Fiche Documentaire n° 2356

Titre Des connaissances à transmettre ou des savoir-faire à construire ?

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l'auteur principal

Auteur(s) MEZZENA Sylvie
KRAMER Nicolas
 
     
Thème Enjeux des enquêtes pratiques pour la professionnalisation  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Des connaissances à transmettre ou des savoir-faire à construire ?

La thématique de la transmission des savoirs questionne la définition de la connaissance et par ricochet celle de l'action. Depuis la philosophie de l’esprit ou du pragmatisme américain, de récents travaux en sciences sociales remettent en question la définition transcendantale de la connaissance depuis une réflexion sur la nature de l'action. Se trouve discutée la définition intellectualiste de la connaissance, pour laquelle la réalité serait le lieu de l'expression de connaissances prédéfinies en amont et du dehors de l’action, faisant de celle-ci leur copie.

Nos travaux, à la suite de de Jonckheere (2010), s'appuient sur certains de ces travaux (Ogien et Quéré, 2005) qui ont bousculé les conceptions de l'action des modèles déterministes et téléologiques en défendant l’idée que le monde n’est pas déjà tout donné et que la réalité se construit depuis nos actions, sans coupure entre pensée et action. Lors de deux recherches sur des terrains de l’éducation spécialisée pour adolescents, nous avons observé comment les professionnels construisent leur savoir-faire dans le vif de l’action, en observant l’activité depuis une approche située (Mezzena, Stroumza et Seferdjeli, à paraître).

La première (Stroumza et al., à paraître) a mis en évidence qu’il n’existe pas une bonne manière de faire qui correspondrait à un savoir « vrai» à convoquer face à telle ou telle problématique des usagers, mais qu’une pluralité de manières de faire cohabitent dans l’action des éducateurs. Dans l’activité les professionnels doivent s’agencer avec une pluralité de forces pour agir (les usagers mais aussi les politiques sociales, les partenaires institutionnels, la hiérarchie, les règles institutionnelles, les familles, mais encore l’espace physique ainsi que les objets et les idées). Selon les situations dans lesquelles ils se trouvent pris et les forces auxquelles ils doivent s’ajuster, nous observons des combinaisons différentes de manières de faire. Avec cette idée aussi que ce ne sont pas les professionnels seuls qui décident de la dynamique des agencements constitutifs de ces manières de faire.

Dans la seconde les apports de la philosophie pragmatiste deweyenne (Mezzena et al., soumis) ont étayé l’idée que l’activité n’est pas le fruit d’une logique applicationniste et se constitue dans un partenariat avec l’environnement et ses « objets » (Mezzena, 2012). Ce dernier contraint les professionnels à enquêter, c’est-à-dire à expérimenter des manières de faire efficaces qui leur permettent de définir pratiquement et processuellement des problèmes au fil de leur mutation pour les résoudre, tout en essayant de tenir la perspective de la mission. Nos résultats soulignent que les connaissances sont utilisées comme des moyens à expérimenter dans l'activité, dont les effets sont à apprécier a posteriori dans le cours de l’action. De plus, les connaissances ne sont pas agissantes seules depuis le professionnel qui réfléchirait pour savoir lesquelles appliquer depuis un travail de mise à distance et d’analyse de son action ; elles sont agissantes aux côtés d'autres ressources de l'environnement et c’est dans l’activité même que se construisent les connaissances des professionnels. Ces résultats s’éloignent d’une conception de la connaissance professionnelle comme des contenus stables et autosuffisants, à connaître en propre hors de tout contexte et à appliquer pour résoudre des problèmes préalablement (et réflexivement) identifiés.

Cette lecture pragmatiste revisite la question de la transmission des savoirs et leur fonction et nous souhaitons interroger ses conséquences pour la formation professionnelle. Il ne s'agirait plus tant de transmettre des connaissances que les novices devraient intégrer, en amont de l’action, pour savoir ultérieurement comment agir dans telle ou telle situation, que de les former à expérimenter en situation des connaissances agencées à d'autres forces et à en apprécier les conséquences pour la poursuite de la mission.

Bibliographie

Dewey, J. (1938/1993). Logique. La théorie de l’enquête. Paris: PUF.
Jonckheere de C. (2010). 83 mots pour penser l’intervention en travail social, Genève, Éditions Ies.
Mezzena, S. (2012). « Engagement les travailleurs sociaux depuis le partenariat avec l’environnement : agencements et formation des valeurs ». Revue Forum, 136, 37-46.
Mezzena, S., Seferdjeli, L. et Stroumza, K. (à paraître). « Des recherches qui prennent pour objet les savoir-faire ». CERTS.
Mezzena, S, Stroumza, K, Seferdjeli, L. et Baumgartner, P. (soumis). « De la réflexivité du sujet aux enquêtes pratiques dans l’activité d’éducateurs spécialisés ». Revue Activités.
Mezzena, S. & Stroumza, K. (2012a). Des enquêtes pratiques à la connaissance dans les accomplissements : place des éducateurs, des chercheurs et des théories dans une recherche en éducation spécialisée. Revue Pensée Plurielle, 30-31, 175-189.
Mezzena, S. & Stroumza, K. (2012b). Des idées agissantes dans l’activité : analyses d’enquêtes dans l’activité réelle d’éducateurs specialises. Revue DIRE, 2. http://epublications.unilim.fr/revues/dire/171.
Ogien, A. & Quéré, L. (2005). Le vocabulaire de la sociologie de l'action. Paris : Ellipses.
Stroumza, K, Mezzena, S., Friedrich, J. et Seferdjeli L. (2013). L’ajustement dans tous ses états : règles et émotions dans les activités éducatives d’un centre de jour genevois. Genève : Editions ies.

