Fiche Documentaire n° 3577

Titre La question des jeunes adultes à l'aide sociale en Suisse : genèse des réponses politiques et professionnelles

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l'auteur principal

Auteur(s) ACKLIN DUNYA
REYNAUD CAROLINE
 
     
Thème Une comparaison intercantonale  
Type Recherche : orientée vers la pratique, action, évaluative...  

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Résumé

La question des jeunes adultes à l'aide sociale en Suisse : genèse des réponses politiques et professionnelles

La question de la précarisation de la situation des jeunes et jeunes adultes apparaît en Suisse au cours des années 1990 (Meins & Morlok, 2004). Les chiffres liés au chômage des jeunes sont lus comme des indicateurs de difficultés d’insertion socioprofessionnelle. Une autre catégorie à qui ces difficultés sont attribuées est celle des "jeunes adultes à l'aide sociale" qui, dès le milieu des années 2000, devient de plus en plus visible dans les discours publics.

Lors de la publication de la première statistique nationale harmonisée en 2006, l’Office fédéral de la statistique souligne la forte proportion (environ 13%) de jeunes adultes entre 18 et 25 ans parmi les bénéficiaires de l’aide sociale, avec un taux de 3.9% (contre 3% pour l’ensemble). Une multiplication de prises de position institutionnelles et politiques, témoignant d’une préoccupation sociale croissante envers ce public, a pu être observée entre 2004 et 2007, dans le cadre d’une recherche financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Fondée sur une logique de comparaison entre les situations de trois cantons de Suisse francophone, l’étude visait premièrement à saisir comment la question des jeunes adultes à l’aide sociale a été différemment caractérisée et comment sa visibilisation a abouti à la légitimation et à la mise en œuvre (ou non) de politiques et dispositifs spécifiquement destinés à ce public. Il s’agissait en somme de retracer la genèse des politiques sociales à l’égard des jeunes adultes émargeant à l’aide sociale, à partir de l’analyse des discours publics et politiques. La communication se focalisera sur les situations des cantons de Vaud et Fribourg et montrera que, face à un phénomène analogue, les manières différentes de s’emparer de la question et d’y répondre existent.

Ces politiques se situent dans un contexte plus global d’évolution des politiques sociales, notamment en lien avec les logiques d’activation, de responsabilisation et de contreprestation (Castel 2005). La contribution mettra également à jour, sur la base d’un deuxième volet de la recherche les enjeux d’intervention se dégageant des discours sur les pratiques d’accompagnement des jeunes adultes au sein des dispositifs d’insertion socioprofessionnelle. Cette analyse se fonde notamment sur l’étude des documents officiels des prestataires de mesures d’insertion.

Sur le plan conceptuel et méthodologique, la démarche s’inspire des principes de l’ethnométhodologie qui considèrent les discours comme des pratiques sociales permettant à la fois de rendre intelligible l’ordre social et de l’accomplir pratiquement (Garfinkel 1967). En référence à Austin (1970), elle reconnait au langage son caractère performatif, ainsi que sa dimension constitutive du social (Quéré 1991), ce qui permet de considérer que la manière de « dire » la réalité du travail social donne des indications sur la manière d’agir. [Cette même approche conceptuelle est à la base d’un troisième volet de la recherche, qui consiste à cerner comment ce public est défini par les professionnels des services sociaux puis, en lien avec cette caractérisation, comment ceux-ci légitiment les interventions à leur égard. Compte tenu du temps à disposition, ce dernier volet ne sera pas abordé dans le cadre de la présente communication mais fera l’objet d’une autre proposition de contribution au colloque.

