Fiche Documentaire n° 3311

Titre La communication professionnelle en formation.

Contacter
l'auteur principal

Auteur(s) SORIN François
FREQUELIN Sophie
 
     
Thème De l'usage à l'appropriation des instruments de communication.  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

Résumé | Bibliographie | Les auteurs... | Article complet | PDF (.fr) | Résumé en anglais | PDF .Autre langue | Tout afficher

Résumé

La communication professionnelle en formation.

Notion proliférante et polysémique, la communication désigne à la fois les processus et les moyens de transmission et de traitement de l’information mais aussi l’ensemble des mécanismes par lequel les relations humaines existent et se développent. Ces deux dimensions, information et relation, ont toujours occupé une place centrale dans le travail social. A tel point que les compétences relationnelles et informationnelles apparaissent comme transversales à l’activité d’un travailleur social et constituent implicitement un prérequis à tout acte professionnel en direction de l’usager, de l’équipe, des institutions et des partenaires. La réforme des diplômes de travail social intervenue en 2007 a vu la création d’un domaine de compétences spécifique à la communication professionnelle, le DC3, qui nous a donné l’opportunité de réinterroger les spécificités et les enjeux de la communication pour et par les travailleurs sociaux.

A travers l’évolution d’une épreuve certificative en DC3 DEASS sur le site d’Askoria Lorient, nous analysons la manière dont cette réforme de l’architecture des diplômes a contribué à l’évolution des pratiques de formation : redéfinition des objectifs pédagogiques, mobilisation d’outils nouveaux, introduction de références théoriques capables d’articuler les différents niveaux de communication professionnelle.

Avant la réforme du diplôme, la promotion d’assistants de service social première année réalisait soit un reportage radiophonique, soit un article de presse. L’objectif premier était de favoriser la curiosité et l’appréhension d’une problématique sociale. Cette épreuve s’appuyant sur la découverte et l’usage de deux différents médias a naturellement trouvé sa place dans le DC3. Aujourd’hui, les travaux des étudiants ne se destinent pas seulement à la certification mais s’adressent à un public large : les reportages sont diffusés sur la radio partenaire de l’atelier (1) et les articles sont publiés dans un magazine dédié (2). De plus, les productions sont présentées dans le cadre d’une journée de réflexion et d’échange, ouverte aux professionnels du secteur et se tenant chaque année sur le site de formation (3). Pour permettre cette démarche de communication plus globale, le dispositif de formation - cours et ateliers - a été complété. Un comité de rédaction, regroupant étudiants et professionnels a été mis en place. L’implication du service communication du centre de formation apporte aux publications une qualité graphique professionnelle.

Par l’appropriation de moyens de production médiatique diversifiés, cette épreuve permet de déconstruire « l’évidence » de la communication et d’établir des liens avec les formes plus traditionnelles que sont l’écrit ou l’entretien dans le cadre d’une démarche de communication professionnelle. En référence aux travaux de Pierre Rabardel, nous invitions à appréhender la communication comme une activité humaine instrumentée et instrumentalisée. Il s’agit de distinguer les processus de médiatisation, relevant de l’intention du sujet et des spécificités du média utilisé, de la médiation qui renvoie aux effets praxéologiques, réflexifs et relationnels de la communication médiatisée.

La valorisation des travaux des étudiants s’inscrit dans une démarche de professionnalisation et permet la constitution de ressources documentaires réutilisables. Enfin, les étudiants, en tant qu’auteurs d’une communication et récipiendaires de la parole d’usagers et de professionnels se voient confrontés à des responsabilités et questionnements favorisant l’appréhension d’une éthique de la communication.

1) La Cie des Ondes. Site internet : lacompagniedesondes.fr
2 ) (in)formatif, 3 numéros parus.
3 ) Temps fort Plateforme Unaforis Bretagne - Communiquer : un outil de formation, un outil d’information

Bibliographie

- Bouchard, Louise, Ducharme, Marie-Noëlle. Les défis posés au travail social à l’ère des technologies de l’information. Nouvelles pratiques sociales, 2000, vol. 13, n°1. P. 119-136.
- Bouton, Michel. Ethique de la communication. In DEASS DC3, Communication professionnelle en travail social. Paris : Vuibert, 2013. P. 13-25.
- Gautellier, Christian. Nouvelles technologies et travail social. VST – Vie sociale et traitements, 2002/4, n°76. P. 8-11.
- Peraya, Daniel. Un regard critique sur les concepts de médiatisation et de médiation. Nouvelles pratiques, nouvelle modélisation. [En ligne] Site internet de l’université de Grenoble, publié le 13 février 2009. Disponible à l’adresse : . Consulté le 15 juillet 2014.
- Proulx, Serge. Trajectoires d’usages des technologies de communication : les formes d’appropriation d’une culture numérique comme enjeu d’une société du savoir. Annales des télécommunications, tome 57, no. 3-4, 2002. p. 180-189.
- Rabardel, Pierre. Les hommes et les technologies. Une approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Collin, 1995.