Présentation des auteurs

Nicolas Kramer est éducateur spécialisé depuis une quinzaine d’années dans une structure médico-pédagogique genevoise pour adolescents. Il est chargé de cours à la HETS et a participé comme professionnel à l’une des recherches mentionnées.

Sylvie Mezzena consacre ses recherches à la construction de la professionnalité dans les enquêtes pratiques des travailleurs sociaux ainsi qu’aux questions liées au noviciat et à l’expertise, depuis l’approche située de l’activité articulée au pragmatisme deweyen.

Communication complète

La thématique de la transmission des savoirs questionne la définition de la connaissance et par ricochet celle de l'action. Depuis la philosophie de l’esprit ou du pragmatisme américain, de récents travaux en sciences sociales remettent en question la définition transcendantale de la connaissance depuis une réflexion sur la nature de l'action. Se trouve discutée la définition intellectualiste de la connaissance, pour laquelle la réalité serait le lieu de l'expression de connaissances prédéfinies en amont et du dehors de l’action, faisant de celle-ci leur copie.

Nos travaux, à la suite de de Jonckheere (2010), s'appuient sur certains de ces travaux (Ogien et Quéré, 2005) qui ont bousculé les conceptions de l'action des modèles déterministes et téléologiques en défendant l’idée que le monde n’est pas déjà tout donné et que la réalité se construit depuis nos actions, sans coupure entre pensée et action. Lors de deux recherches sur des terrains de l’éducation spécialisée pour adolescents, nous avons observé comment les professionnels construisent leur savoir-faire dans le vif de l’action, en observant l’activité depuis une approche située (Mezzena, Stroumza et Seferdjeli, à paraître).

La première (Stroumza et al., à paraître) a mis en évidence qu’il n’existe pas une bonne manière de faire qui correspondrait à un savoir « vrai» à convoquer face à telle ou telle problématique des usagers, mais qu’une pluralité de manières de faire cohabitent dans l’action des éducateurs. Dans l’activité les professionnels doivent s’agencer avec une pluralité de forces pour agir (les usagers mais aussi les politiques sociales, les partenaires institutionnels, la hiérarchie, les règles institutionnelles, les familles, mais encore l’espace physique ainsi que les objets et les idées). Selon les situations dans lesquelles ils se trouvent pris et les forces auxquelles ils doivent s’ajuster, nous observons des combinaisons différentes de manières de faire. Avec cette idée aussi que ce ne sont pas les professionnels seuls qui décident de la dynamique des agencements constitutifs de ces manières de faire.

Dans la seconde les apports de la philosophie pragmatiste deweyenne (Mezzena et al., soumis) ont étayé l’idée que l’activité n’est pas le fruit d’une logique applicationniste et se constitue dans un partenariat avec l’environnement et ses « objets » (Mezzena, 2012). Ce dernier contraint les professionnels à enquêter, c’est-à-dire à expérimenter des manières de faire efficaces qui leur permettent de définir pratiquement et processuellement des problèmes au fil de leur mutation pour les résoudre, tout en essayant de tenir la perspective de la mission. Nos résultats soulignent que les connaissances sont utilisées comme des moyens à expérimenter dans l'activité, dont les effets sont à apprécier a posteriori dans le cours de l’action. De plus, les connaissances ne sont pas agissantes seules depuis le professionnel qui réfléchirait pour savoir lesquelles appliquer depuis un travail de mise à distance et d’analyse de son action ; elles sont agissantes aux côtés d'autres ressources de l'environnement et c’est dans l’activité même que se construisent les connaissances des professionnels. Ces résultats s’éloignent d’une conception de la connaissance professionnelle comme des contenus stables et autosuffisants, à connaître en propre hors de tout contexte et à appliquer pour résoudre des problèmes préalablement (et réflexivement) identifiés.

Nous allons commencer par prendre un exemple concret pour présenter ce que nous entendons par l’usage situé de la connaissance. Puis nous présenterons la notion d’enquête pratique à partir de laquelle nous travaillons, et enfin nous développerons des pistes pour les dispositifs de la formation en alternance : comment former à un usage situé de la connaissance ? De quelles manières pouvons-nous travailler cette question de la construction des savoir-faire dans nos dispositifs souvent présentant comme alternant théorie et pratique ? En Suisse romande la formation des travailleurs sociaux de niveau bachelor se déroule sur un cursus de six semestres qui comprend deux temps de formation pratique. A Genève dans ce cadre chaque étudiant est suivi tout au long de sa formation par un responsable de la formation pratique de l’école (RFP). Ce mandat nécessite d’organiser un ensemble de modules de formation que l’on nomme journées de regroupement et qui sont liées spécifiquement à la mise en situation professionnalisante, ainsi que dans l’accompagnement d’étudiant dans leurs expérimentations pratique sur le « terrain ». Notre approche pragmatiste et sa conception située de la connaissance questionnent ainsi les dispositifs de formation sur leurs manières de mettre en relation les expérimentations pratiques de terrain et des espaces de formation, tandis qu'il ne s'agit justement pas de séparer pensée et action. Elle revisite profondément la question de la transmission des savoirs et leur fonction et nous souhaitons interroger ses conséquences pour la formation professionnelle. Il ne s'agirait plus tant de transmettre des connaissances que les novices devraient intégrer, en amont de l’action, pour savoir ultérieurement comment agir dans telle ou telle situation, que de les former à expérimenter en situation des connaissances agencées à d'autres forces et à en apprécier les conséquences pour la poursuite de la mission.

Résumé en Anglais


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