Fiche Documentaire n° 3630

Titre La coopération sanitaire et sociale en formation: Une réponse aux problématiques de précarité des populations?

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l'auteur principal

Auteur(s) DELLIAC Hervé
BOUDY LAURENCE
 
     
Thème  
Type Analyse d'expérience : d'intervention, de formation, de recherche...  

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Résumé

La coopération sanitaire et sociale en formation: Une réponse aux problématiques de précarité des populations?

Un projet institutionnel.

La Croix-Rouge française, en tant que gestionnaire d’établissements sanitaires et sociaux et opérateur de formation pour les professions paramédicales et sociales, a fait le choix d’innover, et de prioriser la question de la transversalité sanitaire et sociale dans ses formations.
Elle met en œuvre depuis 2012 un dispositif pédagogique intitulé « savoir coopérer », commun à tous les Instituts de formation. Il s’inscrit au cœur des référentiels et des projets pédagogiques, et se déploie progressivement dans les dispositifs de formation, du niveau II au niveau V.
L’objectif est de permettre aux étudiants d’être capables, à l’issue de la formation, de coopérer dans les situations professionnelles.

Pourquoi former les étudiants à la coopération inter professionnelle ?

Dans une société dont les repères et l’organisation politique sont en profonde transformation, l’articulation sanitaire et sociale (JAEGER, 2012) repose plus que jamais sur la capacité des institutions et des professionnels à se situer dans ces changements pour accompagner les personnes en situation de précarité.
Pour exemple, le plan pluri annuel de lutte contre la pauvreté de 2013 prévoit le principe du décloisonnement des politiques sociales. Le projet de loi de santé, qui sera prochainement examiné à l’assemblée nationale, envisage de nombreuses dispositions censées encourager les coordinations entre professionnels dans la mise en œuvre du parcours du patient. Il est nécessaire d’organiser « une véritable continuité entre la prévention, les soins et l’accompagnement autour de la personne et de ses besoins ».
Pour Guy LE BOTERF, consultant pour le projet « savoir coopérer » à la CRf, « la qualité et la continuité d’un parcours de soins dépendent de la qualité du lien de coopération entre les intervenants ». Les conditions de la coopération doivent être favorisées par une approche pluridisciplinaire voir interdisciplinaire.
La compétence d’un collectif de travail ne doit pas produire une simple juxtaposition des compétences individuelles mais une véritable compétence collective qui résulte de la coopération entre professionnels et d’un agir ensemble (LE BOTERF, 2010). L’une des conditions de la transformation en cours de la professionnalité est « la nécessité de travailler ensemble dans une perspective interdisciplinaire » (COUTURIER, 2006).

Modalités pédagogiques préparant les étudiants au « savoir coopérer » à l’IRFSS Croix-Rouge Limousin.

Le processus prend appui sur 3 objectifs pédagogiques :
-Faire acquérir des ressources communes aux étudiants,
-Développer la connaissance et la compréhension mutuelle des métiers,
-Développer l’apprentissage des pratiques et les relations de coopération sur le terrain.
Le dispositif présente différentes séquences qui se déploient tout au long des formations (infirmière, assistant de service social, masseur-kinésithérapeute).
Le support est un guide de 11 fiches techniques du « savoir coopérer » avec des propositions de modalités pédagogiques : modules de formation communs, des temps de stages mixtes en France et à l’international et des situations simulées de coopération…
Chaque fiche technique propose un sujet précis (représentation des professions, santé publique, santé mentale, précarité, handicap…) avec un postulat de départ, une stratégie pédagogique, des étapes, une durée et des suggestions de méthodes.
La construction des modules se fait avec les professionnels de terrain et des formateurs représentant les différentes filières de formation.

Avec ce modèle les établissements de formation de la CRF peuvent créer des opportunités de rencontre et de co-construction avec les champs professionnels.
La coopération constitue aujourd’hui un enjeu majeur de la professionnalisation (WITORSKI, 2009), elle se veut au service du projet de vie des personnes en situation de vulnérabilité.

Bibliographie

OUVRAGES :

COUTURIER, Y La collaboration entre travailleuses sociales et infirmières : éléments d’une théorie de l’intervention interdisciplinaire. Paris : L’harmattan, 2006. 290 p.

JAEGER, M. L’articulation du sanitaire et du social. 3eme éd. Paris : Dunod, 2012. 201 p.

WITTORSKI, R. A propos de la professionnalisation. In : BARBIER JM, BOURGEOIS E, CHAPELLE G, RUANO-BORBALAN JC. Encyclopédie de l’éducation et de la formation. Paris : PUF ; 2009. p. 781-793.

