Introduction
Les politiques sociales de lutte contre la pauvreté sont confrontées en France à de multiples et complexes mutations induites par la turbulence permanente de leurs environnements socio-économiques, culturels, juridiques, technologiques et politiques.
Ces mutations génèrent une obsolescence très rapide du capital savoir des travailleurs sociaux et perturbent les mécanismes traditionnels de sa production et son entretien et de son adaptation. Il en découle une légitime interrogation sur les angles morts cognitifs du professionnel et de ses partenaires, sur la réactivité de ses savoirs en matière d’accompagnement de la pauvreté humaine et sur les enjeux de son implication dans un processus dynamique de coproduction de savoirs.
Un observatoire territorialisé, observatoire d’observatoires pourrait impulser cette dynamique de coproduction des savoirs afin de neutraliser les effets pervers des angles morts cognitifs sur l’efficience des politiques sociales de lutte contre la pauvreté.
Quels sont les angles morts induits par ses mutations ? Comment un observatoire territorialisé centralisant et mutualisant les savoirs coproduits peut offrir au professionnel accompagnant les personnes en situation de pauvreté des ressources utiles pour gérer l’urgence sociale et prévenir la pauvreté humaine ? Le nouveau plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale peut-il créer un contexte favorable à cette observation sociale de proximité et au processus de coproduction de savoirs qui en découle ?
Telles sont les préoccupations de notre réflexion qui se veut avant tout exploratoire.
1 Lien organique entre l’observation sociale et la coproduction de savoirs dans les politiques sociales de lutte contre la pauvreté
1.1 Essai de définition des politiques sociales
D’après une définition qu’on pourrait qualifier de finalisée, la politique sociale se composerait « des différentes actions mises en œuvre pour augmenter le bien-être global de la société et assurer les différentes droits sociaux des citoyens : droit au travail, droit à la santé, droit à la sécurité matérielle» (Bouquet, Jean-yves ; Barrey, Brigitte, 2006, p. 429).
Fort de ces apports nous pouvons affiner la définition des politiques sociales en les considérant comme un ensemble d’objectifs spécifiques, d’actions et de moyens ayant pour finalité de permettre un accès optimisé des usagers-citoyens à leurs droits sociaux fondamentaux dont certains sont opposables. On pourrait de façon non exhaustive, évoquer de ce point de vue : le droit au travail, à un revenu, à la citoyenneté active, à la scolarité, à l’éducation, à la formation professionnelle qualifiante, à l’accès aux soins de santé, au logement opposable, à l’inclusion bancaire et à l’assurance, à la culture et aux loisirs.
Pour être efficaces et efficientes, les politiques sociales doivent se baser sur l’observation sociale.
1.2 Définition de l’observation sociale
Un observatoire est, selon une définition très générale, " un dispositif mis en œuvre par plusieurs partenaires pour suivre l'évolution d'un ou plusieurs phénomènes, dans l'espace et dans le temps "(Moine, 2007).
"L'observation sociale entre dans le champ des politiques sociales et désigne à la fois l'utilisation des connaissances pour l'élaboration ou l'amélioration des politiques publiques et la mise à disposition de ces données aux citoyens pour l'exercice de leurs droits. Elle est constituée d'éléments et d'outils qualitatifs et quantitatifs pour accroître les moyens de connaissance de la société."(Hatzfeld & Spiegelstein, 2000)
Le but premier de l'observation sociale est d'élaborer des politiques sociales qui correspondent aux territoires. Mais aussi, d'avoir une connaissance large et précise pour fonder des politiques sociales adaptées.
Quand l’observation sociale est défaillante ou inexistante, des angles morts cognitifs peuvent gangréner les politiques sociales aussi bien dans leur dimension structurelle que conjoncturelle.
1.3 Concept d’angle mort cognitif en politiques sociales
1.3.1 Définition de l’angle mort cognitifs
L’angle mort est le point faible ou vulnérable ou la partie masquée, inaccessible, et ou inexploitable du champ de vision dans les différentes étapes chronologiques d’une politique sociale. Sont concernées l’étape de sa conception, de sa mise en œuvre, de sa surveillance et de son évaluation.
En politique sociale ce concept porte sur :
- le manque d’information (méconnaissance de l’existence d’une aide par l’usager ou le professionnel)
- la mauvaise information
- une négligence de l’information
- une mauvaise utilisation d’information ou utilisation inappropriée de l’information.
Les acteurs des politiques sociales menacés par ce risque d’appropriation inappropriée de l’information et des savoirs inhérents sont : les professionnels, les pilotes, les financeurs, les usagers-citoyens, les observatoires, les centres de formation, et tous les autres média qui manipulent les informations relatives au secteur social et médico-social.
Ces angles morts entraînent une inefficience (objectif pas atteint) ou une inefficacité (objectif atteint avec de nombreux manque à gagner, des moyens surdimensionnés)
1.3.2 Le phénomène de non recours aux droits sociaux induit par les angles morts cognitifs
On parle de phénomène de non recours aux droits sociaux (Wavrin, Non recours au RSA: des éléments de comparaison, 2011) quand un usager ne peut jouir d’un accès optimisé à ses droits sociaux fondamentaux, bien que ces derniers ait été prévus par les politiques sociales.
Les causes identifiées et identifiables sont multiples. Parmi celles-ci on peut évoquer :
- Les problèmes d’information précédemment évoqués
- Les conditions de prise en charge inadaptées aux réalités sociales : effets de seuil des conditions d’âge ou de ressources ou approche partielle des sources de vulnérabilité de l’usager
- La peur de la stigmatisation, du déshabillage administratif, de la complexité des formalités administratives…
L’observation sociale basée sur une coproduction de savoirs peut éradiquer de nombreux angles morts cognitifs dont le non recours aux sociaux.
