Fiche Documentaire n° 3246

Titre Pédagogie, recherche-action et postures professionnelles

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l'auteur principal

Auteur(s) TOURRILHES Catherine
LEVIVIER Ana Paula
 
     
Thème Réflexions à partir des évaluations des étudiants  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Pédagogie, recherche-action et postures professionnelles

Axe 2: Quelle transformation des pratiques, outils et dispositifs de formation ?

Depuis plusieurs années nous travaillons à introduire la démarche de recherche-action comme outil pédagogique dans la formation des travailleurs sociaux. Nous intervenons lors de leur troisième année en les accompagnant dans la construction d'une problématique de recherche et d'un processus d'enquête qui doit être mené en partenariat avec les terrains professionnels, voire avec les publics concernés. A la fin de chaque cycle d'expérimentation, un questionnaire individuel et en groupe est proposé aux étudiants afin de recueillir leur évaluation sur la démarche proposée. L'objet de notre communication sera l'analyse de ces questionnaires.
Nous allons montrer en quoi notre pratique pédagogique s'ancre dans des processus inductifs de subjectivation que nous menons sur deux sillons : individuel et en groupe. Notre hypothèse étant que ces processus favorisent l'élaboration de postures interrogatives, nécessaires, selon nous, dans tout travail avec l'être humain.
Après avoir décrit les éléments sur lesquels s'appuie notre pratique pédagogique, sa place et son évolution à l'intérieur de l'Institut Régional du Travail Social Champagne Ardenne, nous nous centrerons sur les questions concernant cette pédagogie par la recherche-action, ses limites, ses perspectives et ses impacts. Nous développerons notre exposé par les entrées suivantes :
• Que disent les étudiants sur la pédagogie qui leur a été proposé ?
• Quels sont les mots-clés associés à cette expérience pédagogique ?
• Quel retour réflexif font-ils sur les postures développées ?
• Quelle place a la recherche dans la manière de penser leur métier ?
Ce que nous cherchons à savoir c'est s'il y a ou non processus d'appropriation de la part des étudiants de la démarche inductive et du travail collectif comme possibles ressources pour l'exercice de leur métier. Est-ce qu'il y a ou non résonance entre ce que nous tentons de leur transmettre et leurs projections professionnelles ?

Bibliographie

Ardoino J. (2003). « La recherche-action, une alternative épistémologique. Une révolution copernicienne », in Mesnier P.M. et Missotte P. (dir.), La recherche-action, une autre manière de chercher, se former, transformer, Paris, L’Harmattan, pp.41-49.
Dujarier M. A. (2010), Travailleurs sociaux en recherche-action. Education, insertion, coopération, Paris, L’Harmattan.
Freire P. (1969), Pédagogie des opprimés, Paris, Petite Collection Maspéro.
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2012), « La recherche-action comme cadre de formation en travail social », Pensée Plurielle, N° 30-31, pp. 243-253.
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2013), « La formation des travailleurs sociaux par la recherche-action. Essai sur la méthode et la pédagogie », Colloque IRTESS – PREFAS Bourgogne « Les recherches actions collaboratives : une révolution silencieuse de la connaissance », Dijon, 27-29 mai 2013, [www.aifris.eu].
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2013), « La recherche-action comme levier de l’innovation dans la formation en travail social », Congrès AIFRIS, « Construction, Transformation & Transmission des Savoirs : les enjeux pour l'intervention sociale », Lille, 2-5 juillet 2013, [www.aifris.eu].

Présentation des auteurs

Tourrilhes C.: Sociologue, responsable de formation et de recherche, IRTS – PREFAS Champagne-Ardenne, membre du laboratoire de recherche CIREL-PROFEOR Université Lille 3, du comité de rédaction de la revue Le Sociographe et du comité scientifique de l'Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l'Intervention Sociale (AIFRIS).
Levivier A. P.: Psychologue clinicien, psychanalyste, docteur en Psychopathologie fondamentale et psychanalyse, formatrice à l’IRTS Champagne-Ardenne et à l'Institut d'Enseignement et de Recherches sur les Maladies Addictives (IREMA-Paris), membre du comité de lecture de la revue Le Sociographe.