Bibliographie

AUSTIN, J.L. (1970 [1962]). Quand dire, c’est faire. Paris : Seuil.
CASTRA, D. (2003). L’insertion professionnelle des publics précaires. Paris : PUF.
CASTEL, R. (2005). Devenir de l’Etat Providence et travail social. In : J. ION (dir.). Le travail social en débat(s), (p. 27-49). Paris : La Découverte.
CEFAÏ, D. & TERZI, C. (dir.) (2012). L’expérience des problèmes publics. Pari. Editions EHESS.
DRILLING M. (2004). Young urban poor. Abstiegsprozesse in den Zentren der Sozialstaaten. Wiesenbad: Verlag für Sozialwissenschaften.
DUVOUX, N. (2009). L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion. Paris : PUF.
GUERIN-PLANTIN, C. (1999). Genèses de l’insertion. L’action publique indéfinie. Paris : Dunod.
GOYETTE, M., PONTBRIAND, A. & BELLOT, C. (2011). Les transitions à la vie adulte des jeunes en difficulté. Concepts, figures et pratiques. Québec, Presses de l'Université du Québec.
KELLER, V. (2007). Gouverner les pauvres. Les jeunes d’abord. Le dossier du mois de l’ARTIAS.
MEINS, E. & MORLOK M. (2004). Chômage des jeunes. Analyse de la situation en 2004 et mesures pour l’avenir. AMOSA - Observatoire du marché du travail de Suisse orientale, Argovie et Zoug.
REGAMEY C. (2002). « Jeunes adultes et accès aux dispositifs sociaux. La situation vaudoise ». Aspects de la sécurité sociale, 3, p. 17-25.
REYNAUD, C. & ACKLIN, D. (2013). Jeunes adultes à l’aide sociale : processus de problématisation, réponses politiques et enjeux d’interventions. Revue suisse de travail social, 14, 1, p. 27-41.
VUILLE, M. & Schultheis, F. (dir.) (2007). Entre flexibilité et précarité. Regards croisés sur la jeunesse, Paris : L’Harmattan.

Présentation des auteurs

Dunya Acklin est professeure à la Haute Ecole fribourgeoise de travail social. Titulaire d’une licence en Lettres (travail social) et d’un diplôme professionnel en travail social (1997), elle a également obtenu un doctorat en sciences sociales (2006). Ses champs de recherche et d’enseignement concernent l’insertion socioprofessionnelle, les transitions à l’âge adulte, les politiques sociales et l’interculturalité. Elle est la requérante principale de la recherche, financée par le FNS-DORE, qui porte sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes adultes à l’aide sociale Elle réalise actuellement une recherche sur l’accès et le maintien dans une formation professionnelle des jeunes ayant fréquenté un semestre de motivation et qui ont bénéficié d’un renfort scolaire.

Caroline Reynaud, professeure à la Haute Ecole fribourgeoise de travail social, est titulaire d’une licence en Lettres (travail social) ainsi que d’un diplôme professionnel en travail social (2000). Elle a également assumé la fonction d’assistante sociale dans un service social régional. Ses champs d’enseignement et de recherche sont liés aux théories du travail social, à l’analyse des processus d’exclusion/insertion, aux transitions à l’âge adulte et à la mendicité. Elle a participé à une recherche menée par la HEF-TS visant à actualiser l’image de l’intervention sociale en Suisse romande, (Knüsel, Rey-Baeriswyl, Reynaud & Sallin 2003). Elle a été co-requérante de la recherche financée par le FNS-DORE sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes adultes à l’aide sociale. Elle est co-requérante d’une recherche financée par le RECSS (Réseau d’études aux confins de la santé et du social) qui s’intéresse aux enjeux de cohabitation avec des populations marginalisées dans l’espace public et qui vise notamment à mettre à jour les sens associés à l’adoption de la loi anti-mendicité à Genève.

