Fiche Documentaire n° 3386

Titre Les ateliers coopératifs dans la formation des Éducateurs Spécialisés

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Auteur(s) PECH Rémi  
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

Les ateliers coopératifs dans la formation des Éducateurs Spécialisés

Depuis quelques années, nous constatons un accroissement du nombre de personnes qui mettent en place des stratégies visant l’obtention du diplôme sans envisager le groupe comme étant un passage obligé. Nous avons voulu, et c'est là l'intention première de ces ateliers coopératifs, combler le décalage qui se creusait entre notre intention pédagogique et les réalités de certains parcours de formations qui faisaient l’ « économie » du collectif.
Nous avons donc réfléchi à des dispositifs de formation qui visent la quinzaine de stagiaires en formation d’Éducateur Spécialisé qui effectuent une formation en trois ans (en voie directe ou en situation d'emploi). Ces ateliers ont pour vocation, au rythme d'une dizaine de séances par an, tous les mois environ, de remettre, de manière concrète, le groupe en avant comme constituant, en tant que tel, une instance de formation visant la professionnalisation (socialisation professionnelle basée sur l'acquisition en situation groupale de représentations professionnelles considérées comme autant de principes générateurs de prises de positions) ainsi que la production de savoirs nouveaux (car la finalisation de ces ateliers consiste en une restitution des travaux et recherches entrepris durant l'année).
Pour ces raisons, nous avons proposé une nouvelle modalité de formation librement inspirée de la pédagogie coopérative d’Henri Desroches qui vise le fait de renforcer la dimension collective et l’engagement des stagiaires dans les apprentissages, de tisser des ponts entre les différents domaines de formation ainsi qu’entre le centre de formation et les lieux d’exercices professionnels et de consolider une architecture de formation autour d’objectifs centrés sur le groupe de formation. Les ateliers coopératifs sont donc issus de cette réflexion.
Pour Henri Desroches (p. 117), « ce qui importe, c’est la nature de la coopérativité » entre les personnes accompagnées et les accompagnateurs. Aussi, il importe, toujours selon cet auteur, que l’accompagnateur adopte une conduite maïeutique que l’on peut aussi décliner en une attitude de « facilitateur ». Du côté des accompagnés, la créativité constitue l’élément central de la démarche. Elle doit revêtir deux dimensions, une créativité solitaire mais aussi une créativité solidaire. Aussi, en s’inspirant de cette pensée, nous avons mis en place des ateliers coopératifs comme autant d’instances qui mettent les participants en position d’élaborer une connaissance singulière, propre au groupe, grâce à un travail n’étant réalisable que par la co-action de l’ensemble des membres qui composent le groupe.
Pour ce faire, des groupes de trois à cinq personnes choisissent librement des thèmes de recherche à condition qu’ils revêtent à leurs yeux un intérêt et leur curiosité et qu'ils soient en lien avec le domaine de l’éducation spécialisée. La constitution des groupes est donc basé sur des choix de recherches et non pas sur des bases affinitaires.
Ainsi, encadrés par deux formateurs, les stagiaires de trois promotions différentes ont eu l’occasion de travailler collectivement. Les travaux produits ont concerné les conduites addictives, le regard porté sur les personnes handicapées ou encore les médiations culturelles. Ce qui est notable concernant l’ensemble de ces thématiques est la manière dont elles ont été travaillées par les stagiaires car ils ont très souvent élargi leur espace de travail en y impliquant des lycéens, des professionnels, d’autres stagiaires d’autres formations, des bénéficiaires de dispositifs, … Si créativité il y a eu, elle se situe pour le moins dans cette ouverture.
Ensuite, la dimension du travail de groupe a été essentielle et a permis à l’ensemble des participants de pouvoir éprouver les limites mais aussi et surtout la force du travail coopératif. Pour la plupart, la prise de conscience a été flagrante !
Enfin, les productions ont été à la hauteur du travail entrepris, créatives et innovantes autant qu’intéressantes.

Bibliographie

Desroches, H. (1990). Entreprendre d'apprendre Apprentissage 3. Paris: Les éditions ouvrières.

