Regarder l'arc-en-ciel: Pour réinventer l'intégration

Dans le champ de la santé mentale aujourd’hui, la reconnaissance de la différence et de l’altérité tend à devenir suspecte. La montée en force d’un discours « politiquement correct » qui normalise les problèmes de santé mentale et les personnes concernées, qui restent parmi les plus marginalisées dans notre société, a notamment été animée par un souci légitime de lutte à la stigmatisation. Un tel discours donne notamment le ton à des pratiques de soutien à l’intégration et à l’inclusion dans la communauté parmi les plus reconnues parce que réputées fondées sur des données probantes. Par ailleurs, une recherche récente réalisée au Québec ayant impliqué différents acteurs (personnes concernées, intervenants, gestionnaires) de milieux de pratique en santé mentale met en relief les limites et les effets pervers potentiels d’une perspective qui survalorise la normalisation, en particulier un risque réel d’exclusion de celles et ceux qu’on ne parviendrait pas à « normaliser ». Dans et par leur pluralité, les témoignages de personnes ayant un vécu de problèmes de santé mentale nous montrent qu’une conception de l’inclusion au monde « tel qu’il va », selon une belle expression de Saul Karsz, pourrait être en partie illusoire. Ces témoignages mettent en effet en évidence que tout projet d’inclusion sociale, dans sa radicalité, appelle une certaine transformation du monde et des valeurs et repères qui font sens et guident l’action dans le monde et donc, à la base, une résistance à la pression exercée par certaines normes existantes pour que la reconnaissance sociale s’élargisse à d’autres formes d’expériences et de parcours.

Dans le forum proposé, ces questions et enjeux seront abordés à partir de la projection du documentaire Regarder l’arc-en-ciel : Pour réinventer l’intégration réalisé au Québec en 2014 par Merdad Hage et Marie-Laurence Poirel, en collaboration avec les membres du comité de suivi de la recherche Repenser l’intégration (2014). Ce documentaire donne la parole à trois personnes ayant un vécu de problèmes de santé mentale qui nous parlent de leurs parcours, de leurs rêves, de leur manière personnelle de prendre part à la communauté et d’habiter le monde commun. Au fil du documentaire, des intervenants de milieux de pratique en santé mentale partagent aussi leur vision de l’intégration et de l’inclusion sociale et des contradictions auxquels ils font face ainsi que des pratiques déployées pour faire obstacle à la marginalisation.

La formule proposée pour ce forum comprend ainsi le visionnement d’un documentaire d’une quarantaine de minutes suivi d’un débat avec l’auditoire autour de questions et d’enjeux soulevés à travers le documentaire.

Bibliographie sélective (publications directement en lien avec la proposition):

Poirel, M.-L. et Weiss, B. (2014). Vous avez dit intégration? Usages et tensions dans l’utilisation de la notion d’intégration sociale dans les publications gouvernementales et les programmes sociaux au Québec (1989-2012) : le cas des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale, dans Doucet, M.-C. et Moreau, N. (dir.), Penser les liens entre santé mentale et société. Les voies de la recherche en sciences sociales, Presses de l’Université du Québec.

Poirel, M.-L., Weiss, B., Khoury, E. et Clément, M. (soumis). Entre pressions normatives et résistances : l’intégration dans la collectivité des personnes vivant avec des problèmes de santé mentale. Nouvelles pratiques sociales, dossier Normativités, marginalités sociales et intervention.

Marie-Laurence Poirel est professeure à l'École de service social de l'Université de Montréal, membre de l'Équipe de recherche et d'action en santé mentale et culture (ÉRASME) et de l'Alliance internationale de recherche universités et communautés - Santé mentale et citoyenneté.

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