1.4 Les relations fonctionnelles entre l’observation sociale et la coproduction de savoirs
1.4.1 Définition de la coproduction de savoirs en politiques sociales
La coproduction de savoirs est un processus d’observation sociale lato sensu articulant une démarche de participation ascendante et descendante des différents réseaux et partenaires ainsi que des usagers-citoyens. Sa fonction dans la gouvernance des politiques sociales est essentiellement contributive. Il s’agit en effet comme toute démarche d’observation sociale collective de :
1. Collecter, valider scientifiquement, indépendamment et objectivement et de mettre en forme des savoirs en mobilisant tous les acteurs concernés
2. De diffuser et de mutualiser, partager et transférer ces savoirs
3. De neutraliser les angles morts cognitifs précédemment définis
4. D’en assurer l’alimentation et réactualisation permanente
De quels savoirs est-il question ?
1.4.2 Typologie fonctionnelle expérimentale des savoirs co-productibles
De façon exploratoire, nous vous suggérons la typologie suivante.
Les savoirs d’utilité professionnelle :
Agir dans le présent pour gérer l’urgence sociale.
Exemple de savoirs : nouvelle aide facultative ou extra-légale mise en place par un acteur sur un territoire bien délimité
les savoirs de veille sociale adaptative, anticipative ou exploratoire
Se projeter dans le temps et dans l’espace pour mieux s’adapter et pouvoir anticiper de façon optimale
Exemple de savoirs : savoirs issus d’un diagnostic local partagé ou le contenu d’un schéma ou d’un programme territorialisé (Plan Départemental Accueil d’Hébergement et d’Insertion) ou la déclinaison locale d’un plan relatif à un échelon territorial supérieur : national ou européen (Programmes Opérationnels du Fonds Social Européen) dans la Région nord-Pas de calais.
les savoirs transversaux de partage
Ces savoirs sont coproduits par les citoyens-usagers, professionnels, pilotes des politiques sociales : Ensemble, apprendre du passé pour mieux agir et participer dans le présent après une exploration de l’avenir.
Exemple de savoirs : expériences de vie de sortie de pauvreté partagées dans un forum de citoyens ou dans un Réseau d’Echanges Réciproques de savoirs, apprentissage mutuel ou partage de bonnes pratiques des professionnels du secteur social et médico-social
La dynamique de coproduction de savoirs est déterminée par le contexte global de l’accompagnement des personnes en situation de pauvreté et surtout des mutations structurelles qui l’impactent. Ces dernières années, leur nombre a connu une croissance exponentielle alimentée par l’aggravation de la pauvreté des citoyens.
1.5 Impact des mutations du contexte législatif institutionnel socio-économique sur la configuration des savoirs professionnels mobilisables dans les politiques sociales de lutte contre la pauvreté
1.5.1 Les principaux apports en matière de dynamique de coproduction de savoirs des grandes lois
1.5.1.1 Présentation des grandes lois
loi contre les exclusions du 29 juillet 1998
La loi contre les exclusions du 29 juillet 1998 dans son titre 3 sur la réforme des institutions sociales comportait déjà des facteurs susceptibles d’influencer la dynamique de coproduction de savoirs
.
loi 2002-2
Dans cette optique, cette loi ouvrait de nouvelles opportunités en matière de coproduction de savoirs par :
- L’instauration des Conseils de vie sociale ou toute autre forme de participation des usagers (enquête de satisfaction), y compris à son projet socio-éducatif
- Le renforcement des outils collectifs et individuels de régulation des établissements sociaux et médico-sociaux à savoir la planification, l’évaluation, le conventionnement, la contractualisation le groupement et la mutualisation.
loi du 11 février 2005
Ces 2 textes ont influencé la dynamique de coproduction des savoirs en induisant la nécessité d’une appropriation par les professionnels des savoirs :
- sur les leviers de l’insertion professionnelle des PSH( personnes en Situation de Handicap)
- les données pluridisciplinaires sur la crise du marché du travail.
La démarche d’insertion en milieu de travail aménagé et en milieu ordinaire a dans cette optique subi de remarquables mutations.
Par ailleurs, les personnes en situation de handicap, grâce au principe du droit à la citoyenneté active, ont vu renforcée leur capacité à participer à la vie sociale ; donc aux processus de coproduction de savoirs.
Loi sur la cohésion sociale du 18 janvier 2005
Les équipes de réussite éducative
Le microcrédit social de l’économie sociale et solidaire
Loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance et des majeurs
Partage du secret professionnel
La MASP et la MAJ : source de coproduction de savoirs
Loi du 1er décembre 2008 portant expérimentation du RSA
Cette loi impulse autrement une dynamique de coproduction de savoirs en prévoyant deux types de participation ascendante des bénéficiaires du RSA aux politiques d’insertion.qui les concernent.
D’une part, elle impose le principe d’une participation effective des personnes intéressées à la définition, à la conduite et à l’évaluation des politiques d’insertion.
D’autre part, les mécanismes techniques du RSA ont formalisé dans le principe une démarche de concertation, d’association avec les usagers, notamment au sein des équipes pluridisciplinaires.
Par ailleurs, la réforme du pilotage des politiques d’insertion au niveau départemental privilégie largement la démarche de diagnostic partagé, de planification et de contractualisation au niveau départemental.
Lois du 1er août 2003 sur la procédure de rétablissement et la loi du 1er juillet 2010 sur la réforme du crédit à consommation
Ces textes instaurent une coproduction de savoirs entre les travailleurs sociaux et les autres acteurs intervenant dans les différentes procédures de traitement du surendettement.
