. Au terme du cursus, le ou la candidat-e présentent des examens et un travail de fin d’étude devant un jury composé de membres venant des différentes écoles, ce qui garantit le niveau général des acquis de chacun et chacune.
Les contenus de la formation des assistants sociaux, ont progressivement évolué vers une plus grande standardisation des contenus et des compétences à acquérir pour exercer le métier, délaissant peu à peu les apports idéologiques propres à chaque institution scolaire. Après la deuxième guerre mondiale, le titre d’assistant social est protégé tandis que la filière de formation quitte le ministère de la justice pour rejoindre le ministère de l’enseignement général, et plus tard, supérieur de type court.
La proposition de communication porte sur la comparaison de deux écoles sociales : l’Ecole ouvrière socialiste (1921) et l’Institut Cardijn (1922). Elles ont le même âge et s’adressent au même type de public : les militants des organisations sociales socialistes pour l’une, chrétiennes, pour la seconde. Il s’agira de saisir la trame qui marque chaque école et qui se traduit encore aujourd’hui par dans des approches spécifiques.
Cette communication s'inscrit dans une recherche menée par l'auteure dans le cadre des manifestations organisées par l'Institut Cardijn à l'occasion de son 90 ème anniversaire. Elle s'inscrit dans le premier axe : construction des savoirs et enjeux de l'intervention sociale.

Une analyse comparative avec d'autres modèles de développement des écoles sociales dans d'autres contextes, serait intéressante. Les écoles sociales fonctionnement en réseau depuis leur création tant au niveau national qu'au niveau européen et international. Les expertises des uns et des autres ont souvent nouri les échanges de savoir et des pratiques. Cette contribution et l'atelier qui pourrait en découler, servirait à la mise en valeur de ce travail de réseau.

Bibliographie

Marie-Thérèse COENEN, "L'Institut Cardijn a 90 ans. Quelques repères pour comprendre son présent" dans Démocratie, janvier 2013, n°1
Marie-Thérèse COENEN, "L'Institut Cardijn a 90 ans. Quelques repères pour comprendre son présent" dans Travailler le social, décembre 2012 (à paraître) (version complète)
Marie-Thérèse COENEN, "Léducation et la formation des travailleurs adultes : un enjeu permanent" dans Le mouvement ouvrier chrétien, 1921-1996, Bruxelles, CARHOP-MOC, 1996, pp. 124-128.
Guy ZELIS, "Travail social en mutation : repères historiques. Statut professionnel du travail social et secret professionnel dans le travail social. Apports de l'histoire"
http://www.fdss.be/uploads/SecretProfes/SecretProEtCombo.pdf

Présentation des auteurs

Historienne au CARHOP, centre d'animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire
Maître assistant en Histoire à l'Institut Cardijn (HELHA-Belgique)
Conseillère à la formation à la FOPES (Faculté ouverte en politique économique et sociale) - UCL (Belgique)

Communication complète

A la fin du dix-neuvième siècle, la question ouvrière s’impose aux acteurs politiques, économiques et sociaux. Pour maintenir la paix sociale, facteur de croissance économique et de prospérité, l’Etat intervient pour encadrer et canaliser la revendication croissante des populations ouvrières en agissant sur le plan législatif et institutionnel, en accordant des subventions aux organisations ouvrières ou en développant des initiatives visant à encadrer la classe ouvrière et plus largement le monde populaire.

Un cadre théorique

En Belgique, la société socio-politique est profondément divisée. Le système des clivages mis en lumière par Stein Rokkan en collaboration avec Seymour Lipset, en 1967, est généralement considéré comme le modèle à mobiliser. Repris et nuancé par les travaux du Centre de recherche et d’informations socio-politiques (CRISP), il s’impose comme cadre de référence aujourd’hui.
Les tensions profondes qui marquent l’évolution des institutions belges sont le clivage Etat/ Eglise (laïc/clérical), le clivage socio-économique (possédants-travailleurs), le clivage centre/périphérie qui se traduit chez nous, par le conflit linguistique (ceux pour lequel la langue et la culture sont une question politique ou non).
Une deuxième caractéristique est le développement et le regroupement d’organisations de nature diverse, en trois ensembles idéologiques forts et structurants, désignée par le concept de pilarisation de la société belge (traduction du mot flamand : Verzuiling).
- le pilier catholique où les trois clivages sont regroupés sous un même drapeau politique : le parti catholique. (1884)
- Le pilier libéral qui rassemble les tenants d’un Etat laïc et les « possédants » selon le clivage socio-économique et donc le représentant politique est le Parti libéral (1846)
- Le pilier socialiste qui rassemble, au sein du Parti ouvrier belge, les défenseurs des travailleurs. Il s’inscrit dans la tradition d’un Etat laïc fort et centralisé, initié par le parti libéral. (1885)

Ces trois piliers sont traversés à des degrés divers, par le clivage centre/périphérie. Dans le cas qui nous concerne, le développement des écoles sociales en Belgique, plusieurs initiatives vont créer une antenne francophone et une antenne flamande. Dans le pilier catholique, l’organisation suit la séparation par sexes. Dans les deux autres piliers, le principe est plutôt la mixité.

