Cette communication entend restituer, aussi fidèlement que possible, les observations réalisées par les professionnels des Conseils généraux d’Ille-et-Vilaine et de Meurthe-et-Moselle lors d’une mission ayant pour objet la découverte des pratiques en protection de l’enfance au Québec. Cette mission était composée de deux volets principaux : l’un portant sur la découverte du pilotage de l’action sociale et du développement social alors que l’autre se centrait plus spécifiquement sur les pratiques professionnelles en protection de l’enfance. Chacun de ces deux volets était composé d’une délégation spécifique. Nous entendons développer notre propos autour du second volet de cette mission qui reposait sur une action de formation continue. L’objectif principal de cette formation visait, d’une part, à favoriser l’implication des professionnels par un renforcement de leur expertise professionnelle et, d’autre part, à soutenir le développement de leurs projets expérimentaux autour des cinq thématiques principales : l’encadrement et le management ; les prises en charge d’enfants de 0 à 3 ans ; les interventions centrées sur les ressources des familles ; l’intervention en situations de crise ; les outils d’évaluation et l’objectivation des situations et des interventions. Le programme de formation s’articulait autour de trois temps principaux : Deux jours de conférences les 24 et 25 octobre 2013 sur l’organisation institutionnelle, les dispositifs, les programmes et les outils déployés protection de l’enfance et dans le secteur sanitaire et social ; Deux journées et demie dites « en immersion », réalisées sur trois sites distincts (Montérégie, Saguenay-Lac Saint-Jean et Québec) les 28, 29 et 30 octobre 2013 matin, dans différentes types de services de la protection de l’enfance québécois ; Deux journées de formation, réalisées à Québec les 31 octobre et 1er novembre 2013, ayant pour objectifs principaux la mise en forme des informations et observations collectées, leur validation et leur mutualisation. Cet intérêt commun des deux départements autour de ces cinq thématiques était néanmoins sous-tendu par des arrière-plans distincts : une recherche-action « Alternatives au placement » pour le Conseil général d’Ille-et-Vilaine et une évaluation des dispositifs « Enfance-Famille » pour le Conseil général de Meurthe-et-Moselle.
Dans le cadre cette communication, il s’agit d’apporter, d’une part, des témoignages sur ces pratiques telles qu’elles ont été perçues par les participants lors d’expériences « en immersion » dans des services et établissements de la protection de l’enfance québécois et, d’autre part, d’énoncer les perspectives opérationnelles qui ont été définies après étude de la transférabilité des pratiques observées. Elle procède ainsi d’un travail d’écriture collectif qui ne comprend pas moins de dix-neuf contributeurs, trois auteurs et un auteur principal. Les contributeurs et auteurs sont les douze professionnels et la responsable du service protection de l’enfance du Conseil général d’Ille-et-Vilaine ainsi que les huit professionnels et le directeur « enfance-famille » du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui interviennent dans le champ de l’action sociale et de la protection de l'enfance. Il nous est revenu, en tant que responsable de la formation continue, d’assurer la présentation finale de cette communication. Il convient également de souligner que ces points de vue personnels sur les pratiques québécoises procèdent d’une construction encadrée par le processus de formation lui-même. L’élaboration progressive de ceux-ci s’est réalisée, d’une part, en s’appuyant sur des supports méthodologiques appropriés et, d’autre part, dans confrontation avec des experts québécois. Ces derniers ont effectivement pu interagir avec les participants à la faveur d’interventions sur l’organisation institutionnelle québécoise et par rapport à l’élaboration de la réflexion collective autour des expériences « en immersion ». Ces dispositions de formation ont ainsi permis de lever les éventuelles incompréhensions et de répondre aux interrogations des participants.
Ainsi, après le séjour sur le sol québécois, une journée de formation était organisée dans chacun des deux départements participants. Elle a réuni, d’une part, le groupe de professionnels de l’Ille-et-Vilaine et, d’autre part, ceux de la Meurthe-et-Moselle. Ces deux groupes de professionnels ont ainsi mené leur réflexion séparément en fonction de leurs perspectives propres : d’un côté, la recherche-action « alternatives au placement » et, de l’autre, l’évaluation des dispositifs « Enfance-Famille ». Ces mises en perspectives différentes du travail de réflexion des uns et des autres expliquent, pour une large part, les différences d’analyse entre les deux groupes de professionnels.