Le travailleur social :
1. partage son expertise sociale au sein des commissions de surendettement avec une voix décisionnelle,
2. peut représenter la personne surendettée dans la phase contradictoire face à la commission de surendettement
3. fait de l’observation sociale dans les phases préliminaires de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire
4. effectue un suivi des surendettés bénéficiant de cette mesure pour faciliter leur réinsertion sociale, notamment à travers la mesure de rétablissement personnel. De ce point de vue, l’aide éducative à la gestion du budget est désormais légalement liée à la procédure de surendettement
1.5.1.2 Les angles morts cognitifs
Les bons principes de coproduction des lois précédentes ont du mal à se concrétiser sur le terrain générant de multiples effets pervers en termes d’angles morts cognitifs dont les plus significatifs sont les suivants.
Les angles morts découlant des difficultés à passer d’une notion de secret professionnel à une notion de secret professionnel partagé pour une approche spatiale et temporelle adaptées de l’usager :
Les angles morts découlant de l’insuffisante exploitation de certains documents fondamentaux exploitation par les professionnels
- des résultats des diagnostics territoriaux , du contenu des documents de programmation et de prévision des politiques sociales sur plan départemental , régional, national et européen
- des rapports annuels
- Les angles morts liés à la démocratie participative :
D’une démocratie directe souhaitée on passe donc par la force des choses à une démocratie représentative qui n’est pas forcément toujours appropriée.
Les lacunes de l’observation sociale dans les établissements
En dépit de ces évolutions législatives susceptibles de faciliter l’observation sociale dans les institutions sociales, force est de constater, que celle-ci n’est qu’embryonnaire.
Les angles morts cognitifs en matière d’accompagnement des personnes en situation de surendettement
- Pilotage décloisonné des problématiques de surendettement (Etat, Conseil Général)
- Les rapports d’activités des différentes commissions de surendettement sont riches de savoirs territorialisés mais manquent de centralisation dans un support unique « mutualisable »
- Les groupes de parole dans le cadre des problèmes de surendettement donnent d’excellents résultats en matière de prise en charge du surendettement et pourtant ces expériences concrètes ne sont pas capitalisées encore moins mutualisées, partagées.
- Les insuffisances de la loi Lagarde du 1 juillet 2011
- L’exclusion des accédants à la propriété des propriétaires et des professions libérales
- La longueur des délais de prise en charge dans les dans les Unités territoriales pour la prise en charge des personnes en situation de surendettement à cause du manque de spécialisation de certains professionnels
1.5.2 Mutations liées à l’évolution des politiques sociales dans l’Union Européenne
Définition de la MOC (Méthode Ouverte de Coordination)
La Méthode Ouverte de Coordination est une technique de régulation basée sur des règles non obligatoires et flexibles « soft law ». L’objectif de cette méthode est d’induire un processus décisionnel flexible permettant aux acteurs des politiques sociales les moins performants de s’approprier les meilleures pratiques de leurs pairs.
La dynamique de coproduction de savoirs repose sur un processus d’échanges et d’apprentissages mutuels, en d’autres termes par une mutualisation des bonnes pratiques. (Commission Européenne, 2006) (Commission Européenne Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion Unité 01, 2011) (Dehousse, 2004)(IGAS, 2006)
Définition de la Peer review ou évaluation par les pairs
Initiée depuis 2004 dans le cadre du programme communautaire de lutte contre l’exclusion, l’évaluation par les pairs est une méthode consistant à « mettre en œuvre un processus volontaire d’enseignement mutuel grâce auquel les États membres et la Commission développent un échange systématique d’expériences, de systèmes d’évaluation, de politiques, de programmes ou de modalités institutionnelles qui peuvent être considérés comme de bonnes pratiques dans le cadre du processus européen d’inclusion sociale » (CNLE: Conseil National de lutte contre l'Exclusion, 2011).
Le réseau EAPN (European Anti Poverty Network) :
Ce réseau regroupe les associations et les groupes engagés dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans les Etats membres de l’Union européenne. Leur objectif est avant tout par le lobbying et la MOC, de promouvoir le bien-être des personnes en situation de pauvreté en les impliquant dans une démarche participative
Définition de PROGRESS (Programme Européen pour l'Emploi et la Solidarité Sociale)
Le Programme Européen pour l'Emploi et la Solidarité Sociale, appelé PROGRESS a été crée en 2006(Commission Européenne, 2006) pour soutenir financièrement la mise en œuvre des objectifs de l'Union européenne dans les domaines suivants :
- Emploi
- Inclusion et protection sociales
- Conditions de travail
- Non-discrimination
- Égalité entre les femmes et les hommes
Exemple de coproduction de savoirs issue de la MOC, financé par Progress
Nom du projet : Pour une Europe sociale, apprenons la MOC ! (Fondation Armée du Salut, 2010)
Acteurs du projet :
- La Fondation de l’Armée du Salut. Pilote le projet au niveau national.
- Le Secours Catholique
- L’UNIOPSS (Union Nationale Interfédérale des œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux)
- La DGAS (Direction Générale de l’Action sociale) remplacé plus tard par la DGCS (Direction Générale de Cohésion Sociale)
- L’UNCCAS (Union Nationale des Centres Communaux d’Action Sociale)
- EAPN France
Lieux d’expérimentation du projet :
- Une dimension nationale à partir de l’agrégation des expériences régionales
- Une dimension régionale : Nord-Pas-de-Calais, Haute Normandie, Champagne Ardenne, Ile-de-France, Rhône Alpes, PACA
Le choix des régions ci-dessus s’explique par l’expérience des 3 premières sur le
Projet « Regards croisés sur les politiques d’inclusion sociale » et par la présence de
relais associatifs fortement engagés sur le thème de la démocratie participative pour
les autres.
