Fiche Documentaire n° 3531

Titre La mobilité internationale durant la formation des travailleurs sociaux,
une chance pour la créativité dans les pratiques ?

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l'auteur principal

Auteur(s) CHAPUT Corinne
DUPERRE Martine
TERRIER Eugénie
 
Site de l'auteur Wiordpress ( CHAPUT Corinne )  
     
Thème  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

La mobilité internationale durant la formation des travailleurs sociaux,
une chance pour la créativité dans les pratiques ?

Dans un contexte de précarisation des sociétés occidentales, il est un secteur où, paradoxalement, les moyens existent voire sont sous-utilisés. Les programmes comme ERASMUS et autres partenariats de mobilité étudiante ne sont pas toujours mobilisés à la hauteur de l’offre qu’ils proposent, notamment dans les centres de formation au travail social. L’enjeu est donc, pour les organismes de formation et les lieux de pratiques, de mieux connaître les effets potentiels des stages à l’étranger pour leurs étudiants. Ces mobilités internationales représentent-elles bien une plus-value, tant pour les apprenants, à titre personnel et professionnel, que pour les intervenants sociaux qui les accueillent et surtout, par ricochet, pour les populations auxquelles les futurs professionnels s’adresseront ensuite ?
L’analyse de la littérature montre qu’il y a très peu d’études qui viennent documenter cette question. Les écrits sur le sujet des retombées pour les étudiants des mobilités font davantage référence aux répercussions des stages internationaux sur le plan personnel que professionnel (Erlich, 2012). Sur le plan du cheminement dans la carrière, l’étude de Schomburg et Teichler, présentée par Erlich (2012), relève peu d’effets significatifs sauf un salaire légèrement plus élevé ou l’obtention plus fréquente d’emplois dans des organismes internationaux. Si les employeurs pensent que les personnes mobiles ont plus de compétences, cela n’a pas été mesuré. De plus, à notre connaissance, les effets de l’accueil de stagiaires internationaux pour les organismes d’accueil n’ont pas été investigués. De même, les conditions optimales de réalisation des mobilités internationales méritent d’être approfondies afin que les divers acteurs qui gravitent autour de ces expériences (étudiants, organismes d’accueil, organismes de formation) puissent optimiser ces dernières.
Dans le cadre d’un partenariat réunissant 5 Centres jeunesse au Québec et 5 établissements de formation en France, une équipe mixte de recherche s’est donc constituée pour répondre à 2 questions importantes : quels sont les effets des stages au Québec, pour les étudiants français en travail social, pour les organisations québécoises qui les reçoivent, et à quelles conditions ces stages permettent-ils de développer des compétences pour travailler avec les publics les plus en difficulté sociale et éducative ?
La méthodologie de recherche, outre la recension documentaire présentée succinctement ci-dessus, a été constituée de 3 outils principaux :
- L’étude des évaluations de stages rédigées par les étudiants et leurs formateurs de stages
- Le recueil de récits de vie en voyage auprès de 16 jeunes travailleurs sociaux français ayant effectué un stage en Centre jeunesse entre 2009 et 2012
- 13 entretiens individuels et 7 entretiens de groupe réalisés auprès de gestionnaires, de formateurs de stages et d’intervenants sociaux québécois ayant reçu des stagiaires français.
Cette recherche qualitative, commencée en 2013 mais entrée dans sa phase opérationnelle entre mai et octobre 2014, arrivera à son terme en juin 2015 et l’équipe sera en mesure d’en présenter les résultats au congrès de Porto. Grâce aux méthodes d’enquête mobilisées, elle permettra, on l’espère, de dépasser les clichés et les lieux communs sur les voyages à l’étranger en général et ceux qui « forment la jeunesse » en particulier.

Bibliographie

- Chaput C., Duperré M., Nadeau F., Terrier E., « Effets et enjeux des mobilités internationales pour études : histoire de vie d’un recueil de récits de voyage », Chemins de formation, Dossier : Avons-nous besoin de nous former aux Histoires de vie en formation ?, n°19, décembre 2014.
- Erlich, V. Les mobilités étudiantes. Paris : La documentation Française. 2012.
- Gourdelier Nathalie, Nelle Annie, A la rencontre des autres. Les mobilités internationales, une chance pour le travail social, Kyrielle, 2014, IRTS de Basse-Normandie.