Communication complète

Pédagogie et recherche-action : réflexions à partir des évaluations des étudiants
Catherine Tourrilhes et Ana Paula Levivier
Introduction : cadre de la démarche
Depuis plusieurs années nous travaillons à introduire la démarche de recherche-action comme outil pédagogique expérimental dans la formation des travailleurs sociaux à l'Institut Régional du Travail Social de Champagne-Ardenne, notamment dans le cadre des unités d’approfondissement qui, en troisième année, offre la possibilité aux étudiants de co-construire, dans des groupes transversaux (ASS+ES+EJE ), une question collective et une problématique de recherche pour ensuite mener une investigation collective en partenariat avec les terrains professionnels, voire avec les publics concernés.
Cette expérimentation de la recherche se déroule sur quatre semaines, espacées d'environ un mois. Dès la première semaine, il y a déplacement hors du centre de formation et mise en situation de questionnement sur des terrains de recherche avec les partenaires. En même temps, les étudiants font part de leurs interrogations dans un retour réflexif à partir de l’expérience professionnelle et singulière de chacun et début d’interrogation collective pour former les groupes d’investigation qui rencontreront les problématiques des terrains professionnels. Ce sont ces rencontres et cette mise en synergie qui constituera, au bout de la première semaine, les groupes, leur thématique et leur terrain d’enquête. La 2ème semaine est consacrée à l’immersion pour approfondir les liens et pour affiner progressivement la thématique de recherche dans un processus exploratoire. Cette semaine devra aboutir à cerner l'objet de la recherche et à envisager sa méthodologie. La 3ème semaine est centrée sur l’enquête et son analyse; la 4ème est dévolue aux restitutions auprès des enquêtés, aux évaluations, aux bilans et aux productions écrites, voire aux publications.
A la fin de chaque unité d’approfondissement, un questionnaire individuel et/ou en groupe est proposé pour évaluer la démarche. De ces questionnaires étudiés sur les trois dernières années, nous analysons cette pédagogie par la recherche-action, ses limites, ses perspectives et ses impacts. Notre hypothèse étant que des processus inductifs individuels et collectifs de questionnement et de recherche favorisent l'élaboration de postures interrogatives nécessaires, selon nous, dans tout travail avec l'être humain: que disent les étudiants sur la pédagogie qui leur a été proposé et quels sont les mots-clés associés à cette expérience pédagogique?
1. L'intention pédagogique de l'équipe d'accompagnement
Ce qui nous intéresse c’est que les étudiants comprennent par eux-mêmes les questions sociales, les politiques mises en œuvre et les problématiques des publics qui sont en partie le reflet de problématiques sociétales. En partant de leurs expériences de stages et de leur parcours de vie liés aux choix du métier, nous les sollicitons à partir de ce qui les interroge. Ce sont ces émergences singulières de questionnements que nous appelons « processus inductifs » et qui seront collectivisées dans la constitution de petits groupes de recherche (nous ne partons pas des savoirs théoriques, ils viendront plus tard). Nous voulons amener les étudiants à faire l'apprentissage de l’autonomie et de l’émancipation de leur propre pensée. Pour ce faire, ils vont expérimenter une démarche de recherche où ils auront à construire leur postures professionnelles dans la transversalité des métiers et l'immersion sur les terrains professionnels.
Pour mettre en place ces processus pédagogiques inductifs nous opérons une certaine « inversion » par rapport aux programmes de formation plutôt classiques (très anticipés, rationalisés et référenciés). Ici, il n’y a pas de plan de navigation prévu mais situations d'incertitude avec une importance donnée au contexte, aux éléments et aux acteurs à partir des questions de chacun, des questions groupales et des réalités de terrains où les problématiques des publics et des professionnels animent le quotidien. Nous – équipe d'accompagnement pédagogique et étudiants – sommes dans l’inconnu de la mise en mouvement d’une production à venir.
L’intention est de favoriser chez les étudiants la posture interrogative et la pratique démocratique dans l’apprentissage du travail ensemble et dans l’expérience collective d’une compréhension du social qui les amène à un changement dans leurs représentations vis-à-vis des déterminismes insoupçonnables dans la manière d'aborder le public et les questions posés par le champ du travail social. Ce déplacement dans les représentations peut ouvrir à d’autres façons de voir, de sentir, d’agir et de penser individuellement et collectivement. En tout cas, c'est notre pari.

