Fiche Documentaire n° 3523

Titre Mutations de la société et Travail Social :
Expertise sociale et développement du pouvoir d’agir en question

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l'auteur principal

Auteur(s) ROBIN REGIS  
     
Thème AIFRIS PORTO JUILLET 2015  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

Mutations de la société et Travail Social :
Expertise sociale et développement du pouvoir d’agir en question

Puisqu’il paraît que "ceux qui ont le plus d’avenir, sont ceux qui ont la plus longue mémoire", cette intervention s’inscrit dans une perspective socio-historique, reprenant dès lors quelques repères-clés discutant la présence, le sens et les formes du travail social. Elle a pour objet de réinterroger l’accompagnement social dans le contexte de société dans lequel nous évoluons et ainsi envisager les marges de liberté du travailleur social, plus particulièrement à l’aune de l’expertise sociale (objet de recherche actuel de mon travail de thèse) et du développement du pouvoir d’agir des différents protagonistes. Sur le chemin de cette intervention, nous emprunterons celui du Petit Chaperon Rouge, en passant par l’allégorie de la flûte ; nous flirterons avec le Lit de Procuste, nous baignerons dans les eaux d’Héraclite, tout cela sous le regard de Métis.
Pour "dompter les loups", deux expressions des mutations de la société peuvent être saisies, tout au moins stratégiquement, par les travailleurs sociaux : l’expertise sociale et le développement du pouvoir d’agir. De quoi est constituée l’expertise sociale ? Qui la détient ? Les ASS acceptent la dénomination expertise sociale pour être reconnus, pour être et se sentir légitimes dans leurs interventions, mais également en tant que « force de proposition » sur les moyens de résoudre la question sociale aujourd’hui. Corrélativement, dans "une société devenue marché", ils résistent à cette terminologie en référence à leurs valeurs professionnelles et leurs conceptions humanistes de la société, en lien avec un certain rejet de la rationalisation bureaucratique, de la marchandisation du social, ainsi que de la stigmatisation de ceux que cette marchandisation broie. La crainte de figer l’intervention sociale, et ainsi de la dénaturer, de lui faire perdre son sens, reste très présente. En termes de résistance, cela se traduirait ainsi par faire en sorte que le travail de l’ASS ne se réduise pas au lit de Procuste .
A l’heure où chaque professionnel est sommé d’expertise, et dans un "agir pluriel et contextuel", où chacun est censé amener son expertise, quelle serait la place de celle des ASS ?
Au regard du "savoir lier", l’œuvre des ASS, au sens de celle réalisée par l’artisan, consisterait en un métissage de différentes logiques et de différentes approches dans un souci de respect de la singularité, de l’altérité. L’expertise sociale pourrait s’inscrire comme une mise en valeur de ce métissage; Métissage pouvant être également regardé via Métis qui, dans la mythologie grecque, incarne la personnification de la sagesse et de l’intelligence rusée.
Comme l’écrivait Brim, un des problèmes des métiers du travail social, est "qu’on ne sait jamais si on a réellement réussi". C’est peut-être aussi pourquoi le besoin de reconnaissance des intervenants semble d’autant plus grand.
L’approche de l’expertise sociale permet de regarder si "les intervenants sociaux sont irrémédiablement contraints à être des techniciens de la rationalisation au service de logiques strictement gestionnaires ou si ils peuvent devenir des innovateurs au service de projets politiques et sociaux progressistes incluant des contraintes économiques, mais aussi des exigences déontologiques propres au champ social" .
Prendre conscience des enjeux liés à l’expertise sociale est un premier espace de liberté , s’en saisir permet d’envisager d’être "créateur de sens" . Dans ce même ordre d’idée, la part d’invention et de créativité, nécessaires pour combler le décalage entre le travail prescrit et le travail réel, ne serait-elle pas une forme d’expertise ? N’est-ce pas là le développement de leur pouvoir d’agir ? Quelle conscientisation les ASS ont-ils de cela ? En quoi la formation initiale (et le formation continue) peut participer à cela ?