En Ille-et-Vilaine, les professionnels ont élaboré des propositions directement inspirées par les pratiques professionnelles observées en fonction de leur faisabilité et d’une logique de planification. Cette organisation planifiée de la réflexion détermine ainsi des ordres de priorités entre différentes propositions évaluées à l’aune de leur faisabilité. Il apparaissait ainsi intéressant de réfléchir, à court terme, sur les points suivants : l’utilisation d’outils pour évaluer les situations familiales relevant de la protection de l’enfance (compétences parentales, limites) ; la formation sur les outils d’évaluation ; la participation des familles ; les besoins de l’enfant ; l’intensité des interventions ; la détermination d’un nombre adaptés de situations par intervenant. A moyen terme, de nouvelles perspectives semblaient également envisageables : l’évaluation continue les actions expérimentées dans les C.D.A.S ainsi que le processus de recherche-action dans sa globalité ; la création d’un outil informatique commun et individuel pour chaque famille ; la pérennisation du travail avec les chercheurs ; le développement des actions collectives comme outil d’accompagnement ; la redéfinition des priorités dans les missions du Conseil général. Enfin, à plus long terme, il paraissait possible d’engager des innovations nécessitant un temps de réflexion et d’élaboration plus conséquent : le développement d’une culture, d’un langage commun et d’une approche conjointe avec les partenaires ; la reconfiguration de la formation initiale en matière de la protection de l’enfance ; la réorganisation de la formation continue dans une optique plus opérationnelle. Ces différentes propositions s’inscrivaient dans une réflexion plus générale de mutualisation de cette expérience québécoise avec l’ensemble des professionnels et des élus du département. En sens, plusieurs initiatives se sont concrétisées : la réalisation d’un film sur la base d’interviews des participants, une présentation des enseignements de la formation continue au Québec dans les C.D.A.S du département avec le support d’un diaporama, la réalisation d’un rapport collectif.
En Meurthe-et-Moselle, les professionnels ont élaboré des propositions inspirées par les pratiques professionnelles observées qui sont étroitement corrélées à la thématique « des outils d’évaluation, de l’objectivation des situations et des interventions » qui constituait leur objectif principal de formation. L’évaluation des dispositifs « Enfance-Famille » du département a effectivement révélé la nécessité d’une amélioration des pratiques d’évaluation dans une logique de diagnostic partagé par les professionnels. L’objectif recherché, à terme, est effectivement l’intégration des principes et méthodes du développement social. Il apparaît effectivement que l’évaluation des situations est, aujourd’hui, surtout orientée sur le repérage des difficultés de l’enfant et de sa famille. L’enjeu est donc de se centrer, demain, plus fortement sur l’identification de leurs ressources et potentialités ainsi que sur celles de leur environnement social de proximité. En ce sens, l’observation participante des nombreux outils en protection de l’enfance au Québec devait notamment permettre de nourrir la réflexion sur deux des objectifs posés dans le cadre de l’évaluation des dispositifs « Enfance-Famille », à savoir : la construction d’un guide des pratiques d’évaluation autour des informations préoccupantes et de l’évaluation d’un besoin de protection administrative ou judiciaire en cohérence avec l’esprit de la loi du 5 mars 2007 ; l’élaboration d’un protocole Enfance/Famille avec les partenaires (notamment les établissements sociaux et médico-sociaux) sur l’évaluation des situations sociales. Cette dynamique de réflexion autour de l’évaluation des situations donnait tout son sens à une communication autour de cette expérience québécoise auprès de l’ensemble des professionnels et des élus du département. Il était ainsi prévu de présenter, avec le support d’un diaporama, les enseignements de la formation continue au Québec dans différentes instances du département.
En résumé, dans le cadre de cette communication, nous commencerons d’abord notre propos par une brève évocation du contexte dans lequel s’est déroulée cette mission au Québec. Puis, nous présenterons synthétiquement la réflexion des participants autour des cinq thématiques investiguées. Enfin, nous dresserons les perspectives de transfert des pratiques telles qu’elles ont été envisagées par les participants et nous attarderons sur l’intérêt et les limites, un an après, de cette formation continue dont l’objectif visait à favoriser les innovations.
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