ARTICLES :

DUBRESSON, C., GROBER-TRAVIESAS, D. Envisager la coopération dès la formation initiale. Soins cadres, (Suppl.90), 2014, p. S26-S30

LE BOTERF, G. Développer les compétences collectives dans les hôpitaux et les centres de soins. Gestions hospitalières, (493), 2010, p.87-91


RAPPORTS :

BERLAND, Y. La formation des professionnels de santé pour mieux coopérer et soigner. 2007

CONSEIL SUPERIEUR DU TRAVAIL SOCIAL. Décloisonnement et articulation du sanitaire et du social. Rennes : ENSP, 2007


COLLOQUES

Au carrefour de la coopération interprofessionnelle sanitaire et sociale : questions d’identité, d’éthique et de territoire : colloque national de la filière formation Croix-Rouge; 29 novembre 2012 ; Limoges. Paris : Croix-Rouge française ; 2013

FOURDRIGNIER M. Former des professionnels de la santé et du travail social : quelles régulations et quels enjeux pour les acteurs ?. In : Réseau d’études aux Confins de la Santé et du social (RECSS). 5 novembre 2010 ; Lausanne

RESSOURCE INTERNET

La professeure Lise R. Talbot et son équipe reçoivent le Prix Innovation clinique 2012 de l’Ordre régional des Infirmières et infirmiers de l’Estrie (ORIIE) pour la trousse d’outils « Travaillons ensemble ». In Université de Sherbrooke. Prix et distinctions. Site de l’Université de Sherbrooke, [en ligne].http://www.usherbrooke.ca/medias/nouvelles/prix-et-distinctions/prix-et-distinction-details/article/18635/ (Page consultée le 25 octobre 2012)

Présentation des auteurs

DELLIAC Hervé: Directeur adjoint IRFSS Limousin.
BOUDY Laurence: Responsable pédagogique filière sociale. IRFSS Limousin.

Communication complète

La coopération sanitaire et sociale en formation :
Une réponse aux problématiques de précarité des populations ?


Un projet institutionnel.

La Croix-Rouge française, en tant que gestionnaire d’établissements sanitaires et sociaux et opérateur de formation pour les professions paramédicales et sociales, a fait le choix d’innover, et de prioriser la question de la transversalité sanitaire et sociale dans ses formations.
Elle met en œuvre depuis 2012 un dispositif pédagogique intitulé « savoir coopérer » commun à tous les Instituts de formation. Il s’appui sur un croisement des référentiels et des projets pédagogiques et se déploie progressivement dans les dispositifs de formation (du niveau II au niveau V). Un groupe de travail national à travaillé sur les référentiels de formation afin de mettre en évidence les parties communes.
L’objectif est de permettre aux étudiants d’être capables, à l’issue de la formation, de coopérer dans les diverses situations professionnelles.

Qu’est ce que coopérer ?

Coopérer c’est s’inscrire volontairement dans un projet, une tâche avec une méthode de travail commune et des objectifs communs.
Les participants, de métiers et de compétences différentes, donnent un sens collectif à l’activité et sont interdépendants.
Ils partagent leurs cultures et leurs valeurs, en servant l’intérêt général.

Pourquoi former les étudiants à la coopération inter professionnelle ?

Dans une société ou les repères et l’organisation politique sont en profonde transformation, l’articulation sanitaire et sociale (JAEGER, 2012) repose plus que jamais sur la capacité des institutions et des professionnels à se situer dans ces changements pour accompagner les personnes en situation de précarité.
Le plan pluri annuel de lutte contre la pauvreté de 2013 prévoit le principe du décloisonnement des politiques sociales. Le projet de loi de santé adopté par l’assemblée nationale le 14 avril 2015, envisage de nombreuses dispositions censées encourager les coordinations entre professionnels dans la mise en œuvre du parcours du patient. Il est nécessaire d’organiser « une véritable continuité entre la prévention, les soins et l’accompagnement autour de la personne et de ses besoins ».
Pour Guy LE BOTERF, consultant pour le projet « savoir coopérer » à la CRF, « la qualité et la continuité d’un parcours de soins dépendent de la qualité du lien de coopération entre les intervenants ». Les conditions de la coopération doivent être favorisées par une approche pluridisciplinaire voir interdisciplinaire. La compétence d’un collectif de travail ne doit pas produire une simple juxtaposition des compétences individuelles mais une véritable compétence collective qui résulte de la coopération entre professionnels et d’un agir ensemble (LE BOTERF, 2010). L’une des conditions de la transformation en cours de la professionnalité est « la nécessité de travailler ensemble dans une perspective interdisciplinaire » (COUTURIER, 2006).
La coopération constitue aujourd’hui un enjeu majeur de la professionnalisation (WITORSKI, 2009), elle se veut au service du projet de vie des personnes en situation de vulnérabilité.