Présentation des auteurs

Sophie Fréquelin est formatrice à Askoria Lorient en charge du DC3 pour la formation ASS. Elle a créé et anime depuis quatre ans une journée de réflexion et d'échange sur le thème de la communication dans le travail social sur le site de Lorient. Depuis 2014 cette journée est inscrite à la programmation des temps forts de la plateforme UNAFORIS Bretagne.

François Sorin est formateur à Askoria Lorient, éducateur spécialisé de formation initiale et technicien audiovisuel spécialisé dans l’éducation aux médias. Il a réalisé en 2013 une recherche dans le cadre d’un master 2 en sciences de l’information et de la communication portant sur les usages des TIC dans le champ du travail social (La construction de la distance : médiatisations des communications et médiations à l’œuvre dans le cadre d’un dispositif de placement en assistance éducative. Sous la direction de Jean-François Cerisier, Université de Poitiers, septembre 2013).

Communication complète

La réforme des diplômes du travail social intervenue en 2004 a vu la création d'un domaine de compétences transversal, le DC3 « communication professionnelle en travail social ». La conception et la mise en œuvre des modalités de formation et de certification correspondant à cette nouvelle architecture nous a amené à réinterroger les spécificités et les enjeux de la communication pour et par les travailleurs sociaux. A travers la présentation de deux épreuves certificatives en DC3 du diplôme d’état assistant de service social (DEASS), nous analysons la manière dont ce questionnement s'est traduit par l’évolution des pratiques de formation, de la redéfinition des objectifs pédagogiques à la mobilisation d’outils nouveaux, et l’introduction de références théoriques capables d’articuler les différents niveaux de la communication professionnelle.

Notion proliférante et polysémique, la communication désigne à la fois les processus et les moyens de transmission et de traitement de l’information mais aussi l’ensemble des mécanismes par lequel les relations humaines existent et se développent. Le DC3 du DEASS se divise en deux sous-domaines qui illustrent cette double dimension de la communication. Le premier sous-domaine s’intitule « Elaborer, gérer et transmettre de l’information », et insiste sur le rapport de l'ASS à l'information, c’est-à-dire la capacité de rechercher, sélectionner, traiter et diffuser de l’information, mais aussi de pouvoir mobiliser cette information au service de l'analyse, de la synthèse, de la décision et de l’argumentation. Le second sous-domaine s’intitule « établir une relation professionnelle ». Il présente des compétences liées à l’expression, la présentation, l'accueil, mais aussi à la facilitation de l'expression d'autrui. Une compétence de ce sous-domaine, intitulée « savoir adapter son mode de communication au public ciblé et aux partenaires » nous semble être centrale. La question de l'adaptation se pense au regard du public ciblé et des partenaires, bien sûr, mais également au regard des buts poursuivis par l'auteur de la communication, le travailleur social.

Ces deux dimensions, information et relation, ont toujours occupés une place centrale dans le travail social. A tel point que les compétences relationnelles et informationnelles apparaissent comme transversales à l’activité d’un travailleur social et constituent implicitement un prérequis à tout acte professionnel en direction de l’usager, de l’équipe, des institutions et des partenaires. L'accompagnement pédagogique autour de la communication professionnelle comme compétence spécifique posait donc - et pose encore - la question de l'articulation avec les autres champs de la formation. C'est dans le cadre de cette problématique que notre démarche a progressivement consistée à promouvoir l'élaboration d'une démarche de communication comme un outil d'intervention pour l'ASS. De plus, cette réforme intervient au moment où le développement et la diffusion des technologies de l'information et de la communication posait - et pose encore - des questions nouvelles au travail social, tant au niveau institutionnel qu’à celui de l'intervention et du travail en équipe. Aussi, cette réforme nous est apparue comme l'occasion d'explorer des voies nouvelles pour la communication de l'ASS, qui se sont incarnées, dans un premier temps, par la mobilisation de supports médiatiques, comme la radio ou la publication d'un journal.