Présentation des auteurs

Martine Duperré est professeure à l'Université Laval à Québec, France Nadeau est chef de service à la direction scientifique du Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire, Eugénie Terrier est responsable du PREFAS à Askoria Site de Rennes, Corinne Chaput est directrice du Département Recherche à l'IRTS de Basse-Normandie.

Communication complète

6ème Congrès AIFRIS
PORTO 2015
du 7 au 10 Juillet 2015

« Multiplication des précarités : quelles interventions sociales ? »


La mobilité internationale pendant la formation des travailleurs sociaux,
une chance pour la créativité des pratiques ?

AUTEURS

Corinne Chaput, docteure en sciences de l’éducation, directrice du Département Recherche, IRTS Basse-Normandie, chercheuse associée, Centre de recherches en éducation de Nantes et chercheur-collaborateur, Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire

Eugénie Terrier, docteure en géographie sociale, chargée de mission et de recherche, PREFAS Bretagne, ASKORIA, et chercheuse associée au laboratoire ESO, Université Rennes 2

Martine Duperré, Ph.D, professeure titulaire, École de service social, Université Laval

France Nadeau, Chef de service, Direction de la recherche, Centre Jeunesse de Québec, Institut universitaire


Introduction

Dans le cadre d’un partenariat réunissant 5 Centres jeunesse au Québec et 5 établissements de formation en France, une équipe de recherche franco-québécoise s’est constituée afin d’amener des éléments de réponse aux questions suivantes : quels sont les effets des stages au Québec pour les étudiants français en travail social, pour les organisations québécoises qui les reçoivent, et à quelles conditions ces stages permettent-ils de développer des compétences pour travailler avec les publics les plus en difficulté sociale et éducative ?
La question des effets de la mobilité internationale est centrale d’autant plus que les financeurs qui soutiennent ces mobilités étudiantes font le pari que les étudiants qui ont expérimenté des méthodes à l’étranger seront vecteurs d’innovation sociale une fois revenus dans leur pays d’origine. Cette recherche sur les effets de la mobilité internationale des étudiants-stagiaires du secteur social a pour ambition de permettre aux formateurs d’améliorer les conditions des séjours à l’étranger et le transfert des connaissances acquises, de constituer une aide à la décision pour les gestionnaires impliqués dans le partenariat et d’approfondir les connaissances sur la question des effets de la mobilité internationale.

Problématique

Se déplacer est une action qui n’est pas sans conséquence pour les individus et pour les sociétés. Depuis quelques années, et plus particulièrement du fait de la recrudescence de la mobilité spatiale des personnes, les chercheurs en sciences sociales s’intéressent de plus en plus aux causes, aux formes et aux effets de cette mobilité. Une des hypothèses principales renvoie au fait que la mobilité spatiale permettrait d’accumuler un certain nombre de ressources, constituées à la fois de savoirs et de compétences.

Les écrits sur les retombées des mobilités pour les étudiants font cependant davantage référence aux répercussions sur le plan personnel que professionnel (Erlich, 2012). Les recherches existantes notent une augmentation des compétences linguistiques, une meilleure compréhension de la culture du pays d’accueil (Erlich, 2012 ; Goldstein & Kim, 2006 ; Mercure, Ba & Turcotte, 2010), un changement des aspirations générales et des valeurs personnelles, de nouveaux repères sociaux et culturels, une habileté à mieux composer avec l’imprévisibilité (Mercure, Ba et Turcotte, 2010) et, enfin, ce type de mobilité permet aussi de faire des rencontres, et d’augmenter l’autonomie et la confiance en soi (Erlich, 2012). La mobilité internationale est aussi perçue comme donnant la possibilité à l’individu de lui révéler l’étranger qui est en lui, une façon de l’aider à mieux comprendre l’expérience des personnes étrangères. Rémy Knafou formule cette idée de la manière suivante : « Attribut fondamental de la liberté, la mobilité géographique est aussi probablement école de tolérance et de connaissance des autres » (1998, p. 10).

