Travail social et populations Rroms : une pluralité de références d'intervention
" peuple authentiquement élu les tsiganes ne portent la responsabilité d'aucun évènement ni d'aucune institution. ils ont triomphé de la terre par leur souci de n'y rien fonder" (Emile Cioran, les syllogismes du désespoir).
le regard d'Emile Cioran sur les Rroms de sa Roumanie natale peut laisser perplexe. Il traduit en quelques mots le rapport ambigu que les institutions ont établi depuis longtemps avec des populations marginalisées, pour lesquelles les institutions au sens commun du terme restent d'accès et d'appréhension difficile. Election ou malédiction, la frontière semble ténue pour certains peuples.
Le terme générique de Rroms regroupe des populations diverses réparties sur tout le territoire européen et même au delà, que rapprochent une origine supposée commune, des modes de vie et des éléments de culture. On y rattache généralement, à l'instar du Conseil de l'Europe, des populations aux modes de vie approchant tels les vanniers de la vallée rhénane ou les travellers des îles britanniques.
L'ouverture des frontières de l'Est de l'Europe dès la chute du rideau de fer et l'intégration progressive des anciens pays du bloc de l'Est à des espaces politiques européen aura amené les travailleurs sociaux français à rencontrer une population Rrom diversifiée : aux "éternels étrangers de l'intérieur" pour reprendre l'expression de Christophe Robert que constituait la population des gens du voyage s'ajoute- non sans difficulté dans la comparaison- les Rroms originaires des balkans, de Roumanie, de Bulgarie ou d'ex URSS.
La confrontation à ces individus et familles n'aura pas manqué d'interroger les références d'intervention des pouvoirs publics : répertoire sécuritaire ou social, application inopérante des modèles "gens du voyage" aux populations Rroms de l'Est, rapport aux institutions des populations accompagnées...
Parallèlement, la production des normes par les institutions nationales et européennes aura été de contradictions en hésitations entre les approches du conseil de l'Europe, de l'Union Européenne,de l'Etat ou des collectivités locales. Le répertoire des interventions auprès des populations Rroms ne manque par ailleurs pas d'interroger sur des modèles n'ayant officiellement pas cours en France, telles les approches communautaires.
Internationalisation par défaut des références et révélateurs de conflits de modèles, le travail auprès des populations Rroms renvoie immanquablement à des débats plus larges sur les logiques d'intervention et de traitement des problématiques sociales contemporaines, sur la place des références européennes et sur la traduction possible entre les institutions des projets sociaux.
Enfin la question Rroms pose de façon très sensible la question de la "concurrence des normes" entre échelons divers de l'Européen au local.
Cette communication s'appuie à la fois sur des expériences professionnelle auprès de familles Rroms migrantes et des rencontres regulières avec des professionnels et des institutions nationales et européennes concourant à la prise en charge ou à la promotion des droits des Rroms. Elle ne prétend ni à l'exhaustivité ni à une objectivité complète dans le propos, mais plutôt à un tour d'horizon des termes du débat
Elle se déclinera en trois temps; tout d'abord, une synthèse statistique et sociologique visant à donner des clefs de compréhension et de distinction entre des termes multiples : Rroms, Sinti, gens du Voyage ... Dans un second temps, en s'appuyant sur la présentation d'interventions auprès de populations Rroms migrantes menées en Ile de France et Alsace seront interrogées les références sur lesquelles les acteurs en présence s'appuient pour construire leur intervention et les questions professionnelles, politiques et juridiques posées. Enfin, le propos concluera sur les approches en présence au niveau européen et national. Autour des Rroms semble en effet pouvoir s'interroger la question plus large du possible et souhaitable " modèle social européen"
Communication retenue pour présentation par le Conseil scientifique de la biennale UNAFORIS 2012, mais dont le contributeur n’a pas pu être présent les 4 et 5 décembre2012, en raison du changement de date de la biennale, et qui est donc présentée en tant que communication « hors congrès ».
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