Modalités pédagogiques préparant les étudiants au « savoir coopérer » à l’IRFSS Croix-Rouge Limousin.

Le processus concerne 3 formations de niveau III, infirmier, assistant de service social, kinésithérapeute et concerne 200 étudiants.
Il prend appui sur 3 objectifs pédagogiques :
- Faire acquérir des ressources communes aux étudiants,
- Développer la connaissance et la compréhension mutuelle des métiers,
- Développer l’apprentissage des pratiques et les relations de coopération sur le terrain.
Le support est un guide de 11 fiches méthode du « savoir coopérer » avec des propositions de 6 modalités pédagogiques.
Chaque fiche propose un sujet précis avec un postulat de départ, une stratégie pédagogique, des étapes, une durée et des suggestions de méthodes.
La construction des modules se fait avec les professionnels de terrain et des formateurs représentant les différentes filières de formation, un coordonateur pilote l’organisation séquence.
Le dispositif présente différentes séquences qui se déploient tout au long des formations.

Pour les premières années :

• « Un module introductif aux exigences du savoir coopérer en situation ». L’objectif de ce module est de mettre en évidence les relations de coopération, et d’engager un travail sur les représentations.
• « Un module de santé publique ». L’objectif est de sensibiliser les étudiants à leur rôle d’acteur de la santé publique afin qu’ils puissent se situer dans l’environnement sanitaire et social.
• Une conférence sur la thématique « du secret professionnel et du secret médical ». Les étudiants pourront acquérir des ressources communes, en développant une connaissance réciproque des métiers.

Pour les deuxièmes années :

• Un « module santé mentale ». Il s’agit de mettre en œuvre le savoir coopérer à partir d’une étude de cas.
• Un module « conduites additives ou 4 autres thématiques, la protection des personnes vulnérables, le handicap, la précarité l’inter-culturalité ». ce module s’appui sur une étude de cas construite avec un partenaire de terrain et doit permette aux étudiants de mettre en évidence les raisonnements cliniques spécifiques à chaque métier et d’analyser les pratiques de coopération au service de la personne.

Pour les troisièmes années :

• « Une situation simulée de coopération » qui vise à développer les compétences pour savoir coopérer ainsi que les pratiques de coopération entre acteurs du secteur sanitaire et social.

Les stages :

• « Des stages mixtes en France » qui permettent aux étudiants infirmiers, assistants sociaux et kinésithérapeutes d’aller en binôme ou en équipe en stage sur un site qualifiant
• « Des stages mixtes à l’international » qui s’inscrivent dans le dispositif Erasmus+. Deux conventions viennent d’être signées, elles offrent des opportunités en Belgique (Bruxelles) dans le domaine de la rééducation fonctionnelle et au Portugal (Bragance) dans le domaine du handicap.

La recherche :

• « Un groupe de travail transversal » qui a mobilisé des formateurs, des étudiants et des responsables. L’axe central est d’articuler la démarche de recherche, pour aboutir à des productions communes, dans le champ sanitaire et social.

Phase de lancement du projet (2012, 2014) :

L’expérience a débuté en 2012, nous sommes aujourd’hui en passe de voir sortir les premières promotions d’étudiants ayant bénéficié de ce dispositif, on pourrait dire qu’il s’agit d’une première expérimentation qui nécessitera d’être évaluée dans la durée en terme d’impact, dans la pratique professionnelle.
Il est à noter que dans son déroulé sur les 3 ans, cette expérience a pu générer des moments de tension entre les étudiants des différentes filières de formation, essentiellement liées à des aspects organisationnels et au grand nombre d’étudiants.
Cependant des temps de bilan avec ces derniers, font apparaître qu’ils sont demandeurs de ce type de séquence et sont convaincus de l’intérêt du projet.
Concernant des équipes de formateurs permanents de chaque filière, en charge de la construction et de l’animation des séquences, on constate un investissement dans ce projet avec quelques freins qui peuvent être liées à :
- Des organisations différentes des filières de formation,
- Des calendriers de formations « verrouillés » par les contraintes posées par les projets pédagogiques,
- Des besoins en temps formateurs, en salles,
- Un passage d’une gestion qualitative à quantitative,
- Une importante méconnaissance des formations et métiers de l’autre,
- Une vision critique de l’approche pédagogique de l’autre.
A la lumière de Régine BERCOT (2012) on peut faire l’hypothèse que ces résistances, « légitimes », peuvent être en lien avec les aspects suivants :
- La perte du pouvoir et de l’autonomie
- La déperdition de son identité professionnelle
- Le manque de temps et gestion de priorités
- La méconnaissance de la logique de l’autre
- Le projet peu apparaître comme une contrainte institutionnelle
Au final, cette première phase de développement du projet s’est concrétisée par la mise en œuvre concertée de plusieurs modules. Cependant dans ce processus les formateurs ont appris à se connaître sans pour autant se reconnaître. On peut qualifier le lien de coopération comme étant faible, avec des différences selon les groupes constitués. Chacun a mobilisé les ressources de sa propre filière de formation, pour produire une addition d’activités et de situations d’apprentissage.