Résultats :
- Un cahiers de propositions concrètes (Fondation Armée du Salut, 2010)
- Une synthèse des échanges (Fondation Armée du Salut, 2010)
Les angles morts
Ces projets innovants n’ont pas eu l’écho qu’ils méritent chez les acteurs des politiques sociales de lutte contre la pauvreté y compris sur les territoires ciblés. Le transfert n’a donc pas été optimisé ce qui représente un manque à gagner.
1.5.3 Mutations liées à la prolifération d’observatoires
Le paysage social français se caractérise par une profusion d’observatoires véhiculant parfois des informations identiques, redondantes voire contradictoires. Ces insuffisances rendent pertinentes la question de l’observatoire des observatoires pour mieux mutualiser leurs informations. Cette question est d’autant plus pertinente que de nombreux professionnels en ignorent l’existence dans leur mission de veille sociale et documentaire pour l’action. Une centralisation pourrait limiter ce manque à gagner.
1.5.4 Mutations liées à la territorialisation des politiques sociales par des approches en termes de Développement Social Local
Les multiples expériences locales réussies dans ce domaine sont très peu mutualisées au niveau national. Cet angle mort pourrait être neutralisé par un observatoire territorialisé pour les mettre à la disposition des autres acteurs impliqués dans des dispositifs de type DSL.
1.5.5 Mutations liées à l’instrumentalisation de l’économie solidaire dans les politiques sociales
L’économie sociale et solidaire dans le contexte actuel, offre de nombreuses opportunités de prise en charge adaptée aux politiques sociales de lutte contre la pauvreté.
D’abord parce secteur hybride entre la logique non marchande et la logique marchande, elle permet d’accompagner en limitant au maximum les risques d’assistanat. Elle privilégie en effet la démarche d’acteur.
D’autre part, parce qu’économie sociale aussi, elle a su exploiter les leviers du monde associatif, acteur incontournable dans la lutte contre la pauvreté.
Enfin, souvent non monétaire ou basée sur un partenariat avec des acteurs économiques puissants (grandes surfaces, banques, industries agro-alimentaires) elle ne nécessite que très peu de moyens pour des interventions efficaces ; ce qui paraît adapté en période de disette budgétaire.
L’efficacité actuelle du microcrédit social, des épiceries solidaires, des réseaux d’échanges réciproques de savoirs et des systèmes d’échanges locaux témoigne de ce dynamisme particulier.
Cette capacité des dispositifs d’économie solidaire en fait des lieux d’excellence pour la coproduction de savoirs en politiques sociales
1.5.6 Mutations liées à la redécouverte des vertus de l’éducation populaire :
L’éducation populaire dans l’accompagnement des personnes démunies, procède d’une dynamique de réactivation des capacités d’autonomie de ces dernières. Cette qualité est de nature à limiter l’infantilisation ambiante des usagers. Ce risque découle d’une aliénation de l’individu en rapport avec l’adhésion forcée à des valeurs dominantes et ce au nom de la lutte contre l’assistanat. La valeur ajoutée sociale d’une activité d’insertion à laquelle l’usager adhère (parce qu’ayant plus de sens pour lui) est sans doute plus reconstructrice qu’un travail normé même s’il garantit une valeur ajoutée économique.
1.5.7 Mutations liées à l’appropriation professionnelle du développement durable
Les (3+ 1) piliers du développement durable sont : l’équité sociale, la performance économique et la protection de l’environnement sans oublier le critère transversal de la bonne gouvernance. Pour le professionnel du secteur social, la bonne gouvernance et l’équité social posent moins de problèmes en termes d’appropriation que la performance économique et la protection de l’environnement. Ces 2 derniers paraissent plus abstraits même si en matière de lutte contre la pauvreté, des actions d’utilité sociale comme l’écocitoyenneté et la gestion de la précarité énergétique offrent des leviers importants dans le contexte actuel.
La représentation qu’a le professionnel de l’efficacité économique est avant tout celle de la rigueur budgétaire dans la gestion des fonds publics au détriment de la qualité de la prise en charge.
1.5.8 Mutations issues des multiples crises financières et socio-économiques
Depuis 2007, la crise des subprimes et celle des dettes souveraines ont entraîné une mutation des politiques sociales de lutte contre la pauvreté. D’abord, Sur le plan quantitatif, le nombre de personnes en situation de pauvreté a augmenté et celui des personnes touchées par les pauvretés catégorielles aussi. Il s’agit de ce point de vue, de la pauvreté des enfants, des familles monoparentales, des personnes âgées, des ruraux, travailleurs, des jeunes et des étudiants.
Plus préoccupant, les acteurs en charge des politiques sociales de lutte contre la pauvreté se sont eux-mêmes appauvris. Déficits budgétaires et difficultés financières de l’Union européenne, de l’Etat, des administrations de la sécurité sociale, des collectivités locales et des associations gestionnaires ainsi que de leurs financeurs privés (dons, parrainage et mécénat social)
Enfin, l’opinion publique s’est radicalisée dans le jugement des personnes démunies puisqu’elles sont de plus en plus stigmatisées au point de générer chez certaines, un sentiment de culpabilité aggravant les conséquences de leurs crise matérielle.
Le constat qui s’impose, est que les politiques sociales n’ont pas encore pris la juste mesure des conséquences sociales liées à ces crises. Cela induit des angles morts préjudiciables. Le travailleur pauvre doit toujours « négocier son statut de pauvre pour ne pas être taxé de mauvais pauvre » en d’autres termes de fraudeur. La lutte contre la fraude sociale même si elle procède de la recherche de l’application du principe du « juste droit », livre les démunis à la stigmatisation et à la condamnation populaires ; générant un phénomène de non recours aux droit sociaux. Les vecteurs en sont un renforcement du déshabillage administratif et la démultiplication d’obstacles dans le parcours du combattant administratif du pauvre pour accéder à ses droits sociaux fondamentaux.