1921. L’enseignement du service social

En Belgique, c’est en 1920 que la formation d’auxiliaire sociale se met en place. Le modèle vient d’Angleterre et de France.
L’arrêté royal du 15 octobre 1920 (Moniteur belge, 31 octobre 1920), cosigné par Léon Delacroix, Ministre des finances (catholique), Emile Vandervelde, Ministre de la justice (socialiste), Henri Jaspar, Ministre de l’intérieur (catholique), Jules Destrée, Ministre des Sciences et des Arts (socialiste), Joseph Wauters, Ministre de l’industrie, du Travail et du Ravitaillement (socialiste) et Louis Franck, Ministre des Colonies (libéral), marque le point de départ.
Dans le Rapport au Roi, les auteurs explicitent les raisons de cette décision :
« L’effort des œuvres d’assistance dans tous les pays tend à substituer dans une large mesure, la bienfaisance préventive aux interventions qui ont pour but de soulager les misères déjà nées.
D’autre part, les besoins nouveaux créées par la guerre et les difficultés spéciales que les administrations publiques et les œuvres ont à résoudre, ont montré combien la situation qui requièrent l’assistance sociale, sont complexes. La solution de ces questions ne peut rester purement empirique. Elle comporte une méthode et une technique appropriées; elle exige la connaissance des facteurs d’ordre divers qui peuvent influencer la vie sociale. C’est ce qui explique le succès des écoles de service social créées à l’étranger depuis quelques années.»
Suit l’énumération des domaines où le concours de personnes ayant une formation spéciale, est nécessaire: la petite enfance, la protection de l’enfance, les homes, les secrétariats populaires, les visiteuses sociales, les surintendantes d’usine, les employées d’administration de bienfaisance ou d’assistance.
L’Arrêté institue un Conseil des écoles et créée une école « modèle », l’Ecole centrale, qui sera administrée et rattachée au Ministère de la justice. Pour les écoles sociales qui seraient d’initiatives privées, l’Etat accorde un subside qui couvre partiellement les frais d’organisation des cours généraux et des spécialisations, le salaire du directeur, du secrétaire et de deux moniteurs ainsi qu’une prime d’installation de l’école.
L’Autorité publique délègue au Conseil des écoles une large compétence. Composé paritairement de fonctionnaires des administrations concernées par le développement de services sociaux et des directions des écoles sociales reconnues et subventionnées, il est habilité à préciser les conditions d’obtention du diplôme. Il est chargé de composer le jury central, d’organiser l’inspection des écoles et de répondre à toutes les questions du Ministre de la Justice.
L’arrêté royal du 10 août 1921 précise les conditions de la formation. La durée des études est de deux ans. La première année est généraliste. La seconde est réservée à une des 6 spécialisations : Enfance, Assistance, Foyers, Industrie, Assurances sociales et Bibliothèques. Le Conseil des écoles qui a préparé ce texte, précise qu’il aurait été possible d’ajouter deux spécialisations : Vie coloniale et Fonctions syndicales mais d’une part « un enseignement colonial n’existait pas de manière suffisamment développée » et d’autre part, les œuvres d’éducation ouvrière préparant au service social présentent «une diversité trop grande pour qu’il soit possible- en supposant que ce soit désirable- de les astreindre à uniformiser leur enseignement, en l’orientant vers un diplôme officiel ».
Dans l’énoncé des motifs de l’arrêté royal du 10 août 1921, Emile Vandervelde souligne l’importance de subventionner des écoles « engagées » : « Nous estimons cependant que, tout en respectant leur idéal propre et leur droit de s’en inspirer dans le choix de leur personnel enseignant et dans la composition de leur programme, l’Etat peut les encourager par des subsides ».
Nous sommes là au cœur de notre hypothèse : dès le début de l’organisation des études de service social, il est reconnu une « autonomie » aux œuvres d’éducation ouvrière préparant au service social.
C’est par ailleurs, la photographie de l’enseignement social en Belgique que donne Isidore Maus, Directeur général au Ministère de la justice et président du Conseil supérieur des écoles de services social à la première conférence internationale du service social, à Paris, en juillet 1928.
La Belgique possède deux branches de service social. La première vise le service social collectif réalisé au sein des grands groupements de classe et par ces groupements eux-mêmes. Ce sont des institutions d’éducation ouvrière qui doivent former une élite, capable de représenter les groupements ouvriers dans les organismes professionnels ou dans les organismes officiels. De plus, la classe ouvrière organisée met à la disposition des travailleurs, sans sortir de leurs milieux, un ensemble d’institutions qui répondent à tous leurs besoins…
« Toutes ces institutions de service social collectif … constituent une manifestation remarquable et très intéressante du Self Help ouvrier ». En Belgique le service social collectif est représenté au sein des groupements ouvriers socialistes et chrétiens par de multiples institutions fortement organisés et ayant des ramifications dans tout le pays.
La seconde branche du service social est la charité dans le sens le plus étendu, réalisée soit par les pouvoirs publics centraux ou locaux, soit par les nombreuses institutions et œuvres privées d’assistance et d’entraide, soit par des personnes bénévoles qui se dévouent à une action bienfaisante sur le terrain social.
