Fiche Documentaire n° 3213

Titre Introduction de la perspective de genre dans la formation des éducateurs spécialisés et des moniteurs éducateurs.

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Auteur(s) SAN MARTIN EVANGELINA  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Introduction de la perspective de genre dans la formation des éducateurs spécialisés et des moniteurs éducateurs.

Notre société demeure encore le lieu où certains phénomènes sociaux tels que les inégalités entre les hommes et les femmes, les violences faites aux femmes et les stéréotypes d’ordre sexiste persistent. L’éducateur spécialisé et le moniteur éducateur, missionnés pour l’accompagnement des individus en difficulté sociale doivent prendre en compte ces éléments contextuels pour bâtir et réfléchir leur pratique. C’est pourquoi, nous avons intégré deux instances de formation obligatoires sur les rapports sociaux de sexe à vocation de sensibiliser et de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine éducatif. La première instance prend la forme d’un module intitulé « Rapports sociaux hommes-femmes », la deuxième instance s’agit d’un atelier intitulé « Les pratiques professionnelles sous la perspective de genre ». Le module, vise à travailler sur la déconstruction des stéréotypes, prendre conscience des inégalités existantes, former les futurs professionnels au sujet des violences faites aux femmes. Pour y parvenir, nous prenons le parti d’une pédagogie constructiviste et coopérative, qui conduit à revisiter nos présupposés fondamentaux à l’égard des hommes et des femmes et de leur place au sein de la société. Pour ce faire, nous prenons comme point de départ leurs connaissances et dires pour cheminer, à l’aide des activités, des apports théoriques et de l’échange en groupe, vers un questionnement et vers la co-construction de nouvelles connaissances. Par cette démarche, les individus ont la possibilité de développer une réflexion critique et de modifier et transformer leur rapport à soi et aux autres. Dans cette perspective, nous visons un apprentissage « transformateur » afin que la personne adopte des comportements et des pratiques professionnelles respectueuses et génératrices d’égalité. Par ailleurs, nous privilégions l’intervention des différents acteurs ayant des compétences spécifiques. L’atelier est destiné aux moniteurs éducateurs en situation d’emploi engagés dans la formation d’éducateur spécialisé dans un cursus « allégé ». Bien si les éléments contextuels mis en avant précédemment restent valables pour cette instance, d’autres facteurs sont aussi à l’origine de la conception de cet atelier. D’une part, l’idée, plus au moins répandue, selon laquelle les interventions éducatives sont neutres et dépourvues d'un effet sexué, cette idée qui est considérée comme un « allant de soi » coexiste avec une autre, en apparence contradictoire, qui viendrait nous signaler l’existence d’une sorte d’injonction des places et des rôles selon le genre. Ces dires ont été pour nous une source d’inspiration pour aller interroger les pratiques professionnelles au regard de la dimension sexuée de l’espace social et de notre propre construction en tant qu’hommes et femmes. L’objectif étant de rendre visible les effets que cette construction a sur nos pratiques professionnelles ainsi que les effets que celles-ci peuvent avoir sur la dynamique de genre. Ces éléments constituent pour nous une condition nécessaire pour, d’une part, dénaturaliser les places, envisager des interventions soucieuses d’égalité et ériger le groupe comme une instance génératrice de savoirs. Pour mener à bien nos objectifs, les stagiaires, en s’appuyant sur les allés-retours entre le terrain et l’école, recueillent, analysent et mettent à étude leurs observations sur les pratiques professionnelles en prenant comme grille de lecture la perspective de genre ; sorte de recherche-action engageant le stagiaire dans la production des connaissances. Quant à l’évaluation de ces deux instances de formation, nous relevons, entre autres choses, une meilleure visibilité et identification des inégalités et des violences faites aux femmes, la place et le rôle des acteurs susceptibles d’y intervenir, et une prise de conscience de ce que les pratiques professionnelles peuvent induire en termes d’ordre sexué.