Cependant, malgré une augmentation de l’importance accordée aux séjours internationaux pour études, la revue de littérature montre que les études empiriques sur les mobilités internationales pour études dans le cadre de la formation en travail social sont pratiquement inexistantes. Ainsi, à travers l’étude des effets des stages au Québec dans le cadre des formations sociales, cette recherche vise à développer la connaissance sur :
 Les impacts pour les étudiants : quels sont les effets du séjour à l’étranger en terme d’acquisition de savoirs et de nouvelles compétences ?
 Les impacts pour les professions : quels sont les modes d’appropriation et de transposition de ces compétences dans la pratique professionnelle ?
 Les impacts pour les organisations : quelles sont les conséquences de l’accueil d’étudiants-stagiaires étrangers pour les milieux professionnels ?
Méthodologie et résultats

Comme « entrée en matière », les évaluations de stage constituent un premier matériau pour évaluer les effets et les enjeux des mobilités. Nous avons décidé d’étudier 20 rapports de stage rédigés par 20 étudiants à leur retour du Québec et 12 évaluations réalisées par les formateurs que nous sommes parvenues à retrouver.
Deux raisons principales nous ont poussées à ne pas en rester là : tout d’abord, nous craignions de ne pas parvenir à recueillir des ressentis parfaitement authentiques compte tenu que les rapports de stage étaient commandés par les centres de formation et qu’ils risquaient d’être un peu « formatés », ensuite parce que ces rapports avaient été effectués à chaud et ne permettaient pas d’évaluer les effets de la mobilité autrement qu’à très court terme. Nous avons donc fait le choix de recontacter les étudiants et de leur proposer un « récit de vie en voyage ». Nous avons mené 12 entretiens, individuels et de groupes, qui nous ont permis de rencontrer 16 étudiants. Nos résultats s’appuient sur l’étude des évaluations de stage ainsi que sur l’analyse croisée des récits de vie.
Une préparation au départ indispensable
D’un point de vue personnel, la préparation du voyage est une étape formative. Les étudiants évoquent des démarches administratives parfois fastidieuses qu’il faut mener pour assurer le départ au Québec (demande de visa, recherche de logement, confirmation du stage, etc.).
Les effets de la préparation du séjour diffèrent selon les parcours antérieurs des personnes. Certains ont déjà beaucoup voyagé et/ou ont profité des conseils et de l’expérience de leurs proches. De même, le rapport au voyage peut être très différent d’un individu à l’autre. Alors que certains sont stressés et souhaitent anticiper/préparer au maximum leur arrivée sur place, d’autres préfèrent laisser l’inconnu opérer.
Des acquisitions tant professionnelles que personnelles
Beaucoup d’étudiants mentionnent l’acquisition de savoirs sur les pratiques culturelles au Québec. Le pays donne l’impression d’une grande proximité culturelle avec la France mais les étudiants s’aperçoivent souvent au fur et à mesure qu’il y a une réelle différence culturelle et qu’un effort d’adaptation est nécessaire, même au niveau de la langue. Les comportements des Québécois sont souvent mis en avant par les personnes interviewées comme des manières d’être inspirantes (simplicité, ouverture d’esprit, accueil, chaleur, transparence) mais les étudiants notent des difficultés à créer des amitiés. Ils expliquent qu’il n’a pas été simple de créer des liens avec les Québécois en dehors du cercle professionnel.
Le voyage peut aussi avoir des effets sur les relations amicales ou amoureuses dans le sens où il induit un partage de moments parfois intenses, producteurs de liens étroits. Pour certains, l’entre soi en voyage et le besoin de se retrouver entre Français sont nécessaires pour partager la découverte et ce que l’on ressent. Alors que pour d’autres, l’éloignement étant une condition pour vivre une vraie aventure, il est important de s’éloigner de ses « semblables ».
La distance avec la famille oblige à être indépendant (apprentissage de l’autonomie et de la responsabilisation). Cette expérience améliore la connaissance de soi, et alimente l’estime de soi et la confiance en soi.
Les étudiants profitent de leur séjour pour voyager et découvrir de nombreux lieux (Québec, Montréal, Gaspésie, New-York, etc.).