1.5.9 Mutations en termes de nouvelles exigences théoriques en matière d’approche de la pauvreté
La trilogie de la souffrance sociale
L’appropriation professionnelle de cette trilogie repose de façon incontestable sur une dynamique de coproduction de savoirs. On ne peut être spécialiste en tout.
L’inefficacité des approches objectives de la pauvreté monétaire
Le chantier de la définition opérationnelle de la pauvreté repose sur une coproduction de savoirs par tous les partenaires impliqués. L’objectif est d’élaborer une définition commune de la pauvreté pour éviter un traitement inégalitaire.
la pauvreté du travailleur
La pauvreté du travailleur, une des pauvretés catégorielles en évolution constante, a révélé pendant plusieurs décennies les angles morts du travail social puisque la plupart du temps les personnes concernées sont considérées comme trop riches pour être prises en charge par les professionnels mais en réalité trop pauvres pour se prendre en charge elles-mêmes.
Il a fallut la création du RSA activité pour atténuer cette exclusion mais à l’heure actuelle ce dispositif est perfectible car il souffre d’un non recours aux droits sociaux avec un des taux les plus forts en France soit 68%.
le phénomène du recul des frontières de la jeunesse
Le phénomène du recul des frontières de la jeunesse regroupe 3 événements majeurs dans la vie d’un homme : la fin des études et l’entrée dans la vie active, le départ de chez ses parents et la formation d’une famille (Galland, 1996)
Une des mutations majeures de ces dernières années réside dans le fait que ces 3 événements ont subi 3 types de changement : ils sont plus tardifs, ils sont moins synchronisés, et ils sont moins définitifs.
Les jeunes exercent donc une pression telle sur le budget familial de leur parent ou grands parents, qu’il peut y avoir induction ou aggravation d’une pauvreté humaine ou catégorielle. On peut citer en exemple la pauvreté du travailleur et la pauvreté des personnes âgées.
Un des angles morts des politiques sociales surtout familiales réside dans le fait qu’elles n’ont pas intégré et opérationnalisé de façon appropriée ce phénomène pourtant majeur dans leurs systèmes de redistribution verticale et horizontale.
Ceci explique sans doute la vulnérabilité plus grande des jeunes entre 21 ans et 25 ans.
le déterminisme de l’économie cachée de parenté ou plutôt de la déséconomie cachée de la parenté
L’évolution de la société actuelle nous autorise à parler plutôt d’une déséconomie cachée de la parenté car pour être moins vulnérable à certaines formes de pauvreté, parfois, « il vaut mieux être seul que mal accompagné ».
L’homogamie sociale cumulée au recul des frontières de la jeunesse génèrent des coûts et donc des freins à la sortie de pauvreté : cumul de vulnérabilité au sein du couple, difficulté à faire garder ses enfants surtout ceux en bas âge et pas encore scolarisés, un conjoint qui freine ou s’oppose à l’activité professionnelle de l’autre, surendettement suite à un crédit souscrit pour aider une jeune adulte de la famille….
Les déséconomies d’échelle de la parenté sont induites par la mauvaise compensation par les politiques sociales des coûts économiques que génère le jeune adulte sur l’économie familiale.
Les déséconomies cachées de la parenté constituent par conséquence un angle mort des travailleurs sociaux dans leur prise en charge de la pauvreté.
la pauvreté humaine
L’approche humaine de la pauvreté offre par conséquent de nombreuses opportunités de coproduction de savoirs. Le travail sur les incapacités rend impératif un travail en réseau et en partenariat : Ateliers santé, socio-esthétisme, jardinage, gestion du budget familial, théâtre….
la pauvreté subjective
La pauvreté subjective est une des huit approches de la pauvreté monétaire. La plupart des seuils de pauvreté de l’approche monétaire privilégient la mesure objective alors que l’approche subjective elle, se centre sur le sujet et donc sur la personne en situation de précarité. Est donc privilégiée son appréciation de sa vulnérabilité financière personnelle, de sa souffrance sociale.
Bien que décriée, cette approche a le mérite de prendre en considération, pour une fois, la parole de l’usager citoyen. Ses représentations peuvent donc pour le travailleur social constituer un vecteur de coproduction de savoirs et l’éclairer dans sa prise en charge.
Les angles morts cognitifs :
L’objectivisation et la standardisation excessives de la prise en charge du sujet en situation de pauvreté peuvent entraîner une minoration des éléments suivants qui peuvent pourtant contribuer à une dynamique de sortie de pauvreté :
1- En matière de pauvreté, le plus important ce n’est pas ce que l’on est mais plutôt ce que l’on pense qu’on est. La perte de l’estime de soi, la perte de repères, le sentiment d’inutilité sociale en d’autres termes la crise de sens peuvent, si on n’en prend pas la juste mesure, générer un immobilisme dans la pauvreté. L’approche objective et monétaire de la pauvreté peut amener le travailleur social à ne s’intéresser qu’à l’arbre qui cache la forêt (de souffrance sociale) : les ressources monétaires
2- Les documents objectifs produits comme justificatifs de revenus pour une prise en charge, cachent souvent des fragilités personnelles, subjectives qui relèvent par exemple de déséconomies cachées de la parenté : homogamie sociale, prise en charge de jeunes adultes fiscalement autonomes mais qui sont en réalité une charge issue de recul des frontières de la jeunesse. Des « Tanguy » à distance.