« Cette action prend le nom de service social lorsque la charité est organisée méthodiquement et scientifiquement, utilisant tous les perfectionnements modernes de manière à répondre aux conditions sociales actuelles » .
L’orateur insiste sur la liberté laissée aux écoles d’organiser les deux branches du service social ou l’un des deux seulement.
« Chaque école suivant sa doctrine et sa tendance, accordera plus d’importance aux institutions publiques et aux œuvres d’éducation, de prévoyance et d’assistance, l’autre à l’économie politique et sociale.»
En conclusion, pour lui
« L’enseignement du service social... n’est pas seulement un enseignement technique, il est aussi et plus encore une formation morale et sociale… Cet idéal peut varier. Mais il est remarquable que chaque école insiste, dans ses prospectus, sur l’idée qu’elle cherche à inspirer à ses élèves : charité chrétienne, c'est-à-dire amour et dévouement; ou bien solidarité et lutte pour le relèvement de la classe ouvrière; ou bien encore altruisme. Un très haut idéal est nécessaire comme moteur et soutien.»
Le programme de l’année préparatoire comprend une liste de disciplines obligatoires : droit, économie politique et sociale, psychologie, méthodes de statistiques, organisation des œuvres, documentation et des enquêtes soit un quota de 300 heures à répartir sur 6 à 8 mois. Les écoles sont libres d’organiser d’autres cours. Les spécialisations comprennent chacune, un paquet de 150 heures « de matières obligatoires » réparties sur 3 mois ou 6 mois, un stage et un rapport de stage. Pour présenter cette épreuve, l’étudiant-e devait avoir satisfait à l’épreuve préparatoire. L’internat est recommandé afin de donner aux élèves la formation et la mentalité sociales.
Les écoles sociales relèvent de l’autorité du Ministère de la Justice. Pour être subventionnées, elles doivent accepter d’être inspectées et présenter régulièrement des étudiants au jury d’examen, avec obligation de réussite des épreuves avec 60 %.
Isidore Maus insiste sur le respect des convictions propre à chaque établissement:
« Les cours de formation générale sont ceux où la doctrine et les tendances des différentes écoles produisent nécessairement des divergences d’opinion. Pour laisser toute liberté à ce sujet, les examens de première année sont subis devant un jury spécial formé des professeurs de l’école et des délégués du Conseil. Les études de seconde année ont un caractère technique et pratique. L’examen se passe devant un jury central unique, nommé par arrêté royal et divisé suivant les spécialisations. (…) Cette organisation ferme et souple stipule un minimum de programme et de garanties et laisse beaucoup de liberté aux écoles pour s’y adapter, suivant leur doctrine et leurs tendances respectives. »
Pour s’inscrire comme étudiant ou étudiante, il faut avoir 18 ans, être en bonne santé et avoir une formation intellectuelle suffisante pour suivre les cours. Les modalités varient suivant les institutions. Pour les écoles d’origine syndicale, elles organisent en général une épreuve de maturité et tiennent compte de l’expérience acquise dans les organisations ouvrières.
Le programme obligatoire subira, en 1935 des modifications substantielles : la limite d’âge est assouplie, il faut avoir 18 ans au premier janvier de l’année civile qui suit l’entrée en cours, le nombre d’année d’études passe à 3 ans, la liste des spécialisations est restructurée , à coté des heures de formation théorique, les écoles doivent organiser 150 heures de séminaire ou en cercles d’étude, l’étudiant ou l’étudiante doit avoir réaliser un certain nombre d’heures de stage dans la spécialisation qu’il présente au jury. Même si elles restent dans le giron du Ministère de la justice, les écoles sociales calquent leur organisation sur l’enseignement technique et professionnel. Aucun diplôme reste requis à l’entrée mais désormais, les candidats et candidates doivent réussir un examen d’aptitude à commencer le cursus. « L’enseignement du service social est devenu plus sérieux, plus efficace mais il est incontestable qu’il continue à chercher sa stabilité. » constate Serge Mayence dans son étude sur le service social.
Après la seconde guerre mondiale, le titre d’assistant social est protégé (Loi di 12 juin 1945) tandis que les études sociales passent en 1952, du niveau de technique secondaire supérieure (A2) au niveau de l’enseignement technique supérieure (A1) et rejoint la tutelle administrative du ministère de l’enseignement technique et professionnel. En 1964, une nouvelle réforme des études de service social, préparée de longue date, entre en vigueur. La politique des stages est introduite dès la première année, les écoles obtiennent la possibilité de diplômer leurs étudiants tandis qu’en 1970, la restructuration générale de l’enseignement supérieur amenait le remplacement du Conseil Supérieur des Ecoles de service social, rattaché au Ministère de la Justice par le Conseil supérieur de l’Enseignement social, installé officiellement en 1977 et dépendant depuis lors du Ministère de l’éducation nationale qui suite aux réformes constitutionnelles et aux transferts des compétences entre entités fédérées, le Ministère de l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Les écoles sociales (1920-1940)

