Formation des éducateurs intervenant auprès des jeunes délinquants :
vers un renversement des postures ?

La principale difficulté de l’intervention éducative en France aujourd’hui semble être que l’éducation spécialisée s’est installée dans le virtuel. Elle s’est coupée de la société parce que certains praticiens se sont « fonctionnarisés » ; parce que la professionnalisation a été bien plus souvent abordée sous l’angle de la formation que sous l’angle de la motivation (les deux termes ayant finalement été quasiment opposés); parce que beaucoup de choses ont été prises dans de l’idéologie, allant d’une conception angélique de l’éducation – systématiquement opposée à la contrainte – à une vision de la société considérée comme extérieure aux acteurs qui la composent : les sujets désocialisés seraient ainsi d’abord des victimes sociales en partie dépourvues de responsabilité tant à l’égard de leur histoire qu’à celle de leur devenir.



Pourtant face à la violence des structures et des comportements, si une pédagogie de la loi a quelque chance d’être non violente, cela ne tient qu’à l’engagement humain des personnes qui en sont les garants et qui cherchent à la promouvoir.



Le dispositif de professionnalisation qui a été engagé récemment pour les intervenants éducatifs des Centres Educatifs Renforcés s’inscrit alors dans une volonté de renverser les logiques de formation admises et le conformisme ambiant (dont l’université française, réputée peu professionnalisante est à certains égards le contre-modèle). Il ne s’agit pas de nier l’intérêt des connaissances et des approches théoriques ou de ne mesurer les choses qu’à l’aune de leur caractère plus ou moins opérationnel, ou encore d’imposer des modèles, des prescriptions de rôles, des normes pour l’action.

Cf. notamment Pierre BECHLER, Les formations sociales peut-être enfin à l’heure de l’Europe, in Revue Empan, La formation en questions, n°56, déc. 2004, pp.33-44.

[2] … et évidemment du fait du manque d’anticipation concernant ces questions par des gestionnaires d’organisation qui ont encore beaucoup de mal à se penser comme des managers et qui ont encore plus de difficulté à admettre qu’ils ont un rôle à jouer dans la gestion des ressources humaines dont les organisations qu’ils dirigent ont besoin.

[3] Organisme Paritaire Collecteur Agréé de la branche sanitaire et social privée à but non lucratif, devenu aujourd’hui UNIFAF

[4] respectivement Union et Syndicat d’employeurs dans le champ de la protection de l’enfance et de l’adolescence

[5] Cela a été rendu possible par le recours à un consultant utilisant de manière particulièrement intelligente la méthode ETED, qui comme toute méthode, connaît ses limites du fait même :

- que les informations qui doivent être recueillies pour aboutir à une analyse et à une modélisation des emplois-types « en dynamique », dépendent avant tout de la qualité de la relation que le consultant va instaurer avec les personnes qui détiennent – souvent sans le savoir elles-mêmes - ces informations ;

- et que la qualité du traitement des informations relève à la fois d’un savoir-faire qui ne découle pas de l’application stricte d’une technique apprise, et d’un intérêt implicite ou d’une empathie de la part du consultant à l’égard des activités concernées par les informations.

[6] On remarquera que ce travail est parfaitement cohérent avec la mise en oeuvre ultérieure d’un processus de VAE, tel au moins qu’il a été élaboré par PROMOFAF, le GNI et AFORTS, puis repris par la DGAS, pour le Diplôme d’Etat d’Educateur Spécialisé (cf. Actualités et perspectives, journal du SNASEA, numéro spécial, décembre 20003).

[7] Pour une présentation plus précise et mieux argumentée de ce point, cf. Pierre BECHLER et alii, Quelle formation pour les personnels éducatifs des Centres Educatifs Renforcés ? Des aptitudes avérées aux compétences certifiées : pour un renversement des logiques de formation, Rapport d’Etude pour PROMOFAF, SNASEA, UNASEA…, IRFAS, juin 2002

[8] Cf. CEDEAT, Michel ROUSSEAU, La fonction d’intervention éducative en Centre Educatif Renforcé, Projet de référentiel professionnel, rapport final, juin 2002

Pierre Bechler, Jean-Claude Ottogali et Frédéric Mazereau, IREIS Rhône Alpes

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