La référence comme prévention de la précarité de personnes atteintes dans leur santé psychique ?
La référence éducative est une pratique favorisant la continuité et la cohérence de l’accompagnement d’une personne (Gouraud, 2001). Qu’elle s’exerce dans le champ de la santé mentale ou dans un autre contexte, elle a été peu étudiée. À partir d’une enquête exploratoire menée auprès d’éducateurs et éducatrices travaillant avec des personnes souffrant de troubles psychiques, nous questionnerons la fonction de référence, ainsi que la possible prévention de rupture de liens sociaux à laquelle elle pourrait contribuer.
Nous avons ainsi effectué des entretiens semi-directifs auprès d’éducateurs concernés, afin de documenter la fonction de référent et d’appréhender les bénéfices et limites des actions y liées. La référence comporte deux dimensions : l’accompagnement du référé ou aspect « relationnel », et la coordination du projet personnel individualisé ou aspect « administratif » (Cahiers de l’Actif, 2011).
Les maladies psychiques sont parfois présentées comme des maladies du lien. En effet, les symptômes conduisent souvent les personnes souffrant de ces troubles à vivre l’isolement, voire l’exclusion. L’éducateur appuie essentiellement ses interventions sur l’établissement d’une relation avec les personnes qui lui sont confiées (Lemay & Capul, 1996). De même, nous pourrions définir le travail éducatif par le savoir s’y prendre, autrement dit déployer des actions liées à la socialisation de la personne et à l’individualisation en fonction de ses spécificités (Brichaux, 1993). Face à des troubles psychiques, la relation créée entre professionnel-le-s du travail social et bénéficaires permettrait de limiter l’isolement et la précarité.
Selon l’Office fédéral de la santé publique (2014), 50% de la population en Suisse souffrira durant sa vie de troubles psychiques nécessitant un traitement. Environ 30% des personnes atteintes de maladies psychiques ne sont pas soignées par du personnel spécialisé. Dans ce cas, il semble pertinent de parler de précarité. La précarité s’applique à une situation dont l’avenir, la durée, la solidité sont incertains (Audollent, 1999). Qu’elle soit économique et/ou sociale, elle menace la construction d’une existence stable et sereine.
Les liens entre précarité et santé psychique ont été largement démontrés (Tap, 2004 ; Fassin, 2004 ; Furtos, 2008). "La précarité ne s’applique pas seulement à l’emploi, mais elle déborde sur les autres relations sociales et sur toutes les dimensions de la vie sociale". (Bresson, 2010, 40) La précarité des personnes souffrant de troubles psychiques tient à deux difficultés majeures : la stigmatisation et l’isolement social. L’isolement social résulte de la faiblesse du soutien social, du sentiment de solitude et de la taille restreinte des réseaux sociaux (OFS, 2012).
L’action sociale devrait par conséquent intervenir sur les facteurs de risques de précarité des personnes avec troubles psychiques, et limiter ainsi les risques d’exclusion. Généralement, les usagers en institution sociale sont entourés par divers type de professionnel-le-s (assistant-e social-e, psychiatre, maître-sse socio-professionnel-le, etc.) Le référent a un rôle de médiateur entre l’institution, le bénéficiaire, les professionnels et la famille (Kanyinda S, 2006). Ce rôle de mise en lien dans le réseau contribue à soutenir l’intégration sociale de la personne fragilisée. "Dès lors, nous parlerons d’intégration (sociale) pour indiquer l’inscription des individus dans des réseaux sociaux." (OFS, 2012)
Pour conclure, nous associerons la référence à un rôle de réceptacle d’identité pour le référé. Avoir un interlocuteur qui se fait l’auditoire de notre histoire personnelle paraît indispensable pour exister, en particulier pour les populations précaires, au sens où nous l’avons évoqué plus haut. «Toute situation de la mémoire, évocation du passé, porte en germe la possibilité d’un récit – c’est-à-dire d’une mise en forme qui le rende cohérent, sensé, transmissible» (Gautier, 1999, 44).
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