Entre 1919 et 1922, pas moins de huit écoles sociales ouvrent leurs portes et obtiennent une reconnaissance légale et un subventionnement. La première sera l’Ecole centrale de Service Social, fondée officiellement par l’arrêté-royal de 1921. La seconde sera l’Ecole sociale catholique, avec une section francophone et néerlandophone (1920). Ces deux institutions s’appuient sur des initiatives de formation préexistantes. L’Ecole ouvrière supérieure francophone ouvre ses portes en 1921 et une section néerlandophone un an plus tard. L’Ecole supérieure pour ouvriers chrétiens, démarre en 1922 avec deux sections néerlandophone et francophone. A Anvers, une école sociale mixte et bilingue, s’ouvre également en 1921.
A l’exception de l’Ecole centrale qui est francophone et neutre et qui relève in fine des pouvoirs publics et l’école d’Anvers qui est bilingue, les autres établissements présentent chaque fois une section néerlandophone et une section francophone. Cette liste montre également leur répartition suivant les clivages « traditionnels » en Belgique entre le monde socialiste et le monde catholique et plus particulièrement son aile « gauche ». L’école d’Anvers s’apparente au monde libéral. La question de la mixité est également sensible. Les formations des garçons et des filles sont distinctes dans le milieu chrétien tandis que les autres écoles pratiquent la mixité mais cela ne signifie pas nécessairement que la mixité soit effective.

Pour toutes les écoles sociales, le titre d’auxiliaire social est acquis devant le jury central mais de quel type d’assistant-e social-e s’agit-il ? Y a-t-il des points communs entre toutes ces écoles, des divergences ? Quel est le contenu du programme ? Quels sont les finalités poursuivies ?
L’exercice se prête à différentes approches. Nous pouvons comparer les programmes, les différentes spécialisations proposées aux étudiants, les stages et les sujets des travaux de fin d’étude. Il est possible de mettre en parallèle la formation destinée aux femmes et celle destiné à un public masculin. A titre d’exemple, les écoles qui s’adressent à un public uniquement ou majoritairement masculin, n’offrent que la spécialité « industrie » et « assurances sociales ». L’offre est beaucoup plus ouverte du coté des écoles « féminines » ou majoritairement féminines, dans des secteurs dit « plus féminins ». Guy Zelis, dans sa thèse de doctorat consacré à l’école centrale catholique, montre que la formation oscille entre le maternalisme et la professionnalisation . Ces huit écoles ont assurés entre 1920 et 1939, une formation à quelques 1200 assistants sociaux mais tous n’ont pas été au bout du cursus.
Nous avons opté pour une analyse comparée entre deux écoles sociales, l’une appartenant au pilier socialiste, l’Ecole ouvrière supérieure, d’obédience socialiste, créée en 1921 et l’autre, ancêtre de l’institut Cardijn, fondée en 1922, appartenant au mouvement ouvrier chrétien. Elles ont le même âge, s’adressent au même type de public, les militants des organisations ouvrières et rencontrent de fait les mêmes problèmes: jeunes adultes en reprise d’études, difficultés à s’inscrire dans une formation longue, faiblesse du recrutement, mêmes débouchés : les organisations ouvrières. L’une et l’autre forment des auxiliaires sociaux selon leur idéal.


1921 L’Ecole ouvrière supérieure (EOS-AHS)

L’école est une initiative du mouvement ouvrier socialiste et plus particulièrement de la Centrale d’éducation ouvrière dont le directeur, Henri de Man organise l’enseignement en s’inspirant des pédagogies pour adultes développées en Allemagne et en Angleterre.
Les étudiants sont sélectionnés par les institutions et organisations socialistes qui prennent en charge le minerval voire même la perte salariale endurée par le ou la candidate. Ce sont souvent les meilleurs éléments des écoles socialistes régionales ou syndicales. Par la suite, pour remédier au manque de préparation des élèves, la Centrale d’éducation ouvrière organisera un séminaire d’une semaine pour repérer les candidats et candidates les mieux doués pour entamer le cursus. Dès le départ, elle s’organise en deux sections distinctes, flamande et francophone même si la direction et les options pédagogiques sont identiques.