Présentation des auteurs

Rémi Pech
Formateur auprès des ME et des ES au CPFP de la Rouatière (11)
DEES
DHEPS
M2R Sciences de l'éducation

Communication complète

Cet article a pour objectif de présenter ce que nous nommons les ateliers coopératifs, instance pédagogique librement inspirée de la pédagogie coopérative d’Henri Desroche, que nous mettons en œuvre dans un cursus de formation préparatoire au DEES depuis trois ans.
Eléments de contexte
Le propos développé s’inscrit dans le contexte particulier du Centre de Formation en Travail Social de la Rouatière. Celui-ci est issu d’une histoire ancienne qui en fait un témoin autant qu’un gardien d’une certaine manière de penser la formation des adultes. Ainsi, depuis les premières colonies de vacances visant les jeunes ouvrières toulousaines dans les années 1930 et le constat fait plus tard concernant « l’ignorance morale, familiale, ménagère des jeunes de chez nous » (Cumenge, 1943), ce centre de formation oscille entre ce qu’Henri Desroche nomme les pédagogies didactiques et maïeutiques. Deux manières de penser la formation cohabitent depuis la création de ce centre de formation. La première vise, au regard de cette supposée ignorance, de combler les lacunes, d’instruire, et, selon la définition faite de la pédagogie didactique par Desroche (1990, p. 24), « d’inculquer le savoir à ceux qui ne savent pas ». Cette orientation pédagogique, induite par le référentiel de formation présent en annexe 3 dans l’arrêté du 20 juin 2007 relatif au diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé, est indispensable dans la mesure où un professionnel se doit de posséder des connaissances. De fait, il lui faut acquérir des savoirs. Pour autant, une autre manière de penser la formation, relative à la pédagogie maïeutique, a toujours été défendue par les équipes pédagogiques qui se sont succédées depuis la création de ce centre de formation et vise « la création de situations permettant [au stagiaire] de choisir parmi une variété d’actions éducatives, dont il aura contribué à définir les objectifs et les contenus, celles qui répondent le mieux à ses besoins. Dans un tel projet, [le stagiaire] est agent de sa propre éducation par l’interaction permanente entre ses actions et sa réflexion… » (Desroches, 1990, pp. 29-29). Cette manière de penser la formation considère donc les stagiaires comme étant dépositaires de savoirs, qu’ils soient scolaires, académiques ou liés à des expériences professionnelles ou de vie. Ce qui nous semble caractéristique de notre centre de formation est donc, comme de nombreux autres, d’articuler pédagogies didactique et maïeutique.
Le constat de départ
Les stagiaires qui entrent en formation sont pour certains tous justes sortis de cursus scolaires ou universitaires. En conséquence, la pédagogie à laquelle ils sont les plus adaptés est la pédagogie didactique, c’est-à-dire celle qui vise à engranger des savoirs et dont on vérifie « l’assimilation par des examens » (Desroches, 1990, p. 25). Ce qui peut leur paraitre secondaire est la transférabilité de ces éléments de connaissance aux différents terrains professionnels mais un autre élément peut d’autant plus les interroger : certains savoirs n’apporteront jamais de solution aux situations rencontrées sur le terrain mais permettront, tout au plus, de les contextualiser, c’est-à-dire d’aider à situer ce qui échappe à la maitrise sans jamais vraiment permettre de résoudre ce qui s’oppose à l’expertise. De plus, la mise en crédits des formations et leur alignement à l’architecture de Bologne a pour effet de les maintenir dans une logique de savoirs évaluables en tant que tels. En conséquence, nous constatons un accroissement du nombre de personnes qui mettent en place des stratégies individuelles visant l’obtention du diplôme avec, en corolaire, une absence de valorisation et de prise en compte de la dimension collective.
Le projet coopératif
L'intention première de ces ateliers coopératifs est de combler le décalage qui se creuse entre notre intention pédagogique et les réalités de certains parcours de formations qui font l’« économie » du collectif. C’est donc une démarche qui vise à renforcer ce qui relève de la pédagogie maïeutique. La réflexion vise la quinzaine de stagiaires en formation d’éducateur spécialisé qui effectuent une formation en trois ans (en voie directe ou en situation d'emploi).
En nous référant à la pédagogie coopérative, nous poursuivons l’objectif qui vise à renforcer la dimension collective et l’engagement des stagiaires dans les apprentissages mais aussi de contribuer, collectivement, à décloisonner ce que l’architecture de certification isole et compartimente.
Mise en œuvre