2. Que disent les étudiants sur la pédagogie qui leur a été proposé?
La 1ère semaine est déterminante pour la suite du processus, elle est le cadre d’une déconstruction des savoirs préétablis, d’une déstabilisation par rapport aux attendus et les étudiants témoignent qu’ils sont perdus car ils ont l'habitude d'un programme cadré, alors que le processus est l'inverse : ce sont eux qui doivent partir de leurs expériences pour co-construire à plusieurs et avec les professionnels et les accompagnants un questionnement commun. « On est parti de nos questionnements professionnels qui nous ont amené à la constitution du groupe de travail, le questionnement est venu au fur et à mesure, on ne savait pas vers quoi on allait se diriger, on a investi le collège pour arriver à notre problématique. »
Un groupe a ainsi décrit la 1ère semaine par la méthode de l'écriture collective et cachée, où chacun écrit une phrase, la cache et passe au suivant. Ce n'est qu'à la fin que le groupe lira l'ensemble :
« Mais qu’est-ce que l’isolement? »
« Semaine où on a essayé de construire notre questionnement. »
« Début d’UA assez confuse! Est un peu perdue. »
« Semaine 1 : commande un peu floue pour moi car pas l’habitude mais intéressant de découvrir, de travailler autrement. »
« Semaine fatigante mais enrichissante. »
« 1ère semaine très confuse. J’ai eu du mal à m’y retrouver. »
« Mise en route laborieuse, perspective encore floue mais bien au sein du groupe composé. »
Le déplacement sur le terrain et les rencontres avec les professionnels et les publics lors de la 2ème semaine donnent plus de réalité à la démarche de recherche et commence à produire des nouvelles questions sur la manière d'aborder leurs thématiques et les représentations que les étudiants en ont. C'est aussi le temps où l'équipe d'accompagnement chemine avec eux dans la recherche théorique, dans l'accompagnement méthodologique, dans l'immersion sur le terrain
« Les préjugés s’installent vite, sans en comprendre forcément l’origine. »
« Déconstruction des représentations. »
« Une démarche qui s’éloigne de mon questionnement de départ. »
« Ce type de recherche est intéressante du fait d’un va-et-vient entre les constats de départ et les retours des personnes rencontrées. »
« Des temps libres, parfois trop libres. »
« Faire des recherches générales est très enrichissant et intéressant. Seulement c’est également compliqué de ne pas trop s’éparpiller pour ne pas s’égarer. »
« Dans une UA sur l’exclusion/intégration, la notion d’intégration semble abstraite pour certaines personnes! »
La 3ème semaine, celle de l'enquête proprement dite, les étudiants semblent être plus dans le vif de leur sujet, ils testent leurs méthodologies, leurs stratégies d'observation, ils expérimentent les techniques d'enquête (film, photo, documentation, entretien…), ils semblent se « lâcher » dans le travail de groupe avec plus de souplesse en même temps que d'organisation du travail par tâches, par divisions, par affinités, par facilités, par plaisir d'essai-erreur:
« On comprend mieux la démarche. »
« Bonne entente, ambiance dynamique et rigoureuse. »
« Apprentissage du partage d'informations. »
« Négociation, construction collective parfois difficile mais enrichissante en termes d'échanges, d'apports, de visions et d'approches différentes. »

