Fiche Documentaire n° 2277

Titre PRATIQUE DE SUPERVISION EN TRAVAIL SOCIAL : PRATIQUE VOYAGEUSE

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Auteur(s) CARTIER Annie  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

PRATIQUE DE SUPERVISION EN TRAVAIL SOCIAL : PRATIQUE VOYAGEUSE

Composite de savoirs, de savoir être et de savoir faire, la pratique de supervision en travail social, pratique réflexive de formation présente une diversité d’options d’approches en référence à des concepts de théories et disciplines de sciences humaines et sociales privilégiées selon les superviseurs, leur identité professionnelle, leur culture, leurs groupes d’ appartenance, leur parcours de formation, leur position d’exercice de cette pratique, interne ou externe à l’institution où s’ exercent les activités des supervisé(es) avec les caractéristiques des populations rencontrées et de leurs problématiques.
La place de la supervision sera variable selon les contextes de l’époque où elle se déroule. C’est une pratique réflexive en évolution dont le processus d’élaboration ne peut se dérouler que dans des dispositifs spécifiques identifiés.
Inscrite dans une filiation de superviseurs dont le fond commun est à la base de mon identité singulière : mon histoire individuelle croisant l’histoire collective avec un rapport à l’environnement en interaction avec l’impact de cet environnement , l’option d’approche présentée est une approche psychosociologique, dans une perspective relationnelle où superviseur(e) et supervisés(es) en inter-relations sont engagés(es) avec leur subjectivité, : sont pris en compte les pratiques des supervisés(es) , leurs savoirs ,mais aussi leur implication dans leur rapport aux pratiques, aux savoirs et la perception de leurs fonctions , des missions des institutions où sont exercées leurs activités, et celle des publics et problématiques rencontrées.
En relation duelle ou en petits groupes, les modalités de pratique de supervision demandent une formation ou l’expérimentation à conduire un entretien de supervision et à animer un groupe est confrontée à des références théoriques et disciplinaires et leurs concepts.
Rien ne va de soi, vaste chantier inachevé en évolution.
A partir de la parole des supervisés(es) traversée d’émotions parfois lourdes, face à des réalités socio-économiques complexes, le paysage quotidien est revisité et réinterrogé dans le cadre d’un dispositif mis en place, identifié et délimité par différentes caractéristiques dont l’objectif vise à la professionnalité . La mise en œuvre du processus d’évolution, va amener le ou les supervisés(es) à emprunter les chemins de traverse et d’incertitude. En revisitant leurs pratiques, leurs savoirs, en les réinterrogeant, ils et elles vont affronter des écueils à surmonter, parfois rebrousser chemin : à leur rythme, leur représentation des réalités va se modifier avec la présence attentive et l’étayage fiable du superviseur : tiers médiateur, garant du dispositif, dans le respect de la confidentialité.
Après s’être approprié l’espace- temps partagé de la supervision, les supervisés(es) intégreront leur histoire professionnelle, celle des situations présentées grâce à la mise au travail de leur pensée en vue d’un ajustement de leurs interventions à la complexité des situations , et d’une acceptation plus réaliste de leurs fonctions facilitant ainsi les aspirations professionnelles et l’ouverture à des champs de découverte et de créativité .
Annie Cartier, superviseure en travail social – Février 2013-
ANCSTS

Bibliographie

 BLANCHARD-LAVILLE Claudine et FABLET Dominique : l’analyse des pratiques professionnelles. Paris/ l’Harmattan 2002

 BEILLEROT Jacky : formes et formations du rapport au savoir. Paris/ l’Harmattan 2000


 COUDERT Francine et ROUYER Claude : Former à la supervision et l'analyse des pratiques l'Harmattan 2012

 HATCHUEL Françoise savoir : apprendre, transmettre, La Découverte 2007


 FUSTIER Paul : Le lien d’accompagnement Entre don et contrat salarial. Paris/ Dunod, 2006