Bibliographie

Hélène Hatzfeld - Revue EMPAN
Elisabeth Weissman "La désobéissance éthique"
Robert Castel "Expert mandaté - Expert instituant"
Régis Robin « Malaise en psychiatrie – Le triomphe de la confusion »
Fabrice Ripoll « Du rôle de l’espace aux théories de l’acteur. La géographie à l’épreuve des mouvements sociaux »
Régis Robin « L’expertise et les Assistants de Service Social – Une réalité controversée » - 2009.
Colloque « L’Etat social dans tous ses états » - Marseille, Déc. 2011

Présentation des auteurs

Régis Robin - ARIFTS Angers
Formateur en travail social depuis 11 ans, après une expérience de 11 années comme Assistant social en psychiatrie adultes.
Doctorant Géographie sociale - Sociologie travail social

Communication complète

« Mutations de la société et Travail Social : Expertise sociale et développement du pouvoir d’agir en question »
Régis ROBIN

Puisqu’il paraît que « ceux qui ont le plus d’avenir, sont ceux qui ont la plus longue mémoire » (Nietzsche), cette intervention s’inscrit dans une perspective socio-historique, reprenant dès lors quelques repères – clés discutant la présence, le sens et les formes du travail social.
Elle a pour objet de réinterroger l’accompagnement social dans le contexte de société dans lequel nous évoluons et ainsi envisager les marges de liberté du travailleur social, plus particulièrement à l’aune de l’expertise sociale (objet de recherche actuel de mon travail de thèse) et du développement du pouvoir d’agir des différents protagonistes.

Mon propos sur l’expertise n’en est pas une apologie, ni une contestation abrupte, mais bien la recherche de compréhension des enjeux que la terminologie « expertise sociale » met à l’œuvre dans et pour la profession d’Assistant de service social, des enjeux notamment en termes d’accompagnement et de professionnalité.

Sur le chemin de cette intervention, nous emprunterons celui du Petit Chaperon Rouge, en passant par l’allégorie de la flûte ; nous flirterons avec le Lit de Procuste, nous baignerons dans les eaux d’Héraclite, tout cela sous le regard de Métis (déesse grecque)…
Pour « dompter les loups » , deux expressions des mutations de la société peuvent être saisies, tout au moins stratégiquement, par les travailleurs sociaux : l’expertise sociale et le développement du pouvoir d’agir.
De quoi est constituée « l’expertise sociale » ? Qui la détient ? Qu’en est-il, à cet effet, de chacun des protagonistes (différents professionnels, usagers, bénévoles, élus, etc.) sur un même territoire ?

Les ASS acceptent la dénomination « expertise sociale » pour être reconnus, pour être et se sentir légitimes dans leurs interventions, mais également en tant que « force de proposition » sur les moyens de résoudre la question sociale aujourd’hui.
Corrélativement, dans « une société devenue marché » , ils résistent à cette terminologie en référence à leurs valeurs professionnelles et leurs conceptions « humanistes » de la société, en lien avec un certain rejet de la rationalisation bureaucratique, de la marchandisation du social, ainsi que de la stigmatisation de ceux que cette marchandisation broie… La crainte de « figer » l’intervention sociale, et ainsi de la dénaturer, de lui faire perdre son sens, reste très présente.
En termes de résistance, cela se traduirait ainsi par faire en sorte que le travail de l’ASS ne se réduise pas au lit de Procuste .

A travers les différents types de relations entretenues, et évoquées, par les Assistant(e)s de service social, en quoi reconnaissent-ils « l’expertise sociale » mise en œuvre et qui leur est attribuée ? Cette « expertise sociale » est-elle territoriale ? Quelle connaissance les ASS ont des autres acteurs de leur territoire ? Et réciproquement ? Quelles attentes ? A l’heure où chaque professionnel est sommé d’expertise, et dans un « agir pluriel et contextuel » , où chacun est censé amener son expertise, quelle serait la place de celle des ASS ? Est-ce que cela se traduit par leur rôle d’interface, dans leur « savoir lier » ? Comment leur expertise s’articule-t-elle avec celle des autres professionnels ?

Au regard du « savoir lier », l’œuvre des ASS, au sens de celle réalisée par l’artisan, consisterait en un métissage de différentes logiques et de différentes approches dans un souci de respect de la singularité, de l’altérité.
L’expertise sociale pourrait s’inscrire comme une mise en valeur de ce métissage ; « Métissage » pouvant être également regardé via Métis qui, dans la mythologie grecque, incarne la personnification de la « sagesse » et de « l’intelligence rusée ».
Communiquer sur ce qu’est l’expertise sociale, sur ce « savoir-lier », pour les ASS semble s’imposer car, comme le disait Levi-Strauss, « les mots sont des instruments que chacun de nous est libre d’appliquer à l’usage qu’il souhaite, mais à condition qu’il s’explique sur ses intentions ».