Bibliographie

Bourdieu Pierre, 1998, La domination masculine, Paris, Seuil, coll. « Liber ».
Delphy Christine, 1998, L’ennemi principal, économie politique du patriarcat, Paris, Syllepse.
Guillaumin Colette, 1992, Sexe, race et pratique du pouvoir, Paris, éd. Côté-Femmes.
Héritier Françoise, 1996, Masculin, féminin, la pensée de la différence, Paris, Odile Jacob.
Jaspard Maryse et l'équipe Enveff, janvier 2001, « Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France », in Population et Sociétés n° 364,
Le guide de l'action publique. Direction des affaires criminelles et des Grâces.
Meda. D. Le temps des femmes. Pour un nouveau partage des rôles. Champs actuel. 2008.
Ripa. Y. Femmes. Idées reçues. Le cavalier Bleu.
Revue Questions féministes. « Les corps appropriés ». Février 1978.
Welzer-Lang Daniel, 1991, Les hommes violents, Paris, Lierre et Coudrier [réédition en 1996, Paris, éd. Côté femmes].
Welzer-Lang Daniel, 1992, Arrête, tu me fais mal… la violence domestique 60 questions, 59 réponses, Montréal, Paris, éd. Le Jour, VLB.

Présentation des auteurs

Je suis formatrice permanente auprès des éducateurs spécialisés et des moniteurs éducateurs depuis 2008. La discipline que j'enseigne c'est la sociologie. J'ai un DESS politiques sociales et rapports sociaux de sexe. Université Toulouse Le-Mirail (2005)et un Master2recherche. Université UNED. Madrid. Espagne (2001). Par ailleurs, depuis 2005 je suis co-responsable d'une association qui accueille des femmes victimes de violence dans un milieu semi-rural.
Depuis 2009 je participe à un groupe de réflexion sur le genre et le travail social à l'école de Saint Simon (Toulouse). Dans le cadre de ce groupe j'ai collaboré à la conception et mise en œuvre de plusieurs actions sur ce thème en direction des futurs professionnels du secteur social.
En tant que formatrice j'ai pu mener en 2012, avec un collègue, Rémi Pech, une recherche sur les pratiques professionnelles et le genre. Cette recherche a donné lieu à un article qui sera publié dans la revue EMPAN en 2015.
En 2013 j'ai eu l'accord de ma direction pour la création et le pilotage de deux instances de formation sur la question du genre, thème qui fait partie de la communication que je propose venir vous présenter.