Pour le jeu d'écriture-cachée:
« Semaine très enrichissante d’un point de vue ethnographique. Beaucoup d’avancées sur la problématique de départ. »
« Bon travail de groupe. Cela fait du bien de travailler librement sans règles strictes qui régissent et orientent notre travail de recherche. Nous sommes acteurs (Enfin!). »
« Du café, une bonne entente et ambiance, de la liberté, un sujet intéressant et nous sommes beaucoup plus productifs que sous la pression irtsienne! »
« Des réflexions déplacées et inappropriées cette semaine. Cependant encore des rencontres intéressantes et enrichissantes. »
A la 4ème semaine, ils reconnaissent que la déstabilisation, le flou, le doute et l'inconnu de la 1ère semaine sont des passages obligés pour mener la recherche-action au plus près des réalités des professionnels et des publics :
« Au départ ça me paraissait un monde... »
« Période d’incertitude la première semaine… en troisième semaine on a plus compris la démarche de recherche-action. »
« Permet de réfléchir, de changer les représentations. »
Les étudiants sont plongés dans l'analyse des données, leur interprétation, mise en forme et pensée sur les restitutions. Nous les sentons intensément investis dans ces processus qui sont aussi des mises à distance. Pour certains, c'est seulement à cette période que la démarche de la recherche-action fait sens par retour réflexif sur le chemin parcouru – ce qui transparaît dans le jeu d'écriture final où nous avons mélangé des pensées et des ressentis sur la semaine et aussi sur l'ensemble de la démarche.
« C’est une autre manière d’apprendre... de rencontrer les professionnels, les publics. »
« Une autre approche du travail en groupe. »
« Un apprentissage de la recherche sur le terrain… expérience de l’immersion, du collectif de recherche, expérience d’une écriture métissée mais aussi d’une division du travail (investigations, recherches théoriques) puis mise en commun, pratique de l’entretien, incertitude, doute, humilité dans la recherche ».
Pour le jeu d'écriture-cachée :

« On se saura bien amusés aux U.A. quand même ! »
« Des bons moments en groupe, en musique !!! malgré quelques tensions... »
« Madame, vous aussi vous êtes allée en Segpa ? »
« ...et découvert que je n'étais plus une mademoiselle mais… une Madame… une madame arabe, racaille de la cité des biscottes qui vole des feuilles au collège… stigmatisation quand tu nous tiens ! »
« Vendredi 16 mars, on me demande encore de travailler, travailler, travailler. Mais j'ai envie de chanter ♫ à Carmen ♫ ne compte pas sur nous ♫ nous on prend pas de vacances, on est des fous ♫. Chanson qui caractérise notre investissement. Puis le mot de la fin : Bravo pour votre premier emploi. »

En fait notre question sur la pédagogie reste une préoccupation à nous, les étudiants ne répondent pas directement sur les « questions pédagogiques » posées telles quelles par nous en tant que formateurs, mais plutôt sur la façon dont ils ont vécu leur semaine et le travail demandé. Quant nous lisons leurs matériaux, nous les entendons manifester plus sur la forme – cadre, situations, contextes, comparaison avec les programmes classiques, découverte – que sur le fond pédagogique. Face à l’institué, nous les mettons devant un instituant où ils auront à trouver leur rythme, leur sens et leur cohérence du travail entrepris, avec liberté et autonomie, et c’est cette dynamique que nous lisons de manière plus démarquée dans leurs témoignages.