 KAES R- ANZIEU D- BEJARANO A- GORI R- SCALIA H : Désir de former et formation du savoir. Paris/ Dunod 1976


 LODEWICK Paul et PIROTTON Gérard(sous la direction) : Supervisions : analyses, témoignages, perspectives. Revue Politiques sociales Belgique 2007
Editeur responsable : BEAUDUIN Marie Anne, Av Sleecks 84, B-1030, Bruxelles

 PEROT Geneviève, FOURNIER Odile, SALOMON Georges-Michel : L’intervention clinique en service social (1920-1965), ENSP Rennes 2006


 ROUCHY Jean-Claude SOULA DESROCHE Monique
Institution et changement Processus psychique et organisation : collection transition, Erès 2004

 WINNICOTT DW : Jeu et réalité. Paris, Gallimard 1975

Présentation des auteurs

Formatrice superviseure en travail social assistante sociale formée à la supervision individuelle et à l'analyse de pratiques professionnelles (supervisions en petits groupes) .Doctorat en anthropologie et écologie humaine Paris 5 René Descartes

Communication complète

PRATIQUE DE SUPERVISION EN TRAVAIL SOCIAL PRATIQUE VOYAGEUSE
Composite de savoirs, savoir être, savoir faire, la pratique de supervision en travail social,
pratique réflexive de formation, au carrefour de différents champs de sciences humaines et
sociales, présente une diversité d'options d'approches en référence à un métissage de théories et
disciplines en sciences humaines et sociales privilégiées. Les démarches d'approche dépendent :
- du profil du superviseur, son identité professionnelle, sa culture, ses valeurs, ses groupes
d'appartenance, son parcours de formation.
- de la position d'exercice de la pratique interne ou externe à l'institution des activités des
supervisés (es)
- des caractéristiques des publics rencontrés et de leurs problématiques
- mais aussi de la place accordée au travail de supervision dans la politique d'action sociale.
Complexité d'une pratique en mouvement et mouvance des réalités ou passé, présent, futur
coexistent. Sa place évolue selon les transformations de contextes culturels socio-économiques.
Son histoire très ancienne s'est nourrie de la richesse des savoirs théoriques et pratiques de ses
fondateurs. Dans les années 1900, Mary E Richmond, praticienne de service social, puis Gordon
Hamilton, directrice pédagogique d'université américaine, construisent la méthode du case-work,
méthode d'intervention sociale s'étayant sur des savoirs et principes théoriques de biologie,
philosophie, psychologie sociale, pédagogie, visant au développement de la personnalité des
professionnels et une adaptation entre individu et milieu social. Gordon Hamilton précise en quoi
la psychanalyse approfondit et affine l'approche de la relation par le travailleur social.
Carl Rogers, psychopédagogue américain, propose la non directivité dans des interventions
non imposées aux personnes en devenir, autonomes capables de tirer profit de leurs potentialités
et de continuer à s'enrichir quelque soient les expériences. Balint, psychiatre et psychanalyste
anglais d'origine hongroise, est l'auteur de la méthode d'analyse en commun des rapports des
médecins à leur pratique.
C'est dans les années 50, que Myriam David, psychiatre psychanalyste sera à l'origine de
l'aide psycho-sociale issue du case-work, et à l'initiative de l'ouverture, en 60, d'une formation à
la supervision après avoir animé des sessions de psycho-dynamique auprès d'assistantes sociales.
Tous rendent compte non seulement de l'importance de la relation humaine dans l'action, mais
aussi celle de la prise en compte de la subjectivité, du rapport des professionnels à leur pratique,
du respect de la liberté et de l'acceptation de la personne telle qu'elle se présente, de la
pluridisciplinarité, de la compréhension des inter- relations familiales et sociales.
La place de la pratique de supervision en travail social, son histoire en référence à des
savoirs théoriques et leurs principes, est délimitée par :
1) - Le contexte socio- politique, ses logiques idéologiques prioritaires avec les mesures
d'organisation professionnelle et institutionnelle dont les fonctionnements sont à prendre en