La formation d’ASS a certainement une place à défendre, notamment à travailler sur cette question de communication (le DC3 du DEASS y fait d’ailleurs référence), sur le savoir « parler politique » (vie dans la cité / organisation politique de la société / com° vers élus et décideurs / etc.).
D’autant plus que, comme l’écrivait Brim, un des problèmes des métiers du travail social, est « qu’on ne sait jamais si on a réellement réussi ». C’est peut-être pourquoi le besoin de reconnaissance des intervenants semble d’autant plus grand.

L’approche de l’expertise sociale permet de regarder si « les intervenants sociaux sont irrémédiablement contraints à être des techniciens de la rationalisation au service de logiques strictement gestionnaires ou si ils peuvent devenir des innovateurs au service de projets politiques et sociaux progressistes incluant des contraintes économiques, mais aussi des exigences déontologiques propres au champ social » .
Si je retiens volontairement cette terminologie « d’innovateurs », c’est que « l’innovation est souvent une désobéissance qui a réussi » (Hervé Serieyx, ancien délégué interministériel à l’insertion des jeunes) …
Pour reprendre les termes d’Elisabeth Weissman, la résistance évoquée par les travailleurs sociaux pourrait également se lire comme une « désobéissance éthique ».

Prendre conscience des enjeux liés à l’expertise sociale est un premier espace de liberté , s’en saisir (au sens de Castel ) permet d’envisager d’être « créateur de sens » .
Dans ce même ordre d’idée, la part d’invention et de créativité, nécessaires pour combler le décalage entre le travail prescrit et le travail réel, ne serait-elle pas une forme d’« expertise » ? N’est-ce pas là le développement de leur pouvoir d’agir ?
Quelle « conscientisation » les ASS ont-ils de cela ? En quoi la formation initiale (et le formation continue) peut participer à cela ?
Cette communication tentera de discuter ces différentes dimensions… notamment à l’aune de premiers résultats de recherche.

Résumé en Anglais

Since it appears that "those who have no future, are those who have the longest memory," this intervention is part of a socio-historical perspective, thus taking some key benchmarks discussing the presence, direction and forms of social work. It aims to re-examine the social support in the context of society in which we operate and thus consider the margins of freedom of the social worker, especially in terms of social expertise (current research focus of my work thesis) and development of the empowerment of the various protagonists. On the way to this intervention, we will take the Little Red Riding Hood, through the allegory of the flute; we flirterons with the Procuste bed, we bathe in the waters of Heraclite, all under the gaze of Métis.
For "taming wolves," two expressions of changes in society can be entered, at least strategically by social workers: social expertise and the development of the power to act. What is constituted social expertise? Who holds it? The social worker accept social expertise name to be recognized, to be and feel legitimate in their interventions but also as "force proposal" on how to solve the social question today. Correspondingly, in a "market society become", they resist this terminology in reference to their professional values and humanistic conceptions of society, in connection with some rejection of bureaucratic rationalization, the commodification of social, as well as the stigmatization of this commodification grinds. The fear of freezing social intervention, and so distort, making it lose its meaning remains very present. In terms of strength, this would translate to ensure that the work of the SSA does not reduce the Procrustean bed.
At a time when every professional expertise is summoned, and in a "plural and pop act" where everyone is expected to bring his expertise, what would be the place of that of ASS?
Under the "know bind" the work of the social worker, within the meaning of that achieved by the craftsman, would be a mix of different approaches and different approaches in order to respect the uniqueness and otherness. Social expertise could register as a development of this blend; Interbreeding can also be watched via Métis who, in Greek mythology, represents the personification of wisdom and cunning intelligence.
As wrote Brim, one of the problems of social work professions, is "you never know if one has really succeeded." That may also be why the need for recognition of the speakers seem even greater.
The social expertise approach allows to look at whether "social workers are forced to be irretrievably technicians streamlining the service logics strictly managers or they can become innovators in the service of progressive political and social projects including constraints economic, but also ethical requirements specific to the social field ".
Awareness of social issues related expertise is a major area of freedom, to seize it allows to consider to be "creator of sense." In this same vein, the share of invention and creativity needed to bridge the gap between the prescribed work and real work, would it not a form of expertise? Is not this the development of their power to act? What awareness social worker do they have it? What initial training (and training) can participate in this?