3. Quels sont les mots-clés des étudiants associés à cette expérience pédagogique?
Lors de l’évaluation finale dans un questionnaire rempli individuellement et/ou en groupe , à la question de l’appréciation globale de cette formation-recherche, 100% des étudiants se disent satisfaits ou très satisfaits.
Pour certains mots-clés, il s’agit parfois d’une suite de mots qui font sens entre eux, c’est pourquoi nous les laissons tels qu’ils ont été écrits :

« Autonomie
Autonomie, indépendance, liberté, implication, solidarité
Agréable, dynamique de groupe, action
Belles rencontres (professionnels et publics), enrichissant
Découverte de la recherche-action
Découverte d’une démarche de recherche nouvelle
Découvrir un quartier, un territoire
Découverte
Dynamisme, échanges, écoute, formateur
Encadrement
Expérience humaine
Flou
Immersion
Interpelle, curieux, prometteur
Investigation, échange, parenthèse
Investissement
Plaisir, sens
Précarité
Questionnements
Recherche, recherche-action, terrain
Recherche, échange, travail d’équipe, pluri-professionnel, investigation
Réflexion pragmatique
Sortir de l’Irts
Sortir du cadre scolaire
Travail en groupe
Travail de groupe, d’équipe, collaboration, mixité professionnelle »
Nous attendions le mot « comprendre »… parce que c’est ce à quoi nous attachons beaucoup d’importance « que les étudiants comprennent eux-mêmes », mais pour les étudiants ce n’est pas celui-ci qu’ils mettent en avant concernant la démarche.
Il y a une forme de déplacement qui s’opère chez eux, ils finissent par accepter d’être dans l’inconnu, dans une situation d’incertitude qui les incite au questionnement. Ils expérimentent l’autonomie et les marges de liberté, ils s’impliquent et nous pouvons leur faire confiance. Il nous semble que la majorité fait l’apprentissage de cette forme de recherche proposée tout en acceptant le processus d’investigation en collectif, en transversalité professionnelle, par immersion sur le terrain, en va-et-vient avec le centre de formation.
Nous avions constaté qu’au cours des quatre semaines les étudiants trouvaient plaisir et sens à rentrer dans ce processus de recherche-action, malgré les difficultés et les réticences remarquées notamment lors des deux premières semaines . Nous étions contentes et réconfortées de retrouver ces mots-là dans leurs évaluations ! Nonobstant, une fois ce texte arrivant à sa fin, nous avons envie de dire que nous pensons devoir passer outre à cette modalité d'évaluation – mots clés et jeu d'écriture – afin de rendre compte au mieux du vécu des quatre semaines qui est intensément vivant et dont les phrases suivantes (issues du questionnaire final rempli en groupe) nous paraissent illustrer la particularité des « collectifs d'investigation » et d'une certaine « vie de groupe » qui pour nous sont fondamentales dans cette démarche, à savoir l'apprentissage de l'action collective :
« Deux mondes qui se confrontaient, les ASS et les ES… discussions, tensions, points de vue, visions différentes… échanges sur les pratiques… confrontation de nos expériences professionnelles pour construire une problématique… les regards changent… permet d'apprendre à travailler ensemble en équipe pluridisciplinaire. »