compte.
2) - Le contexte socio- culturel économique révélant les problématiques de la société
3) - Le contexte des paysages professionnels.
Pratique en mouvement, vaste chantier inachevé dans des champs non unifiés.
Les savoirs faire se construisent progressivement par l'expérience étayée par de nouveaux
savoirs réorganisant les anciens. Il ne s'agit pas de les empiler mais de les connaître, en
intériorisant les concepts et principes pour les utiliser de façon adaptée à l'expérience
relationnelle professionnelle. Quelques soient les modalités et formes de pratiques de
supervisions, l'expérimentation à l'entretien de supervision et à l'animation de groupes restreints
d'analyse des pratiques professionnelles est nécessaire à la confrontation des référentiels
théoriques et disciplinaires. Théories et pratiques se croisent et se réfléchissent. Ce n'est pas un
statut, quel qu’il soit qui prépare, donne accès et légitime la pratique de supervision.
Rien ne va de soi
Les formations actuelles s'adressent à un large public d'acteurs sociaux. Elles se sont
modifiées. Réduites de 6 à 7 ans avec des regroupements tous les 15 jours, elles sont actuellement
dispensées sur 18 mois, tous les mois. De nouveaux savoirs théoriques : anthropologie,
psychologie du travail, psychologie sociale, sociologie des organisations, renforcent la structure
de la formation. Basée sur l'élaboration de l'expérience professionnelle et la confrontation aux
savoirs en sciences humaines et sociales, l'axe d'orientation psychanalytique met à l'oeuvre la
réflexion des rapports aux savoirs et leurs croisements dans l'utilisation de la pratique.
C'est dans les ateliers ou en relation duelle que se travaillent les rapports aux savoirs et à
l'expérimentation de supervision, avec pour objectif la construction d'une identité de superviseur.
Il est à noter que l'école supérieure de travail social de Paris a maintenu le choix entre supervision
en relation duelle bien qu'en déclin depuis les années 80 et l'analyse de pratiques professionnelles
plus sollicitée. Elle a passé convention depuis 2007 avec le master1 de l'université Paris
Ouest/Nanterre La Défense en sciences de l'éducation, permettant aux participants désireux
d'enrichir leurs savoirs d'obtenir une reconnaissance universitaire par la soutenance d'un mémoire
remplaçant l'écrit de fin de formation des années passées validant l'aptitude à pratiquer, par
ailleurs le double cursus ouvre la possibilité d'accès à un parcours universitaire de master 2.
L'histoire collective croisant l'histoire individuelle, la base de mon identité singulière
professionnelle s'inscrit dans le fond commun d'une filiation de superviseurs marqués par
l'empreinte des savoirs théoriques et pratiques de case-work et de groupes Balint.
Le métissage d'autres savoirs et savoirs d'expériences n'ont pas tracé un chemin de certitudes
mais d'incertitudes, d'interrogation permanente ou inconnu, imprévisible sont à accueillir,
réfléchir par une disponibilité et une présence fiable, sans préjuger ni se projeter au cours de
l'exercice de la pratique: Faire silence en soi, en quelque sorte, dans un lâcher prise, attentive à la
résonnance des courants affectifs qui traversent l'espace-temps de la supervision et des processus
dynamiques du groupe en analyse de pratiques professionnelles, à l'écoute des supervisés (es) et
de leur implication dans leur rapport aux pratiques et aux savoirs.
A partir de situations vécues dans la quotidienneté par les supervisés(es) confrontés (es) aux
risques psycho-sociaux et aux modèles d'organisation de plus en plus gestionnaire, l'option
présentée est une approche psychosociologique ou superviseurs et supervisés (es) en
interrelations sont engagés (es) avec leur subjectivité. Sont prises en compte les pratiques, les
savoirs mais aussi leurs représentations des pratiques, des savoirs, celles de leur fonction, des
missions des institutions où sont exercées les activités, les représentations des publics et