Communication complète

La question de la précarisation de la situation des jeunes et jeunes adultes apparaît en Suisse au cours des années 1990 (Meins & Morlok, 2004). Les chiffres liés au chômage des jeunes sont lus comme des indicateurs de difficultés d’insertion socioprofessionnelle. Une autre catégorie à qui ces difficultés sont attribuées est celle des "jeunes adultes à l'aide sociale" qui, dès le milieu des années 2000, devient de plus en plus visible dans les discours publics. Lors de la publication de la première statistique nationale harmonisée en 2006, l’Office fédéral de la statistique souligne la forte proportion (environ 13%) de jeunes adultes entre 18 et 25 ans parmi les bénéficiaires de l’aide sociale, avec un taux d’aide sociale 3.9% (contre 3% pour l’ensemble). Une multiplication de prises de position institutionnelles et politiques, témoignant d’une préoccupation sociale croissante envers ce public, a pu être observée entre 2004 et 2007. Définis comme surreprésentés parmi les bénéficiaires, les jeunes adultes sont dès lors régulièrement considérés comme un groupe particulièrement exposé au risque de s’installer durablement à l’aide sociale et développer une mentalité d’assisté. Dans un contexte plus global d’évolution des politiques sociales en termes d’activation, de responsabilisation et de contreprestation (Castel 2005), les pouvoirs publics s’emparent de cette question. Il se trouve que, malgré l’adoption de mesures politiques, l’attention publique et politique demeure élevée à ce jour, puisque la question des jeunes adultes émargeant à l’aide sociale continue d’occuper régulièrement les pouvoirs politiques et les médias.
Cette contribution rend compte d’une partie des résultats issus d’une recherche financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique : « Jeunes adultes entre aide sociale et dispositifs d’insertion socioprofessionnelle dans les cantons de Vaud, Neuchâtel et Fribourg : catégorisation d’un public et des interventions à son égard » (FNS-DORE, 12DPD6_124620). Un des objectifs de cette étude consistait à retracer le processus de problématisation sociale qui a permis la consécration des « jeunes adultes à l’aide sociale » en tant que catégorie d’action sociale. Rappelons qu’en vertu du principe fédéraliste, les cantons qui constituent la Confédération helvétique ont une autonomie en matière d’aide sociale. De ce fait, la recherche repose sur une démarche de comparaison intercantonale visant à saisir comment la question des jeunes adultes à l’aide sociale a été différemment caractérisée dans trois cantons de la Suisse francophone et comment sa visibilisation a abouti à la légitimation et à la mise en œuvre (ou non) de politiques et dispositifs spécifiquement destinés à ce public. Il s’agissait en somme de retracer la genèse des politiques sociales à l’égard des jeunes adultes émargeant à l’aide sociale dans ces trois cantons. Pour ce faire, une analyse des discours publics et politiques, tels que des communiqués de presse, des rapports, des débats parlementaires, des rapports de recherche commandités, etc.…) a été réalisée. La présente communication se focalise plus précisément sur la prise en charge de cette problématique par les pouvoirs publics des cantons de Vaud et Fribourg. Il s’agira alors de montrer que, face à un phénomène analogue, des manières différentes d’empoigner la question et d’y répondre existent et que ces réponses politiques continuent d’évoluer au fil du temps. A l’heure actuelle, force est de constater que les politiques cantonales et les dispositifs mis en place visent de plus en plus à accompagner les jeunes adultes émargeant à l’aide sociale dans leur transition vers une formation professionnelle. En effet, l’une des principales caractéristiques mises en exergue à propos de ce public consiste en l’absence de formation professionnelle. Cette dernière – qui est d’ailleurs fortement valorisée en Suisse puisque deux tiers des jeunes environ s’orientent vers une filière professionnelle à l’issue de la scolarité obligatoire – apparaît clairement dans les discours étudiés comme étant un gage pour une insertion socioprofessionnelle durable. L’accent mis sur l’accès à la formation professionnelle pour les jeunes adultes émargeant à l’aide sociale fait également écho aux efforts entrepris sur le plan fédéral pour favoriser à la fois la transition école-métier et lutter contre le chômage, la précarité et la pauvreté.
La contribution restituera également une partie des résultats d’un deuxième volet de la recherche, celui qui repose sur l’analyse des documents officiels des prestataires de mesures d’insertion (sites internet, flyers, rapports d’activité, etc.). Il s’agira de faire ressortir la caractérisation du public des jeunes adultes à l’aide sociale au niveau des dispositifs d’insertion socioprofessionnelle qui les accompagnent, ainsi que la légitimation des prestations qui leur sont destinées. A partir de ces données, quelques enjeux d’intervention seront soulevés, en lien avec les logiques d’activation,de responsabilisation ainsi que par rapport au travail autour du projet individualisé ou sur l’autonomie, etc. Ces enjeux seront approfondis dans le cadre d’une autre communication du colloque, où il s’agira de présenter les résultats du troisième volet de la recherche, basé sur l’analyse d’entretiens avec des assistantes et assistants sociaux intervenant auprès des jeunes adultes émargeant à l’aide sociale.

Sur le plan conceptuel et méthodologique, la démarche met en œuvre une approche praxéologique des problèmes publics (Gusfield 2009[1981] ; Acklin Muji 2007) qui met au centre de l’analyse les activités, notamment langagières, des acteurs et actrices pour constituer le problème social. En ce sens, la démarche s’inspire des principes de l’ethnométhodologie qui considèrent les discours comme des pratiques sociales permettant à la fois de rendre intelligible l’ordre social et de l’accomplir pratiquement (Garfinkel 1967). En référence à Austin (1970), elle reconnaît au langage son caractère performatif, ainsi que sa dimension constitutive du social (Quéré 1991), ce qui permet de considérer que la manière de « dire » la réalité du travail social donne des indications sur la manière d’agir.

Résumé en Anglais


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