La réforme du DEASS : figures imposées et programme libre

La spécificité du domaine de compétences 3 dans le cadre de la réforme de 2004 tient dans ses modalités de validation, puisque celles-ci relèvent des centres de formation. Ces derniers, outre l’organisation matérielle de la certification, ont en charge l’élaboration d’épreuves de certification. Le législateur a posé un cadre assez large : le texte précise que « quatre évaluations doivent être organisées par les établissements de formation : deux travaux de synthèse et deux travaux de forme diversifiée ». Seule l’épreuve de synthèse sur table est entièrement définie. Il s’agit d’une note réalisée à partir des éléments d’un dossier présentant une problématique sociale. Le deuxième travail de synthèse doit répondre aux critères suivants ; « un travail écrit ou oral réalisé par l’étudiant à partir d’une problématique sociale issue du terrain dans le cadre de l’un des stages sur site qualifiant », la forme et les modalités de réalisation étant laissées à l’appréciation des établissements de formation. Concernant les deux travaux de forme diversifiées, il est simplement précisé que « l'établissement de formation proposera deux évaluations (dossier de presse, plaquette d’informations…) qui peuvent faire l’objet d’une présentation individuelle ou collective. »

Ce cadre large donne aux centres de formation une place première dans l’élaboration des épreuves, et leur confère un espace de créativité. Notre première démarche a été de répondre aux attendus de la circulaire et d’imaginer des épreuves dont les modalités seraient diversifiées et complémentaires pour rendre compte d'une progression dans l’acquisition des compétences. Nous avons été attentifs à envisager des travaux individuels mais aussi de groupe, mobilisant autant l'expression écrite que l'expression orale. Les trois épreuves spécifiques proposées sur le site d'Askoria Lorient s’inscrivent dans une progression allant d’une expérimentation de différents modes de communication permettant de reconnaître les spécificités propres à chaque support ou média, à l’élaboration d’une stratégie de communication permettant de répondre à un besoin. En première année, l'épreuve « Radio-Revue de presse » engage les étudiants dans la production d'un article ou d'un reportage radiophonique. En seconde année l'épreuve de « synthèse sur site » propose aux étudiants d'élaborer une démarche de communication permettant de faire évoluer une problématique sociale. Enfin, en troisième année, l'épreuve « oral de communication » amène les étudiants à analyser une situation de communication posant problème et à préconiser des solutions opérationnelles.

La mise en œuvre de ces épreuves a naturellement fait émerger des questions qui nous apparaissent constitué des pistes de réflexion et de développement possible de la démarche. A l'appui de notre propos nous avons choisi de présenter plus avant les épreuves « Radio/revue de presse » et « synthèse sur site ».

Les étudiants auteurs de communication

Les étudiants de première année réalisent soit un reportage radiophonique, soit un article de presse permettant d'appréhender une problématique sociale. Leur compréhension de celle-ci s'appuie sur des recherches documentaires et sur la réalisation d'un ou plusieurs interviews auprès d'experts, de professionnels, d'usagers ou encore de personnes concernées par le sujet traité. Ces productions ne se destinent pas seulement à la certification mais s’adressent à un public large : les reportages sont diffusés sur la radio partenaire de l’atelier (1) et les articles sont publiés dans un magazine dédié (2). De plus, ces travaux sont présentées dans le cadre d’une journée de réflexion et d’échange, ouverte aux professionnels du secteur et se tenant chaque année sur le site de formation (3). Pour permettre cette démarche de communication plus globale, le dispositif de formation - cours et ateliers – est complété par un comité de rédaction, regroupant étudiants et professionnels. L’implication du service communication du centre de formation apporte aux publications une qualité graphique professionnelle.

Cette épreuve initialement fondée sur le développement des compétences informationnelles s'est révélée établir des liens avec l'ensemble des activités de communication des ASS, comme l'écrit professionnel ou l'entretien. A travers la production mais surtout la diffusion d'un contenu médiatique les étudiants prennent la mesure des responsabilités éthiques qui incombent à l'auteur d'une communication en se confrontant aux possibilités d'altération ou de manipulation des propos qu'ils restituent : « si on enlève un mot ou une phrase ça change tout ». C'est ici la question de la valeur de la parole de l'autre qui est en jeu, et par extension des conditions créées pour l'expression de celle-ci.

La communication instrumentée

De plus, en utilisant en parallèle deux médias différents – l'article de presse et la radio – les étudiants sont amenés à appréhender les spécificités propres à chaque média et à en reconnaître les limites et les opportunités. Cette réflexion trouve des échos dans toutes formes d'activité de communication, et se rapporte à toutes techniques et technologies de la communication qu'elles sont susceptibles de mobiliser. Car en effet, comment développer des compétences liées à l’information sans prendre en compte le support ou le média spécifique sur lequel se déploie la recherche, le partage ou la diffusion de l’information ? Et comment penser l'adaptation de sa communication sans penser l’outil, la technique, qui en sera le support ? Cette dimension appelle une approche globale des outils de communication (traditionnels, « nouveaux », techniques ou « symboliques ») qui permette de considérer à la fois la sélection des outils de communication au regard des spécificités, des contraintes et des limites qui leur sont propres, mais aussi la manière dont ces outils sont utilisés.