Communication complète

Notre société demeure encore le lieu où certains phénomènes sociaux tels que les inégalités entre les hommes et les femmes, les violences faites aux femmes et les stéréotypes d’ordre sexiste persistent. L’éducateur spécialisé et le moniteur éducateur, doivent prendre en compte ces éléments contextuels pour bâtir et réfléchir leur pratique. De ce fait, le 4ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes prévoit l’intégration dans la formation des travailleurs sociaux, des programmes d’enseignement visant à la formation des professionnels à la fonction d’aide aux victimes de violences intrafamiliales, sexistes et sexuelles. Les Etats Généraux du travail social, en vue de refonder le travail social, se sont saisis aussi de cette problématique en lui dédiant une des six thématiques de travail ; l’égalité entre les hommes et les femmes. D’autre part, la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (MIPROF), en collaboration avec des acteurs de terrain comme la DGCS et l’UNAFORIS, est chargée depuis 2013 de définir un cahier de charges pour la formation des professionnels dont les travailleurs sociaux sur le thème des violences faites aux femmes.
Tous ces éléments mettent en évidence le fait que la prévention des comportements sexistes et la promotion de l’égalité s’inscrit dans une volonté réelle de formation des futurs professionnels. Conscients de l’importance de se joindre à ces types d’actions, La Rouatiere a intégré en 2012 deux instances de formations obligatoires sur les rapports sociaux de sexe à vocation de sensibiliser et de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine éducatif.
La première instance prend la forme d’un module intitulé « Rapports sociaux hommes-femmes », la deuxième instance est un atelier intitulé « Les pratiques professionnelles sous la perspective de genre ». Le module, vise à travailler la déconstruction des stéréotypes, prendre conscience des inégalités existantes, former les futurs professionnels au sujet des violences faites aux femmes. Pour y parvenir, nous prenons le parti d’une pédagogie qui conduit à revisiter nos présupposés fondamentaux à l’égard des hommes et des femmes et de leur place au sein de la société. Pour ce faire, nous prenons comme point de départ les connaissances et dires des stagiaires pour cheminer, à l’aide des activités, des apports théoriques et de l’échange en groupe, vers un questionnement et vers la co-construction de nouvelles connaissances. Par cette démarche, les individus ont la possibilité de développer une réflexion critique et de modifier et transformer leur rapport à soi et aux autres. Dans cette perspective, nous visons un apprentissage « transformateur » afin que la personne adopte des comportements et des pratiques respectueuses et génératrices d’égalité. Par ailleurs, nous privilégions l’intervention des acteurs ayant des compétences spécifiques, des experts avec des expériences et des analyses solides sur le sujet abordé. Ainsi, La FNSF, est pour nous un interlocuteur privilégié sur le thème des violences faites aux femmes. Le service juridique du CIDF et des associations qu’accompagnent des auteurs des violences sont aussi des instances qui interviennent dans ce module.
Quant à l’atelier « pratiques professionnelles et rapports sociaux hommes-femmes », il est destiné aux ME en situation d’emploi engagés dans la formation d’ES en parcours « allégé ».Même si les éléments contextuels mis en avant précédemment restent valables pour cette instance, d’autres facteurs sont aussi à l’origine de cet atelier. D’une part, l’idée, plus au moins répandue, selon laquelle les interventions éducatives sont neutres et dépourvues d'un effet sexué, cette idée qui est considérée comme un « allant de soi » coexiste avec une autre, en apparence contradictoire, qui viendrait nous signaler l’existence d’une sorte d’injonction des places et des rôles selon le genre. Ces dires ont été pour nous une source d’inspiration pour aller interroger les pratiques professionnelles au regard de la dimension sexuée de l’espace social et de notre propre construction en tant qu’hommes et femmes. L’objectif étant de rendre visible les effets que cette construction a sur les pratiques professionnelles ainsi que les effets que celles-ci peuvent avoir sur la dynamique de genre. Ces éléments constituent une condition nécessaire pour, dénaturaliser les places, envisager des interventions soucieuses d’égalité et ériger le groupe comme une instance génératrice de savoirs. Pour ce faire, les stagiaires, en s’appuyant sur les allés-retours entre le terrain et l’école, recueillent, analysent et mettent à étude leurs observations sur les pratiques professionnelles en prenant comme grille de lecture la perspective de genre. Dans cette démarche, il ne s’agit pas tant d’impliquer les structures où nos stagiaires sont employés, (aspect qui se trouve bien au-delà de nos fonctions et de nos possibilités en tant que formateurs), que