Conclusion
Nous avons vérifié qu’en ouvrant ces espaces d’expérimentation articulant questionnement, problématisation, enquête, analyse et restitution aux enquêtés, les étudiants s’en emparent et trouvent sens à la démarche. Pour leur futur, nous espérons que cet apprentissage viendra les aider à construire leur positionnement professionnel.
Pour finir, nous aimerions laisser parler une étudiante, Angèle Bacchus, qui nous a autorisées à reproduire sa réponse à un questionnaire envoyé après l’obtention de son diplôme . Nous l’avons choisi parce que son témoignage illustre un certain « idéal typique » d’un attendu pédagogique que nous avons, même si dans la réponse ci-dessous, l’étudiante parle de ses trois années de formation et non pas seulement du parcours en recherche-action.
Que pensez-vous de la recherche-action ?
« Bonjour Madame,
Je viens de lire attentivement votre mail et me permets de vous y répondre. A posteriori, et après quelques mois après l'obtention de ce diplôme, le travail de recherche action initié durant l'unité d'approfondissement a été pour moi une manière de découvrir cette démarche. En effet, j'ai eu l'occasion durant mes trois années de formation d'en échanger longuement avec vous au cours de l'UA mais également au cours de différentes semaines « à thème »: sur les pédagogues, sur les processus d’exclusion...
J'ai toujours apprécié votre méthodologie qui, à mon sens, laisse une grande place et une liberté d'expression à l'étudiant. J'ai parfois déploré, au cours des temps de formation, le peu d'espaces de parole laissés aux étudiants pour aborder "ce qui interroge", "ce qui pose problème". En effet, il semble que les domaines de compétences et les indicateurs jalonnent notre parcours et il est difficile de se détacher de ceux-ci. Or, dans nos accompagnements au quotidien auprès de personnes en souffrance, il est souvent délicat d'y faire référence, tant ils me paraissent parfois éloignés de mes valeurs et de mes positionnements.
Cependant, je garde en mémoire l'importance de prendre en compte la personne que l'on accompagne dans son entièreté et dans son authenticité. Au cours de cette expérience au sein des maisons de quartier, nous n'avions aucun critère de recherche préétabli, ce qui dans un premier temps a pu me déstabiliser. Or, le flou imposé par cette démarche est un élément à prendre en compte dans l'exercice de notre profession. Les contraintes de temps, de budget... envahissent notre quotidien et conditionne notre travail.
Actuellement en poste en Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale, nous avons pour mission première l'insertion sociale et professionnelle des personnes que l'on accompagne. Mais, de quelle(s) insertion(s) parle-t-on ? J'ai parfois l'impression que notre travail d'accompagnement se réduit au rétablissement du droit commun et que nous oublions trop souvent la prise en compte de l’environnement, des repères et des désirs des personnes rencontrées. Le fonctionnement sous forme d'entretien laisse peu de place à la rencontre et au partage d'instants de vie entre personnes accueillies et professionnels. C'est pourquoi, être continuellement dans une démarche réflexive me permet de penser mes gestes quotidiens et de tenter de résister à ces logiques d'insertion normative.
La recherche-action est, à mon sens, une manière d'être et de vivre au quotidien auprès de personnes en souffrance. Prendre en compte le flou, la subjectivité et faire preuve de curiosité sont, à mon sens, trois éléments essentiels pour s'engager dans une réflexion permanente. Le but étant de ne pas s'enfermer dans des certitudes et d'être au plus proche des désirs de chaque sujet.
Cordialement »
BACCHUS Angèle, ES

Bibliographie
Ci-dessous les articles/communications pouvant éclairer nos pratiques pédagogiques ancrées dans la recherche-action:
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2013), « La recherche-action comme levier de l’innovation dans la formation en travail social », Congrès AIFRIS, « Construction, Transformation & Transmission des Savoirs : les enjeux pour l'intervention sociale », Lille, 2-5 juillet 2013, [www.aifris.eu].
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2013), « La formation des travailleurs sociaux par la recherche-action. Essai sur la méthode et la pédagogie », Colloque IRTESS – PREFAS Bourgogne « Les recherches actions collaboratives : une révolution silencieuse de la connaissance », Dijon, 27-29 mai 2013, [www.irtess.fr].
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2013), « Embarquez-vous pour 3 jours : un atelier en recherche-action ! », Colloque IRTESS – PREFAS Bourgogne « Les recherches actions collaboratives : une révolution silencieuse de la connaissance », Dijon, 27-29 mai 2013, [www.irtess.fr]
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2012), « Comment prendre en compte les savoirs professionnels et les apports des sciences sociales dans la recherche et dans la formation des travailleurs sociaux ? » Conférence de consensus. La recherche en/dans/sur le travail social… CNAM, 15 et 16 novembre 2012.
Tourrilhes C. et Levivier A. P. (2012), « La recherche-action comme cadre de formation en travail social », Pensée Plurielle, N° 30-31, p. 243-253.
Tourrilhes C. (2010), « Innovation dans la formation en travail social : des espaces intermédiaires de socialisation professionnelle » in Leclercq E. et Niclot D., Former des professionnels de la formation en Europe, Presses Universitaires de Reims, p. 205-222

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