Pour entrer à l’EOS, il faut être en bonne santé et passer un examen de maturité devant un jury, qui permet d’évaluer la capacité de l’étudiant-e à suivre les enseignements. La formation est résidentielle ce qui suppose aussi, la capacité de mettre entre parenthèse sa famille, ses collègues et ses engagements.
L’Ecole a pour but de préparer aux diverses formes de l’action sociale ouvrière des jeunes militants bien doués au point de vue de l’intelligence et du caractère.
“Elle est à l’enseignement élémentaire des écoles socialistes, syndicales et coopératives de la Centrale d’Education ouvrière ce que l’université est à l’école primaire et moyenne de l’enseignement public. On essayera de former non pas des savants mais des hommes et des femmes sachant unir la pensée et l’action, des caractères trempés pour les responsabilités d’à présent, ayant une conception plus haute et plus noble de la vie. »
Il s’agit précise l’historienne de l’EOS de « donner à ces jeunes militants au parcours scolaire limité, les outils nécessaires pour devenir de parfaits propagandistes ».
Le programme de la formation s’articule donc, en plus de l’éducation physique quotidienne, en une alternance entre cours théoriques le matin, visites de stage (environ 50 par an), répétitions, études et travaux personnels des étudiants l’après midi, programme récréatif le samedi. Le programme comprend également deux semaines de voyages d’études à l’étranger au début, en Belgique, par la suite.
La première mise de fonds vient du Parti ouvrier belge et des organisations socialistes. Mais l’école coûte chère. Pour éponger le déficit, le POB lance le « sou de l’école »,10 centimes par cotisation des membres. Au départ, la crainte d’un contrôle trop stricte de l’Etat freinent les fondateurs à demander la reconnaissance comme école de service social. Mais à partir de 1923, les problèmes financiers et la concurrence des écoles sociales catholiques et « neutres » qui délivrent depuis 1921 des diplômé-e-s capables de prendre des postes dans les administrations sociales, imposent cette reconnaissance. L’école ouvre donc deux spécialisations : «Industrie » et « assurances sociales ».
La première année est divisée en deux périodes de 5 mois et la seconde année en deux périodes de 3 mois chacune, consacrée aux cours de spécialisation et au stage dans les organisations ouvrières.
L’obtention du diplôme n’est ni la priorité des organisations qui « sponsorisent » leur candidat-auxiliaire, ni celle des étudiants. Après 10 mois de formation et plus, Ils ont souvent hâte de retrouver leur famille et leurs engagements professionnel et militant. Pour pallier au risque de n’avoir aucun candidat qui présente l’examen final devant le jury, le comité directeur ne fait payer un minerval que pour la première année et considère comme anciens de l’école, ceux et celles qui ont fait l’année préparatoire.
Les méthodes pédagogiques sont innovantes. La formation s’adresse à des adultes, entrés dans le monde du travail vers 13 ou 14 ans et à ce titre, elle ne peut faire l’économie de leurs expériences mais au contraire, elle s’appuie sur ces acquis pour développer et construire une pensée critique.
« Le but essentiel doit être de donner aux ouvriers le désir d’apprendre par eux-mêmes et de les familiariser avec la pratique de l’autodidaxie, de façon à ce qu’ils puissent continuer à tirer des déductions générales des faits de leurs expériences individuelles et ainsi comprendre le rôle qu’ils jouent dans la société et dans le mouvement auquel ils prennent part ».
C’est là qu’interviennent les moniteurs. Cette fonction prévue dès le départ dans l’organisation des études, prend en compte le fait que la formation s’adresse à des jeunes travailleurs, qui de ce fait, doivent réapprendre à apprendre. Le moniteur veille donc aux études, aux répétitions ainsi qu’à l’organisation des visites et stages. Il gère aussi la vie du groupe en internat et accompagne « la participation des étudiants ».
Les professeurs sont recrutés dans les différentes organisations socialistes ainsi que des enseignants de l’Université libre de Bruxelles: Boris-S. Chlepner, pour l’économie industrielle de Belgique et le cours d’économie financière, Guillaume Des Marez pour le cours d’histoire économique et sociale de la Belgique, pour ne citer que deux célébrités.
Très vite, des anciens élèves deviennent moniteurs voire professeurs. C’est le cas de Jean Nihon, de la promotion de 1924. Moniteur pendant 15 ans, il prend la direction de l’école en 1945, quand Léon Delsinne (1921-1945) est appelé à d’autres responsabilités politiques. C’est le cas aussi d’Yvonne Volkaert, de la promotion de 1921-1922 qui deviendra également conférencière et enseignante à l’EOS.
Après deux ans de fonctionnement, le bilan peut être fait : les équipes pédagogiques ont réalisé ce qu’on attendait d’elles : former de bons propagandistes, prêts à former eux-mêmes de futurs militants.
La majorité des sessions ouverte à l’EOS concerne des groupes masculins. Les premières années, le nombre d’inscrits est positif mais très rapidement, le recrutement devient un vrai problème. Chaque année, le nombre des étudiants admis plafonne entre 12 et 15 ce qui est trop peu. La question des étudiants flamands est également préoccupante ainsi que le recrutement des militantes. Elles sont réticentes à s’inscrire dans les groupes mixtes, en internat, à Bruxelles. Des sessions féminines seront organisées en 1927-1928, en 1932-1933 et 1936-37. Mais, observe Ariane Dierickx, le contenu de la formation prend une autre dimension quand elle s’adresse à des étudiantes. Les contenus sont revus pour mieux correspondre aux activités qui leur sont réservées dans les organisations socialistes : les œuvres sociales, les institutions de prévoyance et d’entraide, la direction des foyers, de home de convalescence, de colonies d’enfants et d’institutions sociales dont le nombre augmente dans l’entre-deux-guerres. « Des cours sont supprimés et remplacés par un cours d’économie domestique. Les cours les plus ardus sont simplifiés sans quoi la majorité serait déroutée ». Ces changements conduisent, souligne Ariane Dierickx, à une vision un peu surprenante du rôle de la militante socialiste: être une bonne ménagère.
En 1936, le rapport d’activité de l’école mentionne qu’une majorité d’élèves occupent des postes à responsabilité dans les organisations socialistes : 96 au niveau syndical, 36 dans les coopératives, 31 dans les mutualités, 15 dans les organisations politiques, 15 dans le domaine de l’action éducative et culturelle. A la veille de 1940, l’Ecole ouvrière socialiste aura diplômée 77 étudiants francophones et 57 étudiants néerlandophones soit respectivement 6,42 % et 4,75 % de l’ensemble des diplômés de la période.