3- Les incapacités au sens d’Amartya Sen peuvent ainsi être appréhendées dans cette représentation de l’usager : exemple une incapacité à gérer son budget, une incapacité à valoriser ses savoirs, une incapacité à vivre longtemps et en bonne santé, une démotivation par rapport à la valeur travail …
1.5.10 Appropriation professionnelle laborieuse de la pluridisciplinarité et la transdisciplinarité
Ces champs disciplinaires sont jugés hermétiques voire rébarbatifs par les travailleurs sociaux en formation.
Certains des savoirs acquis sont souvent perçus par les professionnels en formation comme manquant de légitimité, comme dépourvus d’utilité professionnelle. Généralement, il faut attendre qu’ils reviennent en formation de type CAFERIUS ou CAFDES pour assouplir voir changer ce jugement négatif.
1.5.11 Mutations issues des réformes des programmes de formation des travailleurs sociaux
Parmi les problématiques au cœur des débats actuels on peut mentionner de façon non exhaustive les écueils suivants.
manque d’une cohérence d’ensemble des référentiels qui « entraîne sur le terrain des « chevauchements dans le contenu des métiers »
la normalisation des référentiels peut mettre en difficulté les nouveaux professionnels dans leur investissement dans le réel social
Déstabilisation pédagogique des sites qualifiants
Conséquences des réformes en termes d’effets de ciseaux :
Le savoir-être des travailleurs sociaux en formation se trouve « laminé » par un effet de ciseau :
- le fossé entre les savoirs de base dispensés par les centres de formation dans l’application des référentiels et les savoir-faire des sites qualifiant déterminés par la culture institutionnelle et la dynamique de groupe des équipes.
- leur fréquent jeune âge entraînant une fragilité de leur expérience de vie face aux situations professionnelles complexes que génèrent les usagers.
1.5.12 Mutations issues du brouillage des fondements traditionnels des politiques sociales par les pratiques professionnelles
Les politiques sociales sont organiquement liées à la protection sociale qui se compose de la sécurité sociale, de l’aide sociale et de l’action sociale. La complexification de la pauvreté a brouillé cette catégorisation dans les pratiques professionnelles. Les administrations de la sécurité sociale comportent de plus en plus de dispositifs qui relèvent de l’aide sociale. On peut citer comme exemple le Fond d’Action Sanitaire et Sociale de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie qui comporte des prises en charge de type aide sociale ou action sociale.
Cette mutation génère des angles morts pour les usagers qui connaissent plus les remboursements des soins que la prise en charge du RAC : Reste à charge pour certaines dépenses de santé peu ou prou remboursées, par le FASS
De nombreuses institutions ignorent par ailleurs les opportunités de financement de la coproduction de savoirs dans le cadre d’un partenariat financé par le FASS. On peut évoquer les actions collectives de prévention, d’éducation à la santé que financent certains FASS.
De façon traditionnelle, on oppose la logique bismarckienne (assurantielle car contributive) à la logique béveridgienne (assistantielle car non contributive). Les pilotes des politiques sociales ont dû s’adapter à l’évolution de la pauvreté en mettant en place des systèmes hybrides qui génèrent des angles morts conséquents.
En effet, certains usagers peuvent utiliser la CMU (Couverture Maladie Universelle) comme assurance volontaire et donc cotiser à hauteur de 8% de leurs revenus pour la partie qui dépasse le plafond CMU.
Les minima sociaux sont généralement rattachés au système assistantiel, cette catégorisation n’est plus d’actualité puisque la perception de certains minima sociaux est liée à une contribution antérieure. L’Allocation Spécifique de Solidarité et l’allocation supplémentaire d’invalidité se rangent dans cette catégorie, le RSA activité aussi.
L’angle mort qui en découle est que dans les mentalités, un bénéficiaire de minimum social est forcément un « non contributeur » ce qui a une résonnance, à tord, d’assisté. Ce type de stigmatisation peut contribuer au non recours aux droits sociaux.
La gestion de l’urgence sociale a renforcé la capacité des institutions à créer ex nihilo des dispositifs d’intervention. En ce qui concerne les aides sociales, elles sont donc de plus en plus soit facultatives, soit extra-légales. En dépit de leur efficacité, ces dispositifs sont souvent mal connus de toutes les parties prenantes.
L’aide sociale se distingue de l’action sociale parce qu’elle est individuelle, spécialisée, subsidiaire mais aussi récupérable (AUBIN, 2008, p. 18 et s). A ces principes, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion a rajouté récemment le principe du « juste droit » (CNLE, 2013). L’aggravation de la pauvreté et la complexité de sa gestion administrative de ces dernières années, ont, en termes d’angle morts, démultiplié des récupérations brutales d’indus plongeant les personnes démunies dans une désespérance dramatique. Ce manque de délicatesse aurait probablement contribué à certains suicides de chômeurs « recalculés ». De nouveaux cas alimentent chaque jour le contentieux de récupération des aides sociales surtout dans les territoires les plus touchés par les exclusions.
Un angle mort observé ces dernières années, découlant du brouillage des fondements des politiques sociales concerne les principes d’égalité (constitutionnelle), d’équité (AUBIN, 2008, p. 34) et de mixité sociale. Les savoirs professionnels se trouvent dans leur application écartelés entre ceux-ci. Le rôle du conseil constitutionnel dans ce grand écart douloureux n’est sans doute pas neutre. Tout concepteur de politiques sociales se doit donc de s’entourer d’éminents constitutionnalistes sous peine de voir certains dispositifs invalidés. La pirouette du principe d’égalité de chances ne permet pas de faire adopter le principe d’équité qui est traité de plus en plus comme une inégalité constitutionnelle.
