La précarité, l’éclatement familial, l’individualisme, la dépendance physique et psychologique sont autant de facteurs propices à l’isolement.
Dans une société productiviste et élitiste, quelle place donne-t-on à celles et ceux qui ne sont plus en course ?
A en croire notre société de consommation, pour être heureux aujourd'hui, il faut posséder , consommer, être à la mode, répondre à des canons de beautés illusoires...
Quelle image la publicité donne aux personnes qui ne peuvent répondre à ce dictat commercial ?
Ajoutons à cela ce que les médias nous proposent, parfois de façon exagérée; violences, guerres, chômage, crise financière, abus de pouvoir, tromperies en tout genre...
Comment une personne non ou peu productive, pas ou peu diplômée, en perte d'autonomie, peut se projeter dans un avenir serein? Comment ne pas se murer lorsque l'on ne correspond pas ou plus à ce que la société attend de nous?
En effet, combien de personnes aux revenus modestes s'endettent pour être comme les autres ?
Mais après lorsque l'on ne peut plus, lorsque la consommation de crédits a atteint son paroxysme, que deviennent ces personnes qui ne peuvent plus être ''comme tout le monde''...
L'isolement touche, de plus en plus de personnes, indépendamment de la classe sociale ou de l'âge.
Il ne suffit plus aujourd'hui d'être pauvre et âgé en milieu rural pour être isolé.
Parallèlement aux progrès (technologique, scientifique, culturelle...) les inégalités s'accroissent, engendrant l'exclusion de celles et ceux qui n'ont plus les moyens financier, physique ou encore psychique de jouir des bienfaits d'une société en perpétuelle évolution.
Se sentir exclu et le premier pas vers l'isolement.
Comment ne pas se sentir exclu de notre société, bien pensante et pleine de ressources, lorsque l'on est handicapé et que chaque passage de trottoir relève du parcours du combattant ?
Comment ne pas sentir exclu, lorsque le travail scolaire personnel ne peut se faire sans ordinateur et imprimante et que les ressources du foyer ne peuvent supporter ces dépendances ?
Comment ne pas se sentir exclu lorsque après 40 années de labeur on se retrouve sans aucune utilité, relégué au rang de sage que l'on ne consultera jamais ?
Cependant l'isolement n'est pas une fatalité. Des initiatives locales ont fait leur preuve. Il ne faut pas forcément de grand moyen pour rompre le cercle infernal de l'isolement. Une attention, une main tendue, un regard compatissant peuvent être les prémices d'un retour vers une vie sociale, garantissant le bien être et la sérénité.
Le réseau municipal ESA (Écoute Solidarité et Accompagnement) s'articule en trois temps:
Repérer les personnes en situation d'isolement.
Leur proposer un accompagnement pouvant les aider à sortir de l'exclusion.
Prévenir ''la rechute''.
Il n'est pas simple de repérer les personnes isolées. Nous découvrons parfois des administrés qui ne perçoivent même pas ce dont ils ont le droit. Nous sommes bien loin des clichés qui veulent que les ''pauvres'' se confortent dans l'assistanat.
Certaines personnes sont tellement désabusées qu'elles ne sont même plus dans un système de survie.
Nous rencontrons des êtres humains qui se sont résignés, vivant avec des moyens minimalistes, inimaginables, bien loin de l'espoir.
Alors pourquoi iraient-elles demander de l'aide, puisqu'elle sont persuadées qu'il n'en existe pas et que les dès sont définitivement jetés.
C'est là que la notion de réseau prend tout son sens.
Selon une définition, le réseau est une organisation clandestine, informelle. C'est à partir de ce réseau, informel, constitué de voisins, d'anciens amis, de libéraux, de professionnels et de toutes bonnes volontés que nous arrivons à repérer cette population invisible.
Étrangement, ces personnes qui ne croient plus en grand chose, acceptent volontiers la main que nous leur tendons.
En fonction de leur histoire de vie, cette main tendue provient d'un travailleur social du Centre Communal d'Action Sociale, d'un bénévole de la société civile ou associative.
L'accompagnement appartient à l'accompagné. Il n'y a pas de solution toute faite, de timing défini. Tout ce fait avec la personne qui accepte l'accompagnement.
Il faut parfois du temps. Les demandes sont bien souvent loin de ce que nos représentations sociales nous pousseraient à imaginer pour aider.
Et parfois il faut aller vite, très vite, trop vite pour un travail en partenariat classique. Il faut sortir des codes sociaux, ''réseauter'', imaginer, inventer des solutions.
Parfois le résultat est probant.
Quelque fois, l'échec de l'accompagnement paraît inéluctable et soudain ça fonctionne, sans nous, juste peut-être parce que la personne a découvert qu'elle existait encore pour quelqu'un.
Trop souvent, la solitude a fait de gros dégâts. La dépression s'est installée rendant la personne fragile, vulnérable. Il faudra alors prévenir la rechute. Non pas celle de la guérison, mais celle de l'exclusion.
Il faudra inventer des accompagnements pérennes, qui ne coûtent rien en dehors du temps et de l'énergie.
Dans un contexte de crise, il faudra, quel que soit le réseau, associatif, professionnel, mixte...créer des solutions qui ne fonctionneront qu'avec l'énergie humaine.
Ces réseaux s'entretiennent. Ils ont besoin d'une attention toute particulière. Car de leur existence, de leur efficacité, dépendent la vie...sociale, de nombreuses personnes.
A Sallaumines, il s'agit d'un réseau mixte. Son ''socle'' est composé de membre du personnel du CCAS et de la Mairie, d’élus municipaux, de représentants associatifs et de personnes retraités et/ou en inactivité professionnelle.
Tous sont volontaires et mettent leurs compétences au service des personnes isolées.
En fonction de la personnalité de l'administré isolée qui nous est signalée, nous envoyons un agent municipal ou un bénévole du réseau.
Il est en effet parfois plus simple pour un bénévole non identifié comme ‘’autorité’’ de franchir le seuil de la demeure d’une personne marginalisée.
Le rôle de ces personnes est de faire une ‘’photo sociale’’, de la situation qu’ils vont découvrir. Contrairement à une évaluation, la ‘’photo’’ se prend à un instant bien précis, celui de la première rencontre. Il suffit alors de figer une situation sociale, abstraction faite de tout jugement ou ressenti.
Lorsque la photo a été prise il convient de la développer, avec les professionnels du CCAS.
S’en suit alors l’analyse de la situation et les différentes solutions qui peuvent être proposées.
En parallèle, cette analyse est transmise aux élus pour information et avis supplémentaire.
Les solutions sont diverses et variées; aides administratives, mise en relation avec les services compétents, orientations médicales….
Dans un premier temps, le relai est souvent pris par un membre du réseau, hors ''socle''. Il s'agit d'administrations, de professionnels de santé ou d'associations.
Dans un second temps, selon sa volonté, la personne entre dans le réseau et bénéficiera alors, le temps qu’elle le désire, de l’accompagnement de ses membres.
Le travail de rupture pourra alors commencer. Quand bien même le problème initial de la personne serait résolu, plusieurs ateliers lui seront proposés, lui permettant ainsi de recréer du lien et d'avoir une activité.
La plupart des actions du réseau ne coûte rien d'un point de vue monétaire.
Il s'agit toujours, au départ, d'ateliers qui n'ont de valeur, que l'investissement des ses animateurs et la plus-value ressentie par les bénéficiaires.
Pour que ce genre d'action soient réalisables il faut mutualiser les compétences.
Par le biais de rencontres, de projets, les volontaires du réseau vont travailler, collaborer, avec des professionnels avec lesquels ils pourront échanger leur savoir-faire et leur savoir-être.
Ce travail, plus issu du ''réseautage'' que du partenariat formel, permettra la formation continue des membres.
Il est riche de voir le nombre de professionnels ou de membres associatifs qui proposeront alors des intégrations en milieu professionnel pour la formation ou des modules de formation gratuits.
En contre-partie, ces partenaires se nourriront des tranches de vie découvertes par le réseau, des témoignages des bénéficiaires, qui sont bien souvent des ''cas cliniques ''des maux sociétaux''.
Ils bénéficieront du soutien entier du CCAS et de la commune, faisant bien souvent de Sallaumines un laboratoire expérimental de l'action sociale (Jardins Solidaires, Service Civic, Ateliers de Prévention-Santé, Système d'échange local, Projet de Vie Individualisé, Vacances Familiales, Actions Citoyennes, Intergénérationnalité, Parcours de Soin Adapté et Personnalisé, Intégrations des Personnes à Mobilité Réduite, Démarche Participative...).
Grâce à cette dynamique partenariale, des projets de grande envergure ont vu le jour.
Par deux fois, autour de thèmes ''isolants'', le vieillissement et l'handicap, le ''socle'',les partenaires et les bénéficiaires du réseau ont mis sur en place deux forums, réunissant plus de 600 personnes à la recherche de solution.
Au travers de ces manifestations, de ces ateliers il est important de remarquer que les premiers bénéficiaires du réseau, qui ont repris une vie sociale, sont devenus acteurs et font bénéficier de leur expérience les personnes nouvellement prise en charge.
En effet, le réseau doit être un tremplin à la valorisation de l'être.
Être bénéficiaire, Être acteur, Être collaborateur à la rupture de l'isolement.
Lorsqu'un projet devient plus ambitieux, à la demande de ses participants, le CCAS répondra à des appels à projets afin de tenter d'obtenir les finances qui permettront par exemple, l'emploi d'un professionnel vacataire ou l'achat de matériel spécifique.
Il est indispensable que très rapidement, la personne prise en charge devienne actrice. Pour ce faire il faut que le réseau soit à l'écoute, non plus des besoins, mais des envies, des aspirations.
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