problématiques rencontrés.
La démarche éthique d'observation, d'écoute, de repérage, de mise en liens, d'analyse et de
recherche de sens des composantes multidimentionsionnelles interactives de situations revisitées,
évalue l'ensemble de leur complexité. Par la mise en mots, le processus de transformation des
représentations des réalités et des savoirs ne peut se mettre en oeuvre sans la mise en place au
préalable, d'un dispositif identifié, délimité dont le superviseur est garant.
Ce dispositif, interne ou extérieur à l'institution des activités des participants, est spécifique
aux modalités de pratiques, en relation duelle ou en groupe restreint, sous forme de consultations
ponctuelles ou de rencontres sur une plus longue durée. Comme le souligne Anne Janicot*,
superviseure en travail social, citant Jean-Claude Rouchy et Monique Soula-Desroche " le
dispositif ne doit pas être éloigné de la réalité quotidienne c.-à-d. sans rapport aux évènements
mais doit être distinct du cadre de travail habituel. Il présente des caractéristiques de contenant
et d'ordre créant un espace transitionnel propre à l'expression et l'élaboration d'une pensée "**
Le dispositif espace-temps codifié est, à mon sens, identifié par différentes caractéristiques :
- Le public participant à la pratique de supervision et d'analyse de pratiques professionnelles.
- Le superviseur en travail social
- Les objectifs de pratique
- L'objet de travail
- l'espace professionnel
- le temps, durée et délais de rencontres
- Les consignes de travail avec la confidentialité et le respect des participants.
- Le financement
- Le lieu de pratique.
- Le public
Une pluralité d'acteurs sociaux avec leur culture, leurs valeurs, leurs savoirs, dont
l'engagement relationnel est au coeur de leurs interventions dans les liens, selon Paul Fustier "
d'échanges contractuels et échanges par le don"***, leurs activités s'exercent dans les champs
sanitaires, sociaux, médico-sociaux, socio-éducatifs, pédagogiques et judiciaires. La lourdeur des
problématiques, les pressions de l'environnement, les mises à mal entraînent désinvestissement,
lassitude, souffrance, sentiment d'échec provoquant retraits ou passages à l'acte portant, par voie
de conséquences, préjudices aux personnes rencontrées.
En analyse de pratiques professionnelles les groupes restreints sont de 10 à 12 participants
pouvant être d'identité professionnelle commune ou pluridisciplinaire, d'appartenance à une
même institution ou d'institutions différentes. Ce sont des groupes fermés, la régularité dans la
continuité de présence étant fondamentale pour un travail d'analyse et d'élaboration.
* Anne Janicot: Communication au colloque de Dijon 2011. La supervision individualisée en travail social
et l'analyse de pratiques professionnelles.
** Jean-Claude Rouchy et Monique Soula-Desroche; Institution et changement. Processus et organisation.
Eres p 54-58.
*** Paul Fustier. Le lien d'accompagnement entre don et contrat social. Dunod p 209-216.
- Le superviseur en travail social.
Son identité professionnelle, sa culture, ses valeurs, ses savoirs privilégiés, sa formation et son
parcours professionnel, ses expériences, son approche et sa démarche.
- Les objectifs
la pratique professionnelle de supervision en travail social vise à la maturation et la
professionnalisation, le développement des compétences, la clarification de la position
professionnelle et institutionnelle en vue d'interventions sociales pertinentes auprès de personnes
rencontrées, dans une perspective indissociablement personnelle et professionnelle.
- L'objet de travail
Un matériel professionnel écrit et/ou oral de situations vécues. En groupe elles sont partagées.
L'attention du superviseur est centrée sur l'articulation entre la réalité des supervisés(es) et le réel
extérieur. Si les sujets ne sont pas objet de travail, ce travail n'est pas hors du sujet et de son
histoire en mouvement. L'espace de la pratique de supervision n'est pas un espace thérapeutique