L’Ecole centrale supérieure pour ouvriers chrétiens : une initiative syndicale

L’initiative revient au dominicain Georges Ceslas Rutten (1875-1952), secrétaire général des œuvres sociales chrétiennes de Belgique. Il estime nécessaire de créer une école pour propagandistes chrétiens et lance en juin 1914, une souscription qui rapporte en quelques jours, 28.000 francs. La guerre brise net cet élan. Après l’Armistice, le projet tarde à se concrétiser, mais, au 5e Congrès général de la CSC tenu à Bruxelles en 1921, les militants adoptent la résolution suivante :

« Le Congrès considérant la grande nécessité d’avoir à la tête des organisations syndicales des dirigeants intelligents et capables, nécessité qui se fera de plus en plus sentir au fur et à mesure que les ouvriers obtiendront leur part de cogestion des entreprises, réclame l’organisation immédiate d’une école normale de propagandistes… ».

Une deuxième souscription est lancée pour rassembler des fonds. Les évêques, les ministres catholiques et plus largement « le pilier catholique » apportent à nouveau, leur soutien financier, moral et parfois intellectuel. « Je souhaite », écrit l’Évêque de Tournai, « que les classes aisées et notamment les industriels soutiennent cet organisme d’éducation populaire ». Quant à l’Évêque de Namur, il recommande à ses diocésains, cette œuvre « qui fera tant de bien à la religion et au pays » .
Le 1er mai 1922, l’École centrale supérieure pour ouvriers chrétiens ouvre ses portes. Elle s’adresse aux hommes, âgés d’au moins 21 ans , libres de service militaire. Ils doivent être recommandés par des personnes honorables, de préférence des dirigeants des organisations ouvrières chrétiennes, produire une attestation de l’organisation ou la personne qui assume les frais de pensions et d’écolage et avoir la maturité d’intelligence d’un bon élève qui a terminé ses études moyennes ou avoir assez d’ouverture d’esprit pour suivre avec fruit des cours supérieurs . S’ils ne sont pas en possession d’un diplôme d’enseignement moyen, ils doivent passer un examen d’entrée .
La direction est confiée au dominicain Jules Laurentius Perquy (1870-1946) qui restera aux commandes de l’école jusqu’en 1942. Elle est placée sous la responsabilité du Secrétariat général des œuvres sociales chrétiennes de Belgique qui crée, pour ce faire, une asbl les Écoles sociales et un comité de pilotage où se retrouvent des directeurs d’œuvres sociales, des professeurs des universités de Liège et de Louvain ainsi que le secrétaire de la Confédération des Syndicats chrétiens de Belgique, Henri Pauwels (1890-1946).
L’École est située à Héverlé-Louvain, au numéro 14 de la chaussée de Namur. Deux sections, une néerlandophone et une francophone, coexistent. Pour des raisons de financement et de reconnaissance légale, elle s’inscrit dans le cadre de l’arrêté royal du 15 octobre 1920 instituant le Conseil des écoles de service social et l’arrêté royal du 10 août 1921 qui fixe les conditions pour la délivrance d’un diplôme d’auxiliaire social . La CSC et la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC) lui accordent également un subside annuel et cela jusque dans les années 70 !
« Les premières années », raconte Raymond Vermeulen, ancien moniteur et propagandiste à la LNTC, « les éléments qui venaient n’étaient plus de tout jeunes hommes. On y rencontrait même des pères de famille. Il y avait dès l’entrée, une certaine maturité due au contact de la vie et aux responsabilités sociales déjà portées dans le milieu du travail ou la propagande. Il y avait aussi non seulement un esprit social mais un esprit de combat. On se sentait destiné à entrer dans la lutte ouvrière chrétienne » .
L’internat est obligatoire pendant les deux ans du cursus ce qui représente un réel sacrifice pour ces jeunes gens et pour leur famille : perte de salaire, prix du minerval, de la résidence et des visites sociales, incertitude de retrouver son emploi à la fin de la formation. Le coût annuel est évalué à 2000 francs par étudiant, ce qui est une somme importante même si les organisations ouvrières octroient des bourses d’études. Le père Perquy plaide alors pour le salaire de l’étudiant payé soit par l’organisation qui envoie l’élève, soit par l’entreprise où il pourrait trouver un poste après sa formation.
La section wallonne fonctionne avec un cadre restreint : le directeur pour les deux sections, un secrétaire-trésorier, un moniteur, l’aumônier et le bibliothécaire. Le moniteur est chargé d’organiser les visites sociales, les temps d’étude et l’accompagnement du groupe.
Les enseignants sont des professeurs de Louvain ou de Liège, des fonctionnaires, des aumôniers des œuvres sociales, des dirigeants –parfois anciens élèves – des organisations.