Phase de réappropriation du projet (2014-2015) :

Un certain nombre de préalables à la coopération sont évoqués par Marcel JAEGER. Pour communiquer il est nécessaire de créer des temps communs réguliers pour échanger. Ces espaces doivent permettre aux personnes de se connaître, se comprendre, et se faire confiance. C’est aussi mettre en commun ses réflexions, son langage, ses doutes, ses interrogations, en recherchant des solutions collectives. Il s’agit également de respecter l’altérité, en construisant ensemble un socle de références communes. (JAEGER 2012)
Progressivement, les formateurs ont engagé ce travail d’interconnaissance qui s’inscrit dans la durée (le regroupement géographique des instituts s’est effectué seulement en 2011). Ils ont contribué à la mise en place de lieux de rencontre formels et informels qui facilitent une construction commune. Cela a été l’occasion de débattre, de commencer à se mettre d’accord sur les désaccords, d’échanger dans la concertation et le respect mutuel.
L’équipe de direction, pour favoriser les conditions de mise en œuvre du « savoir coopérer », a balisé dans les emplois du temps un moment commun et régulier (une matinée par mois) pour faciliter les rencontres des formateurs participant aux différents modules.
Donner une priorité à l’activité « savoir coopérer » en libérant les formateurs de leurs autres tâches au moment où une séquence se déroule.
Croiser les calendriers de formation des filières pour faire apparaître les temps communs à investir pour organiser des modules.
Proposer à des groupes d’étudiants des 3 filières de partir d’une thématique qui les préoccupe et leur permettre de la traiter à partir de leurs besoins.
Renforcer la coordination, au sens de pilotage, avec un 1er niveau de coordination au sein de chaque groupe en charge d’un module et un deuxième niveau au sein de l’équipe de direction.
Un temps de formation commun au « savoir coopérer » serait à organiser pour optimiser cette activité.
A n’en pas douter, à l’IRFSS une dynamique s’est enclenchée, les personnels ont conscience des transformations en cours. Les situations de précarités existantes font appels à une multiplicité de réponses, à des partenariats qui dépassent les clivages entre les cultures professionnelles. Ces derniers vont sans doute contribuer à l’évolution des pratiques. Le « savoir coopérer » peut constituer un des atouts de la professionnalisation.
Nous sommes à la conjonction de deux cultures, celle du champ sanitaire et du champ social. Selon H.Picheral, professeur émérite de géographie de la santé, les principales difficultés observées dans les situations de coopération sont liées « aux différences de mentalité et de fait, à la juxtaposition de deux cultures peu préparées ni formées à œuvrer de concert » et il pense que la clé de la réussite tient pour grande partie à la formation initiale. (PICHERAL, 2006)
Selon lui on ne doit plus se poser la question de la coexistence du sanitaire et du social, mais plutôt celle de la volonté que nous avons, tout un chacun, de mener des missions communes comme celle de la lutte contre la précarité.

Bibliographie

BERCOT R. (2012, novembre) Construction du service et dynamiques de coopération. Communication présentée au colloque national de la filière formation Croix-Rouge, Limoges
COUTURIER, Y (2006). La collaboration entre travailleuses sociales et infirmières : éléments d’une théorie de l’intervention interdisciplinaire. Paris : L’harmattan
JAEGER, M. (2012) L’articulation du sanitaire et du social (3eme éd.). Paris : Dunod
LE BOTERF, G. (2010). Développer les compétences collectives dans les hôpitaux et les centres de soins. Gestions hospitalières, 493, 87-91
PICHERAL, H. (2006). L’articulation des secteurs sanitaire et social, une formule incantatoire ? Soins cadres, 57, 20-23
WITTORSKI, R. (2009). A propos de la professionnalisation. In J.M. BARBIER, E. BOURGEOIS, G. CHAPELLE, J.C. RUANO-BORBALAN. Encyclopédie de l’éducation et de la formation (pp. 781-793). Paris : PUF

Résumé en Anglais


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