La stigmatisation rampante des pauvres dans l’opinion publique, rend impérative pour toute décision de politiques sociales, la mise en place de mesures de pédagogie car le changement de mentalités malheureusement ne se décrète point.
Enfin, La territorialisation de certains financements, voire du suivi, empêche l’exploitation des opportunités de prise en charge extraterritoriale et un meilleur suivi des usagers dans le temps et dans l’espace ; dans une logique de cohérence.
Les régions frontalières telles que le Nord pas de calais peuvent en pâtir pour des prises en charge de qualité réalisables en Belgique.
La coproduction de savoirs devrait être aussi transfrontalière
Il ressort des analyses précédentes, des manques à gagner pour les savoirs professionnels dont les plus significatifs sont les suivants :
- Manque de dispositifs de veille sur les nouvelles aides facultatives et extra-légales : certains usagers connaissent mieux l’offre et les aides que les professionnels
- Manque de capitalisation de diffusions, de mutualisation ou de transfert des bonnes pratiques en matière de lutte contre la pauvreté humaine surtout pour gérer l’urgence sociale.
Le caractère structurant des mutations évoquées, offrait de nombreuses opportunités d’impulsion d’un processus de coproduction de savoirs mobilisables en tout temps et tout lieu ; pour l’accompagnement efficient des personnes démunies. Cependant, le constat qui s’impose après toutes ces années, est sans doute celui de la persistance de nombreux angles morts source de nombreux manques à gagner et coûts d’opportunités dans l’intervention sociale au quotidien.
En conséquent, la crise budgétaire actuelle des administrations de la protection sociale, relance naturellement la cruciale question de leur neutralisation optimale sans détériorer la qualité de la prise en charge des usagers des politiques sociales d’accompagnement des personnes en situation de pauvreté.
2 Neutralisation des angles morts cognitifs par la coproduction mutualisée et territorialisée des savoirs
2.1 Exigences méthodologiques du processus de coproduction de savoirs
La coproduction de savoirs en politiques sociales procède bien d’une observation sociale classique comme définie par Haztfeld . Cependant, elle devrait comprendre 3 exigences méthodologiques minimales :
1. Impulser une démarche de travail en réseau et en partenariat transcendant les seuls établissements concernés et impliquant une démarche participative ascendante des usagers-citoyens
2. Adopter une typologie fonctionnelle trilogique des savoirs pour garantir leur opérationnalité :
a. savoirs professionnels structurels et d’urgence sociale,
b. des savoirs de veille sociale adaptative, anticipative et exploratoire
c. des savoirs transversaux solidaires et participatifs basés sur les apports de l’économie du savoir et l’économie solidaire
3. cibler de façon prioritaire les angles morts cognitifs des acteurs et usagers des politiques sociales comme ceux listés de façon non exhaustive par nos travaux
2.2 Contours d’un Observatoire Territorialisé pour l’Inclusion Sociale et contre la Contre la Pauvreté Humaine : OTISPH
2.2.1 Missions de l’OTISPH
contribuer à la déclinaison territoriale du nouveau plan pluriannuel contre la pauvreté et pour inclusion sociale
Contribuer à la mise en place d’un chantier de coproduction de savoirs pour remédier au mille-feuilles des seuils de pauvreté monétaire
Contribuer à l’éradication du phénomène de non recours aux droit sociaux
Contribuer à la constitution d’une banque d’expériences
Contribuer aux différents diagnostics territoriaux partagés
Contribuer à la mise en place d’une véritable politique sociale territorialisée, préventive et d’urgence sociale
Etre un observatoire des observatoires pour proposer un guichet territorial unique en matière de savoirs sur les politiques sociales de lutte contre la pauvreté
Capitaliser exploiter et optimiser l’expérience des guichets uniques pour gérer l’urgence sociale
Centraliser Capitaliser et diffuser la production de savoirs issus des observatoires existants
Il s’agit de mutualiser et d’opérationnaliser certains contenus des observatoires listés précédemment.
Centraliser et améliorer la connaissance du contenu des documents de régulation collective et individuelle des établissements sociaux par les pilotes.
Centraliser Capitaliser et diffuser la production de savoirs des travailleurs sociaux en formation validés par leurs écoles :
Sont ciblés entre autres :
- Dossiers TPR (Travail, Partenariat et Réseaux) dont certains sont excellents et proposent des expériences alternatives et innovantes
- Diagnostics de territoire,
- mémoires d’études, (Arrêté du 20 octobre 2008 modifiant l'arrêté du 29 juin 2004 relatif au diplôme d'Etat d'assistant de service social , 2008)(Décret n° 2007-899 du 15 mai 2007 relatif au diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé , 2007)
- tables rondes orchestrées par les écoles
Diffuser et contribuer au partage des savoirs pédagogiques issus de co-construction de l’alternance
Les sites qualifiant et les formateurs-terrains, les centres de formation, les observatoires des qualifications, les universités, les ministères de tutelle échangent parfois leur point de vue sur la pédagogie la plus adaptée à la formation des futurs professionnels. Ces échanges ne concernent que quelques centres de formation ou quelques territoires. Ces expériences validées pourraient être diffusées par l’observatoire projeté.
Garantir une transdisciplinarité et pluridisciplinarité des savoirs professionnels des travailleurs sociaux afin de les décloisonner
- L’observatoire devrait se positionner comme un super « Vidal » des politiques sociales de lutte contre la pauvreté
- Développer la veille documentaire en associant les centres de documentations des différents acteurs
Créer et animer une bourse d’offres et de demandes de mutualisation, de capitalisation et de transfert de savoirs issus de bonnes pratiques.
Eviter que, faute de transferts, certaines bonnes pratiques ne disparaissent.