Dans les rapports trimestriels rédigés par les moniteurs, la régularité de certains laisse à désirer et fait l’objet de plaintes. Du côté des étudiants, la section wallonne brille par son indiscipline et par la faiblesse de ses effectifs. En 1924-1925, il faut se résigner à suspendre les cours faute d’inscriptions suffisantes.
Le programme de la première année comprend une formation générale. La seconde est consacrée à une des spécialisations prévues par l’arrêté royal du 10 août 1921. L’École d’Héverlé prépare à la spécialisation «Industrie » et « Assurances ouvrières ». Le diplôme d’auxiliaire social est délivré après une épreuve finale défendue devant un jury portant sur la discussion d’un travail personnel écrit basé sur l’expérience acquise par le candidat au cours de son stage et par un interrogatoire portant sur les matières indiquées au programme. La liste des titres des travaux de fin d’étude montre que les étudiants prennent en général comme sujet d’observation, le milieu dans lequel ils vont par la suite évoluer : syndicats, secrétariat social, mutualité, coopérative, service chômage, …
Les écoles sociales d’Héverlé mettent l’accent sur une formation de base solide comprenant l’histoire, l’économie, la philosophie, la morale ainsi que la connaissance de la langue flamande et la dactylographie.
Les responsables veillent à la formation religieuse et spirituelle de ces jeunes par l’organisation de prières quotidiennes, des messes, des récollections, une retraite et un accompagnement spirituel tout au long de l’année. La forme physique n’est pas négligée puisqu’il y a des cours de gymnastique. La formation est intégrale.
La première année les étudiants doivent faire une cinquantaine de visites d’organisations sociales diverses. Pour les étudiants de l’EOS, la priorité va aux organisations socialistes et aux services sociaux d’entreprises mais pas uniquement. Pour les étudiants de l’école d’Héverlé, en plus des organisations sociales chrétiennes « normales » et les services sociaux d’entreprise ou d’administration, ils visitent la centrale d’éducation ouvrière (socialiste), le journal Le peuple, les coopératives socialistes… C’est quasi la seule passerelle entre les mondes chrétiens et socialistes.
À côté de la filière Industrie, Assistance et assurances sociales, l’École développe à partir de 1933, une section Éducation populaire & question ouvrière. Elle rencontre ainsi le souhait du mouvement ouvrier chrétien, d’investir dans l’éducation des adultes en formant des propagandistes capables de réaliser cet objectif.
En 1937, à l’occasion des quinze ans de l’école, le père Perquy lance un appel aux responsables des organisations pour renforcer le recrutement. Son bilan est positif : près de 300 jeunes ont subi avec succès les épreuves de la première année, 139 ont terminé leurs études et conquis le diplôme d’auxiliaire social. 78 doivent encore présenter leur rapport d’observation sociale et 76 doivent passer les examens de deuxième année d’études. Près de 160 occupent un poste rétribué au sein des organisations ouvrières chrétiennes de Belgique.
« Nous n’avons pas assez d’élèves et ceux qui nous arrivent n’ont pas toujours les qualités requises. Nos organisations ne nous en envoient guère. Notre école ne doit cependant pas être un refuge pour des fruits secs, pour ceux qui n’ont pas réussi ailleurs, pour de braves gens qui ne savent pas de quel bois faire flèche. Ce qu’il nous faut ce sont des jeunes gens à l’esprit ouvert, au cœur généreux, pleins d’audace et de fierté, généreux, dévoués et hardis, d’un optimisme indestructible, taillés pour la lutte. Des jeunes gens bien sages, obéissants et disciplinés, mais flasques et mous, dépourvus d’allant, de cran, de nerf, de tempérament, d’enthousiasme, d’esprit conquérant ne nous conviennent pas. Ils ne constituent pas une matière apte à être formée pour occuper des postes de direction dans un mouvement ouvrier à l'heure actuelle » .

Dans le rapport d’activité de 1939, le père Perquy observe que la demande de personnel qualifié pour le mouvement dépasse considérablement l’offre de l’école et que l’évolution du service social en Belgique et l’extension de son action nécessitent de fournir plus de personnel pour les institutions sociales publiques et privées . « À partir de ce moment », constate Raymond Vermeulen, « est-il encore possible à l’École Sociale de Louvain d’être considérée comme le centre national de formation intensive des futurs dirigeants ou propagandistes des organisations ouvrières chrétiennes ? » . L’École supérieure pour ouvriers chrétiens se transforme progressivement en une école catholique de service social pour hommes. À la veille de 1940, Guy Zelis comptabilise pour les deux écoles d’Héverlé, 122 diplômés néerlandophones et 46 francophones soit 3,83 % de l’ensemble des diplômé-e-s AS sur la période.