D’un point de vue professionnel, les étudiants évoquent des apports sur les trois registres : savoirs, savoir-faire et savoir-être. Ils se familiarisent avec des outils, des concepts moins abordés en France (l’approche cognitivo-comportementale, les troubles de l’attachement) et des modes spécifiques d’intervention (l’intervention sociale communautaire par exemple). Le différentiel d’approche entre les deux pays est formateur car il pousse la personne à comparer, discuter, analyser et interroger ses propres valeurs afin de construire un avis et une posture. Certains expliquent que le fait d’appréhender de nouvelles pratiques et de nouveaux protocoles leur ont appris à envisager une situation sous un angle différent et permis de faire des ponts avec les pratiques françaises.
Quant aux formateurs, ils mettent en avant la flexibilité, l’adaptabilité, la connaissance de soi et des valeurs professionnelles pour plus de la moitié des étudiants. Toutefois, pour certains, le manque d’équilibre personnel, de confiance et d’affirmation reste à travailler car la particularité du travail en Centre Jeunesse, liée au contexte d’autorité, demande fermeté et assurance.
Un retour parfois difficile
L’expérience de la migration/mobilité internationale (même courte) permet de vivre et donc de mieux comprendre les situations des personnes qu’ils sont ensuite amenés à accompagner.
Certains parlent d’un retour difficile en France avec l’expérience d’un décalage avec ceux qui ne sont pas partis à l’étranger. Des liens demeurent avec les compagnons de voyage, afin de revivre ensemble, à travers les discussions, leur expérience commune du Québec. Le contact est aussi entretenu parfois avec les Québécois rencontrés lors du séjour, et surtout le référent de stage.
Sous l’angle professionnel, certains étudiants, une fois salariés, tentent d’adapter, dans leur milieu de travail, des pratiques et des outils québécois en France. Mais ils sont confrontés parfois à la méfiance des formateurs/professionnels français vis-à-vis des méthodes cognitivo-comportementales.
L’expérience au Québec déclenche chez certains d’autres projets de travailler ou de voyager à l’étranger. Mais pour d’autres, elle peut être perçue comme une mise à l’épreuve qui peut aussi faire perdre confiance en soi quand l’épreuve n’a pas été dépassée ou analysée positivement a posteriori.
Des remises en cause bénéfiques pour les organisations d’accueil
La présence de Français a des effets pour les professionnels Québécois car ils montrent leur surprise, étonnement ou stupeur face à certaines pratiques très différentes, ce qui amène le débat et la prise de distance. De même, le retour d’impression des étudiants donne aux responsables quelques pistes d’amélioration.
Des établissements d’accueil qui doivent améliorer l’amont mais surtout l’aval
Une préparation des étudiants est nécessaire à une mobilité internationale satisfaisante au regard des attendus de la formation. L’accompagnement au retour des étudiants est également une étape importante notamment pour une réadaptation à une quotidienneté un temps abandonnée.
Conclusion
Pour revenir à la thématique du congrès de l’AIFRIS, nous notons le paradoxe d’un contexte de précarisation à l’œuvre dans les sociétés occidentales d’une part et des opportunités de financement des mobilités internationales d’autre part, qui ne sont pas toujours mobilisés à la hauteur de l’offre qu’ils proposent, notamment par les centres de formation en travail social.
Ce décalage entre l’offre et la demande doivent d’autant plus nous amener à optimiser les conditions d’accès des étudiants à ces mobilités que celles-ci, on le voit, favorisent une meilleure connaissance de soi nécessaire à la formation de leur identité professionnelle, la mobilité des étudiants favorise leur réflexion et la créativité dans leurs pratiques (nouveaux concepts, savoir-faire et outils entre autres). Une fois professionnels, loin d’être de simples « exécutants » des commandes institutionnelles, ils sont vecteurs d’innovation sociale.
Bibliographie sélective
Chaput C., Duperré M., Nadeau F., Terrier E. (2015), « Effets et enjeux des mobilités internationales pour études : histoire de vie d’un recueil de récits de voyage », Chemins de formation au fil du temps…, Dossier : Avons-nous besoin de nous former aux Histoires de vie en formation ?, n°19.

Erlich V., (2012), Les mobilités étudiantes. Paris : La documentation Française.

Goldstein S. B. & Kim, R. I. (2006). Predictors of US College Students. Participation in Study Abroad Programs: A Longitudinal Study. International Journal Intercultural Relations, n°30, pp. 507-521.

Knafou R. (1998), La planète « nomade », les mobilités géographiques aujourd’hui, Paris, Belin, 250 p.

Mercure B. & Turcotte P., (2010), La formation pratique lors d’un stage international en travail social et le développement d’habiletés en intervention interculturelle, Intervention, n°132, pp.44-52.

Résumé en Anglais


Non disponible