Ces ateliers sont proposés, depuis trois ans, au rythme d'une dizaine de séances par an, tous les mois environ. Ils remettent, de manière concrète, le groupe en avant comme proposant, en tant que tel, un espace de formation visant la professionnalisation (comprise comme socialisation professionnelle basée sur l'acquisition en situation groupale de représentations professionnelles considérées comme autant de principes générateurs de prises de positions) ainsi que la production de savoirs nouveaux (car la finalisation de ces ateliers consiste en une restitution des travaux et recherches entrepris durant l'année). La proposition faite aux stagiaires consiste à présenter ces ateliers comme la possibilité qui leur est donnée, en dehors de toute logique de certification, de se saisir de questionnements professionnels et de tenter d’y répondre, en valorisant les savoirs et expériences de chacun, de manière groupale. Ainsi, des groupes de trois à cinq personnes choisissent librement des thèmes de recherche à condition qu’ils revêtent à leurs yeux un intérêt, qu’ils éveillent leur curiosité et qu'ils soient en lien avec le domaine de l’éducation spécialisée. La constitution des groupes est donc basée sur des choix de recherches et non pas sur des bases affinitaires. Ensuite, une réflexion sur la place des formateurs dans un tel type d’accompagnement s’est engagée. Plusieurs éléments saillants sont apparus. D’abord, les formateurs qui encadrent cette instance de travail doivent adopter une posture qui facilite la coopération et l’entraide au sein des groupes de travail tout en valorisant ce que chacun des stagiaires peut mobiliser dans ses ressources et potentiels pour alimenter ce qui s’apparente à une intelligence collective favorisant l’innovation. Pour Henri Desroches (1990, p. 117), « ce qui importe, c’est la nature de la coopérativité » entre les personnes accompagnées et les accompagnateurs. Aussi, il importe, toujours selon cet auteur, que l’accompagnateur adopte une conduite maïeutique que l’on peut aussi décliner en une attitude de « facilitateur ». Du côté des accompagnés, la créativité constitue l’élément central de la démarche. Elle doit revêtir deux dimensions, une créativité solitaire mais aussi une créativité solidaire. Aussi, ces ateliers coopératifs constituent autant d’instances qui mettent les participants en position d’élaborer une connaissance singulière, propre au groupe, grâce à un travail n’étant réalisable que par la co-action de l’ensemble des membres qui composent le groupe.
Ensuite, une des spécificités du travail social est de faire appel à un grand nombre de savoirs et de disciplines académiques. L’un des enjeux de cette instance de travail réside aussi, de fait, en une possibilité (ou obligation ?) d’agencer plusieurs perspectives et plusieurs lectures possibles d’un même objet. Que faire pour permettre un tel cheminement si celui-ci s’amorce ? Le parti pris que nous avons est de favoriser au sein même de ces collectifs de travail la présence de formateurs dépositaires de savoirs académiques spécifiques et bien identifiés tout en veillant à favoriser ce que certains nomment la transdisciplinarité, la multiréférentialité ou encore la pensée complexe. Pour que cette dynamique de travail soit possible, « l’animation pluridisciplinaire nécessite un ancrage de chaque animateur dans ce mouvement dialectique [s’inscrivant dans] une réflexion épistémologique » (de Gaulejac, 1999, p. 271). Ainsi, de manière tout à fait concrète et illustrée, nous tentons d’articuler entre elles différentes manières de considérer des éléments dans tout ce qu’ils peuvent avoir de complexe.
Les effets produits
Ainsi, encadrés par deux formateurs issus de disciplines différentes, les stagiaires de trois promotions différentes ont eu l’occasion de travailler collectivement. Les travaux produits ont concerné les conduites addictives, le regard porté sur les personnes handicapées ou encore les médiations culturelles. Ce qui est notable concernant l’ensemble de ces thématiques est la manière dont elles ont été travaillées car les stagiaires ont souvent élargi leur espace de travail en y impliquant des lycéens, des professionnels, d’autres stagiaires d’autres formations, des bénéficiaires de dispositifs, … Si créativité il y a eu, elle se situe pour le moins dans cette ouverture.
Ensuite, la dimension du travail de groupe a été essentielle et a permis à l’ensemble des participants de pouvoir éprouver les limites mais aussi et surtout la force du travail coopératif. Pour la plupart, la prise de conscience a été flagrante !
D’un point de vue épistémique, le travail entrepris a été riche et a bien mis à jour la nécessité et la richesse d’un travail transdisciplinaire de manière très concrète et en se rapportant à des objets de réflexion bien réels. De manière générale, parce que nous y accordons beaucoup de valeur, nous avons envisagé la figure de l’éducateur spécialisé comme étant un bricoleur « apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées (…) et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord » (…). Les éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que « ça peut toujours servir » » (Lévi-Strauss, 2010, p. 31). De fait, c’est aussi à une transformation de la relation au savoir qu’ont contribué ces ateliers coopératifs.
Enfin, en tant que telles, les productions ont été à la hauteur du travail entrepris, créatives et innovantes autant qu’intéressantes.

Résumé en Anglais

This paper presents “cooperative workshops” implemented for three years in a course of preparatory training within the frame of a DEES curriculum. The theoretical basis for this educational option is based on the Henri Desroche’s cooperative pedagogy. In connection with this teaching, epistemic consequences of such an approach are considered so as to engage students in a dynamic interdisciplinary thinking.