de parvenir à engager les stagiaires dans une transformation de ses propres pratiques visant le respect et la production d’égalité. De ce fait, on est bien conscient de l’impact limité de cette instance mais cela n’enlève en rien son caractère citoyen et politique. En effet, par ce travail, le stagiaire essaie d’identifier, voire de nommer des aspects de sa propre pratique qui repose sur des injonctions « genrées ». Ainsi par exemple, on entend souvent dire aux stagiaires hommes qu’ils sont interpellés pour accomplir des tâches considérées comme relevant de l’univers masculin (autorité, loi, cadre, etc), alors que les stagiaires femmes vont exprimer leur participation aux tâches relevant de l’univers domestique, privé, comme le maternage, les soins etc.
Cette assignation sexuée, ces attentes de rôle, peuvent conforter, ou pas, les personnes dans des rôles masculins et/ou féminins. Ainsi, certains évoquent la question des bénéfices secondaires qu’ils/elles peuvent éprouver à certains moments alors que d’autres c’est plutôt un malaise, une gêne qu’ils vont mettre en avant, ou encore ceux/celles pour qui ces assignations sont vues comme quelque chose de naturel et de « normal ». Partant de l’idée selon laquelle la neutralité n’existe pas, l’intérêt réside à les amener à réfléchir sur les éventuelles conséquences de cette dite conformité ou résistance sur l’ordre social (rapports entre les hommes/femmes, hommes/hommes, femmes/femmes) et professionnel (au niveau de la distribution des tâches et des postes, le plafond de verre, la mobilité horizontale et/ou verticale, l’égalité salariale…). Cette étape s’avère parfois révélatrice d’une prise de conscience, d’une mise en mots de certaines pensées qui pouvaient sembler jusqu’alors sans forme et peu élaborées, mais aussi, pour quoi pas, de certaines résistances lorsque le travail vient toucher quelque chose de profondément ancrée et solide. En définitive, ces ateliers, à l’égal que le module, viennent, en quelque sorte « basculer » des représentations, conscientiser sur le fait que l’ordre social n’est pas fixé et qu’avancer vers l’égalité est la condition sinequanon d’une société démocratique. Ils parviennent à mieux identifier la place et le rôle des acteurs susceptibles d’intervenir dans une situation de violence, et prennent conscience de ce que les pratiques professionnelles peuvent induire en termes d’ordre sexué.
La question que l’on peut se poser est si on peut considérer cette instance comme découlant véritablement d’une recherche-action ou plutôt d’un projet nécessitant des allés-retours entre les terrains professionnels et l’école.
Pour répondre à cette question il est nécessaire de s’accorder sur ce que nous entendons par recherche-action. Le père de cette démarche, K. Lewin, nous apporte une définition qui peut constituer un repère : « La recherche-action est une démarche de recherche fondamentale dans les sciences de l’homme, qui nait de la rencontre entre une volonté de changement et une intention de recherche. Elle poursuit un objectif dual qui consiste à réussir un projet de changement délibéré et ce faisant, faire avancer les connaissances fondamentales dans les sciences de l’homme »
Même si le changement social est un élément visé par ces ateliers, ils sont loin de pouvoir participer à l’élaboration d’une connaissance scientifique permettant de faire avancer la science, de ce fait, nous considérons que ces ateliers, avec les allés-retours terrain/école, constituent plutôt l’occasion de favoriser la dénaturalisation et la des-essentialisation de la pratique professionnelle. Le stagiaire devient un acteur mettant en jeu ses représentations et le sens qu’il donne à sa réalité. Il explore les possibilités à sa portée pour changer l’existant.
Compte tenu de tous ces éléments, le rôle, le positionnement et la formation des formateurs s’avèrent fort important. D’une part, la centralité qu’ils peuvent avoir dans d’autres instances de formation, est ici mise en question. Les stagiaires en tant qu’agents possédant des connaissances et des savoirs professionnels, deviennent le principe moteur de l’instance. Les formateurs adoptent alors un rôle de facilitateur, mais aussi d’animateur et parfois d’expert lorsque des éclairages théoriques deviennent nécessaires.
Ces types d’expériences formatives existent, d’une manière plus ou moins isolée, dans d’autres centres de formation. Une journée d’étude nationale qui se tiendra le 17 octobre 2014 à Toulouse, vise le rassemblement des acteurs qui mettent en œuvre des séquences de formation sur le genre et les violences faites aux femmes. Cette journée vise l’élaboration de préconisations à destination de nouveaux référentiels mais aussi le recensement des dispositifs existants. Cela nous permettra d’échanger, de mutualiser des pratiques mais aussi créer des liens, élément nécessaire pour que ce sujet continue à gagner en visibilité.

Résumé en Anglais


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