Nous invitons à appréhender la communication comme une activité avec instrument. Un instrument comprend un artefact, matériel (comme un stylo, un ordinateur...) ou symbolique (la langue, l'écriture...), plus un ou des schèmes d'utilisation associés à l'artefact, et résultant d'une construction propre ou de l'appropriation de schèmes sociaux préexistants. Dans cette optique, un instrument n'est donc jamais donné d'emblée. C'est l'utilisateur qui va élaborer l'instrument dont il a besoin à travers des activités de genèse instrumentale, qui résultent d'un double processus d'instrumentalisation et d'instrumentation (4). Rapportée à la communication cette approche permet de distinguer la médiatisation de la médiation. La médiatisation désigne le processus de conception et de mise en œuvre d’une communication instrumentée, et relève de l’intention du sujet et des spécificités de l'artefact utilisé. La médiation désigne alors les effets de la communication instrumentée sur les comportements cognitifs et relationnels des sujets. L’enjeu pour l'auteur d'une communication est alors de savoir médiatiser mais aussi d'être en capacité d’anticiper la médiation, pour mettre en relation la forme de la communication avec les buts poursuivis, en fonction du contexte et du public ciblé.

Développer les usages, permettre l'appropriation

En seconde année, les étudiants élaborent une démarche de communication à partir de leur terrain de stage. Ils repèrent une problématique sociale et recherchent en quoi la communication peut la faire évoluer. Leur analyse leur permettra d’élaborer une démarche de communication, de la formulation des objectifs opérationnels à la définition des moyens ou supports de communication. La communication se développe ici comme moyen d'intervention, dans le cadre des missions et au bénéfice d'un public cible.

La problématique de cette épreuve réside dans la capacité à mobiliser une technique, technologie ou support de communication dans le cadre d'une activité créatrice, au sens de porteuse de nouveauté susceptible de résoudre les problèmes qui se posent. Cette nécessité suppose de se décentrer d'une posture d'utilisation d'un objet, c'est à dire de conformité à une utilisation prescrite (par le concepteur, par les routines, les représentations...) pour considérer les usages possibles de ce même objet. Serge Proulx définit le concept d'appropriation technique comme l'aboutissement d'un processus d'usage qui se réalise dans la maîtrise technique et cognitive de l'objet, puis par l'intégration significative de l’objet technique dans la pratique quotidienne de l’usager qui ouvre vers des possibilités de création. Dans un contexte où les étudiants et travailleurs sociaux sont porteurs de multiples compétences, la formation peut être l'espace permettant de valoriser ce que chacun est capable de faire, et d'encourager la verbalisation, le partage et la construction collective des usages.

1) La Cie des Ondes. Site internet : lacompagniedesondes.fr
2) (in)formatif, 3 numéros parus.
3) Temps fort Plateforme Unaforis Bretagne - Communiquer : un outil de formation, un outil d’information
4) L'instrumentalisation, dirigée vers l'artefact, consiste dans la sélection, le regroupement, la production et l'institution de fonctions. L'instrumentation, relatif au sujet, consiste en l'émergence et l'évolution des schèmes d'utilisation.

Bibliographie :

– Bouchard, Louise, Ducharme, Marie-Noëlle. Les défis posés au travail social à l’ère des technologies de l’information. Nouvelles pratiques sociales, 2000, vol. 13, n°1. P. 119-136.
– Bouton, Michel. Ethique de la communication. In DEASS DC3, Communication professionnelle en travail social. Paris : Vuibert, 2013. P. 13-25.
– Gautellier, Christian. Nouvelles technologies et travail social. VST – Vie sociale et traitements, 2002/4, n°76. P. 8-11.
– Peraya, Daniel. Un regard critique sur les concepts de médiatisation et de médiation. Nouvelles pratiques, nouvelle modélisation. [En ligne] Site internet de l’université de Grenoble, publié le 13 février 2009. Disponible à l’adresse : . Consulté le 15 juillet 2014.
– Proulx, Serge. Trajectoires d’usages des technologies de communication : les formes d’appropriation d’une culture numérique comme enjeu d’une société du savoir. Annales des télécommunications, tome 57, no. 3-4, 2002. p. 180-189.
– Rabardel, Pierre. Les hommes et les technologies. Une approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Collin, 1995.

Résumé en Anglais


Non disponible