Conclusion : AS à l’image de l’école

Les écoles sociales issues du mouvement ouvrier chrétien ou socialiste sont nées pour couvrir les besoins des organisations sociales. Il s’agit de former des cadres de l’action sociale au sens large, capables de former d’autres militants à leurs responsabilités. Ces cadres, elles en ont un urgent besoin vu le rôle de plus en plus important qu’elles jouent dans l’organisation de la concertation sociale et des assurances sociales et pour encadrer le développement explosif du mouvement syndical. La question du recrutement des élèves tant du coté de l’EOS que de l’Ecole d’Héverlé, s’inscrit dans cette tension : les écoles, n’ayant pas assez d’élèves, ne peuvent répondre à toutes les demandes des organisations.
L’arrêté royal de 1921 créant une école de service social et un Conseil des écoles sociales qui a pour mission d’organiser la formation sociale en Belgique est une opportunité que saisissent les organisations ouvrières chrétiennes et, après réflexion, socialistes, pour obtenir des subventions.
Le cadre imposé par les arrêtés royaux successifs laisse « une grande liberté aux écoles pour l’organisation des cours de manière à adapter l’enseignement de service social et la formation des auxiliaires sociaux à la doctrine qu’elle professe et à la population dans laquelle elle recrute ses élèves » . Dès le départ, les contraintes auxquelles sont soumises les écoles sociales, sont minimalistes et elles seront régulièrement reconduites dans le même esprit.
Le Conseil des écoles sociales est formé de fonctionnaires et des directions des écoles, il est donc juge et partie. Enfin, la validation de la formation est assurée par la présentation des examens et la défense d’un travail personnel sur un stage correspondant à une spécialité, devant un jury mixte (interne et externe) qui juge les connaissances et les capacités de l’étudiant-e mais non sa vision du social.
Chaque école va donc déployer, à l’intérieur des obligations légales, sa propre approche du travail social et « formater » son enseignement, ses pratiques, son organisation spécifique des cours ainsi que choisir les équipes pédagogiques en fonction de ses finalités propres, en lien étroit avec le mouvement idéologique auquel elle appartient.

Le programme s’adapte aussi selon que le public est féminin ou masculin. Les débouchés pour les élèves masculins de nos deux écoles sont prioritairement les organisations ouvrières. Les débouchés pour les jeunes femmes qui optent pour une formation sociale sont soit les organisations sociales féminines ou celles dédicacées à l’enfance ou les services sociaux. Les carrières se déclinent donc différemment pour les unes et pour les autres. Ceci explique aussi que le nombre d’étudiants qui entament les études sociales reste stable : un tiers de garçon pour deux tiers de jeunes femmes. Les carrières ne sont pas identiques. C’est une particularité sans doute « belge ».
Avec la protection du titre d’auxiliaire social et la professionnalisation du secteur social, les contenus des programmes se précisent mais les écoles restent libres d’affecter plus ou moins de temps à telle approche disciplinaire ou telle organisation des stages.
En 1978, l’Institut Cardijn , après une crise identitaire et un conflit important entre les différents acteurs de l’école, adopte un texte où est réaffirmée « le principe d’une formation de travailleurs sociaux qui puissent, en solidarité étroite avec l’ensemble des travailleurs et de tous ceux qu’inspire une volonté de changement profond de la société pour en éliminer la pauvreté, l’insécurité, l’exclusion sociale et l’exploitation, contribuer efficacement et prioritairement à l’élimination progressive de cette réalité… En raison de ses liens avec le Mouvement Ouvrier Chrétien, l’Institut, enfin, attache une grande importance au programme du MOC. Il s’en inspire pour organiser son enseignement et ses diverses activités pédagogiques ».

Aujourd’hui, toutes les mesures officielles visent une plus grande standardisation des contenus via la définition des compétences à acquérir pour exercer le métier d’AS, renvoyant ainsi au passé, les identités fortes propre à chaque établissement. Pourtant, malgré l’affaiblissement des piliers « socio-politiques » et du clivage religieux, il reste bien des traces de ce passé. En premier lieu, le regroupement des écoles sociales lors du décret des hautes écoles adopté en 1997, a suivi le clivage enseignement libre/enseignement de l’Etat (neutre).
Des variables entre institutions perdurent : le poids accordé à certaines disciplines dans les programmes des études, dans les priorités mises sur telle ou telle approche dans le travail social (case work, groupe work, travail communautaire, travail en institutions, en CPAS,…), dans la charte des valeurs….
Institutionnellement, des représentants des organisations ouvrières restent présents dans les instances de direction des asbl constitutives du patrimoine, dans les jurys des TFE, dans les jurys pour sélectionner les enseignants et sont encore bien présents dans le corps professoral…
Ainsi cet héritage du passé reste perceptible et transparait sans doute aussi dans la transmission de ces valeurs et dans les options qui traverse la formation.

Résumé en Anglais


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