Contribuer à la diffusion et à l’appropriation sur un territoire des méthodes de coproduction de savoirs qui ont fait leur preuve
Il s’agit des dispositifs basés sur la MOC, les Peer review, ou évaluation par les pairs, les forum-citoyens, la démocratie participative, les RERS et les SEL
On peut rajouter ceux basés sur l’approche par pauvreté subjective et humaine comme :
1. Le 8ième collège du CNLE, (Dinet, Thierry, & Janvier, 2013, p. 5)
2. Le Croisement des savoirs (ATD).A partir de son université populaire réunissant personnes en situation de pauvreté, volontaires et « alliés » du mouvement, et avec l’appui d’universitaires et de chercheurs, ATD a progressivement mis au point une méthodologie du « croisement des savoirs » visant une co-formation ou une formation réciproque des personnes en situation précaire et de professionnels ou d’institutionnels venus d’horizons très différents.
3. Le Conseil Consultatif des Personnes Accueillies (CCPA) de la Fondation Armée du
Salut : constitue une démarche participative innovante, un mixte de démocratie représentative et de démocratie participative.
L’enjeu étant d’associer étroitement les usagers-citoyens à la coproduction des savoirs relatifs à leur inclusion sociale.
Mobiliser et redéployer pour son fonctionnement des moyens existants et solliciter des financements européens de PROGRESS
L’observatoire devrait obtenir des financements dans le cadre du programme PROGRESS
Contribuer au développement de l’observation sociale dans les établissements sociaux et médico-sociaux et à la diffusion et mutualisation de leur contenu
Contribuer à la mise en place d’outils d’observation sociale
Contribuer à l’adaptation de l’évaluation interne et externe
En recommandant l’intégration de l’observation sociale dans les critères d’évaluation interne et externe des établissements impliqués dans la lutte contre la pauvreté humaine :
- Nécessité d’en avoir
- Nécessité de les alimenter et les actualiser régulièrement
- Nécessité de les partager et de les mutualiser sur des plateformes territoriales de coproduction du capital savoir comme celle que nous recommandons
Enrichir les écrits obligatoires d’éléments d’observation sociale :
.
2.3 Nouveau contexte porteur et favorable pour la mise en place de l’observatoire : Le plan Pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
2.3.1 Le silencieux enrichissement du modèle social français par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
Le plan Pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté suite à la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 10 et 11 Décembre 2012, enrichit discrètement, sans tambour ni trompette, le modèle social français et les fondements des politiques sociales de lutte contre la pauvreté.
Cet enrichissement fondamental découle aussi bien des grands principes énoncés, que des principales mesures du plan.
2.3.2 Les leviers potentiels de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
2.3.2.1 Les leviers des 6 grands principes du plan pour l’observatoire territorialisé
La partie qui suit reprend textuellement les principes tels que figurant dans le document original à savoir la fiche de synthèse du plan (CNLE, 2013, p. 1) . L’importance du contenu justifie cette entorse méthodologique.
- Le principe d’objectivité.
- Le principe de non-stigmatisation
- Le principe de participation des personnes en situation de pauvreté à l’élaboration et au suivi des politiques publiques
- Le principe du “juste droit”
- Le principe de décloisonnement des politiques sociales
2.3.2.2 Les leviers des mesures du plan pour l’observatoire
1. Nécessité d’une déclinaison territoriale du plan
2. La lutte contre le non recours aux droits sociaux en ce qui concerne les minima sociaux, la CMU et l’ACS (Aide à la Complémentaire Santé)
3. La création d’un registre national des crédits aux particuliers (dit “fichier positif”) pour participer à la lutte contre le surendettement
4. Création d’un observatoire de l’inclusion bancaire, qui appréciera publiquement les pratiques des banques envers leurs clients en difficulté financière
5. Accentuer la territorialisation des politiques de lutte contre la pauvreté (Dinet, Thierry, & Janvier, 2013):
6. Développer sur de larges bases la participation des personnes en situation de pauvreté et de précarité à l’élaboration et au suivi des politiques publiques
7. Refonder le travail social
a. Moderniser l’appareil de formation pour améliorer la qualité des formations
b. Améliorer la formation des travailleurs sociaux aux questions budgétaires et bancaires
8. Observer les besoins, évaluer et capitaliser les pratiques habituelles de l’action sociale
a. La mobilisation plus régulière et rigoureuse de la statistique publique (INSEE, DARES, DREES) et des données disponibles dans les caisses nationales de la sécurité sociale.
b. Le développement de l’observation territoriale, à travers notamment la généralisation de l’observation régionale et l’aboutissement de la mise en place de réseaux d’observation (exemple : les SIAO).
c. Le lancement d’un chantier sur l’approche des potentialités et des richesses, non mesurables en termes de comptabilité nationale, des personnes et des territoires.
d. Le lancement d’un chantier sur l’évaluation des coûts évités grâce à l’intervention sociale, notamment préventive.
e. La construction d’un réseau de capitalisation des pratiques significatives
Conclusion
Le nouveau plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale aura un effet potentiel positif et structurant sur le modèle social français. Il pourrait en être de même sur la neutralisation des angles morts cognitifs des politiques sociales de lutte contre la pauvreté humaine. Un observatoire comme celui que nous suggérons pourra en être un des vecteurs
Dans ces conditions, il relève de l’urgence sociale et de l’efficience opérationnelle que ses principales mesures soient appliquées sans délai, compte tenu de l’aggravation de la souffrance sociale en lien avec l’intensification de la crise du marché du travail. N’est-il pas établi dans le contexte social actuel et comme l’affirmait Keynes « qu’à long terme nous serons tous morts (Keynes, 1924)» ?
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