mais il n'est pas non plus un espace d'accompagnement pédagogique en prise directe avec le
quotidien : C'est un espace entre-deux. Si les rencontres sont inscrites dans un dispositif de
formation, il est important de différencier l'espace de travail de formation de l'espace de travail de
supervision.
- Le temps de travail
Le nombre de rencontres, les délais réguliers entre les rencontres sont dépendants des contrats
négociés et des formes et modalités de pratiques. Il est à souligner qu'un travail d'analyse et
d'évaluation demande du temps et ne se fait pas d'emblée.
- Les consignes de travail, la confidentialité, le respect des participants.
La nécessité de l'apport d'un matériel professionnel, une régularité de présence, le respect des
horaires de travail, le contenu des rencontres, les absences, les irrégularités sont questionnées et
travaillées dans l'espace-temps du dispositif.
- Le financement
Etabli par un contrat entre le commanditaire ou demandeur et le superviseur lors de l'évaluation
de l'adéquation du projet du superviseur aux besoins et demandes formulées et aux conditions de
faisabilité. Si, à la fin du contrat est demandée une évaluation par un commanditaire, les
participants sont mis au courant. Il ne s'agira pas d'évaluer le contenu mais de donner une
visibilité d'une évaluation des attendus et des perspectives.
- Le lieu de pratique
Il est important que soit mise à disposition une salle respectant la confidentialité, si possible la
même durant les rencontres.
Les caractéristiques du dispositif étant posées, la mise en oeuvre du processus d'analyse et
d'élaboration met en jeu la singularité du superviseur, ses compétences, son approche, sa
démarche. Ce processus s'appuie sur les interrelations intersubjectives : Supervisés
(es)/superviseur - Superviseur/ supervisés(es) -Supervisés(es)/personnes rencontrées.
Le malentendu à lever étant celui qui consiste à croire qu'il est possible de s'occuper d'une
personne, sans se préoccuper du réel social et de l'impact de la complexité dans laquelle elle est
plongée, l'approche présentée est une approche psychosociologique, dans une perspective
relationnelle où superviseur (re) et supervisés (es) en interrelations sont engagés(ées) avec leur
subjectivité.
Le superviseur, dans une position de tiers médiateur, garant du dispositif va découvrir qui sont
les supervisé(es), leur représentation d'expériences vécues, des modes d'interventions, les publics
rencontrés mais aussi leur rapport aux expériences, aux savoirs, aux modes d'interventions et des
publics rencontrés. Il ignore le chemin qui se fera ensemble. Par une démarche éthique
d'observation, d'écoute, de ce qui est dit, comment cela est dit, à quel moment et pourquoi, le
superviseur attentif aux paroles des supervisé(es) et aux résonnances en lui de ces paroles,
n'apporte pas de savoirs théoriques qui peuvent rassurer, il ne propose pas non plus un
accompagnement pédagogique :
Ses champs d'investigation, comme le propose Marie-Françoise Boudot* superviseuse en
travail social mettront en oeuvre :
1) Le questionnement des supervisés(es) sur leurs pratiques, leurs attitudes dans les interventions
en démasquant les enjeux personnels, repérant les points communs dans leurs relations aux
personnes, aux partenaires internes ou externes à l'institution où ils exercent leurs activités.
2) Un essai de compréhension de situations sociales revisitées dans l'ensemble de leur complexité
dans un contexte précis où l'imprévisible et l'inattendu peuvent surgir où des raisonnements
logiques s'avèrent aléatoires et des solutions proposées arbitraires. Il est également découvert
que des actions ou mises en place de structures n'ont pas l'efficacité attendue"
La prise en compte de ces deux champs se situe dans une tension rendue possible par le
dispositif délimité du cadre de la pratique de supervision.
Le processus est mis en oeuvre, dès la première prise de contact, que ce soit par l'intermédiaire
d'un commanditaire ou d'un professionnel demandeur. L'évaluation de la commande et de la
demande va indiquer la faisabilité ou non d'une pratique de supervision ou d'analyse de pratiques
professionnelles et la possibilité d'un projet contractualisé.
*Marie-Françoise Boudot: Superviseure en travail social : La supervision une relation formative. in
l'analyse de pratiques professionnelles. Edition coordonnée par Claudine Blanchard-Laville et Dominique
Fablet. Paris L'Harmattan 2000.
Lors de la première rencontre avec les participants, une présentation mutuelle leur permet de
s'identifier, de situer leurs fonctions et le cadre institutionnel d'appartenance, d'exprimer leurs
besoins et attentes, le superviseur en travail social s'identifie également, présente son projet, son
approche, sa démarche ainsi que les caractéristiques du dispositif mis en place pour la mise en
oeuvre du processus de travail réflexif des situations vécues dans la quotidienneté. L'évaluation
traverse toutes les rencontres de la pratique. Dès le départ, l'instauration d'un climat de confiance
s'avère nécessaire, même s'il y a une adhésion à l'expérimentation, l'appréhension à se montrer en
situation reste une épreuve, quelques soient les savoirs acquis. Parfois, l'évolution et la
transformation peuvent s'avérer compromises voire impossibles sans participation active de
supervisés (es) n'acceptant pas de se mettre en position d'apprentissage et d'interrogation de leur
expérience et de leurs savoirs, ils ne reconnaissent ni difficulté, ni manque.
Dans l'espace-temps partagé de rencontres intersubjectives, interculturelles, au rythme des
paroles, des silences, de leur tonalité, les participants vont d'abord décrire le paysage du quotidien
attendant du superviseur recettes, réponses ou savoirs théoriques qui, certes, peuvent être
rassurants alors que les interventions du superviseur sont orientées vers une mise au travail
réflexif des interventions des supervisés(ées). En groupe restreint d'analyse des pratiques
professionnelles il garde également une attention vigilante à la dynamique du groupe. Chemin
faisant, les participants vont s'approprier l'espace-temps de la supervision en mettant en mots le
travail de réflexion : reformulation, clarification, questionnement, repérage de répétitions dans
différentes situations, vont leur faire prendre conscience de l'influence de leur représentation des
problématiques rencontrées s'avérant floues ou réductrices et de leurs attitudes dans les actes
posés. En groupe restreint, les échanges, la confrontation des expériences vécues sont partagées,
une co-pensée va permettre une co-construction de la compréhension de la complexité des
situations, et l'émergence du sens des interventions. La réminiscence d'un passé parfois
douloureux peut surgir. Si le superviseur en travail social repère l'émergence d'inconscient il ne
travaille pas l'intériorité de l'affectivité même si la part de soi est questionnée dans les
interventions : Ce n'est ni de ses compétences, ni le lieu. Démarche d'analyse ne veut pas dire
démarche de psychanalyse. Le superviseur en travail social rappelle les limites du dispositif de
supervision et laissera aux supervisé(es) la possibilité d'envisager une demande personnelle dans
un autre lieu. Certains le feront d'eux mêmes. Par tâtonnements, en empruntant des voies de
traverse, rebroussant chemin, découragés, se heurtant à des écueils, avec l'étayage et la présence
fiable du superviseur garant du dispositif, les supervisés(es) vont pouvoir à leur rythme, dépasser
les sentiments d'échec, de colère, de flou, l'impression de stagner, d'être perdus (es), de ne plus
savoir. Les mouvements de construction/déconstruction/reconstruction ont lieu du fait de la
rupture et du décalage de l'espace-temps de supervision avec celui du quotidien. Par associations
libres, reformulations, questionnements, en acceptant de se défaire, les supervisé(es) vont être au
plus près de ce qu'ils sont. En remontant l'histoire professionnelle de leurs interventions, ils vont
se distancier du vécu des situations : le processus de changement, transformation parfois
silencieuse, se révélant après coup, s'accompagne du processus d'intériorisation de tous les
éléments qui interagissent dans les rapports à la pratique : éléments inhérents aux supervisés (es)
mais aussi ceux des réalités extérieures.
La dernière rencontre de travail permet d'évaluer la mesure du chemin parcouru et
d'envisager des perspectives.
La mise en mots crée un mouvement libérateur dans le cadre du dispositif de la
supervision. L'analyse et la mise en liens d'acquis intériorisés d'un savoir-être et d'un savoir faire,
la recherche d'un maintien d'équilibre en vue d'interventions adaptées à resituer dans un contexte
précis de leur histoire, conduit à un affranchissement, une maturation, une professionnalisation.
Se sentir acteur de et dans sa pratique, c'est aussi poursuivre le processus réflexif au delà de la
formation pour éviter l'enfermement, les retraits ou les passages à l'acte préjudiciables aux
personnes rencontrées. La distanciation du vécu des interventions, la clarification d'une position
professionnelle et institutionnelle favorise le développement de compétences. Les supervisés (es),
par leur travail réflexif de leur pratique, pourront faire face à l'incertitude et à la solitude du
quotidien avec un sentiment d'appartenance communautaire, dans un contexte ou le modèle
gestionnaire tend à s'imposer avec ses procédures et les multiplications des réglementations. En
intégrant leur histoire professionnelle, celle de la complexité des situations en vue d'interventions
pertinentes, les supervisés(es) auront une acceptation plus réaliste de leur fonction, avec l'accès à
des aspirations professionnelles satisfaisantes et un intérêt à des champs de découvertes et de
créativité.
Quant au superviseur, un travail continu sur son rapport aux savoirs-savoir être et savoir
faire, lui permettra de ne pas imposer sa subjectivité aux participants.
Annie Cartier
superviseure en travail social . Juillet 2013
A.N.S.C.T.S.
Bibliographie
- Blanchard-Laville Claudine et Fablet Dominique. Analyse des pratiques professionnelles. Paris.
L'Harmattan 2000.
- Beillerot Jacky. Formes et formations du rapport au savoir. Paris L'Harmattan 2000.
- Coudert Francine et Rouyer Claude. Former à la supervision et l'analyse des pratiques des
professionnels sociale à l' E.T.S.U.P. L'Harmattan 2012.
- Fustier Paul. Le lien d'accompagnement entre don et contrat social. Paris Dunod 2005.
- Hatchuel Françoise. Savoir, apprendre, transmettre une approche psychanalytique du rapport au
savoir. La Découverte. Poche 2007.
- Kaes (René), Anzieu (Didier), Bejarano (Angelo), Gori R, Scaglia H (et al ). Désir de former et
formation du savoir. Dunod 1976
- Lodewick Paul et Pirotton Gérard ( sous la direction): Supervision, analyses, témoignages,
perspectives. Revue politiques sociales. Belgique 2007. Editeur responsable : Beauduin Marie-
Anne av Sleecks 84, B-1030 Bruxelles.
- Rouchy Jean-Claude et Soula-Desroche Monique. Institution et changement. Processus
psychique et organisation. Collection transition Eres 2004.
- Winnicott D W. jeu et réalité Paris Gallimard 1975.

Résumé en Anglais

Practice of supervision in social work, nomadic practice

Composite of knowledge, know how to be, know how to do, this reflexive practice has a variable place, according to the societal contexts. Whatever the disciplinary theoretical anchorings are, a training is necessary.

The process of analysis and elaboration of real-life situations evolves in a space-time shared by an identified specific device among which the supervisor, the third party mediator, is the guarantor. With the active participation of the overseen, the psycho-sociological approach leaning on the ethic of observation, listening, location, linking interactive multidimensional factors of revisited situations, estimates their complexity : transformation process of the representations of the realities, the knowledge, giving sense to the interventions, developing skills, facilitating